A présent que Pâques était passé, les examens de fin d'année semblaient approcher à grands pas et, malgré le temps printanier qui avait enfin daigné s'installer sur l'Ecosse, bon nombre d'élèves passaient leur temps libre à la bibliothèque. Anabelle était de ceux-là. Etre la sixième des Montgomery à passer ses BUSE ne la mettait pas dans une position très confortable : elle sentait peser sur ses frêles épaules les réussites de ses aînés et elle ne pouvait faire autrement que se hisser à leur niveau. Car, dans la tête de la jeune fille, toujours prompte à critiquer sa famille, il était clair que si jamais elle ramenait moins de BUSE à la maison que, disons, Quentin paf, au hasard, tous se feraient un plaisir de le lui rappeler pour les cinquante ou soixante ans à venir. Notez, elle espérait bien couper définitivement les ponts avec cette bande de vautours sans coeur avant.
*Pff, en plus, mon rendez-vous d'orientation, c'est la semaine prochaine, et je n'ai pas encore eu le temps de regarder les brochures...* songea-t-elle en entrant dans la bibliothèque.
C'était là une autre des raisons pour lesquelles il lui fallait à tout prix passer ses examens avec brio : les résultats étaient censés déterminer l'orientation future or, Ana n'ayant absolument aucune idée de ce qu'elle pourrait bien faire de sa vie une fois sortie de Poudlard parce que bizarrement, soutirer de l'argent à la famille ne semblait pas faire partie de la liste des métiers proposés, elle avait tout intérêt à garder un maximum de matières sous le coude, non ? Parce que ce serait idiot, d'avoir un Piètre en runes pour ensuite se rendre compte que finalement, les runes, c'était trop banane. Ou pas, remarquez.
Durant toute une période, la jeune fille avait caressé l'idée de travailler dans les relations moldus/sorciers. Il y avait tant à faire, pour favoriser la collaboration entre les deux communautés ! Mais depuis que Victoria était entrée au ministère, que Quentin l'y avait suivie et surtout, surtout, qu'Edward ce crevard enseignait l'étude des moldus, sa vocation première s'était considérablement refroidie. Hors de question de faire croire à ces charognes qu'elle suivait leurs traces ! Alors, en attendant que la grâce divine ne lui indique le chemin à suivre, la brunette en était réduite à marmonner un "j'sais pas" évasif lorsqu'on l'interrogeait sur ses projets professionnels. Pas certain que le professeur Chourave apprécie son "enthousiasme" lors du rendez-vous d'orientation ! D'un autre côté, elle l'aiderait peut-être à y voir plus clair ?
*Barf, au pire, je dirai n'importe quoi... Que je veux dresser des trolls de sécurité, par exemple !* pensa-t-elle en haussant machinalement les épaules, fataliste.
Inutile de se préoccuper de cet entretien pour le moment, elle avait bien d'autres chats à fouetter. Anabelle secoua la tête pour s'éclaircir les idées et s'arrêta un court instant devant le rayon "Botanique". En ce début de soirée, la bibliothèque était bien pleine et, pourtant, étonnamment silencieuse. La Poufsouffle ne fut toutefois pas longue à repérer une table libre appelez-moi Oeil de Lynx, dans un renfoncement un peu plus sombre que le reste de la pièce. Satisfaite de ne pas avoir à partager le pupitre d'inconnus la communication, c'est vain et de toute façon, on ne cause pas avec les inconnus, des fois qu'ils vous proposeraient des bonbons ou pire, des biscuits sortis d'on ne sait où, elle se dirigea d'un pas conquérant, les cheveux au vent, l'air fier vers la table halàlà, ce paragraphe est tellement passionnant, pardon, pardon, pardon ! et s'y installa, étalant consciencieusement toutes ses affaires un peu partout autour d'elle, non dans une tactique fourbe pour décourager quiconque de venir s'asseoir en face d'elle mais plus simplement parce qu'elle était foncièrement bordélique.
*Bon, alors métamorphose, métamorphose... Hum... Je vais aller chercher l'Abécédaire de la méta, sinon je sens que je vais encore avoir des gros passages à vide...*
La métamorphose n'était en effet pas la matière où Ana excellait le plus. En réalité, elle avait passé quatre années en guerre quasi ouverte avec MacGonagall et n'avait dont jamais eu vraiment le temps de se pencher sérieusement sur le sujet en lui-même. Trop dommage, c'était précisément le point fort de Quentin. Mère Nature sa truie.
Abandonnant ses affaires elle a confiance, c'est une Poufsouffle, Ana sautilla avec entrain se dirigea vers le rayon métamorphose et... Aaaaaaaarg ! Enfer et Damnation ! Là... Là... Là... Cet espace horriblement vide entre deux grimoires... Cette bouche de néant sur l'étagère... Cette vision insoutenable... Quelqu'un avait déjà emprunté l'Abécédaire ou alors il avait été mal rangé et ça, ce n'est vraiment pas bien, petits chenapans. Sauf si le but était de tuer Anabelle par arrêt cardiaque ! Qui ? Quiiiii avait pris le préciiiiieux ? La Poufsouffle au bord de l'apoplexie lança un coup d'oeil fébrile aux alentours et...
Oui ! Toi, là-bas, tranquillement assis à ta table, comme si tu ignorais tout de ton crime ignominieux ! Toi ! Rends l'Abécédaire tout de suite ! D'un pas décidé, Ana se dirigea vers le jeune garçon qui avait emprunté l'Abécédaire et murmura, une fois arrivée à sa hauteur :
- S'cuse moi de te déranger espèce de vaurien, je voulais savoir : tu en as encore pour longtemps, avec l'Abécédaire ? Tu vas m'le rendre, p'tit outrecuidant ! Et tout de suite ! Ou alors je t'arrache les yeux !
Puis, elle gratifia son cadet d'un sourire avenant. Restons courtois, surtout.
(903 mots)
892 mots