Rencontre nocturne éclectrique au Square Grimmaurd [PV]

Un couteau à la main, Severus Rogue tranchait la tête d’une gigantesque tarentule, avec un mouvement impeccable, tout l’art et le savoir faire présent dans la gestuelle. La tête, ou ce qui semblait être la partie faciale de l’arachnide, se détacha de son buste et tomba sur le sol. Une gigantesque flaque de sang s’échappa de la blessure, et Rogue ramassa la substance en la recueillant dans un flacon, qu’il referma délicatement. Evidemment, il n’ya avait plus aucune trace de sang sur le lieu du crime, tout avait été réalisé de manière soigneuse et propre. Il colla sur le flacon une étiquette portant un numéro dont lui seul connaissait le sens, et il sortit de son bureau pour se diriger vers sa réserve personnelle. Il manquait de sang d’araignée pour ses cours, et cette tarentule avait suffit à lui procurer la quantité nécessaire pour combler son manque. En chemin, il rencontra un Gryffondor. A minuit moins le quart, rien de plus agréable pour Rogue que de remarquer que le gamin était en infraction.

« Gragdey, que faites-vous hors de votre lit à cette heure ci ? Vous cherchez peut-être votre cerveau ? Je vous rappelle néanmoins que même lorsqu’il s’agit d’une telle quête, vous n’êtes pas autorisé à la réaliser à une heure où ce qui vous sert d’encéphale peine à fonctionner. C’est pour cela que cent points en moins pour Gryffondor se voient nécessaire, et je rajouterai qu’un bref entretien avec ce qui vous sert de Directrice de Maison est tout aussi indispensable. »

Il avait parlé de son habituelle voix douce et moelleuse à souhait, tandis que le gamin devenait plus blanc qu’un linge. Il tenait à la main une bombabouse et, visiblement, Rogue eut suffisamment d’esprit pour comprendre qu’il avait souhaité la déposer près du bureau de Dolorès Ombrage… Il prit le gamin par le bras, et l’emmena jusqu’au bureau de McGonagall, qu’il réveilla avec un plaisir sadique, et il les laissa tout deux s’entretenir, l’un devenant plus rouge qu’une tomate à présent, l’autre ayant sa voix qui devenait de plus en plus aigüe.

Il retourna à sa réserve, satisfait de lui, et ouvrit la porte. Il entra dans la petite pièce, monta sur la petite échelle, et déposa son flacon. Il passa à côté d’une étagère vide qui l’intrigua. Il regarda le petit morceau de papier qui précisait le contenu qu’aurait dû avoir l’étagère, et faillit s’étrangler. Du venin d’Accromentule. Il avait passé la soirée entière à s’occuper d’araignées, et il n’en avait pas fini. L’ennui, c’était qu’il savait exactement où se trouvait son flacon. Et il était obligé d’aller à la rencontre de l’objet, étant donné la nature rare et précieuse qui faisait de cet objet un produit à prix féroce sur le marché Magique, d’autant plus qu’il se faisait très très très rare. Aller au Square Grimmaurd, c’était retrouver une vieille connaissance qu’il se serait bien passé de revoir…
Extenué, mais le prix de l’effort étant bien en tête, il retourna dans son bureau, enfila sa veste noire, et prit de la poudre de Cheminette, qu’il versa dans sa cheminée. Une fumée verte apparut aussitôt. Parfait… Il ne restait plus qu’à déjouer le système de protection instauré par la chère Dolorès Ombrage… Rien de plus facile, quand on maîtrise parfaitement la mensologie, bref, quand on est un excellent Occlumens et un assez bon Legilimens.

« Motif de votre visite ? »

La voix retentit, forte, une voix inhumaine, robotique. Rogue ferma les yeux, et fit le vide complet de son esprit. Il était le système… Avec une facilité déconcertante, il désactiva celui-ci, et s’avança dans la Cheminée.

« 12, Square Grimmaurd ! »

La fumée verte l’absorba, et un défilé de pièces défila alors devant ses yeux. Le trajet dura un petit moment, finalement, il atterrit tant bien que mal dans la pièce qu’il souhaitait atteindre. Tout était encore sombre, et il se doutait que Black devait encore dormir.
Il sortit de la cheminée, s’avança dans la pièce, et hurla :

« BLACK ! »

Espérant vivement avoir réveillé le propriétaire des lieux, il attendit que celui-ci arrive. Il espérait aussi qu’il avait conservé le bocal de Venin d’Accromentule qu’il avait laissé ici, car sinon, il risquait une fois de plus de s’énerver sur le fugitif…

Sa colère était tranquillement verrouillée dans son esprit. Mais tout vient à point, à qui sait attendre…

La journée avait été pénible, épuisante. Oh, Sirius, comme la veille, et l'avant-veille, et l'avant-avant-veille, et ainsi de suite depuis des semaines, des mois peut-être, n'avait pratiquement rien fait qui puisse nécessiter une telle quantité d'énergie. Il s'était battu une ou deux fois avec le portrait de sa mère, avait donné à manger à Buck qui redoublait de vivacité, dans sa trop petite chambre, et nettoyé quelques rideaux infestés de Doxys, mais aucune de ces activités quasi-quotidiennes ne pouvaient expliquer un tel état d'hébétitude et de colère.

Il n'avait vu personne. De toute la journée, la seule présence relativement amicale qu'il avait rencontré était celle de Buck, l'hyppogriffe - et quoi que pouvait en dire Hagrid de son ton affectueux, les hyppogriffes n'étaient pas la meilleure compagnie du monde.

L'Ordre n'avait pas daigné lui accorder la moindre visite. Ils étaient tous certainement trop occupés, certainement trop en danger pour se soucier de lui... Eux qui au dehors se battaient pour la liberté, qui surveillaient Harry à sa place et qui revenaient, parfois le soir à brûle-pourpoint, lui annoncer la nouvelle d'un terrible meurtre... Mais aujourd'hui, rien. Vraiment rien, et Sirius en venait à souhaiter, avec une satisfaction assez sauvage, assez cruelle, qu'un autre horrible assassinat se produise et que Kingsley, ou même Tonks, ou même Molly Weasley viennent lui rendre visite!

Mais ces petits débordements de conscience ne duraient pas, et Sirius avait remarqué qu'ils avaient la fâcheuse manie de se montrer dans toute leur puissance lorsque Kreattur rôdait trop près de lui. Il avait pris l'habitude de l'exclure de la pièce où il se trouvait si celui-ci se rapprochait; songeant avec une certaine amertume que la jeune Hermione l'aurait certainement blâmé pour ça.

Cet enfermement le rendait âcre, grincheux, presque plus que ces années de prison à Azkaban - mais de toute façon, qui pouvait s'en plaindre?! Les fêtes approchaient et Sirius allait rester seul, encore seul, alors que les combats se multipliaient au dehors et qu'il avait une baguette en état de marche, qu'il était prêt à se plonger dans les batailles pour sauver les êtres chers, qu'il était apte à se battre contre les Mangemorts... Il était un homme d'action, bon sang! Tout cela était de la faute de Dumbledore.

Au fil des jours interminables, Sirius ressentait de plus en plus de ressentiment à l'égard du vieil homme, malgré toute son admiration, malgré toute la sagacité du vieilllard pétillant. Il ne comprenait donc pas son état? Il ne comprenait pas qu'il n'était pas homme à rester caché comme un vulgaire trouillard, qu'il n'était pas homme à imiter le putride petit Queudver, qu'il n'avait jamais désiré se retrouver coincé ici? Non, évidemment, il ne comprenait pas, il était trop vieux, trop égoïste; et Sirius, dans un accès d'esprit rebelle, était persuadé que personne ne le comprenait vraiment.

Personne... sinon Harry. Ils avaient vécu la même chose, tout les deux, ou presque. Son filleul connaissait bien cette sensation de cage autour de lui, d'isolement même; cette façon qu'on avait de lui cacher sans cesse des choses. Sirius s'attardait souvent, en pleine journée, alors qu'il parcourait inlassablement les quelques dizaines de pièces de la sinistre maison, à penser à Harry, à ce qu'il vivait en compagnie de cette harpie d'Ombrage, à ce qu'il ressentait, à ce qu'il appréhendait, ce qu'il savait plus proche que jamais... Si cette Molly Weasley ne l'avait pas retenu, Sirius en aurait dit plus que cela à son filleul. Assez pour qu'il n'ait plus cette impression d'aveuglement, ce voile devant les yeux. Si quelqu'un ne méritait pas ça, c'était bien lui; mais encore une fois, Albus Dumbledore se montrait sourd et myope face à ces états de fait. Sirius se consolait de cette manière: si lui-même en était réduit à l'enfermement par l'ordre farfelu de Dumbledore qui souhait, disait-il, préserver sa vie, Harry, au moins, avait les moyens, la liberté de faire quelque chose. Le quotidien devait être dur aussi, à Poudlard, maintenant... Ah... S'il était venu vivre avec lui, peut-être Sirius ne se serait-il pas autant aigri...

Pour éviter toute action inconsidérée, Sirius avait également pris l'habitude - toujours à l'écart de ce pourceau de Kreattur - de boire un petit verre de Whisky chaque soir avant d'aller se coucher. La méthode n'était pas vraiment concluante mais restait tout-à-fait agréable, et le verre avait fini par se multiplier. Au moins, il partait dormir l'esprit endormi, la mémoire anesthésiée, la colère apaisée... mais il se réveillait avec des maux de tête assez déconcertants.

Ce jour-là n'avait pas déjoué la règle. Sa solitude l'avait poussé à ressortir quelques vieilles photos de ses tiroirs poussiéreux, un geste qu'il avait très vite regretté après avoir scruté les visages rayonnants de James et Lily Potter. Il avait guetté un moment le Square par-delà la fenêtre mais aucune tête connue ne s'était montrée, il en était donc venu à détourner sa mauvaise humeur sur l'elfe de maison.

Les restes de son repas du soir, concocté par les soins douteux de Kreattur, reposaient encore sur la table de la cuisine lugubre du sous-sol, à côté d'un verre vide, d'une bouteille sans étiquette et de couverts sales et huileux. Il était parti se coucher sans rien nettoyer, tout comme Kreattur, d'ailleurs, maudissant l'Ordre du Phénix, maudissant les Mangemorts et maudissant Dumbledore.

Il faisait un curieux rêve. A califourchon sur sa moto volante, Sirius arpentait le ciel d'une campagne anglaise, Harry derrière lui. Ils n'avaient pas l'air de fuir, plutôt de se balader, discutant de tout et de rien dans une atmosphère mièvre assez déroutante. Puis finalement, le ciel du décor s'assombrit, et presque aussitôt, des silhouettes encapuchonnées ensevellirent le ciel sans Lune, et sous certains voiles se révélaient parfois à la clarté de sa baguette, le visage de sa cousine Bellatrix, celui, horriblement repoussant, de Voldemort, et même Queudver...

Sirius ne comprit pas pourquoi un autre faciès, tout assi ingrat mais plus pâle, plus gras, avait remplacé la petite tête de rat de Queudver dans le dernier sursaut de son cauchemar, ni pourquoi il était assis sur son lit, en sueur et essoufflé. Il mit quelque secondes de plus à assimiler le fait qu'il était réveillé, et que ce réveil en sursaut n'avait rien à voir avec l'omniprésence pestilentielle de Kreattur. Quelque chose l'avait réveillé... Non, quelqu'un. Sirius venait d'entendre un bruit dans les étages inférieures.

Qui était mort, cette fois? se demanda Sirius lorsque sa main se referma par instinct sur sa baguette magique qu'il avait placé sur sa table de chevet. Après tout, les membres de l'Ordre ne viendraient pas le voir si tard pour une simple visite de courtoisie, comme il s'en était cruellement rendu compte au cours du temps, et leur venue ce soir ne signifiait qu'une chose: quelque chose de grave s'était passé.

Sirius se précipita hors de sa chambre sans prendre la peine de se remettre les idées en place, ni les cheveux derrière la tête, et dévala les escaliers tortueux aussi vite qu'il le pouvait. Son coeur battait très vite sous son torse, mitigé entre deux sentiments: l'effroi à l'idée que quelqu'un qu'il connaissait venait peut-etre d'être blessé grièvement (et sa glotte se contracta à l'idée que ce fût Harry) et l'excitation de pouvoir enfin faire quelque chose, de servir à quelqu'un.

Mais peut-être, finalement, que ce n'était personne de l'Ordre qui l'attendait en bas... Peut-être - et cette idée folle fit encore amplifier l'état d'énervement furieux qu'il ressentait en sautant de marche en marche - qu'un Mangemort se tenait sur son palier, prêt à attaquer... Alors, parfait, il allait lui montrer... Avant que l'énormité et la stupidité de cette hypothèse ne se révèlent à lui, Sirius avait atteint la cuisine souterraine de la demeure, l'esprit encore brouillé par le sommeil.

A l'entrée de la pièce miteuse et humide, Sirius bondit, la baguette largement relevée et pointée devant lui. Son visage manquait étrangement de couleurs, et ses yeux étaient enfoncés plus que jamais dans ses orbites, sous les cheveux hirsutes et sombres qui lui couvraient le visage. Il portait encore ses vêtements de la veille et une persistante odeur d'alcool flottait dans l'air avec lui. Malgré tout ça, malgré aussi le lieu et les hurlements de sa mère qui résonnaient dans le Hall depuis déjà quelques minutes, Sirius avait quelque chose de très impressionnant.

Le Stupéfix avait presque franchi ses lèvres lorsqu'il reconnut l'homme debout devant la cheminée de la cuisine. Sirius crut se pétrifier sur place, et ce fut peut-être le cas. Les yeux maintenant écarquillés, mais le bras qui tenait sa baguette toujours fermement pointé devant lui, Sirius paraissait totalement paralysé de surprise, de colère. La présence de Severus Rogue dans sa maison n'était visiblement pas le signe de vie qu'il attendait si ardemment de la part de l'Ordre du Phénix.

Le mépris et le dégoût chassèrent bien vite l'effaremment du visage barbu, et Sirius se dressa de toute sa hauteur, restant à l'entrée de la cuisine. Il renifla dédaigneusement en scrutant Rogue de haut en bas, comme s'il n'y croyait pas vraiment, comme si sa seule et unique envie, sur l'instant, était d'attaquer cet homme, de lui faire mal, de le chasser. Il n'avait rien à faire ici, et il le savait très bien. Qu'allait-il encore lui dire? Qu'il était un lâche? Qu'il ne servait à rien...? Cette fois ci, il n'allait pas s'en tirer sans dommage, personne n'était là pour l'empêcher de lui lancer un petit sortilège...

- " Servilus... Tu as quitté tes petits cachots graisseux rien que pour me voir?" siffla Sirius, les yeux électriques, de sa voix la plus mauvaise, la plus hautaine. "Que me vaut cet honneur?"

Mais finalement, il devait reconnaître que même armé de son envie la plus primaire de rappeler à Sirius qu'il était plus un fardeau qu'une aide, Rogue ne se serait jamais déplacé jusqu'ici sans bonne raison. Et il avait intérêt, d'ailleurs! Dumbledore avait du lui ordonner de venir à lui, et cette pensée ne fit qu'agraver la colère que Sirius ressentait pour lui.

Il s'avança de quelques pas, baissant très légèrement sa baguette mais ne dénaturant pas l'expression d'extrême répulsion sur son visage marqué.

- " Tu sais bien que ta présence ici n'est ni appréciée, ni vraiment nécessaire..." continua-t-il d'un ton bas, grondant.

Son attention fut un instant détournée. Pour la première fois depuis qu'elle hurlait, Sirius entendit les insultes que sa mère vomissait depuis son portrait du Hall et il fit enfin la connexion avec ce visage qu'il avait cru voir dans son rêve. Rogue avait crié son nom, avait donc réveillé sa mère, et Sirius, trop empâté dans son sommeil, avait cru le voir dans le cauchemar... Charmant. Il désigna l'entrée d'un petit signe sec du menton, ses yeux vrillant toujours ceux de son vieil ennemi.

- " Il te faut encore combien de temps pour comprendre qu'il ne faut pas beugler comme un imbécile dans cette maison? Tout le monde y est arrivé..."

Sirius plissa ses yeux d'un air mesquin, assez méchant. Finalement, la venue de Rogue allait peut-être le divertir, qui sait...

[HJ: J'espère que ça t'ira, et désolé du gros bloc -_-' Un souci: un petit MP et j'édite ^^]

Spoiler:

Désolé du retard! Je mets en spoiler parce qu'il y a des choses assez explicites, bien que j'ai tout fait pour les rendre assez implicites. (une ou deux petites choses). Si tu n'as pas lu le 7ème tome, dis le moi, ne despoile pas, et j'édite! Wink

Sirius aurait du s'en douter: Rogue n'était pas homme à faire le sourd devant ses piques, et si sa répartie mordante culminait en spiritualité, elle ne lui plaisait toujours pas. Fut un temps où le "lancer de vannes" était pour Sirius un sport de tous les instants qu'il pratiquait avec plaisir en compagnie de James Potter... mais voila, ce temps-là était révolu depuis longtemps, et Servilus n'était pas son meilleur ami.

« Dis donc, Black, tu pourrais témoigner un peu plus de respect pour ceux qui travaillent, pendant que tu te loves tranquillement dans ce que tu appelles… une maison ? Ca n’est pas parce que tu es d’une inutilité indicible à l’Ordre que tu es obligé de me reprocher de parler un peu trop fort. Que je sache, le portrait de ta mère arrive parfaitement à me dépasser dans cette catégorie, non ? »

L'attaque sur sa mère le laissa, comme on pouvait très bien le prévoir, totalement froid. Mais ce qui rendit le visage de Sirius rouge de colère et de honte, ce fut l'allusion ironique à son "utilité indicible" dans l'Ordre. Ses poings se crispèrent et il se cambra légèrement; pourtant, étonnamment, il baissa son bras tenant sa baguette magique. Comme si sa seule envie sur l'instant était de frapper Rogue à la mode des Moldus...

- " Ecoute moi bien, Servilus..." grogna-t-il en se rapprochant dangeureusement de lui. "Cette maison est le Q.G de l'Ordre du Phénix et il a été choisi par Dumbledore... Alors vas-y mon gros, si t'as une autre idée d'un lieu un peu plus confortable, je t'en prie, va donc lui proposer!"

Comme il était satisfaisant, maintenant qu'il était tout proche de Rogue, de constater sa haute stature par rapport à la sienne, par rapport au corps rablé et maigrelet de Rogue... Sirius dépassait son vieil ennemi d'au moins une tête, et il en profitait, son regard devenait dédaigneux, ses traits méprisants.

- " Et quant à mon utilité pour l'Ordre..." murmura-t-il tant sa voix semblait crispée par la fureur. "Encore une fois, va te plaindre à Dumbledore si tu trouves que je fais pas mon travail... Mais je te jure sur Harry que si tu me redis ça encore une fois, je te... Non, mais vas-y fouille, fais comme chez toi!" éclata-t-il finalement.

C'est qu'il y avait quelque chose de très vexant, de très énervant à ce que Rogue puisse allègrement déambuler dans sa cuisine pour en ouvrir tous les tiroirs, en fouiller tous les placards, alors que tout ceci lui appartenait. Oh, bien sûr, il répugnait toujours à dire qu'il avait un quelconque lien familial avec les anciens habitants de cette maison, mais devant Rogue, aucune hésitation. Cette maison était la sienne et le crasseux petit Servilus n'avait pas le droit de fouiner.

Avec un soupir désabusé, Sirius s'adossa à la longue table branlante de la cuisine et croisa les bras pour observer avec toujours autant de dégoût la silhouette de Rogue qui furetait toujours. Pendant qu'il était à la recherche d'il ne savait quoi, il fallait en profiter pour lui lancer de nouvelles piques...

- " Tu cherches quoi, au juste? A manger? Tu ne fais plus les poubelles, maintenant?"

Brusquement, Sirius repensa à cette journée fabuleuse d'il y avait déjà de nombreuses années... A ce souvenir que Harry avait subitement fait ressurgir de sa mémoire fatiguée, parce qu'il doutait de l'intégrité de son pauvre père... Oui, ce jour de Mai-Juin, où lui et James avaient une nouvelle fois martyrisé Servilus jusqu'à montrer à tous l'étendue sale de son caleçon... Pour remonter le moral, il n'y avait pas mieux que de se souvenir de ça... et peut-être le rappeler à Rogue...

« A part ça, tu te portes bien ? Ta santé, ça va, j’imagine ? Oh, il est vrai, ne passer son temps qu’à dormir, c’est pas le plus fatigant qu’il puisse exister… »

Sirius ne réagit pas - étonnant, non? - mais pour une seule et simple raison: Servilus se dirigeait net vers le placard où résidait l'Epouvantard que Fol Oeil avait détecté quelques jours plus tôt. Pressé, il n'avait pas eu le temps de l'exterminer et par la suite, et surtout par fainéantise, Sirius l'avait oublié et n'y avait plus songé. Ainsi, voir Rogue - qui fouillait toujours - s'avancer vers ce placard moisi le rendait euphorique, excité. Bon, certes, ce n'était qu'un Epouvantard et la difficulté de l'exercice n'allait sûrement pas entraver Rogue des jours et jours, mais Sirius était ardemment curieux de découvrir qu'elle était sa plus grande peur... Et comment il la combattrait.

Bien entendu, Sirius était loin de s'imaginer ce qui se tramait dans l'esprit filou de Rogue à cet instant. Il était de plus en plus tendu à mesure que Rogue s'approchait du fameux placard, mais quand, enfin, il l'ouvrit, Sirius se permit un large soupir de soulagement. Le spectacle allait commencer.

Bizarrement, cependant, Rogue se tourna vers lui à cet instant, et le chevelu eut alors une drôle de sensation. Une petite pression s'était exercée sur ses tempes, tout juste perceptible, et à vriller le regard charbonneux de Rogue, il en eut presque le tournis. Qu'est-ce que...

Mais voila. L'épouvatard était sorti, et l'impression étrange s'était évanouie à l'instant même où Servilus se tourna vers la main putréfiée accrochée à son épaule. Sirius fronça légèrement les sourcils, et bien que son coeur fit un long saut périlleux dans son torse, son visage était totalement inexpressif lorsqu'il vit sortir du placard son meilleur ami. Mort, évidemment.

Les yeux gris et pâles de Sirius se détachèrent difficilement de James pour scruter la réaction de Rogue. Whah, il ne s'était pas attendu à y découvrir une telle trace de peur, d'horreur... Comme si ce brave Servilus avait quelque chose à se reprocher, hein? Sirius se mit à sourire... à vraiment sourire. Un joli ris de satisfaction s'étendait doucement sur ses lèvres gercées et il se cala un peu mieux sur la table pour observer la suite des évènements.

La phrase désarticulée de l'Epouvantard le raidit quelque peu, mais pas autant qu'elle terrorisa Rogue. Le visage de Sirius se durcit. Pourquoi disait-il que Rogue avait tué Lily...? Certes, tout le monde connaissait sa traîtrise et son passé mitigé entre Mangemort et membre de l'Ordre... Mais Sirius n'était pas au courant que Servilus avait quelque chose à voir avec l'attentat de Voldemort sur les Potter en particulier, voila pourquoi ce que racontait là l'Epouvantard avait de quoi le surprendre...

- " De quoi il parle, Servilus?" demanda-t-il d'une voix claire, forte et parfaitement détendue pour couvrir le hurlement terrifié de Rogue.

- Tu… tu es mort ! Tu… tu ne peux pas ! Ne me touche pas ! Sirius… Je t’en prie !

Sirius, je t'en prie... Whah. Il ne s'était jamais douté qu'une supplique ainsi prononcée d'un Rogue en pleine mésaventure pouvait être aussi... Jouissive. Vraiment.

Pour goûter pleinement le moment, Sirius ferma les yeux et laissa s'étendre son sourire, avant de reculer de quelques pas (sécurité élémentaire, l'Epouvantard se dandinait dans sa direction).

Quelle merveilleuse façon de se venger de lui! Quelle succulente manière de se divertir et d'oublier son ennui, sa solitude, son inutilité! Et, oh... Juste un moyen pour... Voir James.

- " Excuse moi, j'ai pas très bien compris ta dernière phrase..." lança Sirius, très amusé, en examinant ses ongles rongés jusqu'à la peau. "Tu peux répéter?"

Il eut un petit rire, excessivement arrogant, excessivement moqueur en lorgnant une fois de plus sur l'expression livide du visage de Rogue. Ah, il avait l'air de se redresser un peu, peut-être qu'il s'était enfin rendu compte que James-Zombi était un Epouvantard... La peur de Servilus était enfin découverte... Sirius y réfléchirait plus tard.

- " Bah alors? On a besoin d'un coup de main? On a besoin de l'aide du stupide criminel qui vit encore chez sa mère et qui ne sert à rien dans l'Ordre?" railla Sirius, de plus en plus amusé. "Bon, ok, je t'aide... Mais que si tu t'excuses et que tu m'appelles "Maître" Hahahahaha..."

Son dos rencontra alors le mur opposé à l'entrée. A force de reculer pour éviter l'assaut de son meilleur ami, Sirius en était arrivé à l'autre bout de la cuisine, et l'Epouvantard, à force de s'avancer vers Rogue, s'avançait aussi vers lui. Malheureusement, il allait devoir rentrer dans la danse, lui qui aurait voulu profiter du spectacle encore un peu. Dans un grognement, son visage perdit tout de son amusement et il tendit sa baguette droit devant lui.

- " Tant pis, ce sera pour plus tard..." marmonna-t-il en retroussant ses manches gênantes. "La prochaine fois, tu essaieras de mourir tout seul dans ton coin!"

Peut-être Rogue avait-il ressenti un brin de sympathie pour lui dans sa périlleuse situation, peut-être... Mais jamais Sirius ne pourrait un jour être doué d'un tel sentiment envers Servilus. Comment aurait-il pu? Cet homme était un traître, un Mangemort, et il les avait traité, lui, Remus, James et Lily, comme de parfaits crétins. Alors, si l'Epouvantard n'avait pas pris sa direction, peut-être que Sirius... ne l'aurait pas aidé du tout.

Attiré par les mouvements de sa baguette, l'Epouvantard se désintéressa de Rogue pour se diriger vers lui. Il eut un instant de flottement, puis sa forme changea dans un grand tourbillon de couleurs. Et qu'était sa plus grande peur, à lui, hein? S'était-il déjà posé la question? Avait-il vraiment envie que Rogue voit ça?

L'Epouvantard prit la forme d'un jeune homme assez mince aux cheveux noirs en bataille. Sirius ne comprit pas tout de suite comment Harry avait pu se retrouver entre lui et son Epouvantard, et ce qu'il faisait ici, jusqu'à ce que Queudver apparaisse derrière lui et qu'il lui tranche la gorge. Sirius eut un hoquet de surprise et d'horreur pendant que l'image de son filleul dont le cou éventré répandait des torrents de sang s'écroulait sur le sol avec des soubresauts répugnants. Fou de tristesse, ivre de colère, il releva sa baguette:

- " STUPEFIX!"

Mais évidemment, le sortilège n'eut pas l'effet escompté. Tremblant, effrayé, Sirius vit l'Epouvantard l'ingurgiter avant de trébucher sur le cadavre fictif de Harry. Mais bon sang, qu'il était stupide! Il avait perdu le fil de ses pensées tant la vision de Harry l'avait perturbé... Un Epouvantard, par Merlin, ce n'était qu'un EPOUVANTARD!

- " Ridikulus!" cria-t-il, plus fermement.

Pouf, Harry et Queudver devenaient juste deux quilles géantes qui s'entrechoquaient toutes les deux avec un claquement régulier. L'Epouvantard n'allait pas tarder à s'intéresser de nouveau à Rogue ou à lui-même... mais pour le moment, l'instant semblait figé.

Un silence pesant s'était confortablement installé dans la cuisine. Même la mère de Sirius s'était tue, sans qu'il ne comprenne véritablement pourquoi. L'atmosphère était plus épaisse, plus étouffante, séparant l'Epouvantard d'un côté, et les éternels ennemis de l'autre. Sa respiration était sourde, saccadée, un peu bruyante, lorsque Sirius se tourna vers Rogue pour l'interroger du regard.

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