Le retour de Skiìrt [Chapitre 5 : Secrets]

N’osant pas vraiment croire que le cadavre avait repris vie, Skiìrt se mit à réfléchir intensément sans quitter des yeux son adversaire figé. Que cela pouvait-il être ? Le prédateur mystérieux ? Ce carnivore non identifié qui l’avait forcé à se réfugier dans les égouts venait-il de réapparaître dans son dos ? Le danger dans son dos était-il plus important que la menace qu’il avait devant lui ? S’il se retournait, il risquait de déclencher l’attaque du rat… S’il ne se retournait pas, il serait mort avant d’avoir perçu l’attaque …

Le gros rat fit un pas en arrière, geste révélant l’importance qu’il accordait à la menace ! Il n’avait rien entendu approcher dans son dos. Bien sûr, cela n’était pas spécialement rassurant : le silence est la spécialité des tueurs ! Toute ses sens guettaient le moindre bruit, la moindre odeur, le moindre indice d’une présence derrière lui, même s’il n’avait pas encore osé tourné la tête. Les seules trajectoires de fuite qu’il voyait devant lui étaient toutes bloquées par les rats. La balance des menaces n’était pas claire. Il avait une menace réelle devant lui et une autre hypothétique mais potentiellement plus importante dans son dos. D’un autre côté, un véritable danger immédiat auraient fait déguerpir les rats…

Cette réflexion ne lui avait prit qu’une seconde. Il vit une ombre gigantesque se dessiner sous ses pattes. D’un bond, il pivota enfin. Une petite boule de lumière flottait dans l’air, avançant doucement dans sa direction. L’ombre était celle du reptile qui gardait heureusement son immobilité cadavérique.

Il recula doucement. Ce qu’il remarqua alors était étrange. Chacun de ses mouvements se traduisait par un mouvement équivalent de la lumière. C’était comme s’il était relié à la lumière par un fil invisible dont la longueur diminuait régulièrement. Ce fil mystérieux faisait en sorte que cette lumière ne pouvait que s’approcher de lui. Encore de la magie, évidemment ! Il aurait beau fuir, quelque soit la vitesse à laquelle il courrait, la boule luminescente le rattraperait inéluctablement.

La boule précédente ne lui avait causé aucun dommage. Il y avait une chance que celle-ci fasse de même. De toute façon, il savait qu’il ne pourrait pas y échapper. Il pouvait même retourner la situation à son avantage et profiter de la surprise des brutes pour leur échapper.

Il se mit à courir dans la direction de la lumière. Celle-ci ne vint pas à sa rencontre mais resta à dériver tranquillement. Au moment où le rat passa sous elle, le pseudo fil magique fit sentir sa présence et le photophore bondit à sa poursuite. Elle n’était qu’à deux longueurs de queue… une longueur… elle passa tranquillement entre ses pattes alors qu’il courrait. Aucune brûlure, au contraire une légère fraîcheur…

La lumière entra dans l’œil de pierre comme la précédente.

Derrière lui, les rats fous s’étaient mis à courir. Ils étaient rapides mais pas plus que lui. Mais ils avaient la connaissance du terrain. Il fallait les distancer rapidement avant de se retrouver coincé dans une impasse. Bien que tenté de prendre une petite galerie pour se cacher, à chaque embranchement, il choisissait la plus grande des voies qu’il avait devant lui, meilleure solution pour ne pas tomber dans un cul-de-sac.

Il vit alors devant lui briller une petite perle au loin, dans l’ombre du tunnel. Une sortie ?

La galopade derrière lui le suivait avec ténacité. Mais pourquoi autant insister ? Il avait déjà quitté leur territoire… Pourquoi s’acharner ? Ils en voulaient à sa peau, probablement, mais pour quelle raison ? Il n’allait pas retourner leur demander…

La course poursuite se dirigeait vers la lumière. Une troisième boule de lumière flottait dans l’ombre de la galerie. Ces lumières arrivaient de plus en plus vite. Mais ce n’était pas dangereux pour lui. Il y avait même une chance que ça ralentisse ses poursuivants. Il continua à courir.

Il n’y avait plus de doute, c’était bien une boule de lumière. Mais elle n’était pas seule.

Une troupe humaine suivait à peu de distance la lumière… Des explorateurs ? Ou bien des chasseurs ?
Très certainement ni l’un ni l’autre, car ils n’était pas assez furtifs pour tenir aucun de ces rôles, mais pouvait-on être sûr de quoi que ce soit avec ces bipèdes ? Rien dans leur attitude ne montrait non plus qu’ils cherchaient à rattraper le lumignon flottant. Il avait plutôt l’air de leur servir de guide…
Une grande cape bougea parmi les silhouettes. Bien sûr. Des sorciers… Des sorciers qui suivaient une lumière magique, quoi de plus normal ?

Le problème était que, si cette lumière faisait comme les autres, elle irait terminer sa course dans le médaillon qui semblait incrusté dans son thorax. Que feraient les sorciers une fois la lumière disparue ? Lui en voudraient-ils ? Et lui qui continuait à courir dans leur direction…

« Là ! Des rats ! » S’écria l’un des sorciers en pointant sa baguette dans la direction de la course-poursuite.
D’autres baguettes surgirent. Une alarme retentit dans le cerveau de Skiìrt. Fuir ! Mais quel était le plus grand des périls ? Les sorciers ou ses poursuivants ? Même si les derniers étaient manifestement cinglés, les premiers avaient le pouvoir de faire bien plus de dégâts. Il ralentit l’allure. Ses congénères allaient sûrement s’apercevoir qu’ils le rattrapaient et prendre conscience des nouveaux venus. S’ils décidaient de faire demi-tour, il pourrait alors s’enfuir avec eux. Il trouverait plus tard le moyen de leur échapper. Il s’imaginait déjà courir derrière eux, les rôles poursuivant/poursuivi inversés en quelques secondes. L’ironie de la situation l’amusa un court instant.

Les rats déments étaient bien lents à la détente car ils commencèrent à rattraper Skiìrt sans diminuer l’allure. C’est quand celui-ci s’arrêta complètement qu’ils ralentirent enfin pour finalement s’arrêter à quelques mètres de lui. Leur folie furieuse avait fini par laisser passer l’information de la présence des intrus. A moins que ce soit celle d’une nouvelle lumière, identique à celle qui les avait effrayé tout à l’heure.

Un des sorciers tendit sa baguette et cria quelque chose de guttural dont l’écho rebondit contre les murs pour finir en bouillie sonore incompréhensible. Une incantation ! Dirigée vers eux ! Il fallait fuir… Mais qu’elles étaient lourdes ses pattes !! Il n’arrivait pas à se mouvoir !! C’est comme si l’air autour de lui avait pris la consistance de la boue. Il fallait déployer une énergie considérable pour faire le moindre mouvement. Ses antipathiques congénères étaient logés à la même enseigne que lui. Eux aussi essayaient de bouger et se regardaient désespérément. Ils ne comprenaient visiblement pas pourquoi leurs mouvements étaient empêtrés dans cette espèce de confiture.

La consistance de l’air se fit de plus en plus compacte. Il pouvait toujours respirer mais presque plus bouger. Cela n’avait pas l’air d’incommoder le moins du monde les sorciers qui marchèrent d’un pas tranquille jusqu’à eux.
Le premier sorcier arriva à sa hauteur et continua jusqu’au groupe des quatre rats. Il se baissa et saisit l’un d’entre eux, l’observa puis le reposa. Il allait attraper le suivant quand Skiìrt sentit qu’on le soulevait. Les autres sorciers étaient là et l’un d’entre eux regardait son poitrail. « C’est celui-là ! » s’écria-t-il au moment où la boule de lumière entra dans le médaillon, sous les yeux de l’homme.
- « Pratique le lumitraqueur ! Sans ça il nous aurait fallu des semaines pour le retrouver ! »
- « Ouais ! Sans compter le nombre d’aurors qu’il aurait fallu utiliser. On en a pas assez en ce moment ! »
- « Tu l’as dit ! Et puis il aurait fallu les mettre au courant. Comment t’explique qu’il faut courir après un rat au lieu de… »
- « Ta gueule ! Tu parles trop ! La voix porte loin dans les égouts. » S’exclama une voix sèche.

Le silence se fit dans le groupe d’homme. Le dernier à parler devait être le chef.. Un chef dont on ne discutait pas les ordres.

Les humains étaient à sa recherche ? Le rôle du médaillon dont on l’avait affublé apparaissait maintenant clairement à Skiìrt. C’était le bout d’une chaîne qui le reliait à il-ne-savait-quoi et sur laquelle les sorciers à sa recherche faisaient courir ces témoins de lumière qui l’avaient tant inquiété.
Finalement, il n’y avait aucun danger là-dedans. Du moins tant qu’il était dans les bonnes grâces de ses geôliers.
Pour s’évader réellement, il devrait trouver un moyen de se débarrasser de ce bijou traître sinon il serait immanquablement repris ou pire… Il visualisa la perfide Miss Teigne suivant la petite lumière dans les galeries de Poudlard par simple curiosité et finissant par tomber sur lui… Brrr

L’évocation de Miss Teigne fit remonter des tas d’images, toutes reliées à ce qui lui semblait son paradis perdu.

Il était maintenant dans un sac. Chaque balancement de celui-ci témoignait de la marche de son porteur le ramenant dans ce cabinet de travail dont il s’était étourdiment évadé. Si la chance le servait encore ! Mais elle semblait ne pas l’avoir oublié. S’il ne revenait pas chez le vieux sorcier, il sentait bien que sa prochaine destination le rapprocherait de son foyer.

Une torpeur s’empara du rat. La consistance pâteuse de l’air qui engluait ses mouvements lui paraissait maintenant comme une couverture protectrice. Il s’endormit.

[HJ : je viens de ressortir de mon vieux portable couvert de poussiéres le début de la suite de la fin de cette histoire. Je la poste donc séance tenante sans l'enrichir plus avant, histoire de me donner le courage de reprendre ma plume. Bien sûr, c'est un post ridicule, alors s'hésitez pas à m'envoyer des messages d'insulte par MP, celà permettra d'évacuer votre frustation ! ]

Un brouhaha de voix pénétra dans son cerveau cotonneux. Entrouvrant péniblement un œil, il perçu dans la pénombre un cercle de sorciers devant un feu de cheminée.

Pas de doute, c’était bien des sorciers.Non seulement il venait de se faire capturer par eux mais, s’il lui restait encore un doute, plusieurs baguettes étaient bien visibles dans leurs mains agitées par la passion de leur conversation.

Le feu prit soudain de l’ampleur et les flammes se modelèrent pour former vaguement un visage. De là où il était, la déformation était telle qu’il ne reconnut pas le visage du directeur de Poudlard mais quand sa voix résonna dans la pièce, un éclair d’espoir lui traversa l’échine.

Complètement éveillé, il vit qu’il était enfermé dans une sphère de verre suspendue à un mètre du sol. Il n’y avait aucune issue. Comment était-il entré ? Satanés sorciers…

Se concentrant sur son ouïe, il reconnu des mots, des bouts de phrases et, petit à petit, l’entraînement améliorant sa compréhension, il finit par intercepter la communication surnaturelle.

- … expérience approuvée par le ministre lui-même ! disait la voix qui sortait de la cheminée.
- Mais pourquoi un rat ?
- Plusieurs hiboux ont été interceptés avec des messages importants. On a essayé de graver des micros messages dans les plumes mais ils ont été lus aussi…
- Et par cheminette ?
- Vous êtes sérieux ? Quasiment n’importe qui peut espionner une communication de ce type. Vous-mêmes ne vous en privez pas, il me semble…et ce, en dépit des règles…
- Hum, passons… Mais si un hibou se fait intercepter, en quoi un rat serait plus sûr ?
- Et bien, l’idée m’est venue en voyant un rat dans mon bureau. Vous savez combien il est difficile d’accès pour les gens non autorisés ? Et bien ce petit malin avait réussi à trouver un chemin. S’il pouvait se faufiler ainsi en déjouant mes protections, avec un peu d’entraînement, il aurait pu sûrement emmener discrètement un message dans un endroit surveillé.
- Aussi loin qu’un hibou ?
- Evidemment non. Mais le problème de la distance pouvait se résoudre de plusieurs manières. Je me suis plutôt intéressé à savoir si un rat pouvait être assez fiable pour des missions de ce genre.
- Et… ?
- Alors j’ai capturé mon visiteur pour évaluer ses facultés mentales. A part des centres d’intérêts assez basiques, sa construction cérébrale était tout à fait capable de mémoriser des messages simples. J’ai renforcé ses circuits mémoriels et je lui ai confié une petite mission à titre de test.
- Ca a fonctionné ?
- Oui, sans problème. J’avais gardé un lien mental avec ses oreilles et ses yeux et je l’ai vu transmettre le message à son chef.
- Vu ?
- Oui. J’ai bien entendu ses piaillements mais mon langage ratifère est un peu rouillé, vous savez.
Un silence amusé suivit cette déclaration.
- Vous avez récupéré le rat ?
- Je voulais le faire mais j’ai été énormément occupé avec cette histoire de Chambre des Secrets. Ca m’est sorti de la tête. Plus tard, quand j’ai voulu le retrouver, le lien s’était rompu. Je suppose qu’il a du se faire tuer.
- Ca fait combien de temps maintenant ?
- Voyons… un an ? un an et demi…
- Vous ne pensez pas que le rat a pu survivre ?
- C’est tout a fait possible. Il a aussi pu fuir. S’il était resté au château, il aurait fallu que je le recroise pour renouer mon lien mental.
- De toute façon il serait un peu vieux maintenant.
- Ah non ! Justement pas ! Comme je savais qu’il faudrait l’entraîner, je ne voulais pas d’un rat avec une espérance de vie trop courte qui m’aurait obligé à ré-entraîner d’autres rats. J’ai donc ralenti son métabolisme au repos. Son vieillissement devrait en être fortement ralenti. J’ai aussi poussé son système immunitaire pour prévenir les maladies et augmenté sa résistance à la douleur. Il aurait donc du avoir une espérance de vie au moins doublée. Enfin théoriquement…
- Vous n’aviez pas peur de le rendre fou ?
- Non. C’était des sorts à évolution lente.
- Et son intelligence ?
- Avec le renfort de sa mémoire, j’ai du toucher nombre de ses structures cérébrales et ses facultés cognitives ont bien pu croître dans une certaine mesure. Mais ce n’est pas certain. En tout cas j’ai fait en sorte qu’elles ne décroissent pas. Un rat idiot ne m’aurait servi à rien !
- Vous lui avez appris le langage humain ?
- Non, pas du tout. Il devait mémoriser les paroles. Aucune nécessité de les comprendre.
- Donc il ne pouvait pas comprendre ce que vous disiez ?
- Il n’était pas censé, non. En tout cas pas les paroles. Pour communiquer avec lui, il suffisait d’un sort de projection de pensées. Aucun intérêt pour lui de comprendre l’humain comme pour nous de comprendre le rat.
- Y a-t-il une possibilité qu’il puisse comprendre notre langage malgré tout ?
- Bien sûr. Vous savez comme moi que la psyché est quelque chose de fondamentalement imprévisible, qu’elle soit humaine ou animale.
- S’il était vivant, vous pourriez le reconnaître aujourd’hui ?
- J’imagine que juste en le voyant, je ne pourrais pas en être certain mais si je pouvais renouer le lien mental, oui. Sans aucun doute.
- Sauriez-vous le décrire ?
- Et bien… petit, brun… un rat … ordinaire. Mais enfin ? Pourquoi me faites-vous perdre mon temps avec cette histoire ? Vous l’avez retrouvé ? A Londres ?
- Euh…
Les sorciers semblaient hésiter.
- Nous avons intercepté un rat en Roumanie.
- En Roumanie ?
- Oui. Au centre de recherche que vous savez… Mais ce rat comprenait le langage humain. Nous avons d’abord pensé à un animagus espion. Il y a des rumeurs à ce sujet. Nous l’avons sondé et ce n’est rien d’autre qu’un rat mais nous avons vu des images de Poudlard dans sa mémoire. Ainsi que votre visage…
- Je pourrais le voir ?
- Oui, bien sûr…

Le sorcier leva la main vers la sphère et ramena le bras vers lui.
A ce signal, la sphère se mit à dériver vers l’âtre et s’arrêta face à l’énorme visage barbu qui l’observait de ses yeux de flammes. Le silence s’installa un moment.

- Il lui ressemble, effectivement…
- Donc, ca pourrait être vos manipulations qui lui ont donné le don des langues ?
- C’est possible…Il faudrait me l’envoyer pour que j’en soit certain.
- Pas tout de suite. Nous avons encore quelques examens complémentaires à faire ! Autre chose : le Centre de Recherche Roumain vous a envoyé un rapport. Nous avons pris la liberté de le consulter. Il est de la plus haute importance. Je ne peux pas vous en résumer le contenu à cause de ces fameux risques d’écoutes clandestines. Pourriez-vous venir ?
- Non, pas en ce moment. J’ai trop de problèmes à régler qui réclament ma présence. Mais je vais vous envoyer quelqu’un.
- Non, pas de professeur, cela attirerait l’attention. C’est un rapport classé noir ! Je ne peux même pas vous envoyer un auror. Vous comprendrez pourquoi…
- Je sais qui je vais envoyer ! De plus il devrait être capable d’identifier ce rat s’il s’agit bien de celui dont nous parlions.
- Je pensais avoir compris que vous seul l’aviez vu ?
- Oui… et non… je vous laisse la surprise.
- D’accord, nous attendons votre messager.
- Il sera là dans deux heures…
- Il ne vient pas par cheminette ?
- Non. Il y a une possibilité de détourner le transfert. Je préfère un moyen plus sûr.
- Bien. Nous attendons. Au revoir.
- Mes salutations au Ministre.
- Nous n’y manquerons pas.

La dernière phrase s’adressa aux flammes vides. Le visage s’était fondu dans le feu qui brûlait maintenant normalement.
« Vous avez deux heures pour l’expertiser. Dépêchez-vous !» Clama le sorcier en direction des autres. « Pourquoi est-ce toujours si compliqué ? » grommela-t-il.

Un cercle de sorciers entoura subitement la boule.
Des regards attentifs l’observaient. Pas un mot. Quelques gestes seulement. Et ces regards ! Intenses, presque malveillants ! Un sentiment d’inconfort l’envahit. Il avait l’impression qu’on criait des mots silencieux. Une chaleur derrière les yeux lui donnait l’impression que son cerveau était en train d’enfler. Ces saletés de sorciers étaient encore en train de tripatouiller dans sa tête ! Ca suffisait comme ça ! Il se mit à se débattre. Ses griffes crissaient contre le verre de la boule. Un geste devant lui arrêta net sa course. Ses paupières tombèrent. La lumière se tue. Il eut juste le temps de penser « Oh non ! Encore… »

A son réveil, le feu était éteint. La pièce était presque déserte. Seuls trois sorciers discutaient dans un coin. Près d’eux, un magnifique oiseau qu’il reconnu tout de suite. C’était l’oiseau de Dumbledore ! C’était sûrement lui, le mystérieux messager !

- … Donc vous me dites que son intelligence naturelle n’a pas été rehaussée ?
- Oui. Il semblerait que sa particularité visuelle soit la cause de son intellect supérieur.
- Mais en quoi le fait de voir en couleur pourrait avoir une incidence ?
- On ne sait pas vraiment. On suppose que cela a activité des centres cérébraux dormant chez les rats qui voient en noir et blanc. Je suppose que cela doit l’handicaper pour sa vision nocturne mais son intelligence accrue compense ce handicap.
- Vous pensez qu’il s’agit d’une mutation ?
- C’est possible, il faudrait attraper d’autres rats de Poudlard pour en être sûr. De préférence dans la même lignée. Mais dans l’école, il y a pas mal d’effluves magiques qui stagnent dans les bas-fonds et cela aurait pu causer cette anomalie.
- En résumé, vous n’êtes sûr de rien !
- Nous avons des doutes, c’est certain. Mais nos experts en rats sont assez sûrs de l’hypothèse oculaire. Au moins sur le fait que le renfort de sa mémoire a permit à son intelligence naturelle de se développer.
- Si vous le dites…
« Il est réveillé ! » Annonça l’un des sorciers.

Skiìrt se rendit compte qu’il aurait dû continuer à faire semblant de dormir, le temps d’évaluer la situation, mais la conversation sur son compte lui avait donné bien des explications. Il comprenait maintenant pourquoi ses frères restaient insensibles à la beauté d’un coucher de soleil, par exemple. Ils ne percevaient pas les couleurs ! Son sentiment d’être différent s’expliquait.

Bon, il était trop tard maintenant pour feindre le sommeil, les trois sorciers le regardaient. Le geste du bras de tout à l’heure se reproduisit, entrainant de nouveau la sphère vers celui qui l’appelait.
« Alors, Fumsek ? Tu le reconnais ? »
L’oiseau pencha la tête, l’observa d’un œil. Puis de l’autre. Finalement, il frotta sa tête contre la sphère.
« Je suppose que ça veut dire oui. Ca confirme notre examen. »

Le sorcier se pencha vers la sphère. Sa tête déformée par la paroi de verre emplissait tout l’espace visuel du rat. « Tu l’as échappé belle, petit rat ! Nous avons vu ton périple, tu es vraiment un sacré veinard ! Nous allons te confier une mission. Comme Dumbledore semble te faire confiance, nous allons faire de même. Tu vas lui porter un message. Amenez la pensine ! »

L’autre sorcier sortit de sa poche un coffret duquel il extirpa le petit tube de métal que le rat avait déjà vu, là bas à l’autre bout du monde.
Le premier prit sa baguette et fit un cercle au dessus de la sphère. Soudain, celle-ci n’exista plus. Skiìrt atterrit dans la main du mage. « Ne te sauve pas ! » L’exclamation figea ses pattes arrière qui s’apprêtaient déjà à bondir.

Trempant la baguette dans le tube débouché, le mage ramena des filaments de vapeur qui se tortillaient doucement et les appliqua sur le crane du pauvre rongeur qui n’osait plus bouger. Une sensation de fraîcheur l’envahit tandis qu’il se rappelait des pages de livres couvertes d’une écriture serrée. Filament après filament, les pages du livre défilaient dans la mémoire une à une. Il était bien incapable de comprendre ce qui était inscrit, les traces noires sur le papier ne signifiant rien pour lui.

« Tu vas aller porter cela à Poudlard. Tu ne dois pas te faire capturer. Mais Fumsek t’emmènera et il ne t’arrivera rien. Fait simplement attention à ne pas tomber ! On te laisse ton médaillon pour te retrouver si tu as des problèmes, Dumbledore te l’enlèvera plus tard.»

De sa baguette, il pointa un lacet de cuir qui traînait sur la table. Celui-ci prit vie et commença a se tortiller. En quelques instants, il forma une espèce de harnais à sa taille.
« Je vais t’enfiler ça. Ce n’est pas pour te piéger, seulement pour que tu puisses mieux te tenir. Ne bouge pas »

Le harnais s’éleva dans les airs et le survola. Il paru s’agrandir en descendant sur son poitrail.
« Passe les pattes avant dans les ouvertures ! »

Comment ? Il devait se laisser ficeler dans cet attirail ? Se doutant qu’un refus de sa part deviendrait rapidement pénible, il passa à contre cœur ses pattes dans les lanières.
Le baudrier rétrécit alors, donnant la confirmation qu’il s’était agrandi pour faciliter l’enfilage. La pression était désagréable mais ne l’empêchait pas de respirer.

« Bon ! On y va ! » Saisissant le rat par le dos, le mage l’amena sur le dos du volatile et, en quelques gestes, fixa le baudrier au corps du phénix.

« Bon voyage, petit rat ! Nous serons peut-être amenés à nous revoir ! »

La fenêtre ouverte se précipita vers eux et le vent se mit à rugir. Les deux ailes battaient avec force, emmenant rapidement les deux animaux au dessus des nuages.

La peur initiale s’évanouit, laissant place progressivement à une joie explosive qui lui donnait envie de pousser un long sifflement de ravissement. Il se retint de peur que l’oiseau n’apprécie pas et le désarçonne. Le soleil au-dessus d’eux faisait miroiter la mer de nuages qui semblait infinie.

Il vit du coin de l’œil un reflet métallique. Un objet lointain en forme de croix partageait les cieux avec eux. Fumsek plongea brutalement et pénétra juste sous la surface de la masse cotonneuse. L’humidité de la brume trempa la fourrure du rat en quelques instants. Il ressentit alors la morsure du froid avec une intensité accrue.

Cela dura quelques longues minutes, le couple de voyageurs émergeant de temps en temps du brouillard pour y replonger aussitôt. Finalement, le phénix reprit de la hauteur, l’objet mystérieux ayant disparu.

Le temps passa, rythmé par les battements d’ailes du phénix.

Une ombre passa soudain sur eux. Une silhouette menaçante les surplombait à une dizaine de mètres. Un rapace ! Une terreur atavique submergea le rat qui poussa un cri de peur au moment où le terrifiant prédateur entama son piqué.
Il se sentit alors brusquement tiré en arrière tandis que le vent se mettait à hurler. Les ailes de son porteur battaient avec frénésie, les emmenant à une vitesse telle que la respiration devenait difficile dans cette rafale d’air qui se précipitait à leur encontre..
Le rapace dévia sa trajectoire et se mis à voler derrière eux.
Grâce au harnais, le rongeur n’avait pas besoin de s’accrocher et c’était heureux : à cette vitesse, il aurait sûrement été arraché de sa monture.
Le phénix volait à une allure phénoménale. Se tordant le cou pour voir derrière lui, Skiìrt vit que le prédateur perdait du terrain. Quelques minutes plus tard, le petit point qu’il formait derrière eux avait disparu. Progressivement, Fumsek reprit une allure normale. Le rat se retournait périodiquement pour surveiller leurs arrières mais il semblait que le rapace avait perdu la partie.

Une silhouette se découpa dans le lointain. Des tours pointues qui lui rappelaient… non, c’était réellement son château ! Son cœur bondit dans sa poitrine. Enfin ! Il était enfin de retour ! Combien de fois avait-il douté de pouvoir vivre cet instant ? A combien de dangers avait-il échappé ? Jamais le clan ne pourrait croire tout ce qu’il avait vécu. Vite, encore plus vite Fumsek ! Merveilleux Fumsek ! Tu es le premier oiseau que j’aime ! … et tu resteras sûrement le seul...

Cette toute petite construction dans le lointain devint rapidement l’immense bâtisse qu’il reconnaissait, bien qu’il ne l’avait jamais vu sous cet angle.

Une muraille se dressait devant eux. L’oiseau ne ralentit pas son allure. Freine ! Arrête-toi, volatile idiot ! Il ne put empêcher le sifflement d’alerte au moment où le phénix rencontra le mur.

Le noir se fit. L’oiseau volait toujours. Ils étaient morts ?

Ses yeux s’accoutumèrent à l’obscurité. L’oiseau volait maintenant lentement dans une galerie obscure. Le mur avait sûrement une ouverture camouflée par une illusion de maconnerie.
Les ailes cessèrent de battre et Fumsek se mit à planer. La galerie débouchait dans un puits que l’oiseau se mit à descendre doucement en spirale. Juste avant de toucher le fond, il arqua ses ailes et se posa sur le sol avec douceur puis, d’une démarche maladroite et quelque peu ridicule, il marcha vers une trappe de bois qu’il poussa du bec.

Le bureau de Dumbledore !

C’est là que tout avait commencé. Le vieux sorcier était à son bureau, le nez plongé dans une pile de papier. Il releva soudain la tête. « Ah ! Te voilà, Fumsek ! » Dit-il en regardant par-dessus ses lunettes. « …Vous voilà ! » Rectifia-t-il après une seconde de silence

L’oiseau avait regagné son perchoir, le rat toujours ficelé sur son dos.

Le directeur s’approcha à grands pas lents et posa sa main droite sur le rat. « Tu n’as pas eu trop peur, mon ami ? » Sa main gauche libéra le harnais. Il le considéra un instant. « Bel ouvrage ! » apprécia-t-il. « Je crois que je vais le conserver… A moins que tu ne veuilles le garder sur toi... Ah ! Je plaisantais ! »

Une plaisanterie ? Il savait ce qu’était le concept : c’était mentir dans le but d’amuser. Mais Skiìrt ne comprenait pas pourquoi ce qu’il venait de dire était amusant…

Il retrouva une partie de sa liberté quand le vieil homme le libéra de ses lanières de cuir mais la main le tenait toujours fermement. Celle-ci le lâcha sur le bureau. « Reste là, s’il te plait ! »

Que fallait-il faire ? Désobéir n’était pas raisonnable. Rester était insensé. Mais il avait conscience que son hôte voulait récupérer ce qu’on lui avait logé dans le crâne et une fuite serait forcément vaine. D’autant plus qu’il avait toujours ce médaillon incrusté dans la fourrure et qu’il ne pourrait se cacher du puissant bonhomme. Résolu à subir l’épreuve, Skiìrt posa son arrière-train sur le bureau, et observa le mage récupérer sa baguette sur une étagère.

« Quelle bonne fortune que tu aies acquis notre langage. Ca facilite vraiment les choses ! Nous allons devenir une paire d’amis, tu verras ! »

Ami avec un humain ! Sûrement encore une plaisanterie !
« Allons. Voyons ce que tu m’apportes, petit ami. »

La baguette extirpa du sommet de sa tête un filament vaporeux tandis qu’une sensation de chaleur lui parcourrait la tête. Appliqué contre sa tempe, le filament pénétra dans la tête du sorcier. Ses yeux fixèrent le plafond. « Hmmm. Intéressant. Très intéressant… » Un autre filament. Puis un autre. A chaque fois, les yeux se relevaient et Dumbledore semblait lire au plafond les signes inscrits dans les pages mémorisées. De temps en temps un « Oh non ! Pas lui. » Ou une autre exclamation trahissait sa surprise mais il continua jusqu’au dernier filament. Le souvenir des pages avait complètement disparu. Il ne restait plus que le souvenir du souvenir mais plus aucune image ne lui revenait.

C’était fini. Il avait accompli sa mission.
« Je te remercie infiniment mon ami. Tu viens de m’apporter une aide précieuse. Je vais bientôt te rendre ta liberté. »

D’un geste vers la cheminée, il fit jaillir un feu alors qu’aucune bûche ne s’y trouvait.
« Oui ? » fit une voix derrière le rideau de flammes.
- Ici Albus. J’ai pris connaissance du message. Je ne pensais pas que la cellule roumaine était aussi active ! Comment une organisation pareille a pu prendre autant d’ampleur sans que je sois alerté ? Et il y a aussi le problème des imposteurs. Il faut d’urgence recouper la liste des aurors en transit et ce qu’on connaît de leurs activités avec les missions en cours. Nous devons d’urgence trouver qui ils sont. Quand a ces imbéciles moldus qui financent le retour de celui-dont-on-doit-taire-le-nom, je veux qu’on me retrouve ceux qui ont pris leur contrôle ! C’est une priorité ! Il est inadmissible de mêler les non-sorciers à cette histoire, les conséquences pourraient être désastreuses ! Faites-moi un rapport dans les plus brefs délais !
- J’en réfère au ministre et je m’en occupe, Albus
Les flammes dans lesquelles aucun visage n’était apparu s’éteignirent brusquement.

« Voilà, mon ami ! » La voix du sorcier avait perdu son ton sec. Il avait aussi remit ses ‘mon ami’ dans son discours « Tu vas pouvoir retourner vers les tiens. Néanmoins, je vais te laisser ton bijou. Si j’ai besoin de toi, je t’enverrai des lumibilles. Ce sont des petites lumières qui sont attirées par ce médaillon. Tu sauras alors que j’ai besoin de toi. Je compte sur toi pour me retrouver. Au besoin, les lumibilles pourront te guider vers moi. Ne t’inquiètes pas, je n’en abuserais pas ! Et pour que cela ne te gêne pas, je vais réduire sa taille. On ne le verra quasiment pas sous ta fourrure. »

En même temps qu’il parlait, sa baguette se mit à danser. Skiìrt sentit le bijou fondre. Regardant son poitrail, il vit que l’objet en question s’était enfoui sous les poils, ne laissant qu’une partie de la pierre visible. Cela lui faisait comme un troisième œil. Il allait sûrement du mal à expliquer ça au clan mais, d’un autre côté, ca servirait de preuve au récit de son histoire.

Espérons qu’il ne s’amuse pas à lancer ses lumi-trucs pendant qu’il essaye d’échapper à Miss teigne !! Ca serait bien sa chance !

Dumbledore alla jusqu’à la porte et l’ouvrit. « Je ne peux pas te raccompagner mais je suis sûr que tu connais les chemins du château mieux que moi. Je te souhaite bonne chance, mon ami ! »

Etait-ce un piège ? Non. L’histoire était finie. Trottinant vers la sortie, il s’arrêta au pied de l’homme puis, se dressant sur ses pattes arrière et écartant les pattes avant, il inclina la tête dans une parodie de salut humain. Aura-t-il compris que je le remercie ? Pas sûr. Après tout, ce n’est qu’un humain !
Deux bonds plus tard, il était hors de vue.

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Voilà ! Cette histoire est enfin terminée.

J'espère que mes lecteurs se seront autant amusés à la lire que moi à l'écrire.

En tout cas je les remercie pour leur patience...

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