Une nouvelle rencontre [PV Claes Mézangier]

Sophie s'était levée de très mauvaise humeur ce matin. La chouette de ses parents l'avait accueillie au saut du lit avec une mauvaise nouvelle. Sa famille avait été une nouvelle fois la cible des Mangemorts alors qu'ils faisaient des courses sur le Chemin de Traverse. Alicia avait failli être capturée. L'un des Mangemorts l'avait même attrapée à un moment mais heureusement, son père était intervenu et était parvenu à la sauver. Sophie était en rage, c'était sa petite sœur, sa protégée, son bébé et on avait voulu lui faire du mal, elle ne pouvait pas le supporter. De rage, elle avait donné un coup de poing dans son oreiller, réveillant sa voisine. Elle s'était excusée et se rendue dans la salle de bain. Là, elle avait passé une demi-heure sous l'eau pour tenter de faire partir toute cette hargne, mais n'était parvenue qu'à l'atténuer légèrement. Comme on était dimanche et que par manque de chance, elle avait terminé tous ses devoirs, elle avait finalement décidé de descendre dans le parc, espérant que le bon air lui changerait les idées. Cela faisait maintenant une heure qu'elle marchait en ruminant sa douleur.
*Ma pauvre petite Alicia ! Si j'avais pu être là, j'aurais sauté à la tête de cette saleté de Mangemort ! C'e n'est qu'une petite fille, un bébé, et ces monstres veulent lui faire du mal, je ne peux pas le supporter. ma petite Alicia, je ne peux pas le supporter !*
Elle tournait en rond mais s'en rendait à peine compte. Soudain, elle regarda de tous les côtés et, se croyant seule, elle laissa échapper toute sa colère.
"Espèce de monstres ! Monstre de Mangemort qui ont voulu kidnapper ma sœur ! attendez que je vous aie entre quatre yeux et vous allez voir ce qu'une Kirte est capable de faire ! Vous m'avez fait cette horrible cicatrice et maintenant vous voulez faire du tort à ma petite sœur ? Ca non alors, ça jamais ! Je ne le tolèrerai pas, je me battrai contre vous, contre toutes les forces du Mal ! Je n'accepterai jamais que vous fassiez du tort à ma famille. Je ne suis peut-être pas une Sang-Pure, mais je peux me battre au moins aussi bien que vous !"
Sophie inspira profondément.
*Et bien, au moins ça soulage. Heureusement que personne ne m'a vue, je n'aime pas qu'on sache que je ne suis pas seulement une petite fille innocente et que j'ai moi aussi mes côtés dangereux. Il ne faut pas toucher à ma famille, ça non alors ! Je ne suis pas la fille de James et Mary Kirte pour rien. Ils ne feront rien à ceux que je chéris sans que je réagisse, ça, ils peuvent compter dessus. Sophie Kirte sera toujours de la partie !*

Claes s'était levé en avance ce jour-là. Il n'aimait pas trainer au lit et préférait largement profiter d'une percée inattendue du soleil dans le ciel écossais. C'était le genre d'opportunité que tout natif de Grande-Bretagne savait qu'il fallait saisir sans se poser trop de questions.

Aussi, après avoir enfilé son pull rouge fétiche (à la fois parce qu'il était rouge et confortable mais aussi probablement pour le plaisir de ne pas porter le sempiternel bleu que sa mère lui imposait continuellement). Aussi flânait-il dans le parc, profitant de la brise malgré tout fraiche qui lui rosissait les joues, son perpétuel air blasé assorti d'un sourire serein aux lèvres.

A force de déambulation, il finit par arriver à proximité d'une petite fille qui devait être dans son année, et qui possédait une incroyable chevelure blonde. Elle devait se penser seule (ou alors elle aimait se donner en spectacle) car elle fulminait à haute-voix, et la scène aurait probablement été des plus comiques si Claes n'avait cru comprendre que des Mangemorts impliqués. Et toutes ces meurtres et autres drames qui parsemaient la vie des sorciers à l'heure actuelle le rendait plus clément envers les gens qu'il aurait pu considérer comme faibles en d'autres circonstances. Et puis, la fillette ne pleurnichait pas (encore qu'il aurait pu le comprendre, seulement cela ne lui aurait guère donné envie de s'en approcher, son irritation envers les pleurnicheurs aurait fatalement fini par reprendre le dessus. Claes état devenu un brin tolérant mais il ne fallait pas non plus abuser) mais au contraire avait l'air très énervée. Peut-être avait-elle de la répartie qui sait.

Se plaçant entre la fillette et un arbre proche d'elle, il questionna, un fin sourire moqueur aux lèvres :

"On a quelque chose à reprocher à cet arbre ?"

Sophie s'était trompée en pensant être seule. Elle se figea en entendant la voix sarcastique d'un jeune homme. Elle se tourna vers lui, blanche comme un linge. Finalement, elle se troubla et rougit.
*Oh non, il a tout entendu, je ne veux pas qu'il dise à tout le monde que j'ai, moi aussi, des envies de meurtre vis-à-vis de certaines personnes.*
Elle le détailla du regard. Il avait de courts cheveux bruns, des yeux et un sourire moqueur, et il arborait les couleurs des Gryffondor. Gryffondor, la maison du courage. Eh bien, elle allait lui montrer qu'elle pouvait être tout aussi courageuse que lui. Elle décida de lui faire face. Après tout, il était trop tard pour reculer, il avait tout entendu.
*Je suis sensée être toujours calme, détendue et tranquille, la parfaite amie loyale et la bonne élève attentive et soignée. Mais moi aussi, j'ai le droit d'être en colère de temps en temps. Après tout, ces brutes ont tué mon grand-père et s'en sont pris à ma sœur. Il n'est pas question que je reste sans réagir.*
Sophie s'avança vers le jeune garçon qui devait avoir le même âge qu'elle à peu de choses prés. Elle fronça les sourcils et le regarda droit dans les yeux.
"Non, cet arbre ne m'a rien fait. Je n'aime pas blesser ce qui est innocent."
Elle se sentait plus calme, bien que son cœur batte la chamade. Elle n'était anxieuse que parce que ce garçon avait vu une partie de sa personnalité qu'elle essayait en général de cacher. La plupart de ses nouveaux amis à Poudlard ne l'avaient jamais vue en colère. Mais elle ne se plaignait jamais non plus. Sophie était du genre à supporter les épreuves seule.
*C'est une partie offensive, presque destructrice de moi. Presque personne ne l'a vue. Je peux faire presque n'importe quoi quand je suis en colère parce qu'on touche à un de mes proches. Et ce garçon m'a vu en colère, à présent. Dois-je craindre qu'il ne me dévoile à tous.*
Sophie décida d'adopter un ton neutre et posé. Dire la vérité serait sans doute la meilleure explication pour justifier son geste.
"Je suis désolée de m'être donnée en spectacle, je croyais être seule. Ma famille a été attaquée par des Mangemorts et ils ont failli enlever ma sœur. Je tiens à elle plus qu'à la prunelle de mes yeux et je ne supporte pas qu'on la touche. Quand j'étais chez moi, je pouvais la protéger, mais désormais, je ne peux plus. Et je déteste la savoir vulnérable."
Le regard de Sophie se troubla.
*Je ne peux plus la protéger… je ne peux plus.*
Elle se rappela soudain qu'elle était face à quelqu'un et son regard redevint neutre. Elle se demanda pourquoi ce garçon s'était dévoilé et ne s'était pas contenté de la laisser seule.
* Peut-être qu'il veut me dire quelque chose de spécial. Bon, il vaudrait peut-être mieux se présenter.*
"Au fait, je m'appelle Sophie… Sophie Kirte."

Au début, Claes songea qu'il avait probablement fait une erreur monumentale. A peine eut-il parlé que la fillette passa du blanc eu rouge. Et bien qu'il aimât avec plaisir confondre les gens (à chacun ses hobbies), il commençait à se demander si elle n'allait pas subitement s'épancher sur son malheur avec force tremblements, chouinages et nez coulant. Horreur et damnation.

Mais, à sa grande surprise, elle finit par se reprendre et lui fit face avec détermination. Il haussa un sourcil intéressé. Toute personne capable de soutenir sans faillir son regard perçant et moqueur méritait au moins qu'on s'y intéresse de loin. Et avec un certain aplomb, elle planta ses grands yeux verts dans ceux du garçon, où des pépites dorées brillaient de malice.

"Non, cet arbre ne m'a rien fait. Je n'aime pas blesser ce qui est innocent."

Un sourire amusé tira ses lèvres, mais il s'abstint de répondre, se demandant toujours s'il avait eu raison de laisser échapper un trait d'esprit dans un élan de faiblesse. Il essaya de réfréner son sourire alors qu'elle expliquait le pourquoi-du-comment de la crise de nerf sus-nommée, mais on ne luttait pas facilement contre les automatismes. Aussi se contenta-t-il de lui tendre la main en répondant :

"Claes Mézangier"

Il songea qu'un petit mot gentil ferait probablement joli dans le paysage, et fouillant dans les tréfonds de sa bonne éducation, il trouve assez de gentillesse pour s'exprimer :

"je suis désolé de ce qui arrive à ta famille. C'est dur d'être loin d'eux sans savoir ce qu'ils deviennent"

Lui même s'en fichait plutôt en réalité. Il ne connaissait pas réellement les positions de ses parents sur le sujet. Son père, en tant que diplomate, devait vivre des heures difficiles, mais il le connaissait à peine. L'avenir de Poudlard lui importait en vérité bien plus.
Mais malheureusement, le naturel du garçon ne put s'empêcher de revenir sur ces mots certes bâteaux, mais au moins gentils :

"Mais je doute qu'une fillette de 11 ans ait pu changer quoi que ce soit"

Il réussi cependant à se retenir de dire qu'elle aurait même probablement été une source de soucis supplémentaire plutôt qu'autre chose.

Le jeune homme, après s'être présenté, tendit la main à Sophie. Celle-ci la lui serra avec un sourire franc. Le jeune homme avait semblé esquisser un sourire et elle se dit qu'il valait peut-être la peine qu'on lui fasse confiance. Il lui semblait pourtant que c'était un garçon qu'on ne devait pas approcher facilement.
*Il n'a pas l'air méchant, peut-être un peu moqueur, mais pas plus que Blandine. Néanmoins, il a l'air d'être sur ses gardes. Je me demande de quoi il a peur.*
Blandine était la cousine de Sophie et elle adorait la taquiner. Sophie en avait donc l'habitude. Elle était aussi très douée pour rire d'elle-même et pour apprécier les bonnes plaisanteries. Elle fut soudain très touchée alors que le garçon compatissait à sa souffrance.
*Peut-être a-t-il lui-même souffert des attaques des Mangemorts.*
Soudain, le jeune garçon lui fit remarquer que, du haut de ses onze ans, elle n'aurait pas pu faire grand-chose. Elle vit également qu'il se retenait d'aller plus loin, probablement pour ne pas la blesser. Elle était persuadée qu'il aurait voulu lui expliquer exactement ce qi ce serait passé si elle avait été là.
*Il essaie de ne pas me blesser, c'est gentil de sa part. Je sais que mon père aurait probablement du me protéger comme il l'a fait l'an dernier.*
Elle sourit au jeune garçon et lui répondit d'une voix calme, mais déterminée.
"Il est vrai que je suis jeune, et que j'aurais sans doute été plus une gène pour mes parents, parce que je ne crois pas qu'un Petrificus Totallus puisse grand-chose contre un Mangemort, ni un Reparo non plus. Mon père a bien essayé de m'apprendre d'autres sorts avant que je vienne à Poudlard, mais c'est difficile à assimiler quand on n'a pas l'âge."
Elle eut un léger sourire d'excuse. Puis sa voix se fit plus dure et plus déterminée, ce qui était un ton que Sophie n'employait que rarement.
"Mais tu vois, Alicia, je ne laisserai personne la toucher. Une fois, je me promenais dans le village avec elle et mes trois cousins. Et ma cousine Blandine s'est disputé avec un jeune de mon village, sorcier lui aussi. Il a lancé un sortilège sur Alicia pour se venger. Tu me croiras si tu veux, mais j'étais tellement en fureur que non seulement j'ai réussi à bloquer son sortilège mais je lui en ai renvoyé un. Je ne sais pas vraiment comment, mais il s'est retrouvé brutalement envoyé par terre et puis après, il s'est relevé et enfui en courant. Il devait avoir treize ou quatorze ans tout au plus, mais j'avoue qu'après je me suis sentie regaillardie et je me suis jurée que jamais je ne laisserai ma sœur en danger, même si je devais en mourir, je la protégerai toujours. Je me suis rendue compte que, quand il s'agit de la protéger, je ne sais pas du tout ce dont je suis capable. Mais j'ai bien l'intention d'aller au maximum de mes capacités afin de pouvoir combattre la Magie Noire."
Le regard de Sophie était plus noir que jamais. Personne ne l'avait jamais vue comme cela et elle était consciente qu'elle ne ressemblait plus du tout à la gentille petite Poufsouffle que tout le monde connaissait. Mais elle était déterminée à faire ce qui était nécessaire pour être la plus forte face aux sorciers noirs. Elle regarda soudain le jeune homme dans les yeux et se rendit compte qu'elle trahissait de plus en plus un côté toujours habituellement caché de sa personnalité. Elle se recomposa un visage neutre.
"Je ne sais pas pourquoi je te dis tout ça. Je n'aime pas qu'on sache que je peux être dangereuse si je le veux."
Son regard redevint sombre.
"Je ne suis pas mauvaise… seulement inquiète…"

Claes ne put retenir un sourire amusé en écoutant la fillette. Il ne savait pas trop quoi penser d'elle. D'un côté elle soutenait clairement son regard et avait l'air de pas vouloir se laisser impressionner, qualités qu'il ne pouvait qu'estimer. Mais de l'autre il y avait en elle une emphase des plus comiques à laquelle il était incapable de résister. Il ne pouvait plus lutter contre l'expression ironique qui fleurissait sur son visage. Cependant, il pouvait aussi comprendre le fond de ce qu'exprimait Sophie, même si la forme lui donnait des démangeaisons aux zygomatiques. Il n'avait pas un tel attachement pour sa famille, et lorsqu'il rencontrait des personnes aussi dévouées, il se retrouvait inévitablement à penser que c'était à la fois très admirable et très stupide.

"J'imagine que tu aimes te servir d'une baguette alors..."

Il haussa un sourcil intrigué, renforçant son expression moqueuse, devant ses deux dernières phrases :

"Tu n'aimes pas qu'on sache de quoi tu es capable ? Ce n'est pas bête, en un sens il est intéressant d'être sous-estimé par son adversaire, mais de toutes façons, c'est dans la nature des Mages Noirs de nous sous-estimer alors..." ajouta-t-il plus pour lui-même.

Souvent, il se sentait privilégié. Sa condition était telle qu'il ne se sentait pas menacé. Il savait que sa mère, à la fois Serpentarde et sang-mêlé, ne ressentait aucune animosité envers les moldus, trouvant seulement la lubie de son fils bizarre. Elle ne prenait aucun parti, mais de toutes façons, elle était probablement trop frivole pour être dangereuse. Il ne savait rien de ce que faisait son père, outre qu'il s'occupait plutôt des affaires étrangères, et vivait ainsi loin des événements qui secouaient l'Angleterre. Bien sûr, Claes détestait ce qu'était en train de devenir l'Angleterre et Poudlard. Il détestait cette atmosphère d'insécurité qui régnait partout maintenant. Il n'aimait pas ces disparitions mystérieuses et ces deuils qui émaillaient la vie quotidienne des étudiants de Poudlard. Mais au fond de lui, il ne pouvait pas s'empêcher de ne pas se sentir personnellement concerné.

Il finit tout de même par revenir au sujet qui l'intéressait :

"Tu penses donc que toute personne qui n'est pas gentille avec tout le monde est mauvaise ? Je ne pense pas moi-même être un modèle de sympathie mais je ne vois aucune raison valable de m'attaquer à quiconque. Je ne vois pas pourquoi je dépenserais de l'énergie pour des gens qui ne représentent aucun intérêt à mes yeux"

Sophie sourit en voyant le jeune homme être amusé par la situation. Elle le trouvait étrange. Après tout, il parvenait à lui faire dire ce qu'elle ne voulait surtout pas dire, mais d'un autre côté, il semblait impressionné par sa capacité à ne pas se laisser démonter par ses allusions et ses moqueries. elle avait néanmoins l'impression que quelque chose le dérangeait et elle ne parvenait pas à mettre le doigt sur ce que c'était. Elle fut déconcertée lorsqu'il lui parla de baguette.
"Pas plus que ça, mais mon père m'a entraînée, afin que je sache me défendre. il n'a pas fait grand-chose mais il a du développer mes capacités magiques. Non, moi ce que j'aime, à part me promener dans la nature, c'est lire. Principalement des romans…"
*Devrais-je lui dire que j'aime la littérature moldue ? Après tout c'est un Gryffondor, il ne devrait pas trouver cela trop ridicule.*
"Des romans d'origine moldue."
*Voilà, je l'ai lâché, maintenant, c'est trop tard pour revenir en arrière.*
Il se mit aussi à lui parler de cacher son pouvoir afin d'être sous-estimée par l'ennemi.
*C'est davantage parce que je veux garder le contrôle mais bon…*
"Vois-tu, si je n'aime pas qu'on sache de quoi je suis capable, c'est parce que je ne veux pas que quelqu'un en profite, c'est surtout ça. Car, vois-tu, quand on connait les points faibles d'une personne, on peut facilement l'amener où on veut. Il ne faut pas trop se révéler, si on ne veut pas être mis en danger."
Il avait l'air convaincu qu'il faut savoir être désagréable parfois avec certaines personnes.
"Je suis d'accord avec toi et je t'avoue que je ne me donnerai jamais beaucoup de peine pour être gentille avec des gens comme il y en a à Serpentard. Orgueilleux, hypocrites ou mesquins, ils ne valent pas la peine. Je préfère qu'on me dise carrément la vérité et qu'on soit franc, même si c'est dur à entendre. Je ne supporte pas les faux-semblants. Mais en ce qui concerne mes amies de Poufsouffle, par exemple, je ne veux pas qu'elles aient peur de moi. Alors, je préfère en dire le moins possible sur ce genre de détail, c'est tout."

Il haussa un sourcil perplexe et amusé. Il doutait que quiconque pu la soupçonner d'être dangereuse. il se dégageait d'elle une telle aura de naïveté (téméraire certes, mais naïveté malgré tout) qu'un Mangemort l'aurait probablement cataloguée quantité négligeable.

"Tes capacités de défenses ne sont pas un point faible, comment le pourraient-elles ? Ce n'est qu'une façon de prévenir les gens de ne pas t'approcher de trop près. Ca ne nécessite évidemment pas de leur sauter à la gorge à la moindre occasion. Je préfère que les gens sachent à quoi s'en tenir avec moi. je ne vois pas pourquoi je ferais semblant d'être gentil. Je n'aime pas non plus les faux-semblants mais ce que les autres peuvent penser de moi m'indiffère complètement."

Elle était étrange, à la fois franche (toujours avec un côté naïf. Il ne pouvait énoncer aucun de ses traits de caractère sans songer qu'ils étaient teintés de naïveté) et trop soucieuse des autres pour se permettre de l'être vraiment. Il haussa les épaules d'un air blasé :

"les gens qui ont peur de toi parce que tu es franc ne méritent simplement pas qu'on leur parle. Si les miens ne veulent pas savoir ce que je pense ils n'ont qu'à ne pas me demander mon avis"

Claes n'était en vérité pas connu pour faire dans la dentelle. Ceci dit il n'avait pas non plus tellement d'amis donc bon. Mais il se suffisait très bien à lui-même, tant qu'il y avait un Terry Pratchett à lire à proximité. C'était mieux que de se traîner des boulets avec qui il fallait se montrer consensuels pour être apprécié. Ca, il ne le ferait jamais. Mais à propos de Terry Pratchett justement, il semblait qu'il était tombé sur une jeune fille qui partageait ses goûts. Peut-être connaissait-elle plein de nouveaux titres à lui faire découvrir ! (dans sa grande naïveté -oui parce que lorsqu'il s'agissait de moldus Claes aussi était un grand naïf dans l'âme- le petit garçon s'imaginait que tous les romans moldus valaient Terry Pratchett) D'ailleurs, il n'avait pas réfléchi mais, si elle sa famille s'était faite agressée sur le chemin de Traverse, peut-être était-ce parce qu'elle était sang-mêlé ?

Aussi son expression se fit-elle beaucoup plus avenante (l'art d'amadouer Claes Mézangier, première leçon) :

"Tu t'y connais bien en littérature moldue ? Tu as des livres ici ? Tu connais Terry Pratchett ?"

Sophie le vit hausser un sourcil. Il semblait dubitatif, mais elle ne savait pas à quel propos elle pouvait le faire hausser son sourcil. Elle sourit quand il tenta de lui faire comprendre que sa force de défense devait pourvoir lui permettre de faire reculer les ennemis, même si elle ne voulait pas obligatoirement s'en servir. Il lui affirma que le point de vue des autres à son sujet l'indifférait totalement.
", j'avoue que j'ai un point de vue un peu différent. Je m'intéresse à ce que les gens pensent de moi, non pas émotionnellement, mais parce que je pense que c'est aussi l'interaction qui permet d'évoluer et de s'améliorer. Après, il faut savoir prendre en compte les avis constructifs et rejeter les avis purement provocateurs ou partiaux."
*Je me demande ce qu'il pense de ça. Je suis certaine que ça doit l'intriguer, j'ai l'impression que je l'intrigue, je ne sais pas pourquoi.*
Claes eut l'air intéressé lorsqu'elle avoua qu'elle était passionnée par la littérature moldue. Il lui demanda si elle connaissait un certain Pratchett.
"Je connais. Mais je n'ai jamais rien lu de lui. Non pas que je n'aurais pas voulu… Mes amis m'en ont beaucoup parlé. Je sais qu'il a d'abord été journaliste, puis il a écrit un livre qui s'est bien vendu et il s'est consacré à ça plutôt que de rester journaliste. Mais à chaque fois que j'ai voulu emprunter un livre à la bibliothèque, il ne l'avait plus. Alors, je n'ai jamais pu le lire. Mais tu as l'air d'aimer, tu pourrais peut-être m'en parler ?"
Elle reprit son souffle, puis poursuivit :
"Moi, j'ai adoré La Croisée de Mondes de Philip Pullman. Je ne sais pas si tu le connais. Sinon, j'avoue que j'aime aussi l'ancienne littérature française, comme Molière par exemple. Et j'avoue que j'aime beaucoup les romans d'amour, mais je me doute que ça, tu ne dois apprécier que moyennement."
Elle sourit malicieusement à Claes en se demandant s'il était intéressé par d'autres livres que ceux de Pratchett.

Hum, Claes Mézangier avait-il déjà envisagé d'évoluer en apprenant des autres ? Probablement pas. Claes pouvait se suffire à lui-même. Il saurait s'adapter de lui-même pour les gens qui le mériterait. Lui-même ne demandait pas aux gens de changer dès lors qu'ils possédaient humour et sens de la répartie.

Il haussa donc à nouveau les épaules :

"je ne demande pas aux autres de prendre en compte ce que je leur dit, et donc je ne vois pas pourquoi j'agirais moi-même de cette façon"

La conversation sur les auteurs moldus l'intéressait déjà beaucoup plus. Il haussa à nouveau un sourcil d'un air amusé lorsque Sophie lui débita la biographie de Terry Pratchett. Lui-même ne s'intéressait guère à ce genre de détail, encore moins chez les auteurs qu'il ne lisait pas. Tout ce qu'il attendait de ce bon vieux Terry c'était qu'il l'adopte sorte un nouveau roman régulièrement. Et pour l'instant le brave Terry répondait à ses attentes. Bien sûr il aurait adoré pouvoir lui écrire aussi. Mais bon lui expliquer la situation n'aurait pas été très évidente. sans compter qu'il n'était pas très malin de lui demander de répondre au château Poudlard, école de magie, tour Gryffondor... Pourquoi pas directement à l'hôpital psychiatrique, escaliers des psychotiques, marche des hallucinants ?

"J'ai presque toute les annales du disque-monde"

Il ne précisa pas ce qu'étaient les Annales du Disque-Monde, si Sophie connaissait si bien Pratchett, elle devait savoir ça aussi.

"Je pourrais te les prêter si tu veux. C'est de la fantasy mais tout à fait délirante, avec des mages, de sorcières, la Mort et tout un tas d'autres personnages cinglés"

Tout raconter, tout expliquer aurait été bien trop fastidieux. L'éclat émerveillé dans le regard du jeune garçon parlait pour lui. Ces livres avaient su donner du sens et de la légèreté à une existence exécrable. La dérision existait et elle était délicieuse.

"C'est quoi La croisée des mondes ? Je ne connais pas... en fait je n'ai jamais rien lu d'autres que Pratchett. C'est quoi Molière ? mais l'ancienne littérature... ça ne parle pas d'histoire non ? Et puis ils avaient déjà de l'humour à l'époque ? Parce que moi j'aime surtout rire"

Les romans d'amour ! Il ne put réfréner un rire moqueur.

"Qu'est-ce que vous avez les filles à aimer autant l'amour ? Il y a autre chose dans la vie hein !"

Ah l'amour ! Quel sujet aberrant ! Avoir une personne sur le dos toute sa vie, être obligé de lui murmurer des mots d'amour et puis quoi encore ! Et quand on voyait en quoi ça transformait les filles ! Qu'on puisse lui épargner d'être ainsi poursuivie par des harpies possessives et sans pitié ! L'amour, très peu pour lui... Mais visiblement les filles n'avaient que ça en tête... Elles manquaient cruellement d'imagination.