Rendez vous avec un ancien collègue

Bien qu’Albus était en règle générale d’une ponctualité irréprochable, un petit événement l’avait retenu au château de Poudlard. Cet événement ou plutôt ce problème n’était pas bien grave, mais suffisamment gênant pour que la Grande Inquisitrice lui demande de s’en occuper sur le champs. Pour résumer le soucis en trois mots, je dirai « problème de cheminée ». Ombrage étant une bonne femme qui tenait absolument à rester en contact avec le ministère à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, elle ne pouvait supporter l’idée que la communication passe mal et avait exigé d'Albus qu'il règle le problème aussi vite que possible.

Ainsi Albus avait donc passé une bonne partie de la matinée et toute sa pause déjeuner à genoux dans la poussière à ramoner avec sa baguette – et avec l’aide de quelques elfes de maison – les conduits de cheminée. Cette tâche l’avait épuisée et l’avait mis en retard pour son rendez-vous avec son vieil ami Horace. Cependant le directeur n’était pas homme à s’énerver facilement, et c’était donc avec un étrange sourire accroché aux lèvres – et un poil de suie sur le bout de son long nez – qu’il entra aux Trois Balais.

Se frayant un passage parmi la foule et saluant les différentes personnalités du monde sorcier qui se trouvaient dans la place, Albus finit par s’approcher du bar. Il remarqua que la plupart des personnes se montraient hostiles à sa présence et il mit ça sur le compte des ragots et des mensonges de la Gazette du Sorcier. Cela ne l’empêcha pas de se montrer charmant avec tout le monde et de gratifier Madame Rosmerta d’un baise main lorsqu’elle se trouva à proximité.

DUMBLEDORE – Je vous souhaite le bonjour Madame, comment vous portez-vous ?
ROSMERTA – Comme un charme Albus… Et vous donc ? On ne vous voit pas beaucoup dans le coin ces temps-ci ?
DUMBLEDORE [D’un ton qui se veut mystérieux] – Oh vous savez, les affaires, les affaires
ROSMERTA – Aaah vous ne changerez décidément jamais. Menfin puissent les choses aller mieux pour tous d’ici peu… Qu’est ce que je vous sers ?
DUMBLEDORE [Un peu distrait] – Hum j’ai bien envie d’un milkshake à la pomme… [Remarquant l’air surpris de Mme Rosmerta] Oh, suis-je bête… Un jus de groseille m’ira très bien…

Souriant chaleureusement à Mme Rosmerta qui se retourna pour servir le jus de groseille, Albus se tourna alors vers son vieil ami l’ancien professeur Slughorn.

DUMBLEDORE – Bonjour Horace, je te prie d’excuser mon retard et ma tenue peu présentable… Une sombre affaire de cheminée qui m’a retenue au château…

[HJ : Je viens de relire le livre et aussi surprenant que cela puisse paraître, Slughorn tutoie Dumbledore et vis versa.]

Horace Slughorn continua à boire sa bierraubeurre en observant les clients de l’auberge, certains venant saluer l’ancien professeur de potions de temps à autre mais visiblement personne ne restait très longtemps. Une certaine agitation régnait dans le pub. Soudain la porte s’ouvrit et Albus Dumbledore entra. Slughorn eut un sourire crispé. Après tout ce qu’il avait entendu sur Dumbledore au cours de l’été il ne savait plus sur quel pied danser. D’un côté il voulait croire au retour de Tom Jedusor mais d’un autre il ne voulait pas se faire des ennemis dans le Ministère, il ne voulait pas tâcher les relations qu’il avait mit tant d’années à tisser. Il fallait donc qu’il pose quelques questions à l’ancien professeur de métamorphose et maintenant directeur de Poudlard.

Le directeur de Poudlard s’arrêta quelques secondes pour échanger quelques mots avec Mrs. Rosmerta et se dirigea vers la table qu’occupait Slughorn. L’ancien professeur de potions salua son collègue et l’observa avec un sourire.

« Tu as de la suie sur le bout du nez Albus… »

Il poussa une chaise près de lui faisant signe au directeur de Poudlard de prendre place à ses côtés. Il lança un regard sur le côté et sourit à son ami.

« Ce n’est rien prend place Albus. Je sais ce qui s’est passé je viens de voir passer Arthur qui m’a informé que Dolorès Ombrage tenait absolument à ce que sa cheminée soit réparée… Une femme charmante… »

Il se mit à rire et continua à boire sa bierraubeurre. Puis il prit un air plus grave et observa le directeur.

« Écoute Albus je n’irais pas par quatre chemins ; si j’ai voulu te voir c’est pour savoir si tu penses vraiment que Tom Jedusor est de retour ? Je veux dire… tu comprends… peut-être va-t-il essayer de me rechercher… je devrais peut-être penser à me cacher qu’en penses tu ? »

Des gouttes de sueurs commençaient à couler sur son front. Il sortit un grand mouchoir de soie et s’épongea le front. Il fit signe à Mrs. Rosmerta qui arriva près des deux hommes.

« Une autre bierraubeurre je vous pris. »

Rosmerta se retourna et alla chercher la bierraubeurre. Horace observa attentivement son ami et attendit la réponse de son ami en espérant que celui-ci serait raisonnable et se rangerait du côté du Ministère.

[HJ : T’as bien fait de me le redire, je m’en rappelais pas du tout ^^]

Albus ne parut pas surpris quand son collègue l’informa qu’il avait de la suie sur le nez. Après tout c’était logique puisqu’il venait de ramoner une cheminée et qu’il n’avait pas vraiment pris la peine de se laver le visage puisqu’il était déjà en retard. Après avoir lâché un vague « Ah oui ? » il leva son verre de jus de groseille à la hauteur de son nez, et le liquide pourpre prit soudain une teinte argentée et une consistance particulière telle un miroir. Albus put donc repérer la tâche avant de la frotter négligemment du bout de ses doigts.

Une fois la tâche disparue, Albus porta le verre à ses lèvres et le liquide reprit instantanément une couleur et une forme plus normale. Il but une gorgée et esquissa un sourire tout en buvant lorsqu’Horace lui parla d’Ombrage : cette femme si charmante… Il en aurait beaucoup à dire sur ce qu’il pensait d’elle, mais ça n’était pas dans ses habitudes de médire sur ses collègues, et puis il se doutait bien qu’Horace n’avait pas fait le déplacement pour lui parler d’Ombrage.

Albus reposa son verre et le tourna d’un quart de tour tout en ne le quittant pas des yeux, comme si il avait voulu incruster ce verre dans le comptoir. Pendant ce temps Horace reprit une gorgée de Bièraubeurre et se mit ensuite à parler des raisons qui l’avaient poussé à provoquer cet entretien. Albus leva alors les yeux sur lui et l'écouta attentivement.

¤ Nous y venons… ¤

Ainsi, Horace voulait savoir si Dumbledore croyait vraiment au retour de Jedusor ? Albus haussa un sourcil avant de répondre… Horace le connaissait bien, il devait avoir compris que le directeur n’affirmerait pas de telles choses si il n’en était pas 200% certain. Non, son ami voulait plutôt le sonder afin de savoir si il lui était nécessaire de se cacher.

“Oui Horace, je crois sincèrement que Voldemort est de retour…”

Suite à ces mots plusieurs sorciers frémirent et quittèrent le comptoir pour s’installer le plus loin possible de Dumbledore. Mme Rosmerta elle-même manqua de briser une tasse et fit signe à Albus pour lui intimer l’ordre de faire moins de bruit. Albus cependant, ne sembla pas s’en émouvoir, ni même le remarquer.

« … si il se met à ta recherche, ça sera certainement pour profiter de ton savoir et de tes compétences. Je doute qu’il te veuille du mal. »

Maintenant est-ce que cela valait le coup pour Horace de se cacher ? Peut-être que oui, peut-être que non. Il était certain que se cacher ne ferait pas avancer les choses, et que si tous les alliés du bien fuyaient devant la menace, la guerre était perdue d’avance. Cependant Horace n’était pas un homme à recevoir des ordres ou même à écouter vraiment les conseils qu’on lui donnait. Il fallait que la décision vienne de lui même.

« Je ne sais pas si te cacher serait vraiment nécessaire… Il me semble que te rapprocher de tes amis serait plus sage. Les moldus ont trouvé un très beau proverbe pour illustrer ce genre de situation : « l’union fait la force ». Ne penses-tu pas Horace que tu serais mieux près de nous ? »

La peur que ressentait l’ancien professeur de potions n’était pas feinte. Lorsque le nom de « Voldemort » fut prononcé, elle devint même parfaitement visible puisque son ami s’était mis à transpirer à grosses gouttes.

¤ C’est une bonne chose qu’il soit à la Bièraubeurre et pas au thé… Ce pauvre Horace aurait bien besoin de se détendre. ¤

Tâchant de se rendre rassurant et de masquer ses propres inquiétudes, Albus conserva une apparence très calme et choisit ses mots avec soin pour ne pas alarmer davantage son ami. La situation était effectivement très grave, et peut-être qu’effectivement Tom Jedusor chercherait à tuer Horace Slughorn, cependant, Albus ne pensa pas que cela soit une bonne idée de confirmer à son vieil ami que ses doutes étaient justifiés.

« Il est vrai que Voldemort ne s’est pas montré très tendre ces derniers temps… » répondit-il vaguement « Je ne saurai que trop te recommander de rester prudent. »

~ Et parfois se cacher ne s’avère pas suffisant… Souviens-toi de Lily Horace. Souviens-toi de Lily… ~

Ne pouvant se résoudre à prononcer ses dernières paroles à voix haute – de peur de raviver la douleur qu’avait ressentie son ami suite à la nouvelle du décès de son élève favorite – Albus tenta s’insuffler cette pensée à son ami par un regard appuyé et une très légère intrusion dans son esprit.

Horace exprima alors des doutes quant au sort que lui réservait Jedusor ce qui étonna Albus. Pour le directeur, il était plus qu’évident que les mangemorts allaient le contacter pour le rallier à leur cause, il était d’ailleurs presque étonné qu’ils ne l’aient pas déjà fait.

« Oh tu sais, tu pourrais encore en apprendre beaucoup à Tom Jedusor. Ça ne m’étonnerait pas qu’il cherche à te recruter un jour… »

Albus ne souhaitait pas faire peur à son ami, mais il estimait qu’il valait mieux le mettre au courant le plus tôt possible afin qu’il se prépare à cette éventualité. Arriva alors ce à quoi le directeur s’attendait, son ami chercha à le faire culpabiliser en lui rappelant sa part de responsabilités dans l’histoire, et probablement dans l’espoir de recevoir sa protection.

¤ Si tu savais comme je voudrais te faire venir à Poudlard, comme tu m'y serais précieux… Si je le pouvais je t’y offrirais un poste dès maintenant… ¤

Malheureusement pour le moment cela n’était pas vraiment possible puisque le directeur avait les mains liées par la grande inquisitrice. Il avait déjà suffisamment de mal à conserver ses professeurs – il bataillait encore tous les jours avec Ombrage à propos du professeur Trelawney – il lui était absolument impossible de faire venir d’autres personnes au château en ce moment.

« Je le sais Horace, mais pourtant je ne regrette pas d’avoir donné sa chance à ce garçon ; sa chance de devenir quelqu’un de bien. Il est vrai que par la suite j’ai manqué de vigilance, et c’est sûrement entièrement ma faute si Tom Jedusor est devenu Voldemort. »

Si son visage conservait son impassibilité légendaire, Albus ressentait énormément de peine lorsqu’on lui rappelait sa part de responsabilité. Certes il acceptait toujours les critiques de bonne grâce car il estimait que c’était un bien maigre châtiment à recevoir comparé à ses fautes, mais cela réveillait tout de même en lui beaucoup de tristesse et un sentiment aigu de culpabilité.

“Je ferai mon maximum pour te protéger Horace, bien que cela me soit difficile depuis Poudlard, je te promets de faire mon maximum…”

« Harry traverse une période difficile ces temps-ci, mais il fait preuve d’un grand courage et d’un grand cœur. Il a beaucoup hérité de ses parents de ce côté là. »

Albus aurait eu beaucoup à dire sur Harry et il aurait très certainement été écouté par Horace. Celui-ci s’était tellement attaché à Lily Evans qu’il ne faisait aucun doute qu’il apprécierait grandement d’entendre parler de son fils unique.
Cependant, le directeur s’efforça d’écourter le sujet et d’en parler avec le plus de détachement possible. Il avait beau faire une confiance totale à son ami, il n’était pas exclu que Voldemort cherche à approcher l’ancien maître des potions et qu’il sonde son esprit.

¤ Je ne peux pas permettre que quelqu’un découvre les sentiments qui me lient à ce garçon. ¤

Il esquissa un très léger sourire mais assez mystérieux pour qu’Horace ne se doute de rien. Pour qu’il ne comprenne pas qu’Harry était bien plus qu’un simple élève pour Albus, qu’il était comme un membre de sa famille, comme un fils.

« Je souhaiterais cette rencontre possible, je pense qu’Harry en serait ravi également. Cependant c’est un peu délicat : les entrées et sorties du château sont étroitement surveillées, et Harry retourne dans sa famille moldue pendant les vacances d’été. »

Pendant un cours instant, Albus ne put s’empêcher de penser à quel point la vie aurait été plus simple si Voldemort n’était pas devenu ce qu’il était. Il savait que cela ne servait à rien de se morfondre, mais les paroles de son ami avaient remué en lui un sentiment aigu de culpabilité.
Son regard s'imprégna de tristesse et il écouta, impuissant, son ami reparler de Jedusor, puis confirmer son idée première : il comptait se cacher et fuir Voldemort.

« La décision t’appartient Horace. J’ai toujours estimé qu’on n’était jamais trop prudent… Cependant dans des temps aussi grave sache que ton aide me serait très précieuse, qu’elle leur serait très précieuse. »

Le directeur avait légèrement appuyé sur le mot « leur » afin que l’ancien maître des potions comprenne qu’il s’agissait de l’Ordre du Phénix. Il avait récemment proposé à Horace de rejoindre l’ordre mais celui-ci avait refusé. Il avait donc volontairement tu le nom « Ordre du Phénix », le temps de jeter - au moyen d'un sortilège informulé - un petit charme de protection sonore, qui devrait empêcher les autres clients du bar d’écouter la suite de leur conversation.