N'est pas seul qui veut... [PV]

C’était en début d’année, quelques jours après la rentrée scolaire. Lydia avait suivit ses cours comme d’habitude, avait fait un peu de gym pour se maintenir en forme. Elle reprenait au fur et à mesure un peu de rondeurs à tous les niveaux, rendant son physique presque normal. Elle n’avait plus l’air osseux, juste très maigre. C’était assez drôle, lorsqu’on voyait la touffe de cheveux qu’elle se trimballait à longueur de temps. Une lourde et épaisse chevelure qu’elle teignait en noir de jais dès qu’un petit peu de sa rousseur naturelle refaisait surface.
Elle utilisait encore les douches communes. Mais aux moments où personne ne prenait de douche. Elle emmenait avec elle toute sa trousse de toilette, remplie de divers éléments, comme le gel douche, le dentifrice, les coupe-faim, les ciseaux à ongle, une brosse et divers autres ustensiles. Depuis qu’elle s’était liée d’amitié avec Heaven, elle faisait un peu plus attention à elle. Et ce n’était pas un mal. Même Adam ne disait pas non à ces changements, c’est qu’elle devait être sur la bonne voie. Pourtant, sans qu’elle sache réellement pourquoi, elle se sentait éloignée de lui, son cousin chéri. Daniel, comme d’habitude, elle l’évitait, et Adrien, elle s’en fichait éperdument. Aucun autre homme de sa famille n’importait à ses yeux que son cher cousin Adam. Et il avait peut-être bien trouvé chaussure à son pied.

C’était donc avec ces pensées plus ou moins sombre, que la jeune fille était allée, en soirée, se rafraichir la tête avec une bonne douche fraiche. Elle n’avait pas perdu l’habitude de se doucher presque trois fois par jours. Elle n’arrivait pas à se sentir propre sur elle, sans ça. Elle ne passait pas quinze ans sous la douche non plus, puis à midi, elle arrivait à se contenter de se laver la figure. Mais le matin et le soir, ces douches étaient comme revitalisantes. Nécessaire pour la calmer. Son moyen de remplacer ses longues discussions qui lui manquaient avec son cousin adoré.

Et donc elle en était là, enveloppée dans sa serviette, les cheveux à teindre maintenant, à se mirer dans la glace, lorsqu’elle entendit un bruit. Instinctivement, elle se retourna. Sa serviette en profita pour jouer les entremetteuses, mais d’un geste souple, la jeune fille rattrapa à temps le bord et colla son bras contre sa trop petite poitrine. « Qui est là ? » demanda-t-elle, prudemment, mais d’un ton dur. Normalement, personne ne vient dans les douches à ces moments-là. Comme rien d’autre ne se produisit, la demoiselle jeta un regard suspicieux à chaque recoin de la salle, et reprit, non sans être un peu soulagée, son activité, sans oublier de bien remettre sa serviette... On ne savait jamais !

Elle appliqua sa lotion colorée sur ses cheveux, n’en oubliant pas un seul. Elle était devenue experte en teinture, vu toutes les années qu’elle avait passé à faire ça. C’est avec une certaine dextérité qu’elle exécutait ses gestes, comme si c’était une habitude que tout le monde pouvait prendre. Mais tout le monde ne se teignait pas les cheveux aussi souvent !
Elle laissa quelques minutes passer, puis rinça le tout, soigneusement, comme d’habitude. Elle peigna sa toison à grand renforts de peignes, de brosses et de doigts pour les démêler, jusqu’à ce qu’elle ait l’air de s’être lisser les cheveux. Ils reprendraient leur allure ondulée un peu plus tard, seuls, en séchant. Puis elle termina son manège, les dents, les pilules pour éviter de trop manger à table ce soir, et le reste en oubliant son reflet dans le miroir. Pourtant, si elle avait fait attention, elle aurait vu que quelqu’un était entré dans son dos.

Pour Chad Armani

Lydia, ne s’attendant pas à avoir de la visite à cette heure et en ce lieu fut donc prise au dépourvu. Elle inspira bruyamment son air, en se retournant brusquement, une expression de peur sur le visage. Elle avait instinctivement posé ses mains sur le rebord du lavabo, laissant à nouveau sa serviette jouer les entremetteuses. D’un geste rapide, et avant que quoi que ce soit ne soit révélé, Lydia avait pu tout rattraper, mais glissa rapidement, se retrouvant à terre, serrant contre sa maigre cage thoracique, le seul bout de tissu qu’elle avait sur elle.

Jettant un regard de défi et de colère sur le garçon qui la dévisageait sans vergogne, elle se retint in extremis de lui baver mille insultes à la figure. Tremblante de fureur, il était palpable qu’elle cherchait ses mots pour mieux le piquer là où ça aurait pu faire mal. « Je fais ce que je veux, je vais où bon me semble, lorsque j’en ai envie. » cracha-t-elle, en tentant de se relever. Une fois stable sur ses deux jambes, et sa serviette raccrochée, elle n’avait pourtant toujours pas décroché son regard, c’était à celui qui le détournerait le premier des yeux de l’autre.

Le visage toujours fermé, elle prit le partit d’essayer de l’énerver aussi. Peut-être allait-il prendre la mouche comme elle, et finalement tourner les talons sans demander son reste ? « Je suis Lydia Sallers. Mais garde tes compliments édulcorés, ce n’est pas ainsi que tu monteras dans mon estime… Armani. » Elle avait volontairement employé son nom de famille, à la place de son prénom, comme pour appuyer le fait qu’ils ne se connaissaient pas et qu’il fallait garder une certaine distance entre eux. « Je viens prendre mes douches à ces moments, parce que j’avais osé espérer être seule. Apparemment je me suis trompée. Je trouverai un autre moment. » Finit-elle par lâcher, alors qu’elle se retournait pour terminer de se mirer.

« Tourne-toi » aboya-t-elle, alors qu’elle saisissait ses affaires pour se mettre en tenue de nuit. Hors de question qu’il ose la regarder en train de se changer en plus. Ou peut-être bien que si ?
Elle lui tourna le dos aussi, lorsqu’elle fut sûre qu’il s’était détourné d’elle. Elle lui tourna le dos aussi, s’assurant par ailleurs que son reflet n’apparaissait dans aucun miroir face à sa nouvelle position à lui. S’il voulait jouer les voyeurs jusqu’au bout, ça serait en prenant un peu de peine. Elle ne ferait rien pour l’y aider, même si l’idée la faisait sourire et lui donnait envie.

Elle enfila sa nuisette, un peu courte et décolleté, avec un peu de dentelle, mais elle avait pensée être seule, alors elle n’avait pris que ce qui lui faisait envie. Elle passa ses bras tout près de son cou pour soulever ses cheveux présent ébène et les sortir d’entre son dos et le tissu, puis se retourna, une main sur la hanche, prête pour un second round. Allait-il continuer avec elle son petit jeu ou abandonner aussi sec ?

En tout cas, Lydia était ravie… Un petit coin de lèvre trahissait son humeur. Elle avait beau avoir les yeux fâchés et glacials, sa bouche était la seule à montrer qu’elle en voulait déjà plus.

C’était la première fois qu’elle souhaitait à ce point qu’on la touche. D’habitude, elle fuyait les contacts, et ne supportait que ceux de son cousin adoré Adam. Mais depuis qu’il n’était plus tellement présent pour elle, trop pris par ses études, elle s’était fait quelques amies, notamment Heaven, qui l’aidait à s’ouvrir un peu plus au monde extérieur.
Et là, le contact de sa main sur son épaule était… Elle n’avait pas vu venir le geste, et il en était que plus électrisant. Elle en avait la chair de poule, ça elle le sentait, et un frisson était parti du point de contact entre eux deux, pour parcourir ton son corps dans ses moindres détails. Jusque la dernière cellule la plus éloignée avait senti la vague ou plutôt la décharge d’adrénaline qui l’avait bouleversée.
Le souffle dans son cou acheva de pousser Lydia à en vouloir plus. Elle avait fermé les yeux et son sourire découvrait un petit peu ses dents blanches. Jusqu’où allait-il aller ?

Et elle se glaça.

Qu’avait-il dit ?

Aaah… Qu’elle est douce sa main, sur son bras dénudé. Elle rouvrit les yeux, qu’elle garda braqué sur ceux du jeune homme, décidé trop près d’elle, qu’ils auraient pu se fondre l’un dans l’autre. Elle avait un regard qui en disant long. Avec son sourire joueur, il était clair qu’elle aussi s’amusait comme une folle de cette entrevue. Puis il rompit leur contact rapproché en faisant mine de vouloir quitter la pièce.

« Attends ! » lui dit-elle, un peu moins férocement que tout à l’heure. « Comment t’y serais-tu pris, si tu avais voulu monter dans mon estime, Armani ? » Minauda-t-elle, en se rapprochant d’un pas félin vers l’adolescent. Elle avait toujours son sourire malin et ses yeux rusés vrillés sur son visage refusaient de le laisser partir ainsi.
Il ne fallait pas non plus avouer qu’elle aimerait bien que leur entrevue se prolonge, maintenant qu’elle s’était faite une première opinion de lui. Juste pour vérifier qu’elle ne s’était pas trompée. Et il ne fallait pas faire non plus comme si elle voulait impérativement en savoir plus non plus. Il fallait pour ça, trouver les bons mots, qui allaient toucher un point sensible. « Tu laisserais une fille en nuisette seule dans un lieu aussi froid ? Brr. » Frissonna-t-elle, juste pour l’affrioler. Elle se frotta un peu les bras, se recroquevillant un peu sur elle-même, histoire de bien faire les choses. Elle avait toujours un œil rivé sur les siens. On aurait cru le jeu de ceux qui se tiennent par la barbichette, mais le jeu avait prit une toute autre tournure que la rigolade.
Pieds nus, elle avançait doucement, accentuant un peu les effets de sa marche sur son déhanché. « Tu n’oserais pas, me laisser seule, maintenant que tu sais que je suis ici, presque dénudée, n’est-ce pas ? »
Et là, chance ou non, le destin et plus particulièrement le sol carrelé et humide de la salle de bain arrangèrent les choses à leur manière. Bien que Lydia soit souple lorsqu’elle le voulait (elle faisait un peu de gym depuis quelques temps, histoire de remédier à sa naturelle brusquerie), ses pieds mouillés ne la portèrent pas jusqu’au garçon. Une trace de savon semblait avoir croisé sa route, lui faisant perdre l’équilibre. Ce que le hasard faisait bien les choses… Ou pas, s’il décidait de la laisser tomber par terre ! Elle en serait quitte pour se cacher à l’infirmerie pour le reste de l’année. Mais quelque chose lui disait qu’il n’oserait pas la laisser embrasser le sol avant d’avoir essayé lui-même de lui voler un baiser…

605
Tous comptés
BILL