Lourdes pertes : 1 épaule contre une bague [PV]

Au bout de la 3ème tentative, Daniel était parvenu à se faire un nœud de cravate à peu près correct. Il passa alors sa cape sur ses épaules et entreprit de faire ses lacets et ceci dans le plus grand silence. A la base, il n’était déjà pas un grand bavard, mais dans son dortoir, c’était presque pire. Bien qu’il les côtoyait depuis maintenant presque 3 ans complets, Daniel ne s’était trouvé aucune affinité avec ses "camarades" de dortoir. Les ignorer n’était donc pas un problème pour lui mais plutôt une évidence.

Une fois sa deuxième chaussure attachée, l’envie lui prit d’ouvrir le tiroir de sa table de chevet pour contempler le double de la bague qu’il avait offert à Elizabeth un an et demi auparavant. L'objet avait dormi au fond d'une boîte pendant plusieurs mois, le temps qu'Eli passait avec Olwen et qu'elle ne passait plus avec Daniel. De dépits il avait rangé la bague et ça n'était que maintenant - maintenant qu'Eli semblait plus dispo - qu'il lui prenait l'envie de la ressortir.

¤ A-t-elle seulement conservé ses propriétés magiques ? ¤

Se saisissant de la chaînette qui retenait la bague prisonnière, le rouquin sortit le bijou du tiroir et le posa religieusement dans le creux de sa main. Il ne ressentit rien, preuve que l'objet avait perdu de son pouvoir avec le temps. Après l’avoir contemplé pendant quelques secondes, un léger sourire se dessina sur les lèvres du Serpentard et il déposa délicatement la chaînette et son pendentif au fond d’une de ses poches. Il était temps d’aller manger et Daniel quitta le confort de sa salle commune pour se diriger vers la grande salle.

Une fois arrivé devant les lourdes doubles portes, il fut étonné de les voir fermées mais ne s’en formalisa pas. Tant de choses étranges se passaient au château depuis la rentrée, pourquoi s’inquiéter de deux portes fermées ? Le rouquin ouvrit la porte de gauche – non sans peine - et se faufila dans la salle, sans prendre la peine de les retenir pour le petit Gryffondor qui arrivait à sa suite et dont l’épaule se cogna contre la porte.

Au « outch » que prononça le garçon, Daniel se doutait que sa rencontre avec la porte n’avait pas été d’une douceur absolue mais il n’en avait que faire. Pire, il s’était retourné pour dévisager le garçon de son habituel air blasé et froid. Leurs regards se croisa un court instant – instant durant lequel Daniel en profita pour montrer au Gryffondor que ça n’était pas la peine de protester – avant que le regard du Gryffondor ne se pose sur le sol. Le Serpentard le vit alors se baisser et ramasser quelque chose par terre : la bague montée en pendentif ! La réplique exacte (et au passage légèrement ensorcelée) de la bague d’Elizabeth Harris !

Les tripes de Daniel se nouèrent douloureusement. Non seulement il tenait énormément à cet objet, mais de plus personne n’était sensé être au courant qu’il avait un tel objet en sa possession !

Le rouquin était resté figé sur place et son regard se durcit encore davantage. Le Gryffondor quant à lui avait de nouveau relevé les yeux vers lui et commença une phase d’observation silencieuse entre les deux garçons. Phase qui ne durerait pas très longtemps car Daniel n’allait pas tarder à marcher vers le 1ère année pour reprendre son bien, et par la force si cela était nécessaire !

La vie n'est pas un long fleuve tranquille. Ca n'avait rien d'un scoop, quiconque avait passé deux jours en dehors d'un placenta bien chaud s'en était forcément rendu compte à un moment ou à un autre. Même Claes, qui avait pourtant vécu ses onze premières années dans un salon surdécoré d'Edimbourg, dans une atmosphère édulcorée, n'avait pu échapper à cette terrible réalité. La guerre, la mort, Voldemort, la politique des Carrow... on pouvait se la jouer indifférent, mais on ne pouvait pas réellement l'ignorer. Claes ne se laissait guère toucher par tous les événements alentours. Il n'était pas indifférent, mais ça n'était juste pas son genre. Pourtant, certains jours semblaient plus durs à supporter que d'autres, et le prince de l'indifférence se levait parfois débordant de morosité avec l'impression que la vie n'était qu'un tunnel noir sans fin. C'était une de ces matinées. Claes avait des devoirs à rendre l'après-midi et il n'avait pas pris le temps de les commencer. Il écoperait certainement d'une retenue (ce qui valait mieux qu'un séjour en salle de torture malgré tout, et il serait obligé d'annuler la balade quotidienne avec Pétronille, Antigone et Roberte-Pâquerette le plan de tomate, ce qui aurait été le seul remède à sa mauvaise humeur. Il aurait mieux fait de rester coucher ce jour-là. Car il sentait que tout irait inexorablement en s'empirant.

Il avait inhabituellement traîné en se préparant si bien qu'il était finalement arrivé un peu en retard à la salle commune, ce qui ne fit qu'amplifier sa mauvaise humeur, mais pas autant que lorsqu'il se prit les pieds dans un tapis au troisième étage (que sa bonne humeur lève les voiles était une chose, mais bon là il s'agissait de sa dignité tout de même). Il se glissa rapidement derrière un Serpentard roux et allait pénétrer dans la grande salle lorsque la porte que le Serpentard qui devait se croire seul au monde comme tous les Serpentards n'avait pas pris la peine de retenir. Son épaule ne fit pas le poids contre la porte qui elle en faisait un sacré (de poids) et il ne put retenir un "outch" de douleur. Il leva un regard meurtrier vers le Serpentard et se retrouva face à un regard glacial et blasé. Il avait quelques années de plus que lui, de nombreux centimètres et probablement des muscles en sa faveur, mais qu'importait, lui aussi excellait dans ce genre de regard, et il ne se laisserait pas impressionner par un élève. Ses yeux brillaient de colère mais une certaine estime pour les gens qui avaient du caractère naissant toujours en lui, il ne chercha pas à provoquer un éclat. Il baissa les yeux au sol et un éclat métallique attrapa son regard. Fronçant les sourcils, il ramassa ce qui se révéla une bague monté en pendentif et commença à l'examina en la tournant entre ses doigts. Il l'avait déjà vu quelque part.

Il leva la tête pour réfléchir et croisa à nouveau le regard du rouquin. Un regard plus froid et dur. Il n'avait aucune raison de rester là à la regarder. Sans le quitter des yeux, il commença à réfléchir à ce qui pouvait relier un Serpentard visiblement rustre à une bague, tout en tâchant de se remémorer d'où lui venait le souvenir de l'anneau. Sa prise se resserra sur l'objet lorsqu'il s'en souvint enfin. Cette bague était celle d'Elizabeth. Mais elle portait la sienne au doigt et pas en pendentif. Il jeta un regard suspicieux, se demandant si en plus de toutes les tares habituelles des Serpentards, celui-là n'était pas en plus un sale petit voleur.

Serrant toujours la bague dans son poing il attendit une réaction du Serpentard, absolument indifférent au fait qu'ils bouchaient l'entrée de la grande salle aux autres élèves.

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Les deux garçons restèrent un moment à s’observer telles deux statues de marbre. Pendant cette poignée de secondes, Daniel n’avait pas manqué de remarquer que le poing du Gryffondor s’était resserré autour de la bague. De sa bague !

Quel intérêt pouvait bien avoir ce môme à emprisonner ainsi un tel objet ? Pour se venger pour le coup de la porte ?

¤ C’est sûrement de la basse vengeance. Il ne peut pas savoir d’où elle vient. Personne n’est observateur à ce point ! ¤

Le Serpentard prit alors une profonde inspiration et se rapprocha du garçon d’un air qui se voulait intimidant. De manière générale le rouquin ne transpirait pas vraiment la confiance en lui, mais quand il s’agissait de montrer les dents à quelqu’un de plus jeune que lui (et seul de surcroit !) cela restait du domaine du faisable pour lui.

Il s’avança d’un pas déterminé vers le garçon et tendit la main vers lui, paume ouverte vers le plafond, dans l’attitude de celui qui réclame un objet du.

« Rends-moi ça ! »

Ses yeux restaient rivés à ceux du garçon. Il nota qu’il était rare que l’on arrive à soutenir son regard aussi longtemps et son envie de récupérer son bien au plus vite ne s’en fit que plus forte. Bien que le garçon soit bien plus jeune que lui, il avait quelque chose qui mettait Daniel mal à l’aise. Pire que ça, il détenait enfermée dans son poing la bague à laquelle il tenait tant.

« A quoi tu joues, rends-moi ça maintenant ! »

Ses sourcils se froncèrent davantage alors que sa lèvre inférieure se mit à trembler légèrement (émotion ou colère ?). Sa main tendue s’était élevée légèrement pour s’abaisser avec fermeté à l'énonciation du mot « maintenant ».

Claes avait tout son temps. En vérité, pas tant que ça, mais toute son attention était maintenant portée sur le Serpentard hautain qui voulait la bague d'Elizabeth. Depuis le début de l'année, sûrement parce qu'il faisait parti des petits et qu'il n'avait pas non plus la tête du souffre-douleur de service (ça ce serait su), il ne s'était jamais retrouvé face à une réaction aussi agressive à son encontre (même Antigone l'avait épargné le jour où il avait par inadvertance fait tomber le pot de Roberte-Pâquerette sur le carrelage de la grande salle). Et tout ce qu'il avait emmagasiné depuis sa prime jeunesse, regard perçant et expression impénétrable, lui était d'un coup revenu, comme un vieux réflexe. Il ne put retenir un sourire moqueur lorsque le Serpentard fit un pas en avant d'un air menaçant.

Mais, tout de même conscient que le Serpentard en plus d'être un Serpentard (et donc un élève qui n'aurait probablement aucun scrupule à engager un rouge et or comme punching ball attitré) était plus vieux que lui, et donc possédait tout ce que cette différence d'âge supposait (à savoir des centimètres et des muscles en plus), Claes ravala son rictus et se contenta de le fixer avec assurance.

Il haussa un sourcil perplexe lorsque le rouquin exigea qu'il lui rende la bague. Malgré son air insupportablement sûr de lui, il réfléchissait à toute allure, cherchant pourquoi cet inconnu possédait un objet d'Elizabeth. Deux trois neurones de son cerveau qui n'avait pas complètement compris le mode de fonctionnement du jeune garçon se mirent à rêvasser à la réaction de la jeune fille s'il lui rendait sa bague tel un chevalier servant. Les autres neurones, en masse, triaient toutes les hypothèses possibles, et ce sans jamais effleurer la bonne. L'idée d'associer un tel rustre à une jeune fille aussi jolie adorable qu'Elizabeth le révoltait.

Claes était un jeune garçon très intelligent, mais aussi flemmard. Pour lui, il n'y avait de meilleure solution que la plus évidente, et la plus évidente était encore de le demander directement au principal intéressé. Ce qui tombait plutôt bien puisque le jeune homme semblait exiger une réponse immédiate.

Sans bouger d'un chouïa, Claes lui demanda tranquillement :

"Pourquoi je te la rendrais puisqu'elle ne t'appartient pas ?"

Pourquoi donc ce gamin supputait que la bague ne lui appartenait pas ? Non seulement c’était faux mais de plus c’était un objet que Daniel chérissait depuis des mois ! Cela lui ferait mal au cœur qu’un imbécile de Gryffondor la lui retire parce qu’elle ne lui « appartenait pas »

“Mais de quoi je me mêle ?” répliqua un Daniel de plus en plus agressif.

L’insolence du garçon doublée de ses observations mal placées rendirent le rouquin fou de rage en un instant. Il se rapprocha davantage du 1ère année et lui choppa violemment le poignet afin de reprendre son objet par la force lorsqu’un « Sallers ! » sévère retentit dans la Grande Salle.

McGonagall n’avait rien perdu du spectacle et arrivait à grandes enjambées pour séparer les deux garçons. Tous les regards étaient désormais braqués sur eux et il était désormais hors de question pour Daniel d’exhiber la bague alors que Elizabeth regardait peut-être la scène.

Rouge de honte et de colère, le Serpentard lâcha le poignet du Rouge et Or qui avait toujours la bague dans le creux de son poing.

« Allez vous asseoir à votre table Sallers, il en va de même pour vous Mézangier ! » répliqua McGonagall d’un ton sans appel.

Le regard du rouquin demeura fixé un court instant sur le poing contenant « l’objet précieux », mais il dériva bien vite sur le visage triomphant du petit crétin de 1ère année.

« Toi, on n’a pas fini. Je te jure sur Merlin que je récupérerai ce que tu m’as pris et que tu paieras cher d’avoir essayé de me le voler ! »

« Sallers ! »

Devant le ton agressif du jeune Sallers, McGonagall avait tiré sa baguette et se tenait prête à intervenir. Pendant ce temps, Slughorn commençait à son tour à avoir envie de s’en mêler et Daniel sentit qu’il était temps d’obéir et de retourner sagement à sa table.

Il tourna alors les talons et traina des pieds jusqu’à sa table où l’envie lui vint d’attraper n’importe quel objet fragile et de le jeter de toutes ses forces contre le mur d’en face…

...ce qu’il fit avec le verre remplit d’eau de son voisin de table

Le professeur Slughorn accourut alors aussitôt et força le jeune Sallers à quitter la table avant de l’emmener à son bureau pour un petit entretien en tête à tête…


[Terminé pour Daniel]