Regrets... - Pv Jasper

Cela faisait déjà un mois que Maera avait été gentiment (ou pas) remerciée. Un mois déjà qu’elle tournait en rond dans l’appartement qu’elle occupait avec sa sœur Megara, dans Londres. Et ça faisait même un peu plus d’un mois qu’elle était vampire. Donc exclue du monde sorcier. Une paria. Une moins-que-rien. Un truc qu’on autorise à déambuler parmi les autres, mais en le regardant de travers.
Lorsque la lumière du soleil était cachée, mettons par des nuages de pluie, Maera s’autorisait une sortie, pour prendre un peu l’air. Sortir la nuit n’aurait fait qu’aggraver sa situation, d’après elle, hors de question qu’elle se mette à déambuler dans les rues vides comme… Ben comme un vampire assoiffé de sang. Manquerait plus qu’elle tombe en plus sur celui qui l’avait mordue, et à coup sûr, elle pétait son boulon pour de bon. A savoir quel boulon aussi : celui de la folie furieuse ou de la mélancolie perpétuelle… Parce que oui, Maera oscillait souvent entre les deux, tantôt nostalgique, tantôt enragée. Mais allez savoir si c’était entièrement dû à son statut de créature maintenant ?

Aujourd’hui, jour de pluie donc, Meg’ était de service, donc notre blonde avait l’intention d’en profiter pour sortir. Elle n’avait sur elle qu’un short et un débardeur, mais qu’importe, les vampires ne craignent ni l’eau ni le froid, pas vrai ? Elle se couvrit quand même avec un imper trop grand pour elle. Elle ne savait même plus où elle l’avait eu. Si ça se trouve, il était à sa jumelle ? Bah, aucune importance.
La voila donc, la nouvelle recrue vampirique, qui arrive dans la rue trempée, tête nue. Evidemment, elle ne tarde pas à perdre toutes ses boucles blondes, trop alourdies par l’eau. Certaines mèches même lui collaient sur les joues. Mais peu importe, elle n’était plus gênée par rien maintenant. Même pas l’eau qui lui coulait dans le dos. Elle ne voulait pas faire vampire, mais elle avait vraiment l’air d’une clocharde parfois. Et aujourd’hui peut-être un peu plus que les autres.

Elle avait marché dans plusieurs rues déjà. A un angle, une boucherie venait d’ouvrir ses portes à ses clients. L’odeur de viande fraiche et saignante avait attiré la donzelle depuis trois pâtés de maison au moins. Un vampire a un odorat pire qu’un chien ! Maera d’habitude si soignée dans son alimentation, calculant les apports exprès pour mieux les dépenser ensuite en sport, en venait à baver devant un étal de boucher. On était loin des lignes de vêtements Dior et des montres Gucci… Pourtant, ça produisait le même effet sur la blonde. Lorsqu’elle se rendit compte de sa déviance, surtout à cause des regards éberlués des gens à l’intérieur de la boutique, qui la regardaient avec des yeux ronds, la vampire prit peur et honteuse, prit la fuite. Il fallait qu’elle s’éloigne de toute cette barbaque, où elle allait attaquer quelqu’un. Et ça, c’était hors de question. Elle était humaine, elle aussi non ? Alors virer cannibale, non merci !
Parce que oui, Maera en était encore au stade de réaliser la situation. Trop de nouveautés, trop de questions, pas de réponse. Et surtout pas envie d’accepter cette situation. Comment accepter comme ça de devoir ficher en l’air ce pour quoi on a travaillé d’arrache-pied toute sa scolarité ? Pourquoi devait-elle renoncer maintenant à devenir Infirmière à Sainte mangouste hein ? Pourquoi c’était Ashaiah, cette peste peroxydée qui avait Christian ? Pourquoi est-ce qu’elle avait été mordue elle et pas quelqu’un d’autre ? Pourquoi est-ce que rien n’allait plus dans la vie de Maera ?

C’est avec des questions pareilles qu’elle en était venue à errer un peu n’importe où dans les rues de Londres, sous la pluie. Elle était trempée depuis belle lurette, mais comme on sait, les vampires n’ont pas froid, ne craignent pas les maladies, se soignent très vite.

Au détour d’une allée d’un parc, elle trouva un banc. Elle s’affala plus qu’elle ne s’assit dessus. Levant le nez vers le ciel, un goute tomba sur le coin de l’un de ses jolis yeux, pour rouler ensuite sur sa joue. Les vampires ne pleurent pas, mais parfois, Maera aimerait bien pouvoir le faire. Droite comme un i, elle ferma les paupières, et rebaissa la tête, afin de voir le paysage devant elle. Un grand lac, puis derrière un bâtiment, ou quelque chose ressemblant de loin à un hôpital. C’était la meilleure vue qu’elle pouvait s’offrir sur son passé. S’approcher trop près, et les vrais sorciers, eux, l’auraient chassée à coup de sorts magiques. Ils auraient fait venir des aurors, et elle aurait fini dans un zoo ou en prison. Maera était désespérée mais pas folle. Elle reculerait d’un banc à la prochaine averse, c’est tout.
Soupirant, elle enfoui son visage dans ses mains. Ses coudes appuyés sur ses genoux, elle ne sentait même pas la douleur qu’elle aurait eue, si elle avait encore été humaine. Comme ça lui manquait.