Loft Hazzard-Biel ✗ attention ! une Tempérance sauvage apparaît !

une Tempérance sauvage apparaît

18 mars 2017

Le soir de la Saint-Patrick, Noé était parti du Ministère à une heure qu’il qualifiait de raisonnable –vingt heures- pour rejoindre ses anciens camarades de chambre et amis dans un pub irlandais où la Guinness coulait à flots et où un concert de rock celtique était organisé. Noé, vêtu d’un chapeau ridicule, d’une cravate à paillettes vertes sur sa chemise également verte (il avait pris le temps de se changer avant de quitter son travail), entra dans un bar surbondé un coup à choper le Covid, je dis ça, je dis rien, et mit cinq minutes à approcher le bar, dix à obtenir sa fameuse pinte de Guinness. Harvey, Alfie et Gabriel étaient déjà assis à une table, avec un verre déjà bien vidé devant chacun d’eux. Quant à Leopold, il débarqua un instant après Noé. Au vu de sa précédente Saint-Patrick, et de tout ce qu’il en avait découlé, le jeune homme s’était juré de se montrer raisonnable et de ne pas dépasser une certaine dose de boisson. Il savait se contrôler, l’année passée avait été une erreur monumentale et un rappel de plus qu’il devait se montrer vigilant et à tout prix éviter les jeux d’alcool –surtout quand Alfie s’amusait à corser leur breuvage.

Ainsi, le lendemain, Noé se réveilla sans mal de crâne, envie de vomir, et haleine puant la bière –et c’était merveilleux. Il ne pouvait pas en dire autant de ses amis qu’il réveilla sans faire preuves particulièrement de douceur (ça leur apprendra à le lâcher face à une Erin énervée). Ils avaient tous des lieux auxquels aller plutôt que de dormir sur le tapis de chez Alfie. Leo semblait particulièrement énervé, comme toujours lorsqu’il était en gueule de bois, et Noé souhaita intérieurement bonne chance à ses collègues. Le blond prit le temps de se doucher avant de filer au Ministère pour une nouvelle journée de travail, content d’avoir tenu sa résolution. Il était d’autant plus content qu’il devait fêter une date bien spéciale le soir même avec Erin. En effet, le dix-huit mars, sonnait la date de leur premier baiser –leur premier vrai baiser- et le début de leur relation qu’ils avaient fini par nommer couple après nombre d’hésitations, de doutes, d’incompréhensions et de mauvaise communication. Pour Noé, c’était le jour où tout avait changé avec Erin et il voulait fêter cela avec elle, même si les circonstances de ces baisers n’avaient pas été optimales.

Noé s’était arrangé avec ses supérieures pour partir plus tôt du Ministère. Il voulait préparer une belle surprise à Erin. Il avait acheté une composition avec des pensées, des primevères et des pâquerettes, s’était fait beau (ce qui ne dérogeait pas à ses habitudes, en réalité, il portait constamment des chemises et des pantalons de costume), et avait prévu de concocter un bon repas. D’abord une entrée avec des chèvres chauds et une salade, puis un risotto aux fruits de mer et saint Jacques il sort le grand jeu, vous pouvez le souligner, et un gâteau aux fruits rouges en dessert dont il tenait la recette de sa mère, bien évidemment. Il mettait d’ailleurs ce dernier au four lorsqu’il entendit la porte du loft s’ouvrir. Il fronça les sourcils. D’après ses informations, qu’il tenait d’une source hyper fiable (Candys), Erin n’arriverait que dans une heure, ce qui lui laissait largement le temps de s’avancer dans ses préparatifs et de se refaire une beauté (pour le moment, il portait un tablier gris et vert Serpentard pour ne pas tâcher ses habits). Mais ce ne fut pas sa petite amie qui entra dans la pièce mais… « Tempérance ??! », s’exclama-t-il, surpris, son expression d’ordinaire impassible balayée par le choc de voir celle à qui il n’avait pas parlé depuis un an. Candys lui avait pourtant assuré que sa meilleure amie ne rentrait pas ce soir, il avait donc dû se passer quelque chose à Poudlard. « Je prépare une surprise à Erin, pour nos un an de…enfin, un dîner entre amoureux quoi. Je ne pensais pas que tu serais là », expliqua-t-il, curieusement mal à l’aise pour quelqu’un au sang-froid impeccable. Il se sentait toujours coupable vis-à-vis de Tempérance, même si sa déclaration n’avait pas eu d’effet cataclysmique sur sa vie, pensait-il. Julian ne lui en avait pas voulu, même si les deux étaient désormais séparés comme il l’avait appris en entendant Candys enguirlander Derek pour qu’il enguirlande à son tour son meilleur ami. Bien sûr, son geste avait été le signe de fin de leur amitié puisque la Poufsouffle avait cessé de lui adresser la parole, et ce de manière bien compréhensible. Noé avait tout fait pour éviter au maximum de la croiser, ce qui n’était pas évident vu qu’elle habitait avec sa copine et passait du temps avec sa jumelle, mais ce n’était pas étonnant qu’ils tombent l’un sur l’autre à un moment donné. Il aurait juste préféré que cela soit à une autre date, pour éviter un quelconque rappel douloureux des événements de l’an dernier mais je suis trop sadique pour lui éviter ce genre de coups.

♛ Attention ! Une Tempérance sauvage apparaît !

It's been a long time and seeing the shape of your name still spells out pain. It wasn't right the way it all went down. Looks like you know that now.

La Saint Patrick était arrivée, et Tempérance était bien décidée à laisser derrière elle les souvenirs de l'année précédente, qui lui paraissait, à vrai dire, très lointaine désormais : une éternité plus tôt. Il s'en était passé des choses, depuis cette soirée de mars et ce baiser malheureux devant la salle commune de Poufsouffle. Les dernières semaines avaient été difficiles et étranges, et tout ce qu'elle souhaitait, c'était pouvoir oublier pour un week-end. Avoir dix-neuf ans et se sentir insouciante, plutôt que coupable, ou triste, ou résignée, ou apathique. Elle avait toujours été émotive et sensible, mais elle était fatiguée de pleurer, et fatiguée d'être triste.

Avait-elle convaincu Teddy par pitié ou par solidarité dans l'alcool ? Peu lui importait en cet instant. On était le samedi 18 mars 2017, et un retour en terre dublinoise s'imposait. Elle ne se montrait habituellement pas impulsive (voire pas du tout : l'inconnu l'effrayait bien trop pour ça), mais l'idée lui avait trotté dans la tête toute la semaine, alors qu'elle relisait des copies plus ou moins bourrées de fautes, esquivait le regard suspicieux de Rusard dans la Grande Salle (le concierge de l'école semblait convaincu que sa nomination en tant qu'assistante de Susan ne relevait que d'une énorme supercherie/opération sous couverture destinée à semer la zizanie dans l'école au travers d'un poste de quasi-professeur. Tout ça parce qu'elle avait eu le malheur d'adresser la parole à Prudence en dehors d'un cours), tâchait de ne pas penser à toute sa vie, ses choix pendant la pause - chose rendue difficile par le fait qu'elle arpentait chaque jour les couloirs de l'école où elle avait été en couple avec Julian.

Étant de ronde le soir officiel de la fête irlandaise, ce n'était que le lendemain que le plan était engrangé. Étape 1 : rentrer de Pré-au-Lard à Londres, car quand bien même elle retournait sur ses terres, elle avait besoin de récupérer quelques affaires avant sa chope préférée, notamment. Elle devait ensuite rejoindre Teddy pour un transplanage en règle - le Métamorphomage avait pour mission d'essayer de convaincre Haven de se joindre à leur virée pendant ce temps : elle avait déjà planté les graines du doute dans son esprit avant de quitter le château "allez Haven viens, on a besoin d'un vrai adulte pour pouvoir rentrer en boîte". Elle était plutôt d'humeur enjouée, la perspective d'une Guinness fraîche et d'une évasion temporaire de sa vie actuelle lui apparaissant comme le meilleur choix qu'elle ait fait depuis un bon moment. Ayant transplané dans le cul-de-sac adjacent à l'appartement, elle se trouva rapidement devant la porte de celui-ci. S'ensuivit le gag habituel pour localiser ses clés dans un sac qui devenait au fil du temps un véritable puits sans fond. Rouge à lèvres, portefeuille, paquet de chewing-gum et enfin : écouteurs emmenant avec eux lesdites clés et les envoyant valser par terre. Soupirant, elle se pencha avec l'automatisme d'une personne à qui ça n'arrivait pas pour la première fois.

Elle poussa finalement la porte, et s'immobilisa. Noé Montgomery était debout dans son salon, affublé d'un tablier. Tempérance n'aimait pas jurer, aussi n'exprima-t-elle pas oralement ce qu'elle pensa intérieurement : un "et merde" tout à fait spontané. Elle n'avait jamais vraiment reparlé au Serpentard depuis qu'il l'avait embrassée, générant une succession d'événements dramatiques ayant animé la fin de sa dernière année à Poudlard. Erin et Noé étaient ensemble désormais, mais sa meilleure amie semblait habituellement s'arranger pour que Tempérance ne croise pas le blond - ce qui lui allait bien. Elle en voulait à Noé, et ça n'était pas un sentiment dont elle avait l'habitude, ou qu'elle appréciait. Et comme elle ne savait pas bien quoi en faire, elle préférait encore l'éviter - le schéma classique.

Noé se remit de sa surprise avant elle : alors qu'il se mettait à parler, elle réalisa qu'elle était restée immobile dans l'entrée de son propre appartement, clés en main, sac au bras. Son visage se ferma. « Je ne reste pas, je viens juste chercher des affaires avant de rejoindre Teddy. » répondit-elle en faisant un effort conscient pour que sa voix ne tremble pas. Elle était plus déstabilisée qu'elle ne voulait l'admettre, ou pire, le montrer à Noé. « J'habite ici alors ça ne devrait pas être si surprenant que ça. » ajouta-t-elle en évitant son regard et dans une rare démonstration de mesquinerie. Le fait qu'il s'agisse d'une surprise expliquait qu'Erin ne lui ait rien dit. Elle n'avait effectivement pas prévu d'être là initialement, mais ça restait son droit aux dernières nouvelles. Elle ferma enfin la porte derrière elle, et n'ajouta rien de plus avant de se diriger vers sa chambre en prenant soin de ne rien heurter au passage.

Pour d’évidentes raisons, Noé regrettait amèrement d’avoir trop bu l’an passé, et que, parce qu’une gueule de bois n’était pas suffisant, cet alcool le pousse à embrasser Tempérance et à lui avouer ses sentiments passés. Durant toute la durée de son béguin pour l’ancienne Poufsouffle, il s’était tu, gardant au mieux ses sentiments pour lui, même si Erin les avaient devinés et que cela avait conduit à une autre scène dramatique dans sa vie. Il s’en était bien tiré, Tempérance n’avait rien deviné et il en avait été content. Outre qu’elle était en couple, qu’il lui parle de ce qu’il ressentait n’aurait servi qu’à la rendre mal à l’aise. Bien sûr, il avait fallu qu’il gâche tout ce fameux soir de la Saint Patrick. Il s’en voulait encore, mais il avait appris à vivre avec ses regrets. Avoir perdu l’amitié de la blonde à cause de ses bêtises le peinait, mais Noé était un garçon déterminé et patient. Il se disait qu’en laissant du temps à l’Irlandaise, sa colère finirait par s’apaiser. Il savait qu’elle n’était pas une fille extrêmement rancunière il a vite oublié l’histoire avec son beau-père.

Aussi, qu’elle rentre au duplex qu’elle partageait avec Erin alors qu’il était en pleine préparation d’un repas en amoureux ne rentrait clairement pas dans son plan. Et même s’il restait attaché à l’idée de contrôler tout ce qu’il pouvait contrôler, il savait bien que tout ne pouvait toujours suivre un plan parfait, la manière dont son couple avec Erin avait débuté le prouvait bien. S’il tombait sur Tempérance aujourd’hui, presque un an jour pour jour après la dernière fois où ils s’étaient parlé, c’était qu’il devait tomber sur elle. « Je vois. Vous fêtez tous les deux la Saint Patrick ? » Le Métamorphomage ne lui en avait pas parlé lors de la dernière fois où ils s’étaient vus à Traverse. Mais Ted se montrait assez protecteur avec Tempérance, notamment avec lui, et c’était complètement compréhensible après tout ce qui s’était passé.

La surprise passée, Noé était plutôt content de voir Tempérance. Pour la première fois depuis un an, ils se retrouvaient seuls et ils étaient obligés de converser –elle pouvait difficilement fuir alors qu’elle avait besoin de prendre quelques affaires. Seulement, elle pouvait très bien aussi décider de prendre lesdites affaires puis de partir, et qu’ils passent de nouveau un an sans se voir. Cette perspective ennuya Noé, et il décida de prendre sur lui et de ne pas répliquer avec sarcasme à la réplique de Tempérance –il méritait complètement d’en prendre plein la gueule. « Bien sûr. Tu as bien plus le droit de te trouver ici que moi. Et je suis désolé que tu tombes sur moi, je ne pensais pas te voir aujourd’hui. Tu veux que je parte un instant pour te laisser tranquille ? » Il avait lancé un sort sur le four pour qu’il s’arrête automatiquement une fois la cuisson du gâteau terminée. « Mais…Tempérance, j’aimerais vraiment qu’on puisse discuter, si tu le veux. Je me doute que tu es encore fâchée contre moi et j’aimerais vraiment pouvoir réparer l’erreur que j’ai faite l’an dernier. Si c’est possible, bien entendu. » Il n’avait aucune envie de forcer la jeune femme à quoi que ce soit. Après tout, même s’il s’agissait de la meilleure amie de sa sœur et de sa petite amie, ils avaient réussi à s’éviter pendant un an, ils n’étaient pas obligés de se fréquenter. Mais Noé savait qu’il regretterait s’il ne faisait pas tout pour arranger les choses.

♛ Attention ! Une Tempérance sauvage apparaît !

It's been a long time and seeing the shape of your name still spells out pain. It wasn't right the way it all went down. Looks like you know that now.

Tempérance ne voulait vraiment, vraiment pas être dans cette situation, et elle réalisa que c'était la seconde fois qu'elle se faisait cette réflexion en présence de Noé. Un instant plus tôt, elle avait été sereine. Coupable de maladresse, certes, mais qu'y avait-il de nouveau à cela ? L'inverse eût été plus surprenant. Noé avait été son ami, son binôme de devoirs, son cavalier de bal... Bal fatidique et chute douloureuse (et figurative, pour une fois). Il l'avait évitée, et elle avait cru, peut-être, mais n'avait pas vraiment voulu y croire, et pour des raisons diverses et variées, tout le monde l'avait tenue toujours un peu dans l'obscurité sur ce qui se passait réellement. A chaque fois qu'elle apprenait un nouveau secret, elle n'avait pas pour autant le tableau complet, jusqu'au soir de la Saint-Patrick, un an plus tôt. Depuis, elle ne lui avait pas reparlé - ce qui était un exploit en soi, car la Saint-Patrick était en mars, et ils avaient passé encore trois mois dans la même école, sans mentionner le fait qu'elle était la meilleure amie de sa jumelle et de sa petite-amie. Mais elle était énervée contre Noé, et ça n'était pas un sentiment dont elle avait l'habitude - exception faite de sa situation avec l'Abominable Individu qui servait de conjoint à sa mère -, et qu'elle ne savait donc pas comment gérer.

Figée dans son propre salon, un panel vertigineux d'émotions traversèrent son corps, avant que Noé ne prenne la parole pour lui expliquer les raisons de sa présence. Elle serra la mâchoire et s'affaira. Elle était en territoire connu, les maladresses s'y faisaient plus rares - tant qu'on ne bougeait pas de meuble sans la prévenir. Il n'y avait pas de raison pour qu'elle parle à Noé. Elle pouvait simplement faire ce pour quoi elle était venue - récupérer quelques affaires - et s'en aller. Simple, efficace. Elle fit même quelques pas avant qu'il ne l'interrompe pour l'interroger au sujet de Teddy. Elle hocha lentement la tête. « Oui, c'est ça. » Phrases concises, pas de fioritures, pas de risques de tomber tête baissée dans l'émotion. Comment se comporterait Esther dans sa situation ? Ou même la propre petite-soeur de Noé. C'était ce sur quoi elle devait se calquer.

Lâchant une rare pique à l'encontre de l'ancien Serpentard, elle fut prête à mettre les voiles cette fois. C'était sans compter sur l'insistance de Noé, qui semblait décidé à la voir craquer. Debout à quelques pas seulement de la porte de sa chambre, elle soupira doucement. Elle avait envie de lui dire de partir, mais ça n'était pas dans sa nature, aussi remontée fut-elle contre lui. Et elle ne l'était même plus autant qu'un an plus tôt. Elle avait juste cultivé son ressentiment, et c'était plus facile comme ça. Tant qu'elle ne le voyait pas, elle n'avait pas à y penser, et ça marchait très bien. Etait-ce illusoire ? Bien sûr, sinon ça n'aurait pas été sa solution, mais ça avait le mérite de fonctionner.

« Tu sors avec Erin, tu as le droit d'être là. Que ça soit une surprise n'y change rien. » articula-t-elle avec mesure, plutôt fière de sa propre maturité. Malheureusement, celle-ci fut de courte durée, parce que Noé décida qu'aujourd'hui était le jour pour renouer le contact. Elle avait très, très envie de lui dire d'aller se faire cuire un œuf Tempérance énervée, mesdames et messieurs. De quel droit lui imposait-il une discussion alors que tout dans son langage corporel et ses réponses indiquaient qu'elle voulait partir ? Et certes, ça relevait davantage de la proposition que de l'ordre, elle en était consciente, mais il la connaissait, il savait qu'il lui était pratiquement impossible de refuser une requête, ce qui rendait donc tout cela très injuste. Tant pis pour lui, elle n'allait pas lui rendre la tâche facile.

Elle posa son sac par terre, croisant les bras sur sa poitrine. « De quoi tu veux parler, exactement ? » Il y avait plein de choses qu'elle pourrait lui dire et lui reprocher, supposait-elle, d'autant plus que la frustration avait été ravivée par son échange récent avec Chiara, et l'insistance de la fillette à la blâmer pour absolument tout dans cette débâcle. Alors que c'était Noé qui l'avait embrassée, tout en étant pleinement conscient qu'elle avait un petit-ami et que sa meilleure amie était amoureuse de lui. Noé qui l'avait évitée plutôt que de lui dire la vérité. Noé qui l'avait impliquée dans un triangle amoureux dont l'existence ne lui avait été révélée que bien trop tard et lui avait coûté de nombreuses nuits de sommeil agité. Noé qui s'était comporté comme un parfait crétin avec Erin pendant bien trop longtemps. Et elle s'était sentie coupable aussi mais elle était fatiguée de ce sentiment, autant qu'elle l'était d'être triste. Elle préférait être amère, pour changer.

Même s’il paraissait moins agité et beaucoup plus assuré que Tempérance, Noé n’en menait intérieurement pas large. Une fois redescendu du nuage brumeux lié à la quantité de bières qu’il s’était enfilé lors de la Saint-Patrick, en plus il avait aussi bu du whisky et tout le monde savait bien qu’il fallait éviter les mélanges pour se prémunir des migraines, il avait réalisé toute l’ampleur de la catastrophe. Il avait ensuite dû gérer Erin et toutes les émotions que leur baiser et presque première fois sur un bureau avait suscité chez lui. Reste que croiser Tempérance les jours d’après, et constater que la blonde semblait bien déterminée à ne plus lui adresser la parole lui avait fait de la peine. Entre les ASPICs, les dialogues compliqués avec Erin, il avait eu beaucoup de choses à gérer lors de sa fin de septième année. Y ajouter la fin de son amitié avec Tempérance avait été dure à avaler, mais il savait que sur le moment, garder ses distances était la seule chose à faire.

Aujourd’hui encore, presque un an jour pour jour après les événements ayant conduit à leur brouille, il respectait le choix de Tempérance de l’écarter de sa vie. Il y avait trop de passif entre eux pour que cela puisse se passer dans un contexte d’apaisement, et la Poufsouffle supportait trop mal les conflits pour accepter une discussion avec lui qui supposait quelques cris de part et d’autre, au vu de l’aigreur qu’elle devait ressentir. Cela se sentait d’ailleurs dans ses réponses concises. Or, et Noé pouvait l’affirmer sans sourciller après sept ans passés en compagnie de l’Irlandaise, elle n’était pas particulièrement connue pour être laconique. Un comportement qui ne refroidit pas Noé. Il voyait en sa présence le signe d’essayer au moins de parler avec elle, la première étape d’une longue série pour tenter de se rattraper. D’autant que Tempérance ne lui ordonna pas de partir sur le champ, et de surtout éviter de la recroiser à l’avenir, merci bien (cela dit, aurait-été ce son genre ? la Poufsouffle était bien trop polie pour lui balancer ce genre de répliques). Elle poussa même jusqu’à lui demander de quoi il voulait parler même si on ne pouvait vraiment pas affirmer que son attitude criait qu’elle collaborait avec plaisir, bien au contraire tu voies qu’il sait lire le langage corporel Tempépé.

Aussi, Noé tenta de prendre un ton précautionneux, restant du côté de la cuisine pour ne pas lui imposer sa présence d’aussi proche (d’autant qu’ils n’avaient pas été aussi proches depuis qu’il avait échoué torse nu près de sa salle commune) : « Des raisons pour lesquelles tu m’en veux toujours, pour lesquelles on s’évite. Je sais que j’ai fichu un sacré boxon dans ta vie et que je t’ai mise dans une position impossible vis-à-vis d’Erin et de…tout le reste. Et moi maintenant, je sors avec Erin, tout s’est arrangé avec elle, tout semble bien aller et peut-être que tu trouves ça…injuste. Je ne sais pas. Je suppose que je voudrais que tu me cries dessus, que tu me dises tout ce que tu as toujours contenu. Mais ce n’est pas vraiment ton genre, n’est-ce pas ? Ne la tente pas Nono. » Il esquissa un sourire, songeant que malgré son injonction, il n’aimait pas beaucoup plus les cris et les disputes que la jeune femme. « J’aimerais savoir si c’est possible qu’on redevienne amis un jour. Il est sans doute trop tôt pour ne serait-ce qu’en parler mais…avoir fichu en l’air notre amitié est l’un de mes plus gros regrets. » Il ne pouvait pas être plus honnête qu’en cet instant. Et il espérait qu’au moins, Tempérance apprécierait cet effort.

♛ Attention ! Une Tempérance sauvage apparaît !

It's been a long time and seeing the shape of your name still spells out pain. It wasn't right the way it all went down. Looks like you know that now.

Tempérance était tiraillée. Elle détestait être impolie. L'idée de vexer ou de froisser qui que ce soit lui donnait des sueurs froides. Raison pour laquelle elle avait passé sa vie à se montrer conciliante et facilitatrice, ne cherchant jamais le conflit, systématiquement prête à arrondir les angles. Seulement voilà, elle en voulait à Noé. Elle lui en voulait depuis un an, et comme elle n'avait pas réussi à le confronter juste après les faits, il avait été plus aisé de se complaire dans cet état de fait. La distance rendait même ça plus logique. Alors certes, ça voulait aussi dire qu'elle avait laissé ce petit cocktail d'émotions tourner quelque peu au vinaigre cuisine 101 avec Tempérance, mais c'était le prix à payer. Elle n'aimait pas l'idée de devenir quelqu'un d'aigri, et ça n'était pas vraiment le cas, mais du moins avait-elle affermi sa position avec le temps.

Il lui tendit une perche en lui proposant de partir, mais elle ne parvînt pas à la saisir. Ça lui aurait pourtant simplifié la vie. En revanche, toute sympathie à l'égard de Noé disparut de son esprit game over Nono quand il poursuivit en lui disant qu'il voulait discuter, comprendre maintenant, barricadant ainsi totalement la porte de sortie offerte précédemment Noé ce tortionnaire. Signe qu'elle n'allait pas fuir, elle posa enfin son sac. Signe qu'elle n'allait pas lui rendre les choses faciles, elle croisa les bras et lui posa une question concise et ouverte, attendant qu'il parle.

« Injuste ? » répéta-t-elle, les yeux brillant d'incompréhension et d'irritation. « Pourquoi je trouverais ça injuste ? Je suis contente que tu aies enfin réussi à retrouver la raison et à gérer les choses correctement avec Erin. Elle mérite d'être heureuse et elle a l'air de l'être. » Elle prit conscience qu'elle avait parlé plus qu'elle n'avait prévu de le faire et se mordit la lèvre inférieure, frustrée. Elle esquissa un sourire sans joie. « C'est un peu tard pour ça. Si tu considérais vraiment qu'on était amis, il aurait déjà fallu commencer par être honnête avec moi. » dit-elle en tâchant de conserver une voix stable, ayant abandonné ses tentatives d'émulation de froideur qui lui paraissait peu naturelle. Elle soupira. Foutue pour foutue, autant essayer de formuler ce qu'elle avait sur le cœur. « Et ne fais pas comme si tu me connaissais si bien, tu veux ? S'il y a un bilan que j'ai tiré de ce qui s'est passé l'an dernier, c'est qu'on a toujours ignoré beaucoup de choses l'un sur l'autre. Et bien sûr que non, je ne vais pas te crier dessus Noé. Ce que j'ai contenu comme tu dis, c'est beaucoup d'incompréhension. Je pensais qu'on était amis, mais finalement tout ça c'était... » Elle mima le vide avec ses mains mais ne termina pas sa phrase. Il fallait, d'une quelconque manière, en revenir à un masque d'indifférence, aussi feint soit-il, car elle se connaissait et elle savait ce qui l'attendait si elle n'y parvenait pas : les larmes, et ça, c'était tout simplement inacceptable.

Un éclair d’incompréhension brilla dans le regard sombre de Noé alors que Tempérance assurait ne pas trouver la situation injuste -alors qu’il lui semblait, qu’alors que lui vivait l’une des périodes les plus heureuses de sa vie, elle, elle traversait un moment certainement compliqué depuis sa rupture avec Julian, comme Candys le lui avait confié. Il aurait été totalement légitime de sa part de lui en vouloir à mort, et de vouloir qu’il souffre. Mais Noé supposait -non, il savait- que ce n’était pas dans sa mentalité de penser ainsi, même si elle était en colère contre lui, comme il ne l’avait jamais vu en colère contre personne d’autre, à part peut-être contre l’homme qui partageait la vie de sa mère. Elle arrivait encore à l’étonner par sa douceur et sa magnanimité. Ou alors avait-il oublié comment elle était -non, ça c’était impossible.

« Je fais tout pour en tout cas », souffla-t-il, tachant de passer outre l’idée que Tempérance soit heureuse pour lui, il ne s’était pas attendu à ce qu’elle emploie ce terme aussi ouvertement. Encore une fois, il semblait qu’il avait minimisé sa gentillesse. Il fallait dire que c’était loin d’être sa spécialité à lui, ou à certains membres de sa famille bisous Chichi. C’était justement ce qui l’avait attiré chez elle, à une époque, ce côté solaire si éloigné de ce qu’il était, et ce qu’il continuait d’être -du moins c’était ce qu’il avait compris lorsqu’il s’était appesanti sur les raisons de ses sentiments pour la blonde. Ces complications, il les avait laissées derrière lui, à Poudlard; Tout comme sa culpabilité -il l’avait assez portée avec lui durant des mois, ce qui avait rendu particulièrement turbulente son début de relation avec Erin. Il se sentait toujours aussi mal par rapport à Tempérance, bien évidemment, mais il avait décidé de ne plus se gâcher la vie avec des regrets. Il était déterminé à avancer dans la vie, et à essayer de réparer ses erreurs passées, si c’était possible.

Et ça ne semblait visiblement pas possible pour l’une des plus grosses erreurs qu’il avait commise. « Je me disais que me montrer être honnête avec toi, ça ne ferait que tout gâcher. Au final, j’ai réussi à tout gâcher quand même », soupira Noé. Il avait passé assez de temps à s’auto-flageller pour ne plus vouloir retomber dans ce vieux travers, mais cette conversation en tête à tête avec Tempérance, tout comme la période de l’année avait tendance à le faire replonger dans des mauvais souvenirs.

La suite des paroles de Tempérance le peina réellement, et son visage d’ordinaire impassible à toutes épreuves se fissura pour laisser passer cet éclair d’émotion. « Ça m’attriste que tu penses cela. Tu étais une vraie amie pour moi, et oui, on ne se connaissait pas par coeur, il y avait des choses qu’on ne se disait pas…mais…je sais pas. Il y a des trucs que Candys est la seule à savoir, et ça ne changera jamais. » Même Erin, qui était la fille dont il était le plus proche depuis sa première année n’en savait pas autant. Candys était sa jumelle, sa confidente, sa meilleure amie, l’autre partie de son âme. Elle en saurait toujours plus que tout le monde sur sa vie et ses sentiments. « Je ne sais pas quelles sont tes incompréhensions, ni même si tu souhaiterai m’en parler mais…si jamais, je suis là. Je serais prêt à faire des efforts, à me montrer plus honnête si jamais tu souhaites qu’on tente de redevenir amis. C’est ce que j’aimerais. » Il se sentait impuissant. Il avait l’impression qu’il aurait pu dire plus de choses pour se rattraper. Peut-être Tempérance avait-elle besoin de plus de temps…ou peut-être devait-il définitivement enterrer sa relation avec la blonde. « Je te laisse récupérer tes affaires tranquille. Si un jour tu veux me reparler…tu sais où me trouver. » Mais serait-elle du genre à vouloir seulement lui reparler, dans une conversation potentiellement compliquée et conflictuelle ? Il n’en savait rien. Seulement, il avait le sentiment qu’il ne pouvait pas la forcer une nouvelle fois à discuter. Vu ce que cela donnait…Il adressa un dernier sourire à Tempérance avant de se diriger vers la chambre d’Erin. Il ne voulait pas lui imposer davantage sa présence. Il en avait assez fait.

Terminé pour Noé

♛ Attention ! Une Tempérance sauvage apparaît !

It's been a long time and seeing the shape of your name still spells out pain. It wasn't right the way it all went down. Looks like you know that now.

Chose assez rare pour être soulignée, Tempérance se trouvait dans une position totalement fermée : il y avait très peu de chances pour que Noé parvienne à son objectif apparent - dont elle avait encore du mal à déterminer les formes exactes. Confrontation ? Excuses ? Rédemption ? La peine éprouvée à la fin de sa septième année s'était transformée en rancœur, un sentiment dont elle n'était que trop bien familière, mais qu'elle avait jusque là uniquement associé à L'Autre. Jamais à une personne qu'elle avait compté parmi ses amis.

Mais qu'elle en veuille à Noé n'empêchait pas qu'elle veuille le bonheur d'Erin, et ce quand bien même ce bonheur semblait inextricablement lié à l'individu se trouvant dans son salon en cet instant, l'observant de loin et avec la précaution qu'on aurait face à une bête sauvage adepte de la fuite. « Tant mieux. » répondit-elle d'une voix légèrement moins robotique, et parce qu'elle était sincère : Erin avait suffisamment souffert. Au moins leur relation semblait-elle désormais stabilisée, même si on ne pouvait pas en dire autant de celle ayant un jour existé entre Tempérance et Noé.

L'Irlandaise avait largement eu le temps de se triturer l'esprit au cours des derniers mois. Ce qui lui avait fait le plus mal, surtout au début, c'était d'avoir été tenue dans l'ignorance, pendant aussi longtemps. Que tout son entourage ait su avant elle. Qu'on lui ait communiqué des bribes d'informations, comme si c'était suffisant, et qu'elle se soit retrouvée à commettre des impairs malgré tout, sans jamais avoir eu la vision de l'ensemble du plateau de jeu. Et ce jusqu'à ce soir fatidique de la Saint Patrick. Comment aurait-elle réagi si Noé lui avait tout dit plus tôt ? Elle ne pouvait pas se voiler la face au point de penser que ça se serait bien passé, mais au moins aurait-elle évité de se rendre au bal avec lui, de remuer le couteau dans la plaie, aussi bien pour lui que pour Erin. Au moins ne se serait-elle pas sentie comme l'idiote finie de tout ce drame. Elle ne répondit rien quand il reconnut avoir tout gâché, ne voyant pas d'intérêt à en rajouter une couche supplémentaire : elle était consciente de vivre dans le passé en continuant à lui en vouloir, elle ne ressentait pas l'envie ou le besoin d'être vindicative non plus. Elle était juste blessée. Triste. Lasse.

Seulement, son interaction avec Chiara était encore fraîche dans son esprit, et elle fut bien forcée de dire au moins une chose, de souligner ce qui l'avait finalement le plus déçue. Elle pensait qu'ils étaient amis. « Si on avait vraiment été amis alors tout ça ne se serait pas produit. » jugea-t-elle sans trop savoir si c'était tout à fait vrai. Elle n'avait pas envie de croire que tout ça n'avait été que du vent, et en même temps, il suffisait de voir où ils en étaient aujourd'hui... « Je ne sais pas, Noé. » dit-elle finalement en haussant les épaules. Le fait était qu'il sortait avec l'une de ses meilleures amies, et était le frère jumeau de l'autre. Difficile donc de l'éviter indéfiniment. Elle était réaliste : a minima, il faudrait un jour qu'ils puissent se trouver dans la même pièce sans que le malaise ambiant atteigne les sommets qu'il atteignait en cet instant. Mais pas aujourd'hui, et pas maintenant. Elle acquiesça d'un mouvement de tête alors qu'il lui laissait de l'espace, tâchant tant bien que mal de se concentrer sur son objectif initial. Prendre ses affaires, retrouver Teddy. Faisable. Elle attrapa son sac et se dirigea vers sa chambre.