In the mood for Rusard

Chronique d'un concierge amoureux

Katchoo avait reçu la veille des instructions pour retrouver le mystérieux élève énamouré qui avait lancé ce poignant, mais bourré de fautes, appel au secours.

Son rendez vous lui avait demandé de l’attendre au rez-de-chaussée, devant le bureau de Rusard.
La jeune Poufsouffle avait trouvé étrange de se retrouver à un tel endroit.
Elle avait entendu plusieurs rumeurs toutes plus inquiétantes les unes que les autres concernant le concierge, et ignorait à quoi elle devait s’attendre le concernant.
Avait il déjà vraiment envoyé un élève en retenue dans un des souterrains de Poudlard, souterrain dont il n’était ressorti que deux mois plus tard, à moitié aveugle et à moitié fou (comme le voulait la légende).
Avait il vraiment donné le petit doigt de pied de ce Serpentard dont elle ne se souvenait pas du nom, à manger à son chat ?

Elle haussa les épaules. Elle n’avait rien à se reprocher : le couvre feu n’était pas encore en vigueur et le lieu de rendez vous qu’on lui avait fixé était un endroit accessible à tous.

« Enfin quand même, un peu bizarre », pensa-t-elle en jetant un coup d’œil aux escaliers.

Elle faillit rater le passage de l’un à l’autre et se rattrapa de justesse à l’une des rampes. Elle se dépêcha de dévaler le reste des marches et sauta les deux dernières.

« Bon, maintenant, le bureau de Rusard devrait se trouver vers là. »

Son interlocuteur ayant préféré l’anonymat jusque là, elle n’avait pas osé demandé son chemin de peur de le trahir. Néanmoins, elle avait déjà entendu certains élèves en parler, et situait à peu prés le lieu.
Personne ne passait dans le coin de son propre gré avait elle cru comprendre. C’était certainement un endroit inhabituel pour un projet aussi délicat, mais au final, également un endroit où on ne risquait pas d’être dérangé.
Pour peu que le concierge soit en pleine ronde, on ne le verrait certainement pas.

Katchoo traversa le couloir jusqu’à une silhouette dépenaillée de chat ne la fasse ralentir.
La jeune fille crut tout d’abord qu’il s’agissait du professeur McGonagall (elle avait été très impressionnée par sa métamorphose) mais changea très vite d’avis lorsque le félin braqua ses immenses yeux jaunes et mauvais sur elle.

« Miss Teigne! », percuta soudainement la blondinette.

La chatte correspondait en tout point à ce qu’elle avait entendu d’elle : grande et efflanquée, un regard sournois qui avait l’air de vous traverser de part en part… et si elle était là…

« Rusard n’est pas très loin», pensa-t-elle non sans sentir une boule d’angoisse lui monter dans la gorge.
« Poukram, et s’il lui donnait vraiment des petits doigts de pied à manger ? », s’horrifia-t-elle en ne pouvant s’empêcher de toucher sa baguette au travers de sa poche histoire de se donner du courage.

Et du courage, il lui en fallut beaucoup pour continuer à avancer malgré tout, se répétant en boucle qu’elle ne faisait rien de mal.
Arrivée au niveau du chat, dont le regard assassin la dissuada d’essayer de l’amadouer d’une caresse, elle remarqua la porte grande ouverte du bureau.
Rusard était bien là.
Impossible de faire comme si elle ne l’avait pas vu.

- « Bonsoir Monsieur », fit elle le cœur serré, espérant qu’il la laisse passer son chemin sans problème.



552 mots
MMM

"Quoi! Qu'est-ce vous voulez", aboya Rusard avec son amabilité coutumière, et montrant les crocs. Mais il réalisa en voyant dans les mains de la gamine un papier qu'il s'agissait de celle qui devait justement l'aider. Grumpf.

"Heu, oui, heu... entrez!" ordonna-t'il. "Heu... s'il-vous-plait..." Le mot lui écorchait la bouche mais il fallait qu'il soit un minimum aimable si il voulait qu'elle l'aide. Il essaya un sourire. Le résultat fut une horrible grimace effrayante qui dévoila quelques dents noires et une haleine de chacal. Rusard fut prit d'une crampe à la joue gauche: ses muscles faciaux n'avaient pas l'habitude de cette position inhabituelle.

Remettant d'un doigt rageur ses zigomatiques en place, Rusard s'assis derrière son bureau, balançant ses bottes dessus en faisant un signe autoritaire à la fille pour lui indiquer de s'assoir sur la chaise en face de lui. Se ravisant, il remit ses bottes par terre, et essaya de s'assoir droit, heu, comme un gentleman.

"Bon, heu. C'est moi que j'ai besoin d'aide pour une lettre. Je vous paierai." Il était un peu mal à l'aise, ne regardant pas la fille de peur qu'elle se moque de lui, lui jetant juste de petits coups d'oeils furtifs. "Et ne vous avisez pas de répéter que je prend des cours, hein" , ajouta-t'il en levant un doigt menaçant, sinon, je vous... heu, je vous..." Il ne termina pas sa phrase, réalisant que menacer son aideuse d'écriture de lettres d'amour n'était peut-être pas une entrée en matière des plus délicates et habiles.

"Heu, enfin bon, j'voulais dire. Heu... on commence? Alors, heu, voilà. Faudrait , que la dame dans la lettre, elle comprenne que, heu, elle est, heu, bien roulée, mais heu poliment, hein! Avec des jolis mots, tout ça. Heu, pis lui dire que bon, je suis content si qu'elle est contente; pis encore plus content si qu'elle accepte d'aller à mon bras à la prochaine fête, au lieu qu'avec cette abominable andouille de... enfin je veux dire... avec le gars qu'elle est allée avec. "

Rusard regarda Katina d'un air méfiant. Est-ce qu'elle était compétente, comme écriveuse de lettres, d'abord?

Katchoo sursauta quand le concierge lui aboya dessus, fascinée par le nombre et le débit des postillons envoyés.
Lorsqu’il lui demanda d’entrer elle mit quelques secondes à réagir.
Elle s’apprêtait à plaider sa cause (« mais Monsieur, le couvre feu n’a pas commencé, et je ne fais rien de mal ! Pitié ne donnez pas mes orteils à manger à votre chat !!!! ») quand une drôle de pensée l’empêcha fort heureusement d’ouvrir la bouche.
Le regard de Rusard s’était arrêté sur le papier qu’elle tenait, soigneusement plié dans sa main.

-« Heu, oui, heu... entrez! Heu... s'il vous plait... »

« Par les moignons de Django… », commença intérieurement la jeune fille, refusant de formuler plus en avant l’idée qui venait de l’effleurer.

Elle s’arma de son sourire le moins crispé, fit un pas et bascula dans l’univers de Rusard en une fraction de seconde.
Une étrange odeur de friture lui chatouilla les narines tandis qu’elle avançait. Tachant d’être aimable, Rusard essaya de lui sourire, dévoilant une dentition on ne peut moins glamour et rassurante, puis, s’asseyant à son bureau, lui fit un signe pour qu’elle le rejoigne.
Katchoo obtempéra sans moufter, encore sous le choc de cette rencontre qu’elle commençait à croire de moins en moins accidentelle.
Derrière lui, de vastes placards recouverts de dossiers soigneusement rangés contrastaient avec le bric à brac ambiant.
La lumière terne d’une lampe à pétrole éclairait l’ensemble.
Rusard commença alors son discours.

- "Bon, heu. C'est moi que j'ai besoin d'aide pour une lettre. Je vous paierai.". "Et ne vous avisez pas de répéter que je prend des cours, hein"

« Oh punaise », s’affola silencieusement la jeune fille « oh punaise c’est pas vrai… »
Elle hocha la tête, pétrifiée, avalant bruyamment sa salive et piquant un début de fard pour l’occasion. Rusard, visiblement gêné et prenant sur lui pour continuer ses confidences, ne lui adressa qu’un regard en coin avant de poursuivre.

"Heu, enfin bon, j'voulais dire. Heu... on commence? Alors, heu, voilà. Faudrait, que la dame dans la lettre, elle comprenne que, heu, elle est, heu, bien roulée, mais heu poliment, hein! Avec des jolis mots, tout ça.
Heu, pis lui dire que bon, je suis content si qu'elle est contente; pis encore plus content si qu'elle accepte d'aller à mon bras à la prochaine fête, au lieu qu'avec cette abominable andouille de... enfin je veux dire... avec le gars qu'elle est allée avec. "

Le bruit strident d’un violon fou (Lancez la B.O de Psychose !) percuta ses tympans et se répandit dans tout son corps.
La jeune Poufsouffle ouvrit la bouche mais resta muette quelques instants.

-« Je… », couina-t-elle involontairement.

Elle toussota, gênée, portant une main devant sa bouche et reprit d’une voix tendue mais déjà moins aigüe. Elle croisa le regard inquisiteur de Rusard.

« Bon sang, assure ! », s’ordonna-t-elle en réfléchissant à toute vitesse, son regard passant à vive allure sur les chaînes soigneusement astiquées qui pendaient au mur « S’il pense que tu n’es pas capable de faire ce qu’il demande, il te considérera comme un témoin gênant! »

Elle hocha la tête et tenta le tout pour le tout.
Elle n’avait aucune idée de ce que Rusard voulait précisément dire à sa mystérieuse amoureuse mais ce n’était pas le moment de montrer la moindre faiblesse.
Il fallait être forte, il fallait qu’il la croie, il ne fallait surtout pas qu’il lui manque un orteil en sortant de ce bureau.

- « Bien sûr Monsieur, je comprends tout à fait. Vous pouvez compter sur ma discrétion la plus totale, je ne dirai rien, même sous la torture… »

Elle appuya sa phrase d’un air de défi, espérant que ça le rassurerait (à défaut de le bluffer) suffisamment pour qu’il cesse de la dévisager.

- « Et bien, commençons ! Nous allons tout faire pour éviter qu’une andouille vous pique votre amoureuse… Il nous faut un parchemin et de l’encre. »

Elle sortit le nécessaire de sa besace en ayant l’air le plus inspiré possible.

- « Le truc dans une lettre d’amour, Monsieur, c’est d’essayer de rester fidèle à ce que vous êtes au maximum… »
« Vous allez me dire ce qu’elle vous inspire et moi, je note tout ça. Ensuite, nous essayerons tous les deux de joliment tourner le tout…
Alors ! », fit elle en trempant sa plume dans son encrier, « Vous la trouvez donc gracieuse et souhaitez avoir la chance de l’accompagner à la prochaine fête… »

La jeune fille releva le nez, un air surpris clairement affiché sur son visage et –encore une fois- parla sans réfléchir :.

- « La prochaine fête ? De l’école ? Vous voulez dire que c’est quelqu’un de Poudlard ? »


676 mots sans les citations de Rusard
MMM

-" J'ai pas dit ça, j'ai pas dit ça!", rugit Rusard affolé par la perspicacité de la gamine. Puis, il postillonna méchamment: "n'allez pas répandre cette rumeur partout, sinon on verra si que vous êtes si forte que ça sous la torture..." Il jeta un regard aux fers accrochés au mur et qu'il astiquait amoureusement toutes les semaines. Cette vision le réconforta et il se détendit un peu.

- "C'est pour une fête municipale.", fit-il sèchement. "Mais pas la peine de le mettre dans la lettre. Bon, heu." Rusard se gratta la tête. Etre fidèle à lui-même? ¨Ce qu'elle lui inspirait? Grumpf, c'était bien compliqué.

"Heu, ben...". Le cerveau de Rusard surchauffait; il n'avait jamais fait un tel effort de créativité, sans parler de combien il était génant de rédiger cette lettre avec une moufflette. Ce que nous fait pas faire l'amour, quand même!! Bon.

"Zavez qu'a dire que elle est comme un p'tit oiseau qui... heu, et qu'elle a des yeux marrons comme... comme...", fit Rusard en regardant autour de lui désespérément dans l'espoir de trouver un objet avec lequel comparer. "Pis que quand que je la vois, mon palpitant y s'emballe, quoi!", s'exclama-t'il la main sur son coeur. Que de complications! Il connaissait pas les beaux mots, lui!

"Vous pouvez p'tête mettre un truc sur ses cheveux? Ca ferait bien.
Pis on pourrait mettre un truc sur le gars, là, que il fait rien qu'essayer de me la prendre. Dites que j'ai appris des trucs sur lui, qu'il est pas clair." Il s'approcha pour voir ce que ça donnait sur le papier.

Katchoo sursauta violemment lorsque le concierge hurla à sa question. Sa plume dérapa sur le parchemin, le trouant magnifiquement sur plusieurs centimètres.
Elle suivit le regard plein d’affection qu’il lança sur les chaînes rutilantes et se jura de ne plus JAMAIS parler de torture en sa présence.

(« Ok, on ne bluffe pas avec lui, je retiens… », pensa-t-elle en essuyant ses mains devenues moites sur sa robe de sorcière.)

Pétrifiée devant cette saute d’humeur, elle dut s’y reprendre à deux fois pour sortir une nouvelle feuille de parchemin et quand bien même, son écriture tremblotante trahissait son inquiétude grandissante quant à ce qu’il adviendrait d’elle dans les minutes qui allaient suivre.

(« Oh bon sang, et s’il trouvait ça nul ? °__O Et si ça marche pas ? Il va m’en vouloir personnellement… »)

Elle se força à garder son calme tout en recopiant les mots du concierge.

(« Il va mettre ma tête à prix, il va m’enchaîner et personne ne se rendra compte que j’aurais disparu… Je suis perdue… »)

Un vague espoir alluma soudainement ses prunelles.
Bien sûr que quelqu’un verrait qu’elle n’était pas là ! Ce cher professeur Flitwick savait qu’elle ne loupait jamais un de ses cours ! Oui ! Il s’inquiéterait de ne pas la voir arriver, il se ferait du soucis bien sûr ! Le courageux petit bonhomme demanderait autour de lui et en apprenant que personne ne l’avait vue depuis plusieurs jours, il partirait à sa recherche !
Cette idée hautement improbable la soulagea pourtant.

Maintenant, un autre problème s’offrait à elle. Qui que soit cette mystérieuse amoureuse, elle verrait nettement la différence entre les propos de Rusard au quotidien et ce qu’elle allait écrire pour lui si elle en faisait trop…
Hors, il n’y avait rien de plus décevant pour une femme que de se rendre compte que son amoureux avait plagié ou fait écrire cette lettre par une tierce personne.
Il fallait que ça sonne Rusard. Il fallait que ça puisse sortir de sa bouche cariée et « postillonneuse » sans éveiller les soupçons

Elle tacha d’étoffer les idées de Rusard sur papier :

Le « p’tit oiseau » se transforma, et les « yeux marrons comme » –on ne sut jamais comme quoi, car à part les comparer à divers objets étranges et répugnants ou à des rangées de dossiers il n’y avait pas grand-chose à quoi les assimiler- prirent également leur place parmi les mots déjà écrits.
Quant au « palpitant qui s’emballe », elle le laissa quasiment tel quel. Ca sonnait merveilleusement juste pour le concierge.
Elle lui jeta un regard interrogateur quand il parla des cheveux de sa douce mais rajouta une petite phrase pour lui faire plaisir.
Dur d’écrire une lettre sans en connaître l’expéditrice mais si elle savait son nom, Katchoo divisait ses chances (déjà infimes) de survie par deux. Elle choisit donc de se taire et de poursuivre :

Citation :

« Chère XXX », pouvait on lire sur le parchemin,

« Vous savez sans doute que je suis un homme dans l’ensemble avare de compliments et à l’air particulièrement revêche, mais vous doutez vous une seconde du feu qu’allume en mon cœur, votre présence à mes côtés ?
Vous êtes à proprement parler l’unique oiseau dont j’empêcherais Miss Teigne de s’approcher, même si elle avait très faim.
J’oublierai presque tortures et punitions à infliger à mes étudiants quand je pense à vos yeux, vos yeux si marrons, si profonds, qui font naître en moi des émotions que je combats au quotidien, car je suis un homme, un vrai.
Mon palpitant si dur qu’on se casserait les dents à vouloir en prendre un bout, s’emballe pourtant à votre approche.
Quant à vos cheveux, XXX, ils sont tellement soyeux qu’on pourrait s’en faire une écharpe sans jamais avoir froid… »

C’était sans nul doute la lettre d’amour la plus pourrie qu’elle ait jamais lue mais la jeune fille misait sur le manque de vocabulaire de Rusard… et surtout sur le fait qu’il s’y retrouve… Au final, elle trouvait ça plutôt réaliste…

- « Monsieur », osa-t-elle finalement tandis qu’il se penchait sur ce qu’elle avait jeté sur papier, « vous savez ce qui serait super ? Ce serait de demander au professeur Flitwick de vous apprendre un sortilège pour faire jaillir des oiseaux ou des fleurs quand elle recevra sa lettre… »

Katchoo ne se rendait pas compte qu’elle venait de sauvagement mettre les pieds dans le plat (doublement même). Ignorant que Rusard était Cracmoll, elle poursuivit, en toute innocence :

- « Le professeur Flitwick est un grand enseignant. Je pense que c’est mon préféré, même », lui avoua-t-elle sur le ton de la confidence, « Je suis sûre qu’il vous filera un coup de main avec plaisir. C’est un homme admirable et je sens au fond de moi que c’est un grand romantique, il ne vous laissera pas tomber ! Qui plus est, il a une certaine expérience pour les rendez vous galants, j’ai entendu dire qu’il prenait fréquemment le thé avec Melle Pince, le week end…»

Elle releva un visage souriant vers lui, certaine d’avoir eu une idée géniale qui allait adoucir le concierge.



864 mots

MMM