Encore une cousine ? [Fini]

Ennui. Manque de motivation. Solitude.

Pff, tout pour déplaire à Shawn quoi ! Le jeune garçon était assis mollement dans un des fauteuils de la salle commune des jaunes, et "s'amusait" à lancer des petites boules de papier dans le feu qui était sur le point de mourir. Comment se faisait-il qu'il y avait déjà un feu dans la cheminée, on n'était qu'en octobre non ? Le jeune garçon n'aimait pas le froid, n'aimait pas l'hiver. Il préférait largement sa balader en tee-shirt, manger des glaces, mourir de chaud... Oui, c'était préférable de mourir de chaud plutôt que de mourir de froid. Bon, certes, on n'en était pas encore à ce stade-là, mais le jeune garçon voyait d'un très mauvais oeil les journées devenir de plus en plus fraîches.
Et puis, pourquoi il n'y avait personne dans cette salle commune aussi ? Tous en train de réviser à la bibliothèque, ces Poufsouffle... Pff, quel ennui !

Shawn était plutôt le genre de personne prête à tout pour s'amuser, et quand il se retrouvait seul, tout ce qui pouvait l'amener à râler le submergeait. Là, il ne savait pas où étaient partis ses copains, et il s'en fichait. Non, ce qui le préoccupait, là, c'était que la pile de papier qu'il jetait progressivement dans les maigres flammes sous forme de petites boulettes diminuait fortement.
Il se représentait parfaitement le visage de Rogue dans les braises, et cela lui donnait une motivation en plus pour gaspiller du papier (pas bien Shawn !).

Il daigna tourner la tête autour de lui pour voir s'il n'y avait personne qui puisse l'aider à tromper sa solitude et son ennui. Oui, il lui fallait vraiment quelqu'un là ! N'importe qui, pourvu qu'il veuille bien le faire rire, le faire dire des imbécilités, des blagues à deux mornilles, comme il en avait l'habitude !
Raté. Il n'y avait qu'une seule personne dans la salle commune en cette fin de jeudi après-midi, et c'était une petite fille de deuxième année que Shawn connaissait pour être... sa demi-cousine.
En fait, il ne voyait qui c'était que depuis pas longtemps. Il avait appris grâce à Elizabeth Harris - Zaza l'exploratrice ! - l'existence d'un de ses parents dans la maison de Poufsouffle, mais n'avait pas cherché à en savoir plus, s'étant juste contenté d'un grognement. A cette époque, il avait encore trop en mémoire la rencontre peu amicale de la "vraie" famille Montgomery comme le disaient les autres, ses demi-cousins.
Cela ne lui avait certes pas donné envie de connaître le reste de la fratrie, qui semblait nombreuse - trop nombreuse.
Il plissa les yeux pour observer la petite fille. Elle paraissait extrêmement affairée, mais Shawn n'arrivait pas à voir ce qu'elle pouvait bien faire.

* Pff, elle n'a même pas l'air de s'ennuyer * constata-t-il, exaspéré.

Le jeune blond froissa un nouveau bout de papier pour se donner le temps de réfléchir (*je vais la voir ou pas ?*) et en même temps pour voir si cela perturbait la petite fille ou non. Visiblement non. Bon. C'est ce qu'on va voir !
Shawn s'approcha lentement du feu en tenant son papier froissé entre le pouce et l'index pour que celui-ci prenne feu. Il se releva, en attendant patiemment que le feu se consume.

* Génial, je voulais faire quoi à la base là ?*

Si c'était pour attirer l'attention de la petite fille (peut-être pouvait-elle croire qu'il allait mettre le feu à la salle commune ?) c'était de nouveau un fiasco.

* Bon tant pis, je m'ennuie trop pour ne rien faire * songea-t-il avant de s'approcher d'Anabelle - il venait de se rappeler de son prénom, ce qui était un miracle le concernant - oubliant totalement qu'il avait le papier en feu à la main.

"S'cuse-moi, mais... tu fais quoi ?"

C'est vrai, quoi, pourquoi ne regardait-elle pas Shawn qui était sur le point de détruire la salle commune de Poufsouffle, voire pire, Poudlard tout entier ?
Ce qu'elle faisait devait être vraiment ou super important, ou super passionnant, car tout de même... Ou alors, sa "cousine" n'en avait strictement rien à faire que Poudlard brûle, et que tout le monde soit à feu et à sang. (dans sa mauvaise humeur Shawn avait bien sûr tendance à exagérer la situation. Hyperboles ?)

* Ce qui n'aurait rien d'étonnant, vu sa famille * pensa ironiquement Shawn.

Bon, il ne manquait plus qu'il se brûle les doigts (car au delà de Poudlard à feu et à sang, c'est ce qui risquait plus probablement d'arriver) pour compléter le caractère grognon du jeune homme.

Voyons, Anabelle, il faut le sauver de sa mauvaise humeur, ce pauvre garçon !

Il fallait à la petite Ana bien plus qu'un Kamikaze pyromane pour que son attention se trouve perturbée. En fait, on était en droit de supposer que, dans son monde imaginaire, les kamikazes pyromanes étaient légions. Et même si tel n'était pas le cas, quand la charmante enfant lisait, un mignon chaton sur les genoux, seul un tremblement de terre pulvérisant l'échelle de Ritcher pouvait la ramener parmi les vivants. Et encore.

Ainsi, installée de travers sur un fauteuil jaune et défoncé, les mollets dans le vite, un chaton endormi sur le ventre, la Poufsouffle lisait. Alors Shawn et son papier en feu pouvait toujours attendre. La veille au soir, toute une troupe de Poufsouffle qui s'amusait à se lancer des boulettes de papiers trempées dans de l'encre par dessus sa tête n'avaient pas pu la perturber. Alors un seul garon avec un seul morceau de papier... Aucune chance !

Sage décision, donc, que celle de parler. Sans quoi il pouvait dire adieu à sa main avant qu'Anabelle ne s'aperçoive qu'une torche humaine était en train de s'anflammer à ses côtés. D'ailleurs, la douce enfant mit un certain temps à réaliser que quelqu'un lui adressait la parole.
Totalement déboussolée (mais où diable était-elle donc ? Comment avait-elle pu passer si vite du terrier du lapin blanc à la salle commune ? Et quel était son nom, déjà ? Alice ? Dina ? Ah non ! Anabelle...), la fillette fit deux fois le tour de la salle des yeux avant de poser sur Shawn un regard candide et hébété de chouette brusquement réveillée.

Elle gratifia le jeune garçon d'un sourire doux et plutôt à l'Ouest avant de cligner des yeux. Puis, elle scruta un court instant le Poufsouffle d'un air rêveur. Sa tête lui disait vaguement quelque chose, mais quoi ? Elle fronça machinalement les sourcils en tortillant une mèche de cheveux. Etait-il dans sa classe ? Non, il avait l'air bien trop grand. Dans l'équipe de Quidditch ? Peut-être était-il préfet ? Elle ne connaissait pas vraiment ces préfets, juste de nom, et celui-ci avait bien une tête de préfet. Enfin, de toute façon, elle n'avait pas à s'inquiéter, puisqu'elle n'avait rien fait de mal.

Ce n'est qu'alors que les prunelles noisettes de la petite sorcière se posèrent sur le papier en feu qui menaçait de brûler le jeune garçon. Un sourire franchement amusé vint éclairer son visage. Oh ! Ce garçon était fabuleux !
Fasciné par le papier, elle déclara d'une voix flûtée :

- Tu n'as pas peur de te brûler ? Moi j'aurais peur.

Aussi simple que cela. Anabelle avait une façon bien à elle d'entamer une conversation. Plutôt franche et décalée, par rapport à ce que la bienséance attendrait, mais de toute évidence, la bienséance était un principe totalement étranger à l'esprit philosophe de la fillette.
Les yeux rivés sur la feuille brûlant, elle se redressa un tantinet, à la manière de quelqu'un qui assisterait à un spectacle étrange mais
franchement excitant. Sauf que, bien entendu, pour exalter Anabelle, il en faudrait beaucoup.

Avec un tel comportement, Shawn pouvait légitimement se demander si Anabelle avait entendu sa question. Le fait était que non. Elle avait bel et bien entendu Shawn lui parler, mais plutôt à la manière dont on entend un moustique bzzeubzzeuter dans une pièce. C'était un bruit dérangeant et agaçant mais au fond, on ne lui prêtait pas réellement attention (sauf quand le moustique, affamé, passait à l'attaque). Anabelle était, par conséquent, incapable de savoir si Shawn lui avait dit "Salut, ça va ?", "J'aime pas les brunes !" ou bien encore "Hé ! Toi ! File moi ton fric !" Petite malpolie, va !

Rien d'étonnant, donc, à ce qu'elle rajoute, quelques trois secondes plus tard, d'une voix fluette purement informative et avec une simplicité déconcertante :

- Dis tu crois qu'Ombrage a été attaquée par un Bisounours géant, dans sa jeunesse ?

Et de darder un regard angélique sur Shawn, comme s'il était l'incarnation absolue du savoir et "Oh ! Je suis contente de cause avec toi, tout ce que tu peux dire m'intéresse." La benjamine des Montgomery donnait toujours à ses interlocuteurs le sentiment qu'ils étaient les êtres les plus importants au monde, tant elle les regardait avec intensité. C'était bien inconscient de sa part, mais il y avait de quoi se sentir mal à l'aise, par moment. Ce n'était pas exactement le genre de regard qu'on s'attendrait à trouver chez une fillette de douze ans.
Avec tout ça, si Shawn ne fuyait pas (en laissant tomber son papier sur le tapis, foutant ainsi le feu à la salle commune. Sa pauvre cousine verrait sa vie finir, à douze ans, Jeanne d'Arc des temps modernes)...

La petite fille daigna enfin tourner la tête, mais bon, pour cela, il avait fallu que Shawn fasse résonner le son de sa voix, car autrement, elle ne semblait guère disposée à quitter son activité si passionnante.

C'était drôle, elle paraissait totalement à côté de la plaque, tout de même ! D'ailleurs, elle n'avait pas semblé le voir tout de suite, il avait d'abord fallu qu'elle regarde tout autour d'elle avant de repérer d'où venait sa voix.

* Hé, j'suis pas transparent quand même ! *

Peut-être que si elle n'avait pas été sa cousine, il se serait contenté de s'amuser de ce comportement un peu étrange, mais là, elle faisait partie de sa famille, et tous les gestes qu'elle effectuait ne faisaient que renforcer la mauvaise image que lui avaient déjà donné certains membres de cette famille qui semblait vouloir se greffer sur la sienne. Enfin, il aperçut que ce qui l'occupait tant depuis un bon moment n'était rien d'autre qu'un livre (*tous les mêmes ces élèves*) et il ne put donc s'empêcher de lever les yeux au ciel. Alors que son regard se portait sur le haut plafond de la salle commune, la petite fille laissa échapper quelques mots, par l'intermédiaire d'une toute petite voix, légèrement trop aiguë... Comment ça, il n'a pas peur de se brûler ? Totalement à la masse, cette pauvre fille, le feu était bien trop loin d'eux à présent pour qu'il puisse se brûler. Ses yeux bleus s'abaissèrent sur ceux de la petite fille, et il s'aperçut qu'elle fixait en fait sa propre main.
Mais oui, le papier ! Arg, il l'avait oublié lui, avec tout ça... Vu que cela n'avait pas réussi à attirer l'attention de la petite, Shawn avait tout simplement chassé sa tentative de ses pensées, et c'était comme s'il avait jeté le papier dans le feu, chose qu'il n'avait évidemment pas fait.
Au moment-même où il calcula qu'il risquait fortement de se brûler, comme le lui avait fait justement remarquer la petite fille, la flamme venait tout juste de consumer le dernier petit bout de papier encore non en contact avec la peau du jeune homme.

"Aïe ! Nom d'une baguette !" s'exclama-t-il en lâchant brusquement le peu de papier restant et en tapant dessus avec son pied comme un forcené, comme s'il fallait absolument éliminer toute forme de vie.

Et voilà, il n'en fallait pas moins pour complaire à la mauvaise humeur du garçon. Non seulement il se brûlait et se faisait bougrement mal, mais en plus il se ridiculisait d'une façon totalement débile, puisque c'était lui-même qui avait mis le feu au papier...
Alors qu'il essayait d'apaiser la brûlure de ses doigts en les fourrant dans sa bouche (la classe absolue n'est-ce-pas ?) la petite ne sembla pas plus que ça ébranlée par l'événement puisqu'elle se mit à lui parler d'Ombrage et d'un... Bisounours.
En temps normal, Shawn aurait été vraiment amusé par cette remarque plutôt insolite, mais là, non, il ne pouvait pas. Pourquoi lui parlait-elle de cette... pfff... de cette... ordure !

"Mais j'en ai rien à foutre ! hurla-t-il, excédé, Tu vois pas que j'me suis fait trop mal ! A cause de toi, en plus..." bredouilla-t-il, sentant bien que l'excuse n'était vraiment pas valable, mais la colère l'emportait sur tout le reste.

Il y eut une pause. A la seconde même où il venait de finir de s'égosiller contre la pauvre petite Anabelle, il sentit qu'il n'aurait jamais dû dire ça. Après tout, elle ne le connaissait pas, et elle pourrait sûrement raconter à ses grands frères et soeurs qu'il avait profité de son âge supérieur pour l'engueuler, idée qu'il n'arrivait même pas à supporter. Il essaya d'oublier calmement la douleur, et reprit d'un air plus posé :

"Non, enfin, c'est pas vrai... Un Bisounours géant, je n'irai pas jusque-là, mais bon, peut-être un hippogriffe." Sa voix tremblait légèrement, et en connaissant Shawn, on pouvait parfaitement comprendre qu'il essayait de faire passer sa colère sur le compte d'Ombrage, qu'il voyait avec un malin plaisir recevoir un coup de sabot d'hippogriffe en pleine figure.

Pas commode, le Shawn, quand même, quand il le voulait...


[Désolée des gros mots ]

La petite brune avait regardé avec un vif intérêt le jeune garçon se fourrer les doigts dans la bouche. Le pauvre ne savait sans doute pas que la salive n'était pas exactement le meilleur des remèdes contre une brûlure. Qu'un tel réflexe soit de mise lorsqu'on était moldu passe encore, mais qu'un sorcier, possesseur d'une baguette et très certainement capable de lancer un petit "aguamenti", se le permettre était plutôt étrange. Anabelle s'abstint toutefois de tout commentaire, estimant - et pour une fois, elle n'était pas trop à côté de la plaque - que le Poufsouffle n'était certainement pas d'humeur à supporter ce genre de conseil.

Grand bien lui en prit ! Shawn la tenait visiblement pour responsable de son accident. Ce qu'Ana trouvait, non pas totalement injuste, mais plutôt bigrement intéressant. Le blondinet n'était pas comme les autres. Franchement intriguée, la fillette pencha doucement la tête sur le côté, à la manière d'une petite mésange, et darda sur son cousin - qu'elle ignorait être son cousin, d'ailleurs. Bienvenue dans le monde décalé d'Anabelle - un regard pensif. Tiens, maintenant qu'elle y pensait, peut-être était-elle justement en train de "tisser des liens" "Tisse le destin, tisse le bien", comme ses aînés voulaient qu'elle le fasse ? Finalement, c'était bien moins difficile que ce qu'elle pensait.

Pauvre garçon, tout de même ! Il s'était brûlé à cause d'elle. En bonne benjamine conciliante qu'elle était, la petite fille n'avait pas pour habitude de discuter les propos des plus âgés : si on la tenait pour responsable d'une bêtise, c'était qu'elle devait l'être, d'une façon ou d'une autre. Loin de se révolter face à l'accusation de Shawn, la jeune Anabelle le gratifia d'un coup d'oeil angélique avant de dire d'une voix candide parfaitement égale :

- Oh ! Je suis sincérement désolée. Tu as raison, bien sûr, je ne suis pas très gentille.

Après tout, elle aurait très bien pu s'élancer sur le morceau de papier pour l'éteindre avant qu'il ne brûle les doigts de son CNI (Cousin Non Identifié). Cette certitude n'avait toutefois pas l'air de l'ébranler plus que cela. Ce qui était fait, était fait. Elle se contenta de noter mentalement de prévenir plus tôt, la prochaine, pour s'épargner d'autres réprimandes méritées.

Elle se redressa sur son fauteuil pour reprendre une position plus conventionnelle et ferma définitivement son livre quand Shawn reprit un ton plus courtois. Un hippogriffe ? Anabelle fronça imperceptiblement les sourcils et parut considérer sérieusement cette possibilité. Finalement, un fin sourire amusé vint éclairer son visage pâle (brave petite anglaise, va !) et elle répondit d'un ton doux :

- Oh oui ! Un hippogriffe tout rose qui gambade dans la forêt parmi les fleurs et les écureuils... Ce qui expliquerait parfaitement ses tendances mielleuses...

Elle fronça le nez un court instant avant de reprendre :

- Si ça se trouve, elle a des sabots à la place des pieds !

Puis, croisant les bras sur la poitrine, l'air soudain butée, elle conclut d'un ton convaincu :

- De toute façon, hippogriffe ou pas, c'est juste une sale mégère !

Et de lancer un coup d'oeil plutôt têtu à Shawn, le mettant au défi de la contredire. Si Ana avait été un peu moins décalée, elle se serait certainement aperçue qu'il aurait été plus civilisé de commencer par demander son nom au jeune garçon. Mais de toute évidence, elle n'était pas fillette à s'apesantir sur ce genre de détail.

Shawn était vraiment de mauvaise humeur, mais malgré cela, il ne put s'empêcher de lever un sourcil en constatant que la petite fille ne s'énervait pas le moins du monde devant ses accusations peut-être un peu trop précipitées - et en fait totalement injustes. Pire que cela, elle l'approuvait.
Sur le moment, il aurait été bien tenté de lui mettre une claque en lui disant "Et là, c'est toi qui n'est pas gentille peut-être ?" histoire de la réveiller un peu, et de lui faire prendre conscience qu'il fallait qu'elle se rebelle (même si c'était contre lui, cela l'insuportait de voir un signe de soumission aussi prononcé pour quelque chose qui n'était pas justifié) car c'était de sa faute à lui s'il s'était cramé le doigt. Mais de toute façon il ne pouvait présentement pas le faire puisqu'il avait toujours ses doigts dans sa bouche pour soi-disant apaiser la douleur, ce qui n'était pas très efficace en fin de compte.
Mais la deuxième idée qui lui vint à l'esprit, c'était que la petite fille disait cela ironiquement, pour se moquer de lui. Car après tout, ce ne pouvait pas être sincère, n'importe qui aurait crié injustice devant son exclamation. Pourtant, le visage béa d'Anabelle pouvait prêter à confusion. Elle était admirative de quoi là ? De sa débilité ? (Car ce n'était pas très malin de se brûler comme ça, tout seul) De son manque de tact ? De sa capacité à soumettre à lui une petite de deux ans sa cadette ? (Waooh, on salue l'exploit !)
Non, tout cela était trop bizarre, elle devait forcément se moquer de lui, et les mots sortirent tout seul de sa bouche avant qu'il n'ait pu les contrôler.

"Chmfé, tmfu tfe chmofqueu de mfoua, là ??"

Ah bravo ! Alors là, ça vaut le coup de sortir la main de la bouche pour pouvoir applaudir à deux mains là ! C'est bien joli d'être énervé, on peut dire que le langage peut être source de conflit, mais c'est sûr que quand on ne comprend pas un mot de ce que l'autre raconte, cela peut créer des quiproquos...
Shawn se rendit compte immédiatement que ce qu'il avait dit était totalement incompréhensible, il sortit à regrets ses pauvres petits doigts rougis de sa bouche pour pouvoir faire éclater son agacement au grand jour (en l'occurence ici : Anabelle).

"Nan mais tu te moques de moi là ?"

Attention, Anabelle, le grand méchant Shawn va te maaaanger si ça continue !
Mais la petite semblait déjà partie sur un petit nuage, à parler d'hippogriffe rose, de tendances mielleuses et tout le tralala. Le jeune garçon essayait de s'amuser de ce que disait la petite, et en temps normal cela aurait été le cas, mais là, cela lui entrait un peu par une oreille pour ressortir tout de suite pas l'autre.
Il décida donc d'entrer dans le jeu de la petite - puisqu'il semblait que c'était le seul moyen de pouvoir vraiment communiquer avec elle - et pris exactement le ton mielleux que la petite citait pour être celui d'Ombrage, tout en essayant d'assouplir ses traits.

"Mmmmh, mais oui, je te parie que même dans ces conditions-là, elle trouvait le moyen de maltraiter un pauuuuuvre petit blaireau qui passait par là. Même je parie que le blaireau était en fait une femelle qui avait perdu sa maman, que l'hippogriffe a amené jusqu'à Ombrage pour qu'elle puisse la rassurer..."

Mon dieu, et c'était en deuxième année, ça ! Pfff, comment était-ce possible de pouvoir sortir des débilités pareilles ?
Bon d'accord, à certains moments, Shawn n'était pas mieux (nous pensons par exemple au moment où, dans les cachots, il s'était pris pour un explorateur qui doit trouver le trésor, sauf que le trésor était en fait Rogue et une belle retenue.) et c'était tout à fait le genre de choses qu'il tolérait tout à fait, voire qu'il encourageait, sauf que là il y avait deux petits obstacles qui s'étaient mis en travers de ses principes habituels : premièrement que la "chose" qui croyait en un hippogriffe rose au milieu de fleurs et d'écureuils s'avérait être sa cousine, et deuxièmement que le contexte faisait qu'il était "malheureusement" d'exécrable humeur.
Dommage pour la pauvre petite Anabelle, qui aurait certainement pu trouver un excellent compagnon de jeu si elle n'avait pas eu le malheur de s'appeler Montgomery et de se moquer de son grand cousin...

Il fallait bien plus qu’un secouage de cocotier pour pousser Ana à s’agiter un peu. En réalité, ce genre de procédé n’avait jamais porté ses fruits avec la fillette qui était, de toute façon, d’une nature profondément placide. Elle n’était pas à Poufsouffle pour rien. La brunette esquissa un sourire joyeux en entendant Shawn bafouiller : il était vraiment intéressant, ce garçon ! Ou alors, peut-être essayait dit-il de lui faire passer un message ultraconfidentiel via un code secret tellement sophistiqué que quiconque n’en aurait pas la clef n’y verrait que vulgaires balbutiements ? Enchantée à cette idée, Anabelle se tortilla une mèche de cheveux et… Et rien, en fait. Son imagination s’était, une fois encore, un peu trop emballée. Le cafouillage de Shawn n’était rien d’autre qu’un cafouillage. Pas de message derrière. Dommage. Mais Ana se consola bien vide : après tout, même sans code secret, Shawn pouvait être quelqu’un de tout à fait charmant. Une pensée qui prouvait bien l’incroyable optimisme de la petite Montgomery : car il était évident que l’individu lambda, dans des circonstances rigoureusement identiques, aurait, depuis longtemps, renvoyé Shawn paître, parce que «On n’agresse pas les gens comme ça, va t’amuser ailleurs, non mais !».
Bien loin d’un agacement à la limite de l’agressivité, Anabelle, elle, semblait prendre de plus en plus plaisir à l’embryon de conversation, embryon qui, espérait-elle, était destiné à se développer. D’une voix flûtée franchement ravie, elle rétorqua, gratifiant au passage son cousin d’un coup d’œil malicieux :

- Me moquer de toi ? Non. Mais je pense que je pourrais, si tu le voulais… Tu veux ?

Oui, parce que ce n’était pas sa qualité de gentille Poufsouffle qui faisait d’elle un légume incapable de raillerie. D’aucuns disaient que les Poufsouffle étaient la maison des «Sans». Sans courage, sans ambition, sans intelligence. Ce qui était on ne peut plus erroné. Seulement, les Poufsouffle n’avaient besoin ni de grandeur, ni de reconnaissance, ni d’honneur, pour être. Ils étaient bien au-dessus de tout cela (c’est beau, hein ? Mais ce n’est pas de moi. Rien ne m’appartient. Dommage !). Qu’on se le dise, qu’on se le répète, les Poufsouffle n’étaient pas des Sans Qualités. Ils pouvaient être aussi braves que des Gryffondor (prenez Cédric Diggory, par exemple), aussi intelligence que des Serdaigle (coucou, Zacharias Smith !) et aussi ambitieux que des Serpentard (Hep, Ernie, par ici !). Ils étaient, d’une certaine manière, bien plus complexes que tous les autres. Et Anabelle, en tant que Poufsouffle répondait à ce critère. Bref.

Ceci étant dit, la fillette agita les jambes d’un air soudain impatient et jeta un œil vaguement désolé à Shawn. Il ne croyait tout de même pas sérieusement qu’elle allait se mettre à pleurer comme une madeleine uniquement parce qu’il évoquait un bébé blaireau (un blaireauton ? Blaireauteau ? Blaireaunito ?) perdu ? Le traumatisme Bambi avait épargné la jeune Anabelle – le fait de ne pas connaître son père y était certainement pour beaucoup – et elle n’était, de toute façon, pas portée sur les larmes (douze ans de vie commune avec une bande de frères et sœurs pas toujours tendres endurcissaient, mine de rien !). De toute façon, dans son esprit fantasque, les bébés animaux étaient toujours secourus par de gentils lapins ou des petits faons (ah, tiens, en fait non, Bambi n’était pas si loin !). Elle se contenta donc de sourire en coin à la petite histoire de Shawn avant de répondre d’un ton désinvolte :

- Exactement. Sauf que comme elle avait très faim, elle l’a boulotté. Que veux-tu, c’est la dure loi de la nature : manger ou être mangé.

Elle se stoppa un court instant, pensive, avant de corriger, franchement amusée cette fois :

- Sauf que ça m’étonnerait qu’un Blaireau puisse manger Ombrage à lui tout seul… Elle est tellement grosse !

La fillette roula des yeux d’un air significatif en repensant au gros derrière d’Ombrage… Lequel se trouvait mis en valeur par ses vêtements outrageusement roses. Elle parut subitement se souvenir de quelque chose. Se redressant totalement sur son siège, elle se tint avec une dignité plutôt comique, pour une fillette de son âge, mais dont elle n’avait absolument pas conscience, et demanda d’une voix fluette :

- Au fait, j’ai du chocolat, tu en veux ? C’est certainement bien meilleur que tes doigts.

Une dernière remarque qu’elle aurait sans doute pu s’épargner, si elle avait pris la peine de réfléchir trente secondes à l’humeur massacrante de Shawn. Mais visiblement, Anabelle n’était pas du genre à se museler pour préserver la susceptibilité de son interlocuteur… Un interlocuteur dont elle ignorait toujours le nom.
Mais ce «détail» lui était sorti de l’esprit. Du moins, jusqu’à cet instant précis. Réalisant tout à coup qu’elle avait, pendant plus de cinq minutes, zappé les règles élémentaires de la courtoisie (un fait qui ne lui était pas étranger), elle se rattrapa avec un détachement qui était révélateur du peu d’importance qu’elle accordait aux conventions établies par ses pairs (après tout, on ne lui avait pas demandé son avis à elle, quand elles avaient été posés, ses conventions ! Brave petite démocrate, va !) :

- Au fait, je m’appelle Anabelle Montgomery… Et tu es ?

(866 mots)

§§§

Cette petite lui donnait mal au crâne. C'est vrai, quoi, elle était un peu trop bizarre pour le pauvre esprit embué de notre garçon ! Non seulement il n'était pas connu pour son intelligence hors du commun, mais en plus, sa vivacité d'esprit se limitait encore plus quand il était de mauvaise humeur, et là, ce qui l'énervait le plus, c'était qu'une petite de deuxième année qui était de surcroît de sa famille puisse l'embrouiller à ce point.
Il ne savait plus où il en était. Il lui en voulait d'être la "chose" qui avait attiré son attention alors qu'il avait un papier en feu dans la main, il lui en voulait de ne pas réagir à ses agressions, et il lui en voulait maintenant de lui embrouiller l'esprit. Cela faisait beaucoup de choses... D'autant plus qu'elle ne semblait pas avoir compris qu'elle avait affaire à son demi-cousin, et ce n'était pas lui qui avait l'intention de le lui faire remarquer. Non, il avait envie de la laisser dans son ignorance, par méchanceté passagère.
Mais qu'est-ce-qu'elle lui disait encore une fois ? Depuis quand fallait-il avoir l'accord de la personne concernée pour se moquer d'elle ? Déjà, ce n'était pas ce que Shawn voulait dire à la base en disant "tu te moques de moi ?", pour lui, le ton avec lequel il l'avait dit signifiait tout...
En plus, si lui-même devait avoir l'autorisation de la personne pour se moquer d'elle, cela pouvait toujours attendre, et puis, la moquerie (ou dans le cas de Shawn, plutôt une taquinerie) perdrait tout son intérêt.
Non, décidément, Anabelle avait un esprit trop tordu. Il fallait le lui dire ! Qu'elle se bouge, qu'elle lui mette des claques pour tout ce qu'il venait de faire !

"OUI ! Je veux..." s'exclama-t-il, à bout, et ne trouvant que ce moyen-là pour voir Anabelle se révolter. Se révolter en lui donnant des ordres, voilà qui était bien bizarre, mais de toute façon, il fallait fonctionner comme la petite pour que ça marche... Je veux que tu te moques de moi. Allez, vas-y, je suis sûr que ça va te faire du bien de te défouler sur quelqu'un un peu ! Je l'ai fait, à toi, maintenant."

Il y avait un air agacé dans sa voix, mais en même temps sa curiosité s'était éveillée. Et si c'était ça, le moyen ? Si elle se mettait tout à coup à se moquer de lui, de manière ironique, ou bien de manière carrément méchante... Ah, ça pourrait être bien à voir ! Sauf qu'il ne fallait pas s'attendre non plus à ce que Shawn ne réagisse pas, car peut-être que d'ici là, il aurait oublié que c'était lui qui lui avait ordonné ça, et sa mauvaise humeur aurait pris le dessus.

Mais la petite continuait son histoire d'Ombrage-au-milieu-des-fleurs-et-des-hippogriffes, nullement choquée ni même interloquée par la remarque qu'avait faite Shawn précédemment, ce qui avait le don, une fois de plus, de l'exaspérer... D'autant plus qu'elle utilisait des termes que Shawn n'avait pas dans son lexique, comme "boulotté", ce qui ne l'enchantait pas. Déjà que d'habitude il se sentait tache au milieu de tous ces Poufsouffle cultivés, si en plus, avec deux ans de plus, il se faisait distancer... Non pas que Shawn n'apprécie pas le fait d'être un cancre, non, ça, il l'assumait très bien, et faisait en sorte que cela devienne un mérite (c'est vrai, quoi, c'est rare, de nos jours !) mais il avait toujours l'impression d'être atterri à Poufsouffle "par défaut", bien que pourtant il n'avait aucune des qualités requises...
Car le travail, cela n'était pas bien grave, mais si les gens de sa maison le regardent de haut en bas en se demandant "qu'est-ce-qu'il fait là, lui ?", là, cela le gêne un peu plus, lui qui privilégie les relations sociales.
Il n'écoutait donc pas Anabelle déblatérer toute son histoire, par contre son attention revient quand celle-ci lui proposa du chocolat.

Et puis quoi encore ? Ok, Shawn aimait le chocolat, comme tout ce qui pouvait être sucré, mais bon, pourquoi lui en proposait-elle, là, maintenant, alors qu'il lui avait crié dessus ? Tiens, cela lui donnait envie de recommencer... Mais bon, là, c'était d'un point de vue purement tactique qu'il ne le fit pas. Il attendrait d'avoir d'abord le chocolat, avant de péter un cable. (pas bien, Shawn, pas bien ! Même quand on est de mauvaise humeur, on ne profite pas des autres !)
Le jeune garçon sortit donc les doigts de sa bouche sans faire aucun commentaire sur la remarque de sa cousine, et tendit la main, sans aucune expression sur le visage.
La petite en profita pour se présenter, et Shawn dut se retenir pour ne pas lui postillonner à la figure "Mais par Merlin, je sais qui tu es !". Il esquissa un faux sourire, attendant son chocolat, et décida d'omettre volontairement son nom de famille.

"Shawn. Evidemment, ça ne te dit rien..." ne put-il s'empêcher de rajouter, avec une petite pointe de désespoir dans la voix.

Anabelle avait lancé un coup d'oeil perçant à Shawn. Il était vraiment bizarre, ce garçon. Un tantinet masochiste et plutôt incernable en fait. Mais la fillette ne s'en plaignait pas, bien au contraire ! Les gens prévisibles étaient tellement ennuyeux ! Que Shawn-Le-Bienheureux se réjouisse, il venait officiellement d'être répertorié par sa cousine (qui s'ignore) dans la liste des "élèves vraiment intéressants". Un honneur qui n'était pas donné à tout le monde.

*Et gentleman, en plus !* songea-t-elle avec ravissement, quand le jeune garçon lui suggéra de se défouler un peu, pour changer. Un prêté pour un rendu, alors ? Quelle excellente idée ! Ce petit irait loin, dans la vie tiens s'il le voulait il pourrait même devenir ministre de la magie à la place d'Ernie.

La fillette se leva vivement du fauteuil et entreprit de sautiller d'un air pensif autour de Shawn, en le passant en revue sous toutes les coutures. Bravo Anabelle ! Parce que si en plus d'accentuer sa mauvaise humeur, elle lui donnait le tournis, la pauvre brunette avait peu de chance de voir se concrétiser ses rêves de folle amitié. Rêves qu'elle n'avait, d'ailleurs, pas donc, tout ce paragraphe est d'une inutilité pathétique. Depuis sa plus tendre enfance, Anabelle avait été habituée à la solitude : certes, elle avait des frères et soeurs, mais ils s'occupaient bien peu de son cas, et elle n'avait jamais eu d'amis hormis Gorgeous. Par conséquent, elle se suffisait à elle-même et semblait plutôt satisfaite de sa situation.

Bref, Anabelle, donc, passa son cousin en revue quelques trente bonnes secondes avant de se planter devant lui, les poings sur les hanches et une moue de détermination comique plaquée sur le visage. Elle gratifia Shawn d'un indicible coup d'oeil en biais avant de lâcher, d'une voix flûtée, certes, mais farouchement assurée :

- Oui, c'est vrai que tu as de drôles de cheveux. Et tu n'es pas très aimable. Et maintenant que j'y pense, c'était complètement idiot de te promener avec un bout de parchemin enflammé. Surtout quand il y a des tapis par terre. Espèce de kamikaze à la manque, va ! conclut-elle avec dignité en contemplant Shwan d'un air involontairement pincé.

Puis, sans transition aucune, elle lui adressa un sourire rayonnant, comme si ce petit jeu avait enterré la hache de guerre que Shawn - elle s'en rendait compte à présent - paraissait brandir avec hargne depuis le début, et, cassant une grosse barre du chocolat qui se trouvait posé sur une petite table, à côté du fauteuil, elle la fourra sans chichis dans la main tendue de Shawn. De toute façon, il n'y avait rien de tel que le chocolat pour faire revenir la bonne humeur... Et Shawn avait visiblement besoin de beaucoup de chocolat.

Elle prit elle-même un carré grossièrement coupé et le grignota avec les dents de devant, à la manière d'une petite souris, sans cesser de lorgner son cousin d'un oeil pensif... Shawn... Shawn... Elle était censée avoir entendu ce nom là quelque part ? Auquel cas elle était bien embêtée, parce que très franchement, elle n'arrivait pas à s'en souvenir. Ceci étant, elle n'accordait généralement que peu n'importance à l'identité officielle des gens. Comme si un nom avait une quelconque importance, pfff ! C'était juste un truc arbitraire pour faciliter le travail de l'administration :

- Shawn ? C'est un joli nom... On dirait presque une anagramme... dit-elle avec une désinvolture désarmante.

Caramba ! Encore raté.

Le jeune garçon était fier de sa trouvaille. Lui ordonner de se défouler sur lui, quelle bonne idée ! Peut-être que cela annonçait le début d'un changement de caractère, qui sait ? Mais là, Shawn était bien optimiste de penser cela... Il pouvait toujours courir avant de changer le caractère d'Anabelle Montgomery-Tout-Court. Pfff, pourquoi, lui, avait le nom de Montgomery-White alors qu'elle, elle n'avait que ce premier nom ? Elle n'avait pas de mère, peut-être ? Bah, à la limite, cela ne l'étonnerait pas si c'était le cas. Mais cela l'agaçait un peu que cette famille-là (qui était la sienne) ait le monopole du nom Montgomery. Après tout, il n'y avait pas de raison à ce que Shawn s'appelle Montgomery-White. La plupart des sorciers n'avaient que le nom de leur père, il ne voyait pas pourquoi lui il hériterait de celui de sa mère. Pas que cela le gêne en soi, mais c'était à cause de cette petite qu'il râlait comme un putois.
Quoique ça allait mieux depuis qu'il avait eu cette superbe idée qui était qu'Anabelle quitte son image de petit ange innocent pour devenir une diablesse en furie.
Et elle y allait fort la diablesse ! Shawn regardait la petite lui tourner autour, mi-intrigué (qu'est-ce-qu'elle allait donc sortir ?), mi-amusé (c'était qu'elle lui obéissait !). Son agacement semblait s'être envolé avec la résignation que montrait Anabelle à lui résister. Il réalisa à l'instant qu'il pouvait lui faire faire tout ce qu'il voulait... Intéressant...
Sa petite cousine finit par se planter devant lui, prête à lui déverser à la figure toutes ses pensées. Hé bien, il attendait. Elle ouvrit la bouche et commença son discours d'un air qui se voulait assuré. Sa première phrase fit lever un sourcil au jeune garçon. Quoi ? Qu'est-ce-qu'ils avaient ses cheveux ? Le garçon ne put s'empêcher de passer sa main dans sa tignasse blonde, histoire de lui montrer qu'il en était très fier, et que si elle était en bazar, c'était que c'était fait exprès. Pff, elle ne comprenait rien à rien, cette gamine ! Autant elle lui aurait dit qu'il avait un gros nez, cela l'aurait vexé (et imaginez ce qu'il lui aurait renvoyé à la figure), autant il était très sûr de ses cheveux et se sentait intouchable de ce côté-là.

Mais ce qu'elle dit par la suite fit renaître en Shawn le garçon toujours prêt à s'amuser qu'il était d'ordinaire. Ah, enfin, ça n'était pas trop tôt ! Fini les "oui, tu as raison, oui, c'est de ma faute, oui tu es le plus beau je suis méchante et tu es gentil"... Mais la façon dont elle le disait était tellement... peu crédible, qu'il ne put s'empêcher d'esquisser un sourire. Arf, elle disait cela parce qu'il le lui avait demandé.

"J'crois pas que mes cheveux soient si drôles que ça. Que tu dise ça de ceux de Rogue, ok, mais les miens sont normaux. Les tiens, par contre..." commença-t-il sans avoir l'intention de finir sa phrase, car sa vraie nature de blagueur reprenait le dessus, et c'était aussi pour vérifier si Anabelle ne répondait pas quelque chose du genre "oui, tu as raison, ils sont moches". Le petit rire forcé qui accompagna ses paroles pouvait tout de même indiquer à sa cousine dans quel chemin il se dirigeait. "Yep, j'suis un kamikaze !" s'exclama-t-il d'une voix forte, assez fier que la petite le définisse comme cela, même si c'était sur une demande de sa part. "Un kamikaze qui voulait brûler Poudlard, simplement parce qu'il s'ennuyait..." rajouta-t-il en essayant de prendre une voix imposante.

Il avait envie, tout à coup, de vouloir effrayer la fillette - pour s'amuser, bien sûr, loin de là l'idée de passer pour une bête féroce. Il était quasiment certain qu'elle allait marcher à présent. Histoire d'en rajouter une couche, il approcha son visage tout prêt du sien, en la regardant dans les yeux. Yeux bleus dans yeux noisettes.

"Il s'ennuyait, le pauvre garçon, et il trouva que ce moyen-là pour attirer l'attention d'une petite fille. Une petite qui pourrait le distraire..." s'écria-t-il tout en essayant de rester sérieux, ce dont il avait un peu du mal à cet instant.

Il s'éloigna brusquement, et se mit à marcher de long en large à travers la pièce, tout en mastiquant le morceau de chocolat qu'Anabelle lui avait donné quelques minutes plus tôt (comme une servante qui se soumet aux volontés de son maître), se prenant subitement pour un aventurier-kamikaze. En fait, c'était beaucoup plus plaisant de la prendre de ce côté-là, sa cousine, il y avait réellement matière à s'amuser. Certainement que s'il ne s'était pas brûlé dès le début, il aurait pu se servir d'elle de cette manière. Bon, dans tous les cas, il se servait d'elle, ou pour faire passer ses nerfs, ou pour s'amuser un bon coup. Et là, il était passé dans la deuxième catégorie. Il avait mis ses mains dans le dos, et faisaient des grands pas, s'imaginant déjà les grandes bottes noires au pied, et continua son récit, à la manière d'un aventurier qui raconte son périple.

"Le problème... C'était qu'elle était trop occupée à faire autre chose. Qu'est-ce-qui pouvait bien être plus intéressant qu'un kamikaze qui était prêt à mettre le feu à l'école ? Le beau jeune homme - heureusement qu'à ce moment-là du récit il se trouvait de dos à Anabelle comme cela elle ne put voir le mini-rire qui s'échappa de sa bouche - oublia pendant un instant qu'il avait le bout de papier à la main, et ne put s'empêcher d'aller voir la petite fille pour lui demander qu'est-ce-qui pouvait plus l'intéresser que lui."

Heureusement que Shawn savait rire intérieurement, car sinon cela aurait gâché toute sa belle mise en scène.
Sauf que quand on joue un rôle, on ne le joue pas tout seul. Si Shawn continuait son récit, comme cela, sans laisser Anabelle intervenir, cela n'était plus du tout drôle. Le jeune garçon se retourna à ce moment-là, pour guetter la réaction de son petit jouet.
Il conclut d'une manière qui se voulait la plus théâtrale possible :

"La suite, je suppose que vous la connaissez. Et, au fait, si le reste des aventures de l'aventurier-kamikaze vous intéresse, j'ai écrit un bouquin là-dessus".

Arf, beau final, Shawn ! A vrai dire, il n'y avait pas à chercher bien loin pour l'inspiration. C'était une phrase digne de Lockhart, celle-là ! Il faut dire que ce professeur avait tellement marqué le jeune Poufsouffle lors de sa première année à Poudlard qu'il trouvait encore le moyen de se moquer de lui implicitement.


[Je suis désolée, j'ai changé la chronologie des choses... >.< je me suis embarquée dans mon histoire, et j'ai pensé après que ça ne faisait pas crédible si je revenais à l'histoire d'anagramme sans laisser Ana intervenir entre temps >.<
Désolée ]

Bizarres, les cheveux d'Anabelle ? La petite lança un coup d'oeil désolé à son cousin. Le pauvre chéri n'avait décidemment aucun goût. Certes, les cheveux d'Anabelle aurait probablement paru décalée si elle avait été un garçon - surtout à cause des deux petites tresses qu'elle faisait tous les matins, en fait - mais sur elle, ses cheveux étaient parfaits, merci. Shawn, par contre, aurait bien eu besoin d'un coup de peigne. Et puis cette coup de cheveux ne le mettait vraiment pas en valeur ! Il avait l'air un peu méchant, avec.
Hé bien voilà ! Bravo Shawn ! A force de vouloir titiller Anabelle, il avait réussi à lui faire prendre son petit jeu du "Critiquons nous dans la joie et la bonne humeur" au sérieux. Si elle parvenait à lui coller des complexes, il ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même. Et après, on va encore dire que les Montgomery-tout-court sont les méchants de la famille...
La fillette secoua donc la tête d'un air résolu avant de répondre avec aplomb :

- Oh non, mes cheveux vont vraiment bien avec ma tête. Mais je t'accorde qu'avec la tienne, il ferait très moche.

Elle gratifia le jeune garçon d'un sourire candide tout en haussant les sourcils, mutine, l'air de dire "na !". Anabelle était une gentille petite fille mais quand on la lançait, elle pouvait se révéler vraiment malicieuse. Et comme de coutume, elle avait tendance à ne pas savoir s'arrêter. Ce fut certainement la raison pour laquelle elle rajouta d'un ton rêveur, sans savoir qu'elle faisait une grosse, grosse boulette :

- Enfin, tu es quand même très bien... Tu aurais mérité d'être un Montgomery... Quoique, ce n'est pas nécessairement un bien, précisa-t-elle avec un sourire entendu.

Bon, Anabelle risquait probablement de découvrir d'une manière un peu plus violente de prévue qu'elle avait un cousin. Mais du moment que Shawn ne l'étranglait pas de colère, elle s'en remettrait. De toute façon, Anabelle était du genre "acharné" . Maintenant qu'elle avait décidé que Shawn était quelqu'un de très intéressant, elle n'allait plus le lâcher. Et il pouvait toujours essayer de la renvoyer paître, elle avait suffisamment d'expérience dans la catégorie "frères et soeurs pas toujours aimables" pour s'accrocher avec le sourire.

Pour l'heure, Anabelle, encore à mille lieux d'imaginer que Shawn pouvait avoir un quelconque lien avec sa famille, continuait à piailler de sa voix fluette mais étonnamment déterminée. Shawn aurait au moins eu le mérite de la faire sortir de sa coquille de petite rêveuse.
Elle esquissa un sourire en coin, l'air peu convaincue, avant de reprendre, d'un voix un tantinet moqueuse :

- Apprenti kamikaze alors, quand même, hein ! Parce que commencer par se brûler les doigts avant de brûler le château, ce n'est pas très professionnel.

Néanmoins, quand Shawn se rapprocha d'elle, la pauvre petite belette se sentit légèrement inquiète. Pas étonnant, avec une telle coiffure. Il n'allait tout de même pas mettre le feu au château pour de vrai, hein ? Il ne pouvait pas être un envoyé de Vous-Savez-Qui, hein ?
Pour tenter de dissuader Shawn de faire une telle bêtise - juste au cas où - Ana dit doucement, el soutenant le regard du petit blond :

- Mais quand même... Tu ne préfères pas changer d'orientation ? Je veux dire, kamikaze, ce n'est pas à long terme... Et puis brûler des élèves, ce n'est pas très utile, quand même... argua-t-elle, un peu déstabilisée.

Toutefois, la suite du petit discours de Shawn rassura la Poufsouffle Il plaisantait, c'était certain ! Rassurée, certes, mais tout de même, le jeune garçon avait le don de raconter les histoires. En pleine nuit, à côté d'un feu de camp, il devait vraiment être effrayant. Anabelle contint un frisson mais ne put s'empêcher de laisser échapper un petit rire avant d'applaudir vivement :

- Hé bien dites donc, tu as un vrai talent de conteur ! Pendant un moment, j'ai pensé que tu allais me poignarder !

Ce qui la mettait visiblement au comble du bonheur... Tant mieux, parce que ça risquait fort de lui arriver sous peu...

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