It's for you. [Edward M.]

Début septembre. Une rentrée que Victoria ne passerait pas à Poudlard. Elle n’en passera d’ailleurs plus aucune. Son statut d’élève dans la plus grande école de sorcellerie ayant expiré à la mi-juillet. Elle se contenterait à présent du noble titre d’étudiante afin d’intégrer le ministère de la magie. Elle n’en avait pas pour autant oublier ses vieilles habitudes comme étudier quelques heures par jour. Elle savait que seul le travail payait un jour ou l’autre, ce que peu de personnes arrivaient à comprendre ces derniers temps. Toujours est-il qu’elle avait préféré ne pas assister aux préparations de ses frères et sœurs, pas même à celles de Christian. Elle rendait visite à ce dernier seulement quelques minutes par soir, dans sa chambre du manoir. Ils en profitaient pour discuter de l’année qui s’apprêtait à commencer, de leurs projets et surtout de leur mère… Christian se posait toujours de nombreuses questions à propos du père qu’il n’avait pas connu, tout comme Victoria. Leur enfance n’était qu’un rêve transparent d’où seuls quelques souvenirs surgissaient. Durant ces rares moments de tranquillité en compagnie de son frère, Vic’ tentait par tous les moyens d’éviter le sujet de Maera mais cette dernière revenait souvent sur le tapis. Selon elle, cette jeune blonde s’accaparait deux titres incompatibles : cousine et belle-sœur. Vic’ ne supportait plus de la voir rôder autour de son frère comme un loup affamé et la voir dans ses bras lui donnait presque la nausée. Certes, elle n’avait plus l’âge de s’énerver pour ce genre de broutilles. Elle n’était pas jalouse. Son frère pouvait bien se mettre en couple avec n’importe quelle fille. Mais pas avec sa propre cousine, qui, soit dit en passant, n’était rien d’autre qu’une sale pimbêche. Pour elle, la famille était loin d’être sacrée et elle ne retenait aucun coup… Et cela, Maera et Meg’ l’avaient sûrement bien compris.

Samedi, 19h.

Victoria vagabondait dans sa chambre, marchant de la porte à l’armoire en répétant les dernières phrases d’un gros grimoire. Elle travaillait premièrement la théorie, la pratique n’étant pas au programme du jour. Elle avait délaissé sa tenue d’élève de serpentard sans l’armoire et avait retrouvé ses vêtements civilisés, soit un jean et un tee-shirt. Ses pieds nus martelaient le sol depuis quelques minutes maintenant, ses escarpins commençant à la faire souffrir. Elle n’avait plus réellement l’habitude à vrai dire.

- A table !

Ce cri tout droit sorti des profondeurs du manoir ne la surprit même pas. Elle stoppa net sa marche infernale avant de revenir face à son bureau. Elle posa ses mains sur le rebord de ce dernier et se pencha au-dessus du grimoire afin de relire une dernière fois le paragraphe concerné. Elle soupira lentement avant de reprendre le grimoire dans ses mains.

- Victoria ! Ca va refroidir !

La jeune femme referma brutalement le livre poussiéreux avant de vociférer.

- J’arrive ! Trente secondes !

Elle prit la direction des étagères, tentant de se convaincre qu’elle n’avait pas faim. Mais lorsqu’elle déposa l’ouvrage sur une des plaques d’ébène, son estomac émit un gargouillis significatif. Elle se mordit la lèvre inférieure et se contenta de voir la réalité en face. Elle devrait une fois de plus assister à un repas ennuyant en compagnie de sa mère et d’Henry, sa dernière conquête en lice. Elle ferma les yeux et respira lentement avant de relever les paupières. Son regard se posa sur des bouts de papiers griffonnés, calés entre deux grimoires. Elle arqua un sourcil avant de s’emparer des lambeaux poussiéreux. Elle tenta de les déplier et tomba nez à nez avec des mots qui ne lui étaient pas inconnus. Elle savait très ce qu’étaient ces lignes écrites d’une écriture simple et gracieuse…

FLASH-BACK
Trois ans plus tôt.

- Oh ! Jack, je vous en prie, vous allez me faire rougir.
- Mais Claire, c’est tout naturel. A votre âge, les femmes possédant un tel charme se font rares.
- Etes-vous bien sûr de cela ?, demanda la femme dans un rire convaincu.
- Certain, répondit une voix grave mais qui se voulait sincère.

A l’étage supérieur, Victoria rédigeait quelques lignes en espérant oublier la conversation qui se tenait en bas. Elle martelait le bois de son bureau de ses longs ongles manucurés, tandis que les paroles de sa mère et de sa nouvelle conquête lui donnaient la nausée. Elle passa une main dans ses cheveux tentant par tous les moyens de se calmer. Elle balança sa trousse à l’autre bout de la pièce et une multitude de stylos s’éparpillèrent dans la chambre. Tandis qu’elle prenait son visage entre ses mains, incrédule et désabusée face au comportement de sa mère, triste de ne rien savoir sur son passé, triste d’être confrontée à un tel manège, une petite voix vint troubler cette étrange situation. Edward, un des triplés venait de faire irruption dans la chambre de Vic’.

- Vickie, je peux te montrer quelque chose. Le jeune garçon avança faire sa sœur, le sourire aux lèvres et lui tendit une masse de papiers. C’est mes nouveaux poèmes ! Lis-les s’il te plaît ?!, demanda-t-il d’un ton enjoué.
Victoria s’empara alors brusquement des feuilles avant de les mettre en boule et de les jeter comme sa trousse.

- Ed’, j’ai autre chose à faire, sors d’ici !

Le petit garçon s’exécuta, la déception étant largement visible sur son visage. Vic’ avait pu remarquer ses yeux humides mais n’y pensa plus, refermant violemment la porte « sur » son frère.

FIN DU FLASH-BACK

Victoria resserra les bouts de papiers entre ses mains et déglutit difficilement. Elle se sentit honteuse à la vue de ses souvenirs réduits en cendres. Elle revit Edward, apeuré, en train de quitter sa chambre à toute vitesse. Sur un coup de tête, elle ouvrit son armoire à la volée et en sortit sa longue cape noire. Elle enfila cette dernière, rangea sa baguette dans l’une des poches intérieures et se mit à écrire un message à son jeune frère.

Citation :

A 19h45 aux Trois Balais.
Vic’.

Elle roula le parchemin et l’accrocha aux pattes de sa chouette qui dormait sur le bord de la fenêtre. Cette dernière s’envola aussitôt, bien que le réveil fut difficile. Victoria rangea les poèmes dans son autre poche et sortit de sa chambre à la vitesse de l’éclair. Elle descendit les escaliers de la même manière et passa devant la salle à manger.

- Ne m’attendez pas pour manger, j’ai à faire !, lança-t-elle à sa mère et Henry.

Lorsqu’elle entendit les cris de sa mère, elle était déjà dans le parc privé du manoir. Elle rabattit sa capuche sur sa tête, enfourcha son balai et prit la direction de Pré-Au-Lard, bien décidée à rendre ses perles d’écriture à son frère avec qui elle n’avait pas été très juste, il fallait l’avouer. Elle ne voulait pas se faire pardonner. Juste rendre ces poèmes à son propriétaire, ni plus ni moins. Et c'était aussi une raison pour se rendre une dernière fois à Pré-Au-Lard et d'apercevoir Poudlard...