Encore une cousine ? [Fini]

Hoho, à croire que le plan de Shawn marchait ! Décidément, depuis qu'il lui avait demandé (ou plutôt ordonné) de se défouler sur lui, histoire qu'elle se décoince un peu, elle n'arrêtait plus ! Hé voilà qu'elle lui renvoyait encore un truc dans la figure ! Quoique, quand on y pensait, c'était quand même assez gentillet, parce qu'on pouvait l'interpréter comme : "Mes cheveux sont tellement moches qu'il ne pourraient pas t'aller, par contre ils me vont très bien à moi."
D'ailleurs, c'était comme cela que Shawn avait décidé de l'interpréter. Il lui aurait bien fait la remarque, d'ailleurs, s'il n'était pas parti tout seul dans un délire de kamikaze en folie, à la fois pour effrayer la petite et pour s'amuser. Car forcément, il ne fallait pas oublier que c'était sa vocation première, de s'amuser... Il était trop dans sa bulle pour pouvoir faire attention aux remarques que lui lançait Anabelle, d'ailleurs il se rendait bien compte que tout ce qu'elle disait était fait pour le déstabiliser, et il était déjà trop bien lancé pour pouvoir se laisser prendre à ses appâts un peu faciles. Au moins, il avait réussi à brutaliser la fillette au point qu'elle veuille le mordre à tout instant. Mais sa carapace était trop épaisse, maintenant qu'il était complètement dans la peau d'un kamikaze, et en fait, il se rendait compte avec plaisir que la fillette était quand même quelque peu effrayée. Alors il se mettait à marcher de long en large avec encore plus de superbe qu'il n'en avait déjà, bombant le torse, et lançant un regard supérieur aux alentours. Attention, quiconque aurait le courage de le braver en paierait certainement les conséquences !
Lorsqu'il finit enfin son discours, tout en faisant la pub des histoires de l'aventurier-kamikaze qu'il était, il reçut avec un certain sourire les compliments que lui faisaient Anabelle. Alalah, cette petite, alors ! Si elle lui tendait des perches comme cela, comment voulez-vous qu'il n'en profite pas ?

"Mais... C'était bien mon intention, chère petite !" s'exclama-t-il en se redressant de toute sa hauteur pour pouvoir la regarder de haut, avec un petit sourire en coin qu'il n'avait pu retenir plus longtemps. Il revenait doucement sur terre, sauf que cela ne pouvait se faire aussi brutalement. Voilà pourquoi était-il plus ou moins obligé de descendre de son petit nuage aussi doucement que possible, en lançant quelques petites remarques de ce genre-là. Et plus il descendait, et moins il se sentait seul. Je veux dire par là que pendant un moment tout ce qu'avait dit Anabelle lui était passé complètement au-dessus de la tête, et voilà que ses paroles l'atteignaient enfin. N'allez pas croire qu'il était un peu lent du cerveau, c'était juste que tout cela avait été stocké provisoirement dans le coin du cerveau dans le but d'être utilisé un peu plus tard.
Et voilà que ce qu'avait dit il y a à peu près cinq minutes fut réellement analysé par le jeune garçon...

- Enfin, tu es quand même très bien... Tu aurais mérité d'être un Montgomery... Quoique, ce n'est pas nécessairement un bien

Ces paroles auraient pu accentuer le sourire que Shawn affichait déjà (ben oui, c'était quand même un compliment), mais au lieu de cela, elles eurent l'effet totalement inverse. Tu aurais mérité d'être un Montgomery...
QUOI ? Mais elle faisait vraiment de la provocation, là, la petite ! Comment osait-elle supposer qu'il n'était pas un Montgomery ? Il l'était, et certainement mieux que ces autres Montgomery qui étaient soi-disant ses cousins et qui se croyaient supérieurs en tout ! Tiens, la preuve qu'elle en faisait bien partie, d'ailleurs...
Là, Shawn ne pouvait absolument pas rester de marbre.

"Mais JE SUIS un Montgomery ! Depuis quand les aventuriers-kamikaze ne pourraient pas être un Montgomery ! D'ailleurs, je suis même certain que nous n'avons pas la même notion de ce que c’est, un véritable Montgomery..." s'exclama-t-il en s'agitant brusquement dans tous les sens.

Certainement qu'Anabelle ne comprendrait pas ce brusque changement d'attitude, puisque le jeune garçon affichait un sourire quelques secondes plus tôt, mais bon, elle ne pouvait pas non plus suivre le trajet qu'avait fait ses paroles dans le cerveau du jeune garçon. Elle ne pouvait pas deviner qu'il n'avait réellement compris leurs sens qu'une fois descendu de son petit nuage où il s'amusait comme un petit fou. D'ailleurs, l'atterrissage avait été un peu rude, là... ça y est, le jeune garçon était parti, il était furieux, et maintenant, on pouvait se demander quand est-ce-qu'il pourrait redevenir calme.

"Shawn Montgomery ! C'est ce que j'essayais de te faire comprendre tout à l'heure ! Mais évidemment, t'avais rien compris ! T'es comme tous tes frères et soeurs, tu crois que tu es la seule au monde ! Hé bien, NON ! Il y a d'autres Montgomery ! Et franchement, je me demande qui sont vraiment les "autres Montgomery" dans l'affaire ! Vous ou nous !"

Voilà, on ne pouvait dire les choses plus clairement que cela. Si depuis le début de la soirée, Shawn avait joué avec tout ce que la petite fille pourrait croire, là, il lui disait réellement ce qu'il pensait, et cela risquait sûrement de faire mal... En tout cas, là, aucun quiproquo n'était possible.

Comment ? Un Montgomery ? Pour de vrai ? Anabelle écarquilla les yeux d’un air à la fois perplexe et ravi. Etait-ce un frère longtemps disparu dont on lui avait caché l’existence parce qu’il avait commis un crime crapuleux à l’âge de quatre ans (mettre le feu au manoir, par exemple) ? Ou bien un neveu qui avait été adopté par un membre bienveillant de la famille parce que Christian était trop jeune pour l’élever correctement (Anabelle n’était pas très calée, question reproduction) ? Peut-être était-il un cousin éloigné que sa famille avait rejeté parce qu’il n’était pas comme eux ? Toutes les hypothèses étaient permises, et la situation réjouissait Anabelle, quelle que soit la colère de Shawn.
Car, contrairement au reste de la fratrie, la petite ignorait tout de l’existence des Montgomery-White. Elle aurait probablement réalisé plus tôt leur existence si elle avait été en cours avec l’un d’eux, mais comme ce n’était pas le cas, elle avait été maintenue dans l’ignorance à leur sujet jusqu’à ce jour.

- C’est vrai ? s’exclama-t-elle, se délectant visiblement de l’information, tu es un Montgomery ? Ce n’est pas une blague ? Oh ! Je suis tellement contente, si tu savais ! Je veux dire, mes Montgomery à moi, ils sont biens aussi, hein ! Mais très franchement, ils manquent un peu de fantaisie, avoua-t-elle en fronçant le nez d’un air désapprobateur.

Par «mes Montgomery», elle entendait, bien sûr, ses frères et sœurs. C’était d’ailleurs bien la première fois qu’elle les critiquait ouvertement devant quelqu’un, et il fallait qu’elle tienne Shawn en haute estime pour s’y risquer. Malheureusement, ce dernier n’avait pas l’air enchanté et même l’état extatique dans lequel la brunette se trouvait ne pouvait le lui dissimuler. Elle décida toutefois de passer outre et poursuivit aussi sec, couvant Shawn d’un regard dégoulinant d’un respect quasi-religieux :

- Mais un vrai Montgomery, c’est quelqu’un de très bien et aussi de très différent, qui est capable de faire des choses totalement farfelues et qui a des cheveux bizarres même s’ils vont bien avec sa tête. C’est très important, ça, les cheveux, assura-t-elle sur le ton de l’évidence.

Elle se tut un instant et parut réfléchir intensément, sans cesser de fixer son cousin/frère/neveu/rayer les mentions inutiles, avant de reprendre plus calmement :

- Enfin, moi, je ne suis pas certaine d’être digne des Montgomery, des fois, hein ! Parce que j’ai peut-être des cheveux bizarres, mais je ne suis pas quelqu’un de très bien, je pense. Mais toi, tu as ça dans le sang, et ça se voit, conclut-elle avec autorité.

Oui, enfin, parler de sang n’était peut-être pas une idée brillante, en fait. Shawn n’avait probablement pas très envie de partager son sang, si elle en jugeait par la manière dont il considérait le reste de sa fratrie, mais elle était bien trop émoustillée par la découverte inattendue de ce Montgomery là – qu’elle trouvait bien plus amusant que ses frères et sœurs (ce qui lui laissait un arrière goût de culpabilité refoulée) – pour réellement prêter attention à la manière dont elle exprimait sa pensée. Ce qui était un comble quand on connaissait sa prudence coutumière. Bravo Shawn : alors comme ça, on pervertit les petites cousines, maintenant !

- Ah bon ? Mes frères et sœurs te connaissent ? répéta-t-elle d’une voix franchement surprise voire même choquée, mais… Mais… Pourquoi ils ne m’ont jamais parlé de toi ? Je suis quand même leur sœur, non ? Je veux dire… Ils auraient au moins pu…

Elle se sentit subitement totalement perdue. Elle qui vouait une confiance aveugle en ses frères, voilà qu’elle découvrait que ceux-ci lui dissimulaient des informations aussi capitales que celle de l’existence de Shawn. Et combien d’autres choses encore ? C’était tout bonnement inadmissible et inconcevable ! Ce n’était pas exactement comme si Shawn était un fou dangereux (bon, d’accord, il était pyromane et kamikaze, mais ce n’était pas si grave, quand même !) et quand bien même, elle avait le droit de savoir ! Après tout, il était aussi de sa famille, nom d’une flûte sans clef ! Qu’Izzie ou Vickie ne lui aient rien dit passe encore : elles ne lui disaient jamais rien d’une manière générale. Qu’Edward ait été trop obnubilé par son idiote d’Agapanthe blonde pour lui parler de Shawn était, somme toute, pardonnable (tout était la faute d’Agapanthe). Mais que Christian et Quentin soient restés muets était carrément dégoûtant. Pour la première fois de sa vie, Ana se sentait véritablement en colère contre eux. Et maman ! Ah maman ! Elle aussi n’avait rien dit ! Quelle… Quelle… Quelle affreuse maman, tiens !

Anabelle respira un grand coup, les joues roses, et lâcha d’un ton étonnamment doux étant donné son état d’esprit rageur :

- Je suppose qu’on peut dire que nous sommes tous «les autres Montgomery» dans cette histoire… Mais je ne sais plus si j’ai très envie d’être Montgomery, moi, si ça veut dire qu’on se cache des choses, rajouta-t-elle gravement.

*Hep ! Minute ! Il a dit «nous» ? C’est qui «nous» ? Parce qu’ils sont plusieurs, en plus ? Oh Christian, espèce de vieille chaussette ! Quentin, sale raton ! Vous êtes vraiment des Serpentard !* réalisa-t-elle tout d’un coup, ce qui la poussa à demander d’un air abattu :

- Tu as des frères et sœurs, toi aussi ? Et ils t’ont parlé de ma famille à moi ? Ben ils sont honnêtes, eux, au moins, acheva-t-elle, peinée de ne pouvoir en dire autant de ses aînés.

(917 mots)
Compté

Depuis le début de l'après-midi, on pouvait vraiment qualifier Shawn de lunatique. Il n'arrêtait pas de passer d'un état à un autre sans la moindre transition, d'un amusement presque démoniaque à la fureur en passant par la moquerie et l'énervement. Pourtant, ce n'était vraiment pas son genre. En général, il ne s'énervait pas comme cela, c'était vraiment rare. A croire que la famille Montgomery le poussait à se mettre dans tous ses états, ce qui l'énervait encore plus car il avait le sentiment qu'il ne pouvait pas contrôler ses propres sentiments. C'était assez désagréable en soi, et finalement, Anabelle en était la cause, même si c'était indirectement et qu'elle n'y était pas réellement pour grand chose (quoique son caractère soit aussi propice aux changements d'humeur de Shawn). Aussi tout ce qu'elle pouvait dire était prêt à affecter le jeune garçon, que ce soit dans un sens ou dans l'autre. Quand elle parut ENFIN comprendre à qui elle avait affaire (ce n'était pas trop tôt !), le jeune garçon parut à la fois soulagé et exaspéré. Il n'y avait pas de quoi montrer tant d'enthousiasme, quand même... Franchement, quand on voyait sa famille, il n'y avait pas forcément de quoi être fier à s'appeler Montgomery. Du moins, c'était le sentiment qu'avait Shawn en cet instant. Manque de fantaisie, tu m'étonnes ! ça avait l'air d'être l'armée, chez eux ! Barf, Anabelle devait être considérée comme une rebelle... Le jeune garçon eut tout de même un semblant de sourire en entendant la petite fille donner la description d'un "vrai Montgomery", une description qu'il pouvait fortement penser qu'elle lui correspondait, vu tout ce que la petite disait depuis le début de l'après-midi. En fait, il ne comprenait pas pourquoi elle était en quelque sorte fascinée par sa personne, alors qu'il n'arrêtait pas de se passer les nerfs sur elle. Elle était vraiment bizarre, c'te gamine, quand même !
En plus, elle semblait embarquée sur le sujet des Montgomery, paraissait même intarissable, alors qu'elle aurait quand même pu comprendre que ce n'était pas le sujet de conversation préféré de notre jeune garçon... Quand c'était possible qu'il y ait un sujet de conversation "normal" entre eux deux, bien sûr...

"Mais t'as fini de te dévaloriser comme ça, à la fin ? C'est vrai, c'est un peu désolant, quand même... Et puis, franchement, j'sais pas si c'est la peine d'essayer de chercher à être digne des Montgomery... J'prends pas ça comme un compliment quand tu m'dis que j'ai ça dans le sang. Pas très fier de mon côté Montgomery, tu vois... C'est dommage, je l'étais assez avant d'apprendre votre existence." dit-il avec un cynisme marqué.

Il eut un petit rire jaune et laissa Anabelle parler... C'est vrai, pour une fois qu'elle s'exprimait librement, il ne fallait pas la réprimer. Alalah, toute une éducation à refaire, cette petite, nan mais j'vous jure ! Elle n'avait donc pas compris pourquoi elle n'avait jamais entendu parler de lui ? Elle n'avait pas compris qu'elle était tellement dans sa bulle pour pouvoir faire attention à tout ce qui l'entourait ? Elle n'avait pas compris non plus que les demi-cousins ne se portaient pas mutuellement dans leur coeur et évitaient donc de parler "des autres" ? Ce n'était pas si compliqué pourtant ! Le jeune garçon essaya de contenir son énervement qui recommençait à monter, et essaya vainement de s'attendrir sur le sort de la petite qui paraissait visiblement déçue qu'on lui ait caché ça... Pssst, pitoyable !

"NAN ! On ne se connaît surtout pas... On connaît l'existence des autres, nuance ! Tieeens, c'est vraiment ETRANGE qu'on ne t'ait jamais parlé de nous........ Je suis sûuur que tes frères et soeurs parlent tous les jours de notre beeeeelle amitié ! Par contre, peut-être que t'as remarqué que ton frère aîné parlait beaucoup d'une certaine Maera... HEIN ?"

Shawn parlait doucement, tout en haussant le ton subitement sur certains mots, comme s'il n'arrivait pas à contenir sa colère durant tout le temps qu'il parlait. Pourtant, il faisait des efforts inouïs pour essayer d'expliquer calmement la situation à cette petite qui venait d'atterrir sur terre...

"Et sais-tu quel est le nom de famille de cette Maera ? Si je te dis qu'elle a une jumelle Megara, ça peut peut-être te mettre sur la piste, non ? Oh attend, je suis sûur qu'avec ta vivacité d'esprit tu vas pouvoir deviner qui est cette Maera, et cette Megara..."

Il se retourna pour cacher son visage entre ses mains. Non, il ne voulait pas qu'Anabelle puisse voir dans quel état cela le mettait de penser à l'hideuse situation dans laquelle ce Christian les avait mises... Il avait osé choisir Maera pour petite amie... Ses soeurs ne se disputaient jamais, ou presque. Même si le plus dur était certainement passé, il ne fallait pas se voiler la face, les tensions étaient toujours bel et bien là. Shawn s'était imaginé que Maera s'était laissé prendre au jeu (ou plutôt au piège) que lui imposait le plus grand des Montgomery-tout-court mais qu'elle reprendrait bien vite conscience de son erreur. Il était persuadé qu'elle l'enverrait paître tout de suite après, surtout en voyant dans quel état elle avait mis sa jumelle en lui apprenant la nouvelle, sans même songer à Shawn, qui avait lui aussi été touché. Mais non, cela faisait des mois que cela s'était passé, et elle était toujours avec ce... ce... Raaaaah ! Mais comment pouvait-elle être amoureuse d'un être aussi infâme ? En laissant tomber sa soeur jumelle... Non, ces Montgomery étaient vraiment une cause de désastres permanents. Le jeune garçon, en songeant à cela, commença à sentir quelques larmes lui couler sur le visage. Il les essuya d'un geste brusque, tournant toujours le dos à la petite fille. Non, il ne devait pas pleurer. Il ne fallait pas qu'il avoue sa faiblesse, ce serait trop faire plaisir à ces Montgomery. Même si Anabelle était visiblement un peu exclue du cercle, elle n'en restait pas moins une de leurs soeurs. Pourtant, il fallait que ça sorte. Il n'en pouvait plus. Il n'en parlait jamais. Ni à Lili, il ne voulait pas l'embêter avec ses histoires de famille, il lui avait juste expliqué les grandes lignes, sans rentrer dans le détail (et puis, il ne voulait pas en arriver au point de pleurer dans ses bras, non plus !), ni à Megara, car s'il abordait le sujet, il voyait bien que cela la mettait dans un état qui lui faisait du mal... Non, il ne pouvait en parler à personne, et celui lui pesait vraiment. C'était la première fois qu'il ressentait quelque chose comme ça. D'habitude, il était plutôt du genre à être je-m'en-foutiste, mais jusqu'à présent, cela n'avait jamais touché sa famille proche. Là, il pouvait se rendre compte à quel point il tenait à ses soeurs (au delà même du fait qu'il adorait les embêter - même cette période-là semblait révolue tellement il y avait un malaise qui régnait entre les trois personnes), et à quel point la famille Montgomery dans son intégralité était un désastre.
Alors, il eut quelques mots qu'il ne put retenir au fond de sa gorge... C'était ça, ou le déclenchement de gros sanglots.

"VOUS AVEZ MÊME RÉUSSI À POURRIR MA FAMILLE !"

Et il s'éloigna pour aller s'écraser sur un fauteuil, toujours en cachant son visage entre ses mains... Mon Dieu, pourquoi fallait-il que cela explose maintenant, devant l'une de ces Montgomery ?
Lili, pourquoi n'étais-tu pas là, à ce moment-là ? Tu serais certainement la seule personne qui aurait pu consoler notre jeune homme... En tout cas, il était certain qu'Anabelle ne serait pas la mieux placée pour le faire...

Une fois n'est pas coutume, Anabelle se sentait particulièrement mal à l'aise. Mon Dieu ! Mais quels monstres étaient-ils tous, les Montgomery-Tout-Court, pour réussir à mettre dans un tel état un garçon qui, de toute évidence, avait tout pour lui.
Les yeux écarquillé, la petite contemplait son - néanmoins - cher cousin d'un oeil à la fois apeuré et un tantinet intrigué. Oui, intrigué. Car après tout, c'était une partie de sa famille, qu'elle venait de découvrir, et cette partie lui soufflait que tout n'était pas rose, chez les Montgomery-Sans-Rien-Merci. En fait, elle commençait même à comprendre avec horreur qu'on lui avait soigneusement dissimulé des éléments essentiels de sa propre généalogie au cours des douze dernières années. Quelle hypocrisie ! Il lui semblait encore entendre Christian déplorer, un an auparavant, qu'elle se retrouve seule à Poufsouffle alors même que, selon toute vraisemblance, Shawn y était déjà, lui.
Elle se mordit la lèvre inférieure d'un air pensif et, penchant la tête sur le côté, gratifia son cousin d'un bref coup d'oeil contrit qui n'aurait probablement eu aucun mal à faire fondre l'ogre le plus cruel. Malheureusement pour Anabelle, Shawn n'était pas un ogre quoique mais un Poufsouffle blessé dans son orgueil... Et il risquait d'en falloir un peu plus qu'un regard à la Bambi ("Où est Maman ?") pour l'amadouer.
Finalement, elle parvint à glisser d'un ton sec, entre deux répliques hargneuses :

- Hé bien au moins, toi, tu as de quoi être fier...

Sa voix lui sembla étrangement cassante, et elle en fut la première surprise. Diantre ! Voilà qu'elle se mettait à ressembler à McGonagall lorsqu'elle annonçait qu'aucun retard de copies ne serait toléré... Honteuse de se montrer si sèche avec Shawn alors que, de toute évidence, celui-ci souffrait profondément, Anabelle se sentit pâlir et elle piqua du nez - en signe de soumission - en direction de ses souliers, tirant au passage nerveusement sur une de ses nattes.
Elle avait, plus ou moins volontairement, insisté sur le "toi" pour laisser entendre à son cousin que ce n'était pas son cas à elle. Entendons-nous bien : Anabelle était très attachée à sa famille, et malgré l'ire - certainement justifiée - de Shawn, elle n'allait pas fuguer pour fuir les siens dès le lendemain. Seulement en cet instant précis, elle regrettait profondément de ne pas avoir un référent paternel auquel se raccrocher. Car si Shawn, lui, pouvait se dire qu'au moins une partie de sa famille n'était pas pourrie, Anabelle, elle, n'était que Montgomery. Elle se sentait Montgomery-Que-Dalle et se définissait en tant que telle puisqu'elle ne connaissait rien d'autre. Une situation qui, jusqu'à présent, lui avait toujours convenu. Mais maintenant qu'elle se sentait confusément honteuse à l'égard de son cousin, elle aurait bien aimé pouvoir penser qu'elle ne pouvait pas être totalement viciée. Qu'il y avait au moins une petite partie d'elle qui n'était pas Montgmery. Hélas ! Penser à son père n'avait rien de très rassurant : après tout, il ne devait pas être bien fréquentable, s'il avait abandonné sans remords femme et enfant(s?).

*Oh Merlin ! J'espère qu'il ne va pas croire que je suis en train de me plaindre, au moins...* songea-t-elle soudain avec anxiété, en coulant un oeil prudent en direction du Poufsouffle. S'il y avait bien une chose qu'elle voulait éviter, c'était un regain de colère...

Mais visiblement, Shawn n'avait pas besoin qu'on le pousse dans ses retranchements : il semblait parti sur sa lancée et rien ne pouvait l'arrêter. Anabelle esquissa une grimace horrifiée lorsqu'il se mit à évoquer des noms qui ne lui évoquaient absolument rien. Qui était-ce, Maëva ? Elle était certaine qu'elle ne la connaissait pas ! Pourquoi est-ce que Christian lui en aurait parlé ? Elle était à Serpentard ? Et Mergarit ? Elle aussi elle devrait la connaître ?
Perplexe, Ana parut franchement perdue l'espace de quelques secondes. D'autant plus qu'elle devinait que poser candidement toutes ces questions à Shawn ne ferait qu'envenimer la situation... Quel dommage qu'elle n'ait pas Christian sous la main ! Il aurait certainement été en mesure d'éclaircir ce mystère !
La petite en était encore à soupeser le pour et le contre quand Shawn se mit soudain à lui crier dessus plus fort que jamais. Anabelle se raidit et retint son souffle : oh mon Dieu ! Elle allait mourir en plus il lui crachait dessus ! Elle eut une pensée furtive pour son pauvre Gorgeous dont personne ne prendrait soin, si jamais Shawn l'étranglait, avant de se recroqueviller d'un air malheureux au fond de son fauteuil... Mourir si jeune, quel drame !

Il devait toutefois rester un fond de sang-froid à Shawn car Anabelle resta en vie. Ebahie, elle cligna des yeux, osant à peine regarder son cousin qui s'était avachi dans un fauteuil. Pauvre, pauvre Shawn ! Elle se sentait tellement désolée pour lui ! Elle aurait tellement aimé pouvoir se faire pardonner !
Elle finit par se lever doucement pour s'approcher de son cousin. D'une main prudente, elle déposa toute sa tablette de chocolat à côté de lui - cadeau modeste, certes, mais sincère - avant de reculer d'un pas vif (mieux valait-il garder ses distances !). Elle demeura quelques secondes parfaitement immobiles, tortillant maladroitement le dernier bouton de son gilet, avant d'assurer d'une voix flûtée qui avait retrouvé toute sa douceur :

- Tu ne m'aimes peut-être pas, mais moi, je t'aime bien quand même...

Puis, sans laisser à Shawn le temps de répliquer, elle sautilla d'un pas léger jusqu'aux escaliers qui menaient aux dortoirs et disparut.

(Terminé pour Ana)

Shawn était infect. Il avait une petite à ses pieds pour l'écouter et l'admirer, et lui, il la jetait comme une vieille chaussette. En fait, non, il la jetait pas, il lui faisait passer toute son amertume, toute sa colère, tout ce qu'il gardait caché au fond de lui depuis le début de l'année. Et encore plus depuis ces derniers temps où Maera sortait avec Christian. Et malgré tout cela (il y avait sûrement de quoi faire fuir un gobelin à être aussi désagréable), la petite restait. Non seulement elle restait, mais en plus elle ne paraissait même pas fâchée des paroles de son cousin. En fait, elle semblait touchée par les paroles du garçon, mais pas dans le sens auquel celui-ci s'attendait. Après tout, cela aurait été plus logique que la petite défende sa famille, ses frères et soeurs (en tout cas c'est ce qu'aurait fait Shawn, mais de toute façon ses soeurs avaient quand même tout pour qu'on veuille les défendre, contrairement aux Montgomery-Tout-Court), mais on aurait dit qu'elle était dans son camp, à lui, qu'elle était d'accord (même si elle était surprise) avec tout ce qu'il disait - ou criait, plutôt. Etait-ce encore une fois par soumission ? Si c'était le cas, cela risquait d'énerver encore plus Shawn qui ne supportait pas de voir cette petite acquiescer tout ce qu'il disait sans même oser émettre des doutes. Bah, de toute façon, le garçon s'était déjà trop énervé, il avait tout donné, cela ne servait strictement à rien de continuer. Il était dans son fauteuil et ne semblait même plus capable de se lever. Complètement abattu. C'était comme s'il n'y avait plus rien autour de lui, même Anabelle semblait avoir disparu l'espace d'un instant, tellement le jeune garçon se sentait perdu. Il ne savait plus du tout où il en était. C'était un casse-tête pas possible cette famille, ça le fatiguait. Pourquoi avait-il fallu qu'il apprenne leur existence ? Il vivait cent fois mieux dans l'insouciance la plus totale ! Shawn n'était vraiment pas le genre de garçon à s'énerver tout le temps ni à piquer des crises, au contraire il essayait d'être cool avec tout le monde, mais à présent, le nom de Montgomery suffisait déjà à lui faire grincer des dents. C'est dingue comme quelque chose qui parait tout à fait banal peut changer la personnalité de quelqu'un. Il restait le même, bien sûr, mais pas autant que s'il n'y avait jamais eu les Montgomery-Tout-Court. Il en voulait presque à son père d'avoir appartenu à cette famille. Bien sûr, celui-ci n'y pouvait rien, mais quand même.
Le jeune Poufsouffle ne vit pas Anabelle s'approcher doucement de lui et déposer une tablette de chocolat à son intention. Il ne leva même pas la tête quand elle lui dit ses dernières petites paroles avant de s'éclipser.

"Ouais, c'est ça..." furent les seules paroles qu'il put prononcer en guise de réponse. C'était minable, naze et tout ce que vous voulez, Shawn s'en rendait compte, mais il était maintenant épuisé, c'était tout ce qu'il était capable de dire.

Quelques minutes plus tard, quand il releva enfin le regard et qu'il aperçut la tablette de chocolat auprès de lui, il eut un petit sourire. Sûr, elle ne l'avait pas oublié, vu qu'elle n'était pas à cet endroit au début. Quand même, il était pas très doué. Il venait certainement de tomber sur la moins pire des Montgomery, et il avait réussi à lui laisser une image assez négative pour lui inspirer de la pitié et qu'elle lui laisse une tablette de chocolat. Mais il n'avait pas besoin de sa pitié. Elle était bien gentille, mais quand même, il n'allait pas se laisser abattre par des absurdités pareilles. Il fallait avoir l'esprit combatif, dans la vie ! Certes, à des moments donnés cela peut paraître très difficile, mais bon... A présent, il se sentait un peu bête parce qu'Anabelle était partie en ayant une image un peu spéciale de lui, une image qu'elle irait peut-être rapporter au reste de sa fratrie.
Bah, après tout, il fallait dédramatiser la situation. C'était bien le cadet de ses soucis, non ?

Le jeune garçon, avec un ultime effort se leva, se saisit de la tablette de chocolat, et prit un carré dans lequel il mordit. Une douce chaleur l'emplissait. Ah, quand même, les sucreries, le chocolat, c'était son monde, hein ! Cela avait même le goût de le remettre furieusement d'aplomb. Ca y est, il était prêt à affronter une nouvelle série d'aventures !
Et il y en avait une qui se présentait à lui, celle de faire passer un message top-secret (alias Tablette de Chocolat) à un de ses contacts, une jeune fille à l'air un peu perdu.
Bon, il était quand même overbooké, surchargé de travail, donc s'il ne trouvait pas son agent dans les minutes qui suivent, il utiliserait un messager de très grande confiance pour s'acquitter de cette mission. Après avoir exploré la salle dans ses moindres recoins (mais ce n'était pas une salle, c'était une grotte, un souterrain, un précipice !) il se résolut donc à adopter le plan B et alla à la rencontre d'un élève (qu'il ne connaissait même pas) et lui dit d'un air sérieux.

"Tu connais Anabelle Montgomery ? Porte-lui ça de ma part, et tâche à ce que cela arrive en entier."

Il avait enveloppé la tablette avec un pull qui traînait par là (tant pis pour son propriétaire, il n'avait qu'à le ramasser !) histoire que cela soit moins tentant pour le messager, mais bon, il se doutait de la difficulté de la tâche. Après tout, si le message n'arrivait pas en entier, ce n'était pas si grave, car le destinataire le comprendrait quand même certainement son contenu...

[Topic terminé ^^]