À cinq ans, j'voulais juste en avoir sept. À sept ans, j'étais pressé d'voir le reste. Aujourd'hui, j'aimerais mieux qu'le temps s'arrête. Ah, c'qui compte c'est pas l'arrivée, c'est la quête.
Roy ouvrit la bouche pour objecter, mais comme Romilly se rangea à son avis concernant Haven, il la referma (effet poisson rouge), se contentant d'opiner du chef. Il était
persuadé que l'ancien Gryffondor était fiable, et suffisamment téméraire pour affronter leur mère et ses prédications. Mais peut-être était-il trop optimiste : il l'avait toujours été, et sa jumelle le savait pertinemment
on ne change pas, comme dirait Céline Dion. « Ouais, j'suppose que je ne me rends pas trop compte... Mais maintenant ça commence à faire un moment. » insista-t-il avec la candeur d'un golden-retriever, persuadé que Romilly avait tout à gagner à laisser tomber ses barrières avec Haven.
Pendant un instant, Roy s'était inquiété que sa jumelle ne veuille passer en mode "incommunicado" plus régulièrement, ce qui ne lui aurait pas convenu du tout : il avait dû faire preuve de beaucoup de retenue pendant la période passée, alors qu'il avait l'habitude de la contacter pour tout et beaucoup pour rien, lui racontant avec un débit vertigineux la moindre anecdote lui étant arrivée dans la journée. Mais comme elle semblait sincère, il répondit, rassuré :
« Oh, rien. » Il était
normal qu'il passe du coq à l'âne, il y avait donc peu de chance qu'elle ne creuse davantage. Son sourire s'élargit à la mention de vacances futures ensemble.
« Oui grave ! Quelque part où l'eau est chaude et où on pourra jouer au volley. » poursuivit-il, les yeux rêveurs, s'y voyant déjà. Pour un peu, il serait parti tout de suite, sauf qu'il avait un job, une fiancée, des obligations... Ah, ce que c'était contraignant parfois d'être un adulte !
De rien Joy !Évoquer Rosalie - la cousine honnie - l'avait rapidement fait perdre de sa jovialité traditionnelle, tandis qu'il gagnait en mauvaise foi à mesure que les secondes défilaient. C'était plus fort que lui : Rosalie était la
seule personne à le rendre aussi ronchon.
« Il faut bien que je me défende ! » répliqua-t-il, un air offensé sur le visage (et qu'on lui trouvait plus généralement lorsqu'il était plus jeune et avait découvert que sa mère avait - ô désespoir -, rangé les jouets qu'il avait
volontairement laissé traîner un peu partout : "
mais c'est du désordre organisé, m'man" ne suffisant jamais à faire fléchir la grande tortionnaire). Il soupira.
« Je sais. » Il n'aimait pas quand Romilly se trouvait dans une position à devoir lui faire la morale, et surtout, il n'aimait pas qu'en l'occurrence (et comme souvent), elle ait raison. Si Rosalie venait à glisser d'une falaise et qu'il n'y avait que lui à proximité, bien sûr qu'il lui tendrait la main pour la rattraper. Et au fond (du fond du fond), il ne détestait pas sa cousine. Elle lui cassait
juste les pieds. Mais elle serait quand même invitée à son mariage, un jour. La famille quoi.
Ensuite, Roy tomba des nues - métaphoriquement seulement, car il n'avait pas encore mis les pieds dans la patinoire.
« A Poudlard ? » répéta-t-il, confus et désemparé.
« Oui mais... » Il souffla, se pinçant l'arête du nez et cherchant les bons mots. Il avait toujours
beaucoup parlé, mais il n'avait jamais été un grand orateur pour autant. Parler vite ne voulait pas dire être systématiquement éloquent...
« Normal ou pas normal, ça devrait pas importer, tu devrais toujours pouvoir me parler. Et ça veut dire quoi "normal", en plus... » Il fronça les sourcils.
« Tu n'es pas un souci, Romy. » Il soupira.
« J'aurais tellement voulu que tu m'en parles plus tôt... » Il ne savait pas
comment il aurait géré, ou s'il aurait
bien géré. Il avait toujours été un peu immature - l'était toujours -, mais au moins aurait-il pu
essayer, ce qui aurait certainement été mieux que ne rien faire du tout !
« Se séparer un peu, mais pas vivre l'un sans l'autre... » nuança-t-il, peiné. Il avait du mal à se mettre tout à fait à la place de sa jumelle, d'autant plus qu'il était davantage sous le choc qu'autre chose : comment avait-il pu être aussi aveugle, pendant aussi longtemps ? Il inspira contre l'épaule de sa jumelle, souriant malgré lui parce qu'il avait à la fois conscience d'être un peu contorsionné, et parce qu'il repensait à toutes les fois où il s'était retrouvé dans cette exacte position étant plus petit, sauf qu'il avait alors fait la même taille que Romilly. Il la serra contre lui.
« J'veux juste que tu sois heureuse Romy. Et si tu me dis comment t'aider, j'le ferai. » promit-il, aussi sincère qu'il l'avait été à onze ans.
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