Un crayon, un soir, un besoin de se confier à la page anonyme qui n’aurait aucun jugement sur elle…
« Il était une fois une jeune fille (moi), elle tomba éperdument amoureuse d’un très gentil garçon, un vraie prince charmant. Sensible, doux, beau… Il était tout pour la fillette. Un jour pourtant, il la rejeta. De ses propres termes, il l’écœurait, l’agaçait… il ne voulait plus la voir. Elle eu le cœur brisé. J’ai le cœur brisé. Je ne comprends pas ce qui s’est passé. Il a retrouvé la vue, j’étais heureuse pour lui… Je pensais qu’enfin il s’épanouirait ! Mais… il le fait peut être… sans moi. Personne pour me consoler, pour me comprendre… Mes amies ont l’air de dire que c’est sans importance, que je trouverais quelqu’un de mieux. Elles m’envient ma position auprès d’Alexander, prétendent que cela m’ouvrira des portes…
N’importe quoi.
L’amour ce n’est pas quelque chose qu’on décide, qu’on contrôle. L’amour… L’amour pour moi c’est Erwan. Et je souffre de son absence, de son mépris. Suis-je donc si laide pour que la vue retrouvée il me quitte ? Personne ne pourrait répondre à cette question, pas même lui. J’avance comme un bateau sans gouvernail dans les eaux troubles de mon temps. La pression se resserre autour de nous comme un étau et j’ai mal… Mais je préfère continuer à souffrir que de prendre le premier garçon venu pour l’oublier comme le suggère Joséphine. Elle-même n’est pas heureuse en amour mais je pense qu’au fond, elle me donne des idées auxquelles elle ne croit pas plus que moi, preuve en est qu’elle ne les applique pas. Son célibat est même plus obstiné encore que le mien.
Peur, haine, chagrin se mélangent à l’amour, la passion et le bonheur. Car oui, même s’il me fait souffrir, je suis heureuse qu’il m’ait aimé, heureuse qu’il ait retrouvé la vu. Même si cela avait permis que nous restions ensemble, je n’aurais pas souhaité qu’il reste aveugle. C’est trop… comment dire ? Egoïste. Je ne dis pas que je n’y ai pas pensé, cela m’est venu quelque fois, au début, quand j’étais vraiment mal. Plus maintenant. Je n’ai pas tourné la page, je regarde encore notre histoire avec mélancolie et regret, mais je ne souhaite pas la changer ni me mettre en colère. Cela ne servirait qu’à me fatiguer pour rien. Cela ne le fera pas revenir. Je voudrais simplement qu’il réponde à mes questions… mais je suppose que cela ne ferait que l’agacer un peu plus. Chaque chose en son temps… Mon heure viendra, celle où je pourrais parler sans l’énerver. Peut être quand je serais plus mûre, plus mature… Oui… Peut être… »
Le crayon posé, le parchemin roulé. Elle le rangea dans un tiroir et ferma celui-ci à clef. Elle devrait probablement en faire de même avec ses sentiments mais elle n’y parvenait pas… Elle préférait chérir chaque beau souvenir et oublier les mauvais, cette dernière étape se réalisant avec du temps… qu’elle prenait patiemment. Un jour elle irait mieux et au lieu du passé, elle regarderait le futur… c’est du moins tout le mal qu’on lui souhaite.
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