Du sang...
Il y en avait partout, même sur ses vêtements, sur ses mains, partout...
Il poissait ses doigts, s'incrustait dans sa peau, mouillait les manches de sa chemise retroussée, en noircissait le tissu... Un liquide opaque, puant la mort qui jonchait aussi bien le sol de son salon qu'il s'était imprégné sur la semelle de ses chaussures.
Il n'en était pas l'auteur et pourtant comme cela l'aurait arrangé de connaître la personne ayant perpétré ceci...
Apophis rendit ce que son estomac s'autorisait encore à vomir. Compressant une dernière fois son ventre, soulevant son coeur, il cracha les restes de bile et de ce qu'il avait ingurgité le midi, toussant, grognant, s'arrachant la gorge alors qaue les larmes lui montaient aux yeux.
Il se laissa finalement abattre sur le rebord de sa cuvette, le heurt de quelqu'un toquant à la porte des toilettes se faisant brusquement entendre. Une voix s'éleva, pas plus inquiéte que cela mais néanmoins peu rassurée :
"Auror Sykes ? Vous allez bien ?".
Apophis, le regard hagard et embué, chercha vaguement d'où pouvait provenir ce bruit -un peu comme un aveugle se référant aux échos des voix produits par les autres. Ses pupilles bleues s'arrêtèrent sur la porte soigneusement fermée puis il poussa un léger soupir.
"Ca va. Tout va très bien".
Il rabaissa l'abattant et chercha à tâtons la chasse d'eau qu'il tira, appliquant aussi bien une grosse trace de doigt que de sang.
Le visage encore ruisselant de sueur il chancela sur ses jambes, peinant à se remettre debout. Avisant le lavabo, il s'empressa de se nettoyer comme il put, chassant les dernières traces d'hémoglobine se trouvant sur ses mains, sur ses bras...
Il avait saisi la baby-sitter à bras le corps. Elle baignait dans son sang, une large plaie béante à la place du cou, lui ouvrant une seconde bouche. Ses yeux étaient révulsés dans ses orbites et elle fixait le plafond, épouvantée de voir son agresseur s'enfuir dans les airs et la laisser seule et agonisante sur le sol.
Ses lèvres étaient entrouvertes sur une grimace désespérée et implorante. Elle avait dû hurler mais personne n'avait pu entendre ses cris de détresse... Elle était morte à présent, dans cet appartement qu'elle ne connaissait même pas, loin de chez elle et du réconfort des siens. Et Sykes l'avait trouvée...
Le pire étant que ce n'était pas la dernière chose horrible qu'il avait pu apercevoir au milieu de tout ce désordre, de ce salon ravagé par la lutte. Une note avait été laissée sur l'un de ses murs juste au-dessus du parc de son propre fils. La personne l'ayant écrite stipulait clairement qu'Apophis devait la rejoindre au lac Glastown et qu'elle l'y attendait, retenant son enfant captif.
Désemparé, Apophis s'était jeté sur le premier papier venu, avait rédigé une note d'une main tremblante à l'intention de la Brigade Magique et de quelques Aurors... puis ces derniers étaient arrivés en moins de temps qu'il n'en faut pour y songer. Au milieu des ruines sacagées de son appartement Sykes n'avait même plus la force de donner le moindre ordre, laissant ses collègues faire leur propre travail.
Lorsque l'un d'entre eux avait voulu savoir s'il avait une idée concernant le ravisseur de Néron ou même s'il savait où l'on pourrait le détenir il dodelina de la tête et renfonça un peu plus à l'intérieur de sa poche la petite feuille de parchemin qu'il avait trouvée épinglée... A bout de nerf, vidé de ses forces, il s'était ainsi précipité aux toilettes pour y vomir toute sa rancoeur, toute sa colère, toute la rage qu'il avait contre lui-même.
A présent il marchait d'un pas lourd à travers son couloir, au milieu des agents et des Aurors le bousculant pour pouvoir passer. L'on sortait le corps et il pouvait déjà voir le long drap noir que l'on avait rabaissé sur le visage de la victime que l'on extrayait de son salon. Le brancard passa sous son nez et il s'arrêta, tendant un regard mort et vide en direction de cette pauvre jeune femme. Un agent l'aborda :
"Quel gâchi. Elle était si jeune...".
Sykes le fixa sur un visage froid et dur. Il répondit :
"Qu'elle soit vieille ou jeune, c'est la même chose... Elle est morte maintenant".
Et il n'attendit pas que l'autre réponde pour se frayer un chemin. Arrivant dans son salon, il constata que d'autres Brigadiers étaient affairés à leur travail et comprit qu'ils ne quitteraient pas les lieux avant deux ou trois bonnes heures, le temps qu'ils aient tout fini.
Le temps pressait et les minutes n'allaient pas à raccourcissant. Il lui faudrait trouver un prétexte pour... et l'idée lui parvint tout net.
Il agrippa son manteau.
"Je vais au Ministère ! Déclara-t-il, consulter les dossiers. Je retrouverai peut-être la trace du ravisseur de cette manière et ainsi nous irons plus vite en besogne !".
Il en releva le col, jaugea chaque inspecteur un par un puis n'attendit pas que l'un ou l'autre se manifeste pour clairement leur fausser compagnie. Il les salua d'un dernier signe de tête et passa la porte laissée ouverte pour le passage du cadavre.
Tout en dévalant les escaliers à la hâte, il resserra fermement la baguette qu'il venait de sortir puis l'agita afin de disparaître en un dernier "pop" significatif.
Ses intentions l'amenèrent directement au lieu de rendez-vous que lui avait fixé son charmant expéditeur. Le lac Glastown, abritant une grotte tout aussi célèbre, bien que tristement connue pour avoir été le repaire durant des siècles des plus grands criminels et assassins de tout le conté du Londres sorcier. Les plus grands tueurs de l'histoire s'y étaient retrouvés et une légende disait même que l'on entendait leurs rires le soir si l'on passait tout près d'ici, comme un échos glacial, un pied de nez à leurs anciennes victimes...
Apophis déglutit péniblement et avança doucement en direction de la grotte à la gueule béante, pleine d'anciennes et affreuses histoires à faire frémir les enfants avant d'aller dormir, encore toute salie du sang de milliers d'innocents. Elle se dessinait dans la pénombre environnante des lieux, écrasée sous les arbres à la végétation luxuriante. C'était d'ailleurs pour cette raison que ces bandits d'une autre ère y avait élu domicile : la visibilité n'était pas pleinement assurée lorsque l'on ne connaissait pas l'endroit comme sa poche.
Et c'était un peu le cas d'Apophis...
A pas de loup il se rapprochait encore et encore, observant d'un côté comme de l'autre les environs, s'efforçant de faire attention à ne pas tomber dans un quelconque piège ou une quelconque embuscade. Finalement il finit par se camper devant l'ouverture de la grotte, ou plutôt de ce lion de ténèbres qui n'attendait qu'une seule chose : le gober tout cru pour qu'il finisse dans ses entrailles et que son fantôme vienne à se fendre la poire comme le reste de ses occupants dès qu'un malheureux s'aventure par ici... Pour le moment il n'entendait personne et c'est ce qui lui redonna le sourire ainsi qu'une certaine assurance.
Il leva doucement sa baguette en direction de la bouche du monstre et se mit à ricaner franchement -sa voix rauque et basse se répercutant en échos à travers les parois. Il commença :
"Allez, sors de ta cachette ! Maintenant que tu m'as amené jusqu'ici tu peux bien me faire le privilège de te montrer un peu, non ?".
Un nouveau petit rire sourd se fit entendre de sa part et Apophis avança d'un pas, l'éclat blaffard d'un soeil couchant se refletant dans ses yeux de fou.
"Allez, petit, j'vais pas te manger voyons... J'vais juste te démembrer et donner tes bras, tes jambes, ton corps, ta tête à becter aux bestioles environnantes...".
Gloussement idiot mais il se reprit finalement, tâchant de conserver son sérieux.
"Car ne va pas croire que je te raménerai gentiment au Ministère afin que l'on t'accorde un simple séjour à Azkaban, loin de moi cette idée.
Comme tu le souhaitais personne n'a été alerté et je suis seul ici. Donc le seul à connaître ton existence... je peux disposer de toi à ma guise".
Il marqua une pause, passa sa langue sur ses lèvres d'un air pensif.
"Tu sais, soeurette, reprit-il d'un air aimable et conciliant, je ne crois pas qu'il y ait de bonne ou de mauvaise magie. Je pense surtout que la personne qui la dispense fait toute la différence...
Je suis Auror et pourtant j'ai promis de te découper en pièce !
Alors dis-moi en quoi je fais le Bien autour de moi si je tue un homme ?".
Il éclata d'un énorme rire, atroce, odieux, filant vers les cieux en trilles insupportables de démence, à l'image de celui d'une hyène et qui n'avait d'humain que l'apparence que l'on prêtait à son propriétaire. Il s'arrêta brusquement, les yeux révulsés et injectés de sang, les lèvres retroussées sur un sourire démoniaque :
"Il n'y a pas de limite entre le Bien et le Mal. Il n'y a pas de Magie Blanche ou Noire ni de Malédiction ou Bénédiction.
Il n'y a que la gente humaine et ses actions qui déterminent ce qui est une bonne chose d'une mauvaise chose ! En somme, il n'y a aucune différence entre toi et moi !".
Et son sourire de dément s'élargit davantage dans l'espoir qu'enfin son ravisseur pointe le bout de son nez...
"Tu veux savoir la différence entre les bestioles qui te boufferont et l'être humain ? Hihihihihihiii...
L'être humain tue par plaisir !
Hihi... hihi... haha.... hahaha...
YYYYYYAAAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAHAAAAAAA !!!!".