¤Catch me if you can¤ - [Kris]

L'atmosphère de l'allée des embrumes le rendait euphorique. Euphorique. Voila bien un mot qu'on ne pouvait décidément pas lui coller sur la face comme une étiquette sur un personnage. Ce mot paraissait déplacé lorsqu'il agrémentait son nom et sa classe, et pourtant, Rodolphus Lestrange était euphorique. Il pensait à la montée en puissance de son seigneur et maître, et des visages angoissés des sorciers qu'ils croisaient, et à son portrait placardé sur toutes les échoppes, avec la mention "Dangereux". Le Ministère s'était enfin rendu compte que le Seigneur des Ténèbres était de retour, plus fort que jamais, et que tous ses Mangemorts étaient prêts à combattre. Tout le monde avait peur maintenant. Chacun essayait de préserver sa vie et celle des personnes chères, la terreur montait dans le rang des mages blancs... bref, leur suprêmatie était enfin reconnue.

Un sentiment de culpabilité un peu douloureux le submergea soudain et il sentit même sa Marque des Ténèbres lui brûler la peau sous l'étoffe coûteuse. Il n'aurait pas penser ça. Les projets du Seigneur des Ténèbres n'étaient pas de révéler à la face du monde qu'Il était de retour, en tout cas pas tout de suite... Ce n'était qu'à cause de leur pitoyable échec cet été que le monde de la sorcellerie ployait d'effroi aujourd'hui, beaucoup trop tôt. Rodolphus fut plongé un instant, alors qu'il marchait à pas vifs, dans les souvenirs de la bataille du Ministère complêtement gâchée par ce vieux sénile de Dumbledore, puis dans ceux de la punition que lui avait infligé son Maître. De justesse, il avait échappé à la capture par un Auror ou par le directeur de Poudlard qui avait agi in extremis, mais il avait du en payer les conséquences. Sa femme aussi, d'ailleurs... Bref, s'il était vivant et en liberté aujourd'hui, il le devait à la clémence du Seigneur des Ténèbres qui avait encore besoin de lui et de son épouse, et il ne devait jamais, au grand jamais se complaire dans un état d'excitation joyeuse parce que les sorciers du monde entier se rendaient enfin compte de la situation catastrophique.

Avec un tressaillement imperceptible, Rodolphus avisa la situation. Hum, il le sentait encore. Pas très loin, pas très proche, quelque part derrière lui. Un sourire naquit sur ses lèvres, au-delà de la barbe fournie d'un brun d'ébène. C'était si stupide... Comportement puéril et irréfléchi qui mènerait aujourd'hui quelqu'un jusqu'à un Avada Kedavra bien mérité. C'était drôle, tout de même... L'impertinence des adolescents.

Le Mangemort bifurqua et prit une allée sordide sur sa gauche, qui s'enfonçait dans l'ombre et dans les profondeurs même de la rue sinistre qui portait si bien son nom. Les tavernes et les magasins se faisaient de plus en plus rares, les lieux vivables s'espaçaient réellement à mesure qu'il avançait, sa cadence ne ralentissant jamais, sa respiration s'accélérant cependant à mesure que son excitation grandissait. Oh, une très saine et très agréable excitation...

Un noir soutenu accompagnait ses pas dans ces lieux lugubres. On n'y voyait presque pas à un mètre. D'un geste agacé, car il n'avait pas prévu de sortir sa baguette - pour l'instant - Rodolphus l'alluma d'un Lumos informulé qui éclaira automatiquement les environs. Il se trouvait à présent dans une ruelle si étroite que deux hommes côté à côté n'auraient pas pu y passer. Il n'y avait plus rien ici, plus rien qui vaille la peine du déplacement: ni échoppe, ni sorcier, ni cachette. Rien qu'une impasse sale et souillée de sang qui s'étirait en longueur comme un grand tunnel à ciel ouvert...

Rodolphus estima après quelques pas dans cette allée que le moment était venu. Il avisa un petit renfoncement sur sa droite un peu plus loin, et accéléra le mouvement. Bientôt, époussetant ses vêtements avec soin, il s'y cacha, prenant garde de remonter royalement son capuchon noir sur ses cheveux trop sombres. Il savait qu'il n'aurait pas très longtemps à attendre, il savait que cette curieuse avidité qui se développait dans son estomac allait bientôt assouvie; insatiable petit démon qui attend son heure de gloire. Car oui, il avait senti sa présence, oui, depuis le début il l'avait vu le filer comme un pauvre détective, un apprenti Auror en mal de danger; un crétin fini, en somme! Comment croyait-il pouvoir berner un Mangemort de sa trempe, hein? Comment espérait-il s'en sortir après avoir pris de tels risques face à lui? Et encore, ce petit morpion avait de la chance d'être tombé sur lui, calme, réfléchi, serein et loin d'être attiré par la brutalité gratuite. Sûrement échapperait-il à la torture qui ne l'avait jamais intéressé, de toute façon. Il était amusant de constater que sa femme aurait déjà cloué sa langue contre le mur et ses intestins au sol.

¤ Trois, deux, un... ¤

Une ombre passa devant le renfoncement qui l'abritait. Rodolphus sourit, et releva sa baguette. Le temps était venu! Il sortit de sa pseudo cachette, englouti par l'obscurité, et inversa les rôles. Il était le fileur, l'autre était le filé. Pendant juste quelques secondes, avant que...

- " Expelliarmus."

Il avait trouvé inutile de désarmer ce gamin à l'aide d'un informulé. C'était beaucoup plus théâtral de surgir d'on ne savait où, d'apparaître derrière alors qu'une seconde avant, il était face à lui, et de parler distinctement... Peut-être même allait-il sursauter, ce serait tellement plus drôle. Mystère et danger combiné dans un seul gentleman qui souriait, souriait comme un fou sous sa capuche rabattue, avalé par une nouvelle excitation, beaucoup plus forte et dominatrice que la précédente, celle de tuer. Il allait tuer.

- " Petit parasité dégénéré..." murmura-t-il de sa voix précieuse, ô combien méprisante. "Comment avez-vous pu imaginer une seule seconde prendre au piège quelqu'un comme moi...?"

On sentait toute l'arrogance du personnage aristocratique rien qu'aux vibrations pleine de hargne de sa voix hautaine. Il n'avait aucune gêne à parler de ce ton sûr de lui; pourquoi aurait-il eu honte de se considérer comme le dominant, et ce gamin, cet imbécile, comme le dominé?

- " Veuillez ne pas crier. Cela serait tout-à-fait inutile." continua-t-il, plus doucereux.

Tiens, tiens, tiens... Il n'était pas tombé sur le pire des couards, finalement. Ou peut-être que la lueur de courage qui brillait dans ses yeux insignifiants n'étaient qu'une façade, une pauvre petite barrière pour masquer son état. Avec facilité, comme l'on plonge un couteau dans du beurre frais, Rodolphus exerça légèrement son pouvoir de Legilimencie et pénétra dans l'esprit stérile de ce jeune homme. Hum. Le sourire que Rodolphus afficha alors, bien visible malgré son capuchon, reflétait bien ce qu'il avait entr'aperçu dans le cerveau de Kristopher. Un pauvre garçon perdu. Incompris. Idiot. Qui ne manquait pas de courage, en fait, mais de jugeotte. Il aurait pu faire un bon Mangemort finalement, s'il n'était pas du mauvais côté de la barrière.

A voir l'agitation de ce petit être, Rodolphus sentait ses instincts brusques, vivaces de Mangemeort revenir en flèche dans son esprit. C'était... comme un chat qui capte l'agitation et la nervosité de sa proie et qui attend juste le bon moment pour bondir et planter ses griffes. Et Kristopher Bundy avait exactement le profil type de la minuscule souris ou du corbeau déplumé dont il ne ferait qu'une bouchée. Yummy.

Il lui offrir un sourire indulgent et poli, car en bon noble qu'il était, il était normal qu'il pousse la comédie à faire l'intéressé jusqu'au bout, n'est-ce pas? D'un reniflement sec, il hocha la tête pour confirmer ses dires, parfait dans le rôle de la seconde personne qui acquiesce aux paroles inutiles de l'autre. Il ne servait à rien de s'énerver, de batifoler ou d'effrayer le pauvre petit homme. La mort serait déjà mauvaise compagne.

Rodolphus n'afficha aucune surprise lorsque Kristopher commença à s'exciter. La réaction était normale; il expirait sa peur et tâchait de garder contenance en se terrant dans ses derniers replis. Le Mangemort aurait eu envie de le secouer par les épaules, les yeux dans les yeux, et de lui dire qu'il était laid et vain de se rebeller contre lui. Il détestait ça. Qu'on se mette en travers de son chemin. La si fascinante Mort devenait terne et ingrate lorsqu'il s'agissait d'assassiner un crétin qui espérait encore le salut. Quoique tenter de résister face à la fatalité était une preuve de noblesse d'âme, Kristopher devait sentir, devait voir qu'il n'avait rien de la fatalité, qu'il n'était qu'un compagnon du hasard... Un Mangemort en manque d'activité...

Quand le jeune homme sortit de sous ses vêtements une sorte de tube en métal noir, Rodolphus agrandit légèrement son sourire. Il n'avait aucune idée de ce que pouvait être cet étrange objet au bout cylindrique, mais il savait qu'il n'y avait aucune menace pour lui, et il s'amusait une nouvelle fois de l'infériorité du petit Gryffondor grincheux. Il observa son regard sombre avec un air fasciné par ce qu'il racontait, et garda le silence et le calme même lorsqu'il fut mis en joug.

Pleuvoir le feu sur lui. Au moins, à présent, il savait à quoi s'en tenir.

Rodolphus n'eut pas grand chose à faire. Sa baguette fut presque inutile tant l'exercice magique était d'une simplicité manifeste. Il leva imperceptiblement la main et les projectiles noirs terminèrent leur course par terre. Trop simple. Beaucoup trop simple pour l'amuser.

L'homme eut un nouveau sourire charitable, visiblement déçu que le petit plan fadasse de Kristopher n'ait pas porté ses fruits, puis il ajusta sa capuche sur son visage pour masquer ses traits. Il avait déjà remarqué qu'il l'avait reconnu, à sa mine terrorisée, et il ne servait à rien de dupliquer les affiches de recherche collées partout autour d'eux en laissant découvrir sa peau barbue. Il ne ferait que faire peur au petit.

L'état de Kristopher n'était en soi pas très étonnant. Apparemment, l'objet qu'il tenait dans ses mains humides avait un but létal qui avait raté cette fois, ce qui devait être rare vu l'expression de son visage. Encore une raison de se rengorger et d'être persuadé de ses pouvoirs... Rien ne faisait le poids face à lui, cette nuit...

Il ignora l'énervement de Kris mais ne put s'empêcher de ricaner face à l'insulte. Vieux pervers... Sursaut d'imagination dans le petit cerveau fertile, on dirait. Regain d'intelligence ou de folie... Farce à cesser sur le champ.

Rodolphus se déplaça d'un pas sur le côté et sa longue cape noir se mit à tourbillonner dans une volute de fumée noire. Elle n'eut plus rien de matériel, ne reflétant qu'une traînée brumeuse et sombre qui l'engloutit dans la pénombre, et qui n'avait pas totalement disparu lorsque la voix grave du Mangemort susura à son oreille:

- " Tire."

Et son rire éclata, beaucoup plus sonore dans l'étroite allée, résonnant entre les murs de briques. Mais si Kristopher faisant volte-face, il ne pourrait voir que cet enchevêtrement impalpable de capes qui se transformait en fumée: Rodolphus avait encore disparu.

Il joua encore quelques instants à l'omniprésence fantômatique et terrifiante, apparaissant, disparant à sa guise en laissant parfois échapper quelques rires. Destabiliser le petit n'était qu'un moyen de lui montrer, encore une fois, à quel point il était fort. Mais ça ne dura pas. Bientôt, Rodolphus se matérialisa juste devant Kristopher, si près qu'il pouvait sentir sa respiration paisible sur son visage en sueur, le brume noire ne s'évaporant pas tout-à-fait. De son visage, sa capuche ne laissait voir que son sourire sinistre qui découvrait des dents larges comme celles d'un crocodile.

- " Tire." répéta-t-il, et il attrapa de force la main de Kristopher qui tenait son arme.

Il ne mit qu'un dixième de seconde à comprendre comment fonctionnait l'appareil, et appuya une fois, deux fois, plusieurs fois sur la détente, forçant parfois l'engin à viser sa tête. Il continua d'appuyer quand il entendit le déclic signifiant qu'il n'y avait plus de projectiles, simplement pour le plaisir de faire durer l'échange.

L'explosion sonore des coups partis résonnait encore dans ses oreilles. Il devait avouer que cette arme était impressionnante. Mais il n'avait pas été difficile de rendre les balles innoffensives. Elles avaient rebondi sur sa peau comme du caoutchouc, et après un temps de silence, il les laissa retomber toutes au sol, une à une. Clic, clic, clic, clic, clic...

Il redressa un peu le menton pour que Kristopher voit, à la lumière de la lune, sa bouche élargie. La dernière balle qu'il s'était lui-même envoyé en plein visage tenait entre ses dents. Il éclata de rire, un rire aussi démentiel que son frère aurait pu avoir, et il cracha la balle dans le visage de Kristopher.

Puis, lentement, il releva sa baguette magique.

- " Adieu, impétueux petit cafard..."

Kristopher frémissait à chaque passage de Rodolphus. Décidemment ce dernier était bien plus givré et bien plus terrifiant qu'il ne l'avait estimé -à croire que l'original était toujours bien plus flippant qu'une vulgaire photo.
Le jeune homme reculait, avançait, faisait un pas de côté, se retournait, faisait volte-face, le visage toujours crispé et sursautant par moment aux éclats de rire impromptus de son cher adversaire.

C'était à vous donner définitivement... la gerbe. Ou alors à vous rendre fou et c'est un peu ce que l'esprit indéniablement moldu de Kris ressentait alors. La véracité des choses, leur logique et le monde implaccable de réalité dans lequel il évoluait depuis tout petit parvenait toujours à chasser le surnaturel de celui des sorciers -auquel il se devait plutôt de croire.

Ainsi Bundy était-il un jeune homme très cartésien qui ne croyait guère à la moindre chose sortant de son contexte. Alors imaginez un Rodolphus Lestrange se baladant dans les airs tout en l'incitant à tuer...

Tirer, oui, il le ferait, tirer ! Il n'avait pas peur de tirer ! Il n'aurait aucun remord à tuer une pourriture pareil et il accueillerait ainsi les louages des Mages Blancs à bras ouverts. Non, jamais il ne pleurerait la perte d'un être aussi répugnant... qu'inquiétant.

Puis cette image fantomatique se stabilisa juste en face de lui, ce sourire sinistre toujours pendu à ses lèvres ourlées et aristocratiques. L'homme plaqua le canon de son arme pour le forcer à agir. Kristopher voulut se défaire de son étreinte mais n'y parvint pas et les coups partirent tous seuls, s'encastrant dans le crâne de cet illuminé aussi vite que l'éclair.

Le jeune homme se raidit et poussa un cri terrifiant au moment où le Mangemort lui souriait de toutes ses dents de crocodile (merci pour le copyright des dents de "requin" en passant looolll ^^).

La balle fut projetée droit sur son visage pour s'écraser vulgairement contre son nez, un peu comme un cracha de plomb, aussi simple et dédaigneux que cela. Le Gryffondor sentait bien que pour cet homme il n'était rien d'autre que...

" Adieu, impétueux petit cafard...", murmura-t-il en levant sa baguette, et il fut particulièrement étonné de constater à quel point sa voix pouvait être légère, placide, sur un timbre fluide et légèrement retenu. Combien d'années de crimes et d'horreur fallaient-ils pour en arriver à une telle maîtrise de soi ? Mince ! Il s'attaquait à un gosse, un élève qui plus est et non à un Auror ! Comment ce mec faisait-il pour retenir son sang froid ?
Mais il ne tenait pas vraiment à le lui demander... ni même à ce qu'il lui signe le moindre autographe. Krimson se recula vivement, son regard louchant sur la baguette et le coeur partant à cent à l'heure.

Il était fini...

Maintenant il ne pouvait plus reculer. Il regarda à droite, à gauche. Pas un seul signe de sa baguette. Son arme pendait au bout de son bras et il considéra un instant qu'il pourrait la lui jeter à la figure pour ainsi le blesser... mais c'était peine perdue. Si ce type savait se transformer en fumée pour venir l'intimider, que ferait-il une fois vraiment rentré dans une colère noire ?

*Pleuvoir le feu sur lui...*.

Et le visage du jeune homme se crispa en une dernière grimace de terreur et d'effroi. Plier genoux à terre pour demander grâce ? Jamais ! Plutôt mourir d'ailleurs. Krimson avait trop de fierté pour cela.

Il déglutit avec peine et tâcha d'adopter une posture plus digne. Avec un peu de chance la boule qu'il avait dans la gorge finirait par disparaître... à moins qu'il ne se mette à rendre de ce qu'il avait ingurgité durant la journée juste devant lui. Non, non. Ne pas y penser !
Il tâcha de relever la tête... -plutôt pathétique comme cérémonie, mais il n'avait plus que cela...

"Je... je... je viendrai te hanter ! Fulmina-t-il en dernier ressort, je... je viendrai hanter tes nuits, peupler tes cauchemars !! Je te tuerai d'une manière ou d'une autre !".

Son iris sombre et hallucinée se fixa une dernière fois sur lui...

Le dénouement était là: clair, logique et implacable. La mort. Aucune autre issue. Pourquoi en chercher une, d'ailleurs? Ce brave garçon avait tenté sa chance comme un grand qui n'a pas peur, et il avait perdu. Qu'il accepte sa défaite et courbe l'échine et peut-être obtiendrait-il son respect...

L'interroger? Inutile. Cet enfant devait à peine sortir de Poudlard et il n'était qu'une poussière parmi les poussières. Aucune information intéressante dans sa petite tête creuse. Le Seigneur des Ténèbres ne voudrait pas d'un otage ou d'un prisonnier aussi futile.

Le torturer? Aucun intérêt. Rodolphus n'était pas adepte de ces pratiques là. A quoi bon? Kristopher avait déjà atteint le seuil maximal de la peur et la douleur était accessoire. Certes, il avait tenté de le tuer mais... pourquoi se fatiguer?

Et puis dans cette mort, il y avait une certaine tranquillité. Un adolescent comme lui ferait sûrement la une des journaux lorsqu'on découvrirait son cadavre intact dans une ruelle de l'allée des embrumes. Un meutre de plus à leur compte, une horreur de plus dans la gazette des sorciers et le monde magique ébranlé de nouveau... Si le jeune homme était encore à Poudlard, peut-être Dumbledore pousserait-il à faire un nouveau petit discours? Après tout, il était habitué à perdre ses élèves...

La peur de Kristopher devenait fatigante. Il ignora ses menaces, ses prédictions apocalyptiques sur sa prochaine venue en ectoplasme. Rodolphus rit, mais il rit jaune. Bêtises. Sornettes de jeune homme au pas de la mort. Il avait si peur... Il le ressentait, au plus profond de lui... Se repaître de se peur... Kristopher savait-il qu'il pouvait très bien banni un fantôme?

Avait-il réfléchi à ce qui l'attendait après? Continuerait-il ou viendrait-il en effet, le hanter? Que de questions pour un être si calme à la force tranquille, qui levait un peu plus sa baguette et tâchait de trouver le point où la mort serait la plus douloureuse - il était tout de même Mangemort. C'était triste de mourir comme ça. Seul. Perdu dans un coin perdu du chemin de traverse. Bêtement. Désarmé. En nage.

Peut-être que des rats et des parasites viendraient jouer avec son corps avant qu'une personne de bonnes intentions ne le découvre. Peut-être qu'on ne retrouverait même pas son corps...

Mais il n'avait plus de temps à perdre. En tant que personne hautement recherchée, il ne pouvaiit pas se permettre de traînailler ainsi dans l'allée des embrumes. Il avait même perdu de vue ce pouquoi il était là au départ, l'idiot... Enfin, il se serait bien amusé. Mais avant qu'un Auror débarque pour son inspection surprise, il fallait en venir.

Il pensa à la formule avant de la prononcer. Sa baguette s'était figée, et visait le front du jeune garçon, au-dessus du nez, en plein centre. Sa poigne était ferme, sa respiration calme: le coup ne manquerait pas. Il fallait en effet une grande expérience pour tuer comme il le faisait, lui. Dans l'ordre, la serreinité, la rigueur. Pas de vite fait bien fait pour lui. Tout était voulu. Tout était calculé. Dans la finesse. Dans l'art, même.

- " Avada Kedavra." murmura sa voix sépulcrale.

Oui, tuer était un art noble à savourer comme une peinture aristocrate.

Rodolphus sentit jusqu'au coude les vibrations de sa baguette qui éjecta le sortilège mortel dans un bruissement à peine audible. La lumière verte, par contre, explosa littéralement, éclairant toute l'impasse d'une lueur terrifiante, lugubre, comme si la marque des Ténèbres grandeur nature venait d'apparaître dans le ciel. Le tourbillon magique piqua le front du jeune homme, et pendant une nano-seconde, tout sembla figé. Le dernier moment pour observer le regard de ce trop courageux Gryffondor dont la vie venait de cesser. Rodolphus entendit en échos les pulsations endiablées de ce coeur si jeune s'arrêter d'un coup.

Kristopher fut propulsé avec puissance en arrière et son corps heurta un mur. Rodolphus baissa sa baguette et s'approcha très légèrement. A présent, les yeux du jeune homme étaient révulsés et son regard n'exprimait plus rien. Ses membres recroquevillés paraissaient raides et froids, ses cheveux se couvraient de la poussière qui lentement retombait. Le Mangemort se pencha et l'examina quelques secondes, ce visage inexpressif et blanc, puis il ramassa délicatement l'arme dont s'était servi le gamin. Il la garderait.

Puis il se releva, fit volte face et disparut dans l'étroite allée, toujours aussi calme. L'excitation s'était envolée. Tout était redevenu comme avant et pratiquement rien n'avait changé. Si ce n'est un petit détail.

Kristopher Bundy venait de mourir.

La fin, si proche... et pourtant il était si jeune... pourtant, mince, il y avait cru quoi... Pourtant...
Pourquoi ? A quelle occasion ? Qu'avait-il fait de si mal ? Pour être ainsi puni il avait dû en commettre une sévère !
Pourquoi ? Oui, pourquoi ?... Pourquoi cette rencontre, pourquoi maintenant et pourquoi avec lui ?

Il n'en voulait pas directement à ce Mangemort -et ce parce qu'il avait été trop bête pour réagir- mais plutôt à cette Force qui l'avait mené jusqu'à sa propre mort ! cette voix lui sussurant un soir de quitter Poudlard pour aller chasser et combattre un Mage à l'âme aussi sombre que ses pouvoirs étaient surpuissants. Il était tombé certainement sur le plus dangereux de tous et n'avait guère su maîtriser les siens, incapable d'agir.

Sa baguette avait volé dans les airs suite à un réflexe plutôt impressionnant de la part de cet être à l'aspect fantomatique. Il ne lui était plus resté que son arme de "rechange" : un petit Smith & Wesson piqué en douce au commissariat de police alors qu'il avait été rattrapé un jour de soldes...

C'était ce jour où il avait rencontré cette jolie blondinette d'ailleurs. Puis elle était partie comme ces filles et ces garçons trop bien pour lui et ne désirant en rien le fréquenter davantage...

Il avait cru, en devenant tueur de Mangemort, se transformer en une personne respectable sinon crainte. Mais son manque de maturité ainsi que d'expérience l'avait fait ployer au dernier moment. Il s'était pris pour Dieu et maintenant en faisait clairement les frais... si bien que rien n'avait pu le sauver, même pas lui-même.

C'est dingue ce que l'on devient raisonnable et raisonné en mourant ! L'on pense à ce que l'on a fait et ce que l'on a pas fait ! Ce que l'on quitte avec regret comme ce que l'on oubliera vite... si seulement il avait pu en être ainsi avant...

Le corps misérable du jeune punk (not dead !) retomba sur le sol telle une poupée de chiffon, ses mains se tendant vers le ciel dans un dernier élan, cherchant quelque part une main secourable le tirant du néant. Sa tête heurta violemment le sol et les derniers battements de son coeur raisonnèrent dans sa tête, aussi bien qu'ils le firent pour Rodolphus.

Le fil fut tranché et le regard vide et mort du jeune Kirstopher fixait un ciel lourd de nuage, sombre et incertain. Ses cheveux éclatés telles une étoile noire se répandaient sur le sol tandis que sur son front la marque visible d'un coup puissant était encore visible... un point rouge, comme pour une balle.

Ses yeux ne se fermèrent pas et sa bouche resta entrouverte sous l'effet de la surprise mais aussi de l'horreur de s'être rendu compte qu'à ce jeu il avait été perdant. Trop fougueux, trop immature, trop impétueux, trop inexpérimenté. Il était tombé dans les griffes du diable...

{Et fin. Merci pour ta coopération, très cher !! }