{ Alyss }
Trois mois plus tard.
Nathan était mort depuis trois mois, en effet. Il fallait avouer que la tristesse et l’amertume de Juliette étaient toutes deux excessivement grandissantes. Par chance, notre petite sorcière avait ses copines, ainsi que son petit copain pour se changer les idées. Toutefois, même si rire et rigoler faisaient partis tous deux de son temps libre, le vide causé par la mort de son frère aîné n’était qu'exhorbitant. Plus le temps passait, plus Juliette se sentait seule. On la retrouvait parfois en train de sangloter dans un coin, puis prétextant lorsque quelqu’un approchait que tout allait bien. C’en était rendu à ce niveau là. Depuis le vingt trois novembre dernier, la joie de la bleue et bronze était devenue fictive. Les verbes rire et rigoler étaient tous deux devenus aussi difficile à prononcer qu’à exécuter. Franchement, on ne mentait pas en disant que la situation allait en se dégradant.
Ce matin là, Juliette se leva avec la même boule dans la gorge qui la hantait depuis trois mois, à la différence qu’aujourd’hui, cette boule avait le quadruple de sa taille habituelle. Pourquoi ? Parce que aujourd’hui, cela faisait trois mois. Trois mois que son frère était parti. Trois mois à pleurer à n’importe quel moment. Trois mois à vivre dans un vide continu et perpétuel. Trois mois sans Nathan. Trois mois durant lesquels Juliette aurait tout donné pour se réveiller en sursaut et prendre conscience que tout cela n’était qu’un rêve (même si elle aurait réagi en se disant que c’était un cauchemar). Trois mois d’enfer.
S’extirpant de son lit avec le même visage vide de toute émotion et blême que d’habitude, la brunette se rendit aux toilettes pour se doucher et s’habiller. Elle en ressortit toute propre et vêtue. Aussitôt, sans un coup d’œil au miroir (donc les cheveux toujours mouillés et frisés), la gamine descendit dans la Grande Salle afin de prendre un déjeuner des plus copieux. Du porridge ainsi que des toasts à la confiture de mûres fraîches, voilà ce qu’elle mangea avant de filer à l’extérieur pour se changer les idées.
Lorsqu’elle sentit le froid glacial de l’hiver lui frotter le bout du nez, Juliette regretta de ne pas avoir mis de veste sous son manteau. Elle était vêtue de l'uniforme de l'école (plus précisément, elle portait sa jupe), comme à chaque jour depuis le début de septembre. Consultant sa montre, la Serdaigle constata avec un soupir las qu’il ne lui restait qu’une demi-heure avant que son premier cours de la journée débute. Ce fut cette raison qui la poussa à gravir les dizaines de marches de la tour de la volière.
Étrangement, la brunette avait envie de monter dans cette tour, même si elle lui rappelait Nathan. Elle voulait voir le paysage neigeux qui entourait Poudlard. Voir les montagnes couvertes de cette habituelle poudre blanche immaculée. Se changer les idées, et essayer une nouvelle fois de faire un trait sur le passé.
Lorsqu’elle fut enfin arrivée à la dernière marche, Juliette entra dans la volière sans dire un seul mot. Elle savait pertinemment que un, elle n’avait personne à qui parler, et que deux, c’était strictement inutile. Paulo Coelho avait déjà dit :
« Il y a parfois des langages qui vont au-delà des mots » . Ce fut l’un de ses langages que la grecque utilisa en prenant place sur le rebord de la plus grande fenêtre de la tour, la bouche close. D’un air perdu, elle contempla le paysage lointain. Le passé semblait à la fois loin et présent derrière elle, tandis que le futur, en ce moment présent, cognait à sa porte. Elle avait à faire un choix, et pas un petit. Le choix d’une vie.