L'ermite et l'empereur [PV]

Fredericke jouait à la marelle non loin du saule cogneur. Elle aimait bien cet arbre. Il avait son petit caractère : comme elle. Quand elle courait le matin pour faire son jogging, elle passait souvent par là. Elle n'était pas la seule à faire des foulées avant les cours mais celles qui s'amusaient à courir n'étaient pas vraiment des amis de la Gryffondor, elle passait donc plus de temps du côté des endroits non fréquentés. Le saule cogneur en fait partie.

*Un, deux, trois, nous irons au bois*

Elle atteignit le "paradis" de sa marelle, récupéra son morceau de craie et repartit en sens inverse pour atteindre la terre. Une fois arrivée là, elle leva les bras en l'air et cria "Terre !" avant de jeter à nouveau la craie blanche qui tomba sur la case quatre.

*Trop facile. Quatre, cinq, six, cueillir des cerises.*

Hop, elle était au milieu de la marelle, sur la case quatre. Elle se baissa, récupéra son passe et continua son chemin jusqu'en haut de la marelle. Il était encore tôt, à peine 7h30 du matin, mais elle jouait à ça depuis déjà plus de trente mintes, faisant sans reprendre son souffle des allées-retour. Allez, encore un tour Fredericke !

*Sept, huit, neuf, dans mon panier neuf*

Hop, et un dernier pour la route !

*Dix, onze, douze, elles seront toutes rouges !*

Et là, Fredericke se laissa tomber sur les fesses à l'endroit où elle avait écrit le mot "paradis". Commença alors un nouveau jeu solitaire, celui où elle tire les cartes de tarots. Durant cette opération journalière, elle commença à chantonner une nouvelle comptine, celle de l'Arlequin. "Arlequin en satin, Colombine en mousseline, Polichinelle en dentelle, Et pierrot pas de chapeau." elle terminait à peine la dernière syllabe de la chanson qu'elle avait disposé toutes les cartes. Elle en tira une, celle qui devait lui montrer son passé : le bateleur. Elle était le symbole de l'insouciance et de l'immaturité. Elle tombait régulièrement dessus.

*Logique, j'ai 12 ans.* pensa-t-elle avant de regarder la carte du présent : l'ermite. Dans le cas présent, elle représentait la solitude. Fredericke la reposa et tira la carte du futur... L'empereur. Un homme arrivait, un homme qui briserait l'ermite de gré ou de force. *Intéressant* mais elle n'eut pas le temps de réfléchir plus avant à la question car quand elle leva les yeux... Un garçon se tenait devant elle : l'empereur annoncé ? Peut être, ou peut être pas.

Le Saule Cogneur... Bizarrement, Vincent l’aimait bien. Il était solitaire et dangereux. A son image en faite. Cette année, il fallait croire que c’était près de cet arbre qui lui ressemblait tant qu’il allait passer le plus clair de son temps. Quoi de plus normal en même temps ? De toute façon, ce n’était pas passé du temps avec des amis qu’il n’avait pas. Ok, il y avait Seth et Billie. Mais ils étaient du genre à se faire facilement des amis et il était à Serpentard et eux, à Serdaigle et Gryffondor alors... Il n’allait pas les coller. Surtout que ce n’était pas son genre. Et il avait toujours connu la solitude. Sauf avec Jan mais... Enfin bref.

Cette fille était... Bizarre. Jusqu’à aujourd’hui, lorsque Vincent avait vu des filles jouaient au jeu stupide qu’était la marelle, elle ne jouait jamais seule. Mais elle, elle jouait toute seule et en plus, elle avait vraiment l’air de s’éclater. Un petit sourire aux lèvres, sourire faux puisqu’il se moquait d’elle, il s’avança vers elle. Les mains dans les poches de son pantalon, les cheveux ébouriffés, il avait l’air gentil. En tout cas, c’était ce que Billie lui avait dit la première fois qu’ils s’étaient vu. Hum... Mouais. Pas vraiment.

S’approchant un peu plus, il vit qu’elle le regardait. Elle avait arrêté de jouer à la marelle depuis peu et là... Elle jouait avec des cartes ? Etrange.

Enfin bref, il s’approcha et quand il fut à sa hauteur, il fit comme toujours, il se montra très ‘agréable’ :

- Ça t’arrive souvent de jouer comme ça toute seule à des jeux de gamin ?

Oui, bon, il savait faire preuve de tellement de classe quand il parlait lui aussi...

- Et t’es une diseuses de bonne aventure en plus ?

Oui, parce qu’en s’approchant, il avait remarquait que les cartes qu’elle possédait étaient des cartes de tarots.

[j’ferais mieux la prochaine fois ^^’ ]

La plupart des novices en lecture des cartes croyaient que l’empereur était un présage bénéfique. Fredericke n’est pas une novice. Elle savait que l’empereur avait des aspects très négatifs… comme celui de vouloir imposer sa vision des choses par la force. Vu sa manière de parler, il était bien l’empereur annoncé par les cartes… mais elle n’avait pas eu le temps de tirer la dernière qui devait lui donner un conseil. Tant pis. Elle se débrouillerait sans elles.

« J’ai 12 ans. Je suis une gamine. Tu te crois adulte Dummkopf ? »

C’est vrai quoi… Il avait l’air d’avoir à peu près son âge, il était peut être même plus jeune, alors il devrait plutôt arrêter de jouer les adultes et apprendre à se défouler autrement qu’en crachant sur les gens. Notons que Fred’ avait deviné qu’il était à Serpentard et que le garçon partait d’emblée avec des points en moins dans l’estime de l’Allemande.

« Ich bin allein, avec qui veux-tu que je joue ? Mais peut être que toi quand tu es seul tu préfères te morfondre ? Dumm Serpentard ! »

Si le jeune homme pensait tomber sur une proie sans défense, il allait défaillir. Fredericke était même plutôt du genre à chercher la bagarre. Son courage à elle s’apparentait à de la stupidité, elle frappait d’abord et posait les questions après. Elle n’avait rien à envier aux verts et argents en matière de violence. D’ailleurs, elle s’était levée pour mieux assener ses réponses au garçon. Des réponses dans un mélange d’anglais et d’allemand puisque la jeune Fredericke n’avait appris l’anglais que très tard et n’avait pas de talent particulier en langue. Du coup, elle parlait parfois plus vite qu’elle ne pensait et mélangeait le tout.

Quand il lui demanda si elle était diseuse de bonne aventure, elle ne comprit d’abord pas. Au bout de quelques secondes, elle décoda le sens et fit tourner sous les yeux du garçon la carte de l’empereur.

« Les cartes m’ont annoncé ta venue. Tu es l’empereur qui pense avoir toujours raison… et moi je suis l’ermite solitaire qui se fiche complètement de ton avis. » Un sourire ironique naquit sur le visage de poupée de la jeune fille. « Il est cependant aimable à toi de me le donner. »

Dummkopf ? C’était quoi ça ?! Une insulte ? Vincent se demandait vraiment si la fille en face de lui parlait vraiment la même langue que lui. S’il se croyait adulte ? Il n’était pas stupide, il avait onze ans, il avait tout le temps pour ça. Si elle trouvait que ses propos faisaient adultes, et bien... Allait savoir avec quel genre d’adultes elle traînait. En tout cas, il fallait l’avouer cette fille l’intriguait maintenant.

Elle continua une nouvelle fois à lui parler dans une autre langue. Cette fois, Vincent réussit à identifier cette autre langue. C’était de l’Allemand. Ayant fait un bref séjour dans ce pays, il avait repéré cette phrase. Il ne savait pas forcément ce que ça voulait dire. ‘Ich bin allein’, il savait que le début voulait dire je suis mais la suite... Bah, tant pis. De toute façon, elle n’avait qu’à parler la même langue que lui, il était censé faire quoi ? Prendre un traducteur pour lui parler ? Ouais, autant passer son chemin dans ce cas ! Mais non, il n’allait pas abandonner aussi facilement sinon, elle allait croire qu’il se débinait. Mais avec la suite de la phrase, le jeune Serpentard identifia ce mot comme voulant dire ‘seul’. Oui, elle était seule. Elle lui demanda alors avec qui est-ce qu’il voulait qu’elle joue. Elle en avait de bonne elle, il ne connaissait pas sa vie !

- Qu’est-ce que j’en sais ? Trouves-toi des amis !

Oui, parce qu’il était hors de question qu’il joue à ça. De un, il ne s’amuserait pas, et de deux, depuis quand jouait-il à des jeux du genre ‘marelle ? Hum... Depuis jamais ! Vincent avait peut être appris à grandir trop vite à force de fréquenter des gens plus vieux que lui de plusieurs années. Mais après tout... Il s’en moquait. Elle dit alors ‘dumm Serpentard’, il ne savait pas ce que voulait dire le premier mot mais il fut surpris de voir qu’elle avait deviner qu’il était à Serpentard puisqu’il portait des habits moldus et que rien ne laissait paraître sa maison.

Au moins, ça risquait d’être marrant, cette fille ne semblait pas avoir sa langue dans sa poche, et c’était toujours mieux pour discuter. Tellement plus intéressant que de discuter avec une fille sans défense qui partait en courant dès qu’on lui parlait mal.

A propos de la ‘diseuse de bonne aventure’, elle sembla plutôt surprise lorsqu’il lui dit ça. Comme si elle ne comprenait pas. Mais elle se rattrapa en montrant une carte au garçon, l’identifiant comme étant la carte de l’empereur. Elle lui dit alors que cette carte le représentait. Lui ? Hum... Mais quelle idée stupide ! Comment une carte avait-elle pu annoncer sa venue ? C’était vraiment impossible. Et lui, un empereur ? Il était peut être prétentieux, mais pas à ce point. Elle lui dit alors qu’étant l’empereur, il pensait toujours avoir la raison. Elle se décrivit comme étant une ermite solitaire. Solitaire ? Ça, c’était plutôt lui oui ! Elle lui dit qu’elle, elle se fichait de son avis. Mais avec un sourire ironique, elle le lui demanda tout de même.

Surpris, Vincent ne comprenait plus rien. Allant jusqu’à se demander s’il n’était pas tombé sur une folle ! De quoi parlait-elle ? Elle voulait son avis sur quoi ?! Décidemment, il était perdu. Elle l’intriguait de plus en plus. Et pourtant... Pas tant que ça. Il la trouvait bizarre. Oui, c’était le mot.

- Et tu veux mon avis sur quoi au juste ?! Je te signale qu’on a presque pas parlé. Et c’est quoi ton histoire d’empereur, c’est quoi ton délire ?

Fredericke hocha la tête d’un air désolé. Ce type ne comprenait vraiment rien, rien du tout… C’était affligeant. Elle savait qu’elle parlait mal l’anglais mais tout de même, elle pensait qu’aussi bête soient-ils les Serpentards avaient au moins un cerveau. Comme quoi c’était vraiment les sang purs les plus idiots qui allaient là dedans. Elle lui montrerait ce qu’était la vraie noblesse, elle qui était une Maiden, une princesse Allemande.

« Ma question était rhétorique. Je n’ai besoin de personne pour m’amuser. »

Elle avait parlé lentement et découpé ses mots pour être sûre de ne pas se tromper. La question dérivant sur le sujet des cartes, elle sourit. Oui, vraiment, il n’y connaissait rien.

« Tu m’as déjà donné ton avis quand tu m’as abordé. Tu me trouves bizarres, voir même folle, de jouer toute seule, mais ta vision du monde n’est pas la mienne. »

Elle plongea son regard droit et franc dans celui du serpentard. On ne pouvait y lire aucun doute ni aucune hésitation. Elle se sentait dans son bon droit, d’ailleurs elle l’était, c’était ce qu’on appelait la liberté individuelle. Elle prit cependant la peine de lui expliquer la signification des cartes.

« Ce n’est pas un délire, c’est un tarot. L’empereur est le symbole du masculin qui pense avoir toujours raison et impose son opinion. Ma carte à moi est l’ermite, elle représente la solitude volontaire… Mais loin de moi l’idée de t’obliger à y croire. »

Elle n’était pas une Serpentard, elle, elle respectait l’opinion d’autrui (au moins en apparence). D’un air tranquille qu’elle avait en commun avec sa cousine Roze, elle faisait tourner la carte de l’empereur entre ses doigts, un sourire rêveur sur le visage. Au début, elle pensait cogner cet impudent mais finalement, ce n’était pas la peine. Il semblait plus chercher une joute verbale qu’un coup de poing. Tant mieux pour lui, aussi frêle que soit Fredericke, elle savait taper quand il le fallait. Et puis… l’ambiance du parc la rendait plus calme. Pas de colère à l’horizon, du moins pas pour l’instant, car qui sait de quoi demain sera fait ?

Vincent leva les yeux au ciel. Décidemment, il avait du mal à comprendre cette fille. Mais après tout, il s’en moquait un peu alors il ne cherchait pas. On pouvait lui pardonner non ? Il était un petit prétentieux de onze ans et l’avait probablement toujours été. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, il s’en moquait. Il était habitué aux insultes, aux coups aussi. Alors plus rien ne le touchait. Sauf la trahison d’un ami mais ça, il aurait fallu qu’il en ait. Pour l’instant, il n’avait que des connaissances. Et une trahison dans une vie, ça suffisait... « Tu n’es qu’un monstre Fayr, ne m’approches pas... » et lui, il avait connu la pire qui soit...

- Et bien c’est très bien. De toute façon, qui a réellement besoind’ami ? A part nous briser, ils ne sont bons à rien...

Son ton avait perdu toute la prétention qu’il avait jusqu’à maintenant. Mais il se rattrapa bien vite et reprit cet air froid qu’il avait toujours de collé sur le visage.

- Oui, chacun son avis. Et chacun sa vision du monde. Même si la tienne semble plutôt fantaisiste.

Enfin, pas tant que ça. Elle était seule mais s’amusait alors que lui, il était seul et préférait aller vers les autres pour s’énerver. Incroyable n’est-ce pas ? Stupide peut être également. Mais il était comme ça alors...

Elle se mit alors à lui expliquer à quoi servait ses cartes. Venant du monde moldu, il le savait déjà. Il avait déjà eu l’occasion de croiser des femmes qui se disaient capable de voir l’avenir.

Donc, il était l’empereur. Symbole du masculin. Hum... On ne pouvait pas vraiment dire qu’il avait toujours raison et qu’il imposait son opinion mais bon...

- Oui, j’espère bien ne pas être obligé de croire à tes cartes. Surtout que je ne vois pas où j’impose mon opinion. Je la donne, voilà tout.

Elle n’était pas à Serpentard, il en était sûr. En même temps, elle ne semblait pas ressembler à ses camarades, tous un peu comme lui même si certains faisaient probablement parti des exceptions. Mais enfin voilà...

La jeune allemande pencha un peu la tête sur le côté. C’était bizarre de changer d’expression comme ça. Elle sourit et répondit alors d’une voix un peu plus douce que précédemment. La question de l’amitié semblait douloureuse au serpentard et malgré un fort caractère, la petite Fredericke avait bon cœur.

« Nein, c’est bien d’avoir des amis, il faut juste… bien les choisir. »

On pouvait lire dans ses yeux bleus qu’elle pensait ce qu’elle disait. D’ailleurs, si ce garçon avait été un peu moins moqueur à son égard, elle se serait probablement spontanément proposée pour être son amie, mais elle n’était pas suicidaire et garda cette idée pleine de bonne volonté pour elle-même. Ne pas oublier le présage des cartes… quoi qu’elle n’avait pas tirer la dernière carte donc la prédiction était incomplète.

« Ma vision du monde… c’est juste que la vie est faites pour s’amuser. Si je dois être seule pour le faire, peu importe. Je sais que vous les anglais vous dites que « plus on est de fou plus on rit » mais ça ne veut pas dire que quand on est seul on doit pleurer n’est-ce pas ? »

Elle était très fière d’elle-même. Ce garçon ne pouvait pas s’en rendre compte mais c’était rare qu’elle arrive à faire d’aussi belles phrases sans faute. Il restait son accent allemand et une légère hésitation à chaque début de phrase mais c’était quand même nettement mieux.

Pour en revenir au tarot, Fredericke préféra ne pas répondre à ce que lui disait le serpentard. A la place, elle se présenta. C’était bien jolie de papoter depuis dix minutes mais l’allemande considérait comme peu polie de le faire sans décliner son identité.

« Au fait, moi c’est Fredericke Maiden, j’ai douze ans et je suis à Gryffondor. »

Elle accompagna ses paroles d’une mini révérence comme sa mère le lui avait appris. Elle savait bien que dire sa maison à un serpentard n’était pas forcément ce qu’il y avait de plus intelligent à faire mais en même temps, il le découvrirait bien un jour alors pourquoi lui cacher ? Et puis Fred’ était très fière de sa maison, elle ne voulait pas s’en cacher.

« Et toi, tu es à Serpentard mais comment tu t’appelles ? »

Non que ça l’intéresse vraiment de le savoir, elle lui avait déjà donné mentalement un surnom qui lui collerait à la peau dans l’esprit de la petite fille mais elle doutait fortement qu’il apprécie qu’elle le nomme ainsi alors mieux valait se renseigner. De toute façon, sa mère lui avait toujours dit qu’il fallait que deux jeunes gens se présentent avant d’entamer toute conversation. En effet, une Maiden ne pouvait pas adresser la parole au premier venu.

Heu… c’était pas un peu raté là ?

Vincent n’était pas dupe. Si elle utilisait un ton plus doux, c’était parce qu’elle avait perçu le changement dans sa voix à lui. Mais après tout... ah, il s’en moquait. Et puis, c’était plutôt sympa de sa part à elle. Il avait été méchant avec elle jusqu’à maintenant et voilà qu’il avait un coup de mou. Alors que lui, il en aurait probablement profité, elle se montrait un peu plus gentil à son égard. S’il ne s’était pas appelé Vincent Fayr, il l’aurait probablement remercié pour ça. Mais il était ce qu’il était et la remerciait c’était peut être un peu trop pour lui.

Elle lui dit alors que c’était bien d’avoir des amis lorsqu’on les choisissait bien. Et bien, il fallait croire qu’après avoir fait une erreur, n’accordant plus sa confiance à personne, Vincent n’avait jamais vraiment réussi à choisir les bons. Jan l’avait détruit, ni plus, ni moins. C’était comme ça.

Il l’écouta lorsqu’elle dit que pour elle, la vie était faite pour s’amuser, seul ou pas. Il sourit lorsqu’elle ajouta que l’expression « plus on est de fous plus on rit » voulait peut être dire que seul, on devait pleurer.

- Oui, ça a toujours été une expression débile. Comme la plupart des expressions non ? Sauf que... Oui, c’est vrai. Bah, si on devait pleurer quand on était seul, j’ai l’impression que je passerais le plus clair de mon temps à pleurer. Mais comme tu peux le voir, je n’ai pas les yeux rouges.

Et dans un geste d’enfant, il tira sous son œil pour le montrer un peu plus à la fille devant lui, en souriant.

- Tu vois.

Elle avait un certain accent dans la voix et vu qu’à plusieurs reprises, elle avait mêlé allemand et anglais, il avait fini par comprendre qu’elle n’était pas anglaise. En tout cas, même si elle ne parlait pas anglais depuis longtemps, elle se débrouillait drôlement bien. Mais une nouvelle fois, avec un caractère comme le sien, il préféra se taire sur le sujet. Sinon, si en plus il se mettait à faire des compliments...

Elle se présenta alors à lui. Après avoir parlé pendant près de dix minutes, il trouva que ce n’était pas vraiment une bête idée. Quoi de plus normal que de se présenter. Généralement, on se présentait avant même mais vu qu’il était toujours super aimable... Il sourit lorsqu’elle lui fit une petite révérence. Décidemment, cette fille avait plutôt l’air sympa. Et ça, venant de Vincent, c’était vraiment une pensée rare. Généralement, il n’aimait personne. Mais à Poudlard, il s’était promis de laisser un peu de côté son mauvais caractère. Même s’il avait énormément de mal à le faire, il voulait montrer à tous qu’il en était capable. Elle lui demanda alors son nom à lui.

- Moi c’est Vincent Fayr, j’ai onze ans.

Et à son tour, il se courba et lui fit une révérence. Lorsqu’il se redressa, il se mit à rire. Et un Vincent qui riait, c’était vraiment rare.

Fredericke rit aux éclats et sauta à pieds joints tout en tapant dans ses mains. Elle se baissa et reprit toutes ses cartes, sauf la dernière qu’elle n’avait pas tourné, qu’elle regarderait plus tard.

« Tu veux jouer avec moi ? » Dit-elle avec un grand sourire. « Je dois avoir ma corde à sauter ! » Elle était pleine d’entrain mais elle réalisa ensuite que Vincent ne semblait pas vraiment être le genre à jouer à la corde à sauter avec une fille. C’était pourtant génial la corde à sauter, elle connaissait plein de comptines à chanter en même temps et ça épuisait pour ensuite se tenir tranquille en cours.

Elle fit une mine penaude au Serpentard. « Mais tu dois pas avoir envie de jouer. Entschuldigung. » Ce dernier mot signifiant grosso modo « pardon ». Fredericke se balança d’un pied sur l’autre, triturant un bout de sa cape de sorcier. Elle était bien plus mignonne maintenant qu’il y a quelques minutes. En effet, elle n’avait plus peur de Vincent ou de ses remarques alors elle était plus naturelle et plus joyeuse. Même si la Gryffondor était déjà une jolie pré-adolescente, elle était très petite fille… il suffisait de se rappeler la marelle et maintenant la corde à sauter.

Pour montrer qu’elle allait rester calme, elle s’assit lentement par terre en faisant bien attention à ne pas salir sa cape ou sa jupe et son regard se porte à nouveau sur la dernière carte, celle qu’elle n’avait pas encore tournée. En toute honnêteté, ça la démangeait de le faire, mais elle ne savait pas si c’était une bonne ou une mauvaise nouvelle qui se cachait derrière. La seule chose qu’elle savait c’est que ça la concernait Vincent et elle.

« J’ai encore une carte à tourner… Pour ma prédiction de la journée. » Dit elle en continuant à fixer la carte sans bouger. Cela faisait un contraste avec ce qui précédait mais c’était parce qu’elle aussi elle faisait des efforts. Vincent se montrait presque correct avec elle et la carte lui avait appris que ce n’était pas vraiment son genre, alors par principe d’équité, elle faisait des efforts pour ne pas être trop fatigante. Serena et elle avaient en commun une énergie difficile à canaliser, c’est pour ça qu’elles bougeaient tout le temps et qu’elles faisaient beaucoup d’exercice. Ceci dit, ce matin, elle s’était déjà bien dépensée, heureusement.

Vincent regarda la jeune fille sauter tout en tapant dans ses mains, ayant toujours autant de mal à tenter de comprendre pourquoi elle faisait ça. Il la vit ramasser toutes les cartes sauf une qu’elle laissa retournée. Bizarre... Elle lui demanda alors s’il ne voulait pas jouer avec elle à la corde à sauter, un grand sourire aux lèvres. Il se mit à rire, avait-il vraiment une tête à sauter à la corde ? Hum... Non !

En tout cas, elle sembla s’en rendre compte puisqu’il se rattrapa en lui disant qu’il ne devait pas avoir envie de jouer et un mot qu’il identifia comme désolé si ses souvenirs étaient toujours bon. Chose qui n’était pas forcément sûr vu qu’il n’avait jamais vraiment été doué pour les autres langues. Surtout pour l’Allemand en plus. Parce que c’était vraiment une langue qu’il trouvait difficile. Connaître un ou deux mots de cette langue était déjà quelque chose de bien pour lui. Elle se mit alors à se balancer sur ses pieds en jouant avec un bout de sa cape. D’un coup, elle ressemblait un peu plus à une fille de douze ans, toute mignonne et toute gentille. Un moment plutôt, il aurait cru qu’elle serait du genre à se battre. Et là, elle semblait totalement incapable de faire du mal à une mouche. Comme si la compagnie de Vincent ne le dérangeait plus. Et ça fit sourire le Serpentard puisque ça montrait qu’il pouvait se montrer suffisamment gentil avec quelqu’un, au point de ne pas attirer que la haine.

Il la regarda alors se mettre assise sur le sol et poser son regard sur la dernière carte. Il devait s’agir d’une carte qu’elle n’avait pas encore retourner et qui devait compléter sa vision. S’approchant et espérant ne pas la déranger, il se mit assis en face de lui, tandis qu’elle confirmait ce qu’il venait de penser.

- Pourquoi est-ce que tu ne retourne pas la dernière ? Tu fais vraiment ça tous les jours ?

Après tout, elle venait de dire ‘pour ma prédiction de la journée’ donc... Ça devait vraiment dire qu’elle faisait ça tous les jours. Bah, si elle y croyait vraiment...

- Allez, retournes-là ! Je concerne ta prédiction de la journée en plus !

Oui, il était assez curieux de savoir ce que cette carte pouvait bien dire à son sujet.