Près du feu

Le "un peu de compagnie" ne tarda pas à arriver en la personne de Susan Bones qui entra quelques minutes après son camarade dans la salle commune, les bras chagés d'une pile de livres de métamorphose - ils avaient un devoir à rendre - et affichant la mine agacée de quelqu'un qui vient de passer des heures à chercher un renseignement sans le trouver.
Pour combler le tout, elle avait faim, ayant sauté l'heure du déjeuner dans l'espoir fou de boucler son devoir le plus rapidement possible. Elle maudissait vraiment McGonagall, en cette minute et plus encore, elle maudissait l'atmosphère glaciale de la bibliothèque. Non mais sans rire, l'administration n'avait donc aucun moyen de chauffer cette pièce ? C'était quoi, son but, les transformer tous en glaçons d'ici la fin de l'hiver ? Ô Merlin, non, qu'on ne lui parle surtout pas transformation, elle avait largement eu sa dose de métamorphose pour aujourrd'hui.

Renonçant à porter ses livres dans le dortoir pour l'instant, elle les laissait tomber avec fracas sur une des tables de travail de la salle, brisant au passage, et bien involontairement, un encrier, heureusement vide, qui se trouvait là.
Ce n'était vraiment pas son jour de chance. Sa bonne étoile devait sans doute avoir besoin de vacances. Tirant sa baguette d'un geste sec de la poche de sa cape, elle lança un "reparo" pincé avant de se laisser choir dans un des fauteuils.

Ce n'est qu'alors qu'elle remarqua la présence de Jibrius. Retrouvant automatiquement le mode "Brave Poufsouffle toujours prête à faire de nouvelles connaissances", elle se tourna vers lui et lui adressa un grand sourire candide avant de demander :

- Tiens, salut, tu es nouveau, non ? Tu te plaîs bien ici ? Tu fais quoi, là ? Tu as l'air d'avoir froid, tu es allé dehors ? Je ne t'embêtes pas au moins ?

La dernière question avait été posée d'une voix anxieuse. Susan pouvait se montrer incroyablement bavarde et curieuse quand sa timidité la lâchait - ce qui était rare - ce que certaines personnes n'appréciaient que moyennement.
Elle avait totalement omis de se présenter, faute d'étiquette grave, et reprit aussitôt :

- Au fait, je suis Susan Bones, enchantée de faire ta connaissance.

* C'est sans doute à ce moment là que les gens se disent que tu es cinglée et qu'il faut fuir au plus vite. *

Bon, visiblement, Jibrius était de bonne constitution puisque 1) il n'avait pas renvoyé paître Susan comme si elle était une espéce particulièrement dangereuse de moufette et 2) il avait pris la peine de répondre à toutes ses questions, et dans l'orde, je vous prie, la grande classe !
Susan adressa un sourire contrit au jeune garçon, elle s'en voulait de l'avoir assailli de questions.

L'idée qu'elle pouvait impressionner son camarade ne lui traversait même pas l'esprit. Susan n'avait, somme toute, qu'un an de plus que lui et sa constitution menue ne prêtait pas à créer un sentiment d'effroi chez ses cadets. En fait, on la prenait régulièrement pour une première année et ce n'était que lorsqu'on voyait le badge de préfet qui flamboyait fiérement sur sa poitrine (ou presque) qu'on réalisait que peut-être, finalement, elle n'était pas une nouvelle. Ou qu'elle était l'arrière-arrière petite-fille cachée de Dumbledore ce qui lui valait un traitement de faveur et la nomination au poste de préfet. Mais cette dernière hypothèse était hautement improbable. Bref, Susan Bones, 1m38 les bras levés et 25kg à peine ne pouvait en aucun cas effrayer qui que ce soit.

- Jibrius ? répéta-t-elle, intriguée, ça vient du latin ? Si tu veux on pourra chercher, j'ai un Gaffiot dans les dortoirs et... Oh, désolée, si tu n'aimes pas ton prénom, tu n'as sans doute pas envie d'en parler, oublie-ça...

* Boulette, boulette, boulette... *

La fillette rosit de honte et plongea le nez vers ses chaussures d'uniforme avec le vague espoir de devenir souris - ou vermisseau - pour mieux aller se terrer en un coin du château et pleurer de désespoir sur son incapacité à communiquer normalement avec ses semblables.
Elle toussa un peu pour se donner une contenance et reprit d'un ton dégagé :

- Oh ! Tu aimes les cours de sortilèges ? Flitwick est vraiment gentil, non ? Et en plus, il accorde des points facilement, pas comme Rogue... Si un jour tu as besoin d'aide pour un devoir, n'hésite pas à venir me voir, j'essaierai de t'aider.

Tout le côté "aide ton prochain" des Poufsouffle était solidement ancré chez Susan. De plus, sa proposition était sincère. Maintenant qu'elle était en seconde année, elel avait bien l'intention d'aider les premières années s'ils en avaient besoin. L'année dernière, une fille de septième année lui avait donné un coup de main pour ses devoirs de temps en temps et Susan lui en était vraiment reconnaissante. Elle avait pris conscience qu'avoir quelqu'un vers qui se tourner en cas de problème était un atout considérable. Malheureusement, la jeune fille en question avait quitté le château cette année.

- Alors, qu'est ce que tu penses de Poudlard ? finit-elle enfin, d'une voix qui avait retrouvé toute sa gaiété et un grand sourire accroché aux lèvres.

Jibrius se sentit dévisagé, comme si elle l'avait évalué, lui et ses actions. Il sourit. C'était la première fois qu'il sentait cela. Cette fille avait l'air sympatique, et bientôt, Jibrius regretta de s'être méfié d'elle et de la craindre sous prétexte que c'était une deuxième année.

Premièrement, elle avait visiblement toujours un joli sourire, ce qui la rendait plus abordable que d'autres (Drago Malefoy), et elle était surement plus sociable. De plus, elle devait avoir un caractère proche de celui de Jibrius.
Deuxièmement, elle n'était pas spécialement grande et même très petite! songea alors Jib. Jibrius faisait au moins une tête et demie de plus qu'elle. Décidément, pourquoi se méfier d'elle? Cela venait surement de la période de l'orphelinat de Jib, ou il a appris à se méfier de tout. C'est donc, décontracté, et prenant un ton dégagé qu'il lui répondit.

Oui en effet, j'adore le cour de sortilège, ou là au moins, en peut s'entendre avec le professeur. C'est vrai qu'il donne facilement des points. Puis il écouta Susan continuer. Merci beaucoup. Cependant, ton aide ne me sera pas d'une grande utilité en sortilège. Je suis assez doué pour cette matière. dit il en prenant un regard désolé. Mais par contre, pour les potions... ajouta t'il en faisant un clin d'oeil.

Puis elle sembla réfléchir, comme si quelque chose lui manquait. Jibrius était assez doué pour deviner les sentiments des gens. Il la laissa ensuite parler. Quelle question! songea t'il.

J'adore cette école! dit il avec entousiasthme. De toute façon, comment ne pas l'aimer après ce que j'ai vécu dans le monde moldu! Tu n'a aucune idée de ce que sont capable de faire ces monstres! ajouta t'il en ouvrant de grands yeux.

Converser avec Jibrius était agréable, Susan sentait que toute la frustration et la fatigue qu'avait entraîné un trop plein de métamorphose s'évaporait comme neige au soleil. Elle en oubliait même les protestations de son estomac.
A présent totalement détendu, elle s'enfonça un peu plus dans le fauteuil tandis que le chat d'un élève de cinquième année sautait sur ses genoux comme si elle était son jouet. Un profond sentiment de bien-être envahit la fillette : une fin d'après-midi au chaud près du feu avec un chat pour bouillotte musicale - la bête soufflait de contentement à la manière d'une turbine - et un camarade plus que sympathique à ses côtés, que demande le peuple ?

Tout en écoutant le Poufsouffle lui parler, elle contemplait le feu d'un air en apparence rêveur mais sans perdre une seule miette de ce qui se disait. Si elle fut surprise quant à la dernière affirmation du garçon, elle n'en laissa rien paraître si ce n'est qu'à travers un léger froncement de sourcils qui était trop imperceptible pour quiconque le perçoive.
Elle finit par se tourner vers lui avec un grand sourire amical et, gratouillant le chat derrière les oreilles, répondit avec franchise :

- C'est vraiment bien que tu t'en sortes en sortilège, c'est une matière passionnante je trouve ! Tu vas pouvoir mettre ton talent au service de Poufsouffle en gagnant des points, rajouta-t-elle avec un rire malicieux.

Susan était complétement obsédée par les points depuis le début de l'année. Elle savait que Poufsouffle pouvait très bien gagner cette coupe si ses élèves parvenaient à vaincre leur timidité pour participer en cours. Malheureusement, c'était plus facile à dire qu'à faire et elle-même, prête à tout pour sa maison, mettait toujours dix bonnes minutes avant de lever la main.
Elle chassa ses pensées de son esprit et répondit au clin d'oeil de Jib par un sourire entendu :

- Ah, les potions, toute une légende ! C'est un sujet intéressant mais le professeur Rogue fait tout pour le rendre rébarbatif, ne serait-ce que par sa partialité détestable ! Non mais vraiment, tu trouves ça digne d'un prof, toi, de favoriser une maison plutôt qu'une autre ? A mon examen écrit, l'an dernier, j'ai eu un "Acceptable" parce qu'il trouvait ma copie "trop poétique", quelle excuse idiote !

Elle parut se rembrumir un instant tandis que ses prunelles noisettes lançait un coup d'oeil noir au tableau endormi d'Helga Poufsouffle affiché au-dessus de la cheminée. La brave femme n'y était pour rien, mais Rogue portait sur les nerfs de Susan, éprise de justice et de vérité.
Finalement, elle enchaîna avec une gaiété retrouvée :

- Je veux bien t'aider en potion, si tu veux, je ne sais pas si ça servira à grand chose puisque le simple fait que tu es à Poufsouffle te rend mauvais aux yeux de Rogue, mais c'est toujours plus drôle de travailler à deux.

Enfin, sauf en cours de sort, quand Flitwick se chargeait lui-même de former les groupes et qu'on se retrouvait avec un duo Londubat/Maylan ou Malefoy/Granger... Passons.

- Tu viens du monde moldu ? questionna-t-elle avec prudence tout en lançant un coup d'oeil perçant eu jeune garçon, moi mes parents sont sorciers mais j'ai fréquenté une primaire moldue, tu étais... Hum... Dans une institution ou quelque chose comme ça ? Tu n'es pas obligé de me répondre...

Jibrius sourit, et se gratta le cou. Il referma son livre et le rengea dans son sac. Tssss quel état d'esprit minable! s'exclama t'il après avoir hoché de la tête lorsque Susan lui parla de ses péripéties avec Rogue. Mais bon, certains profs sont comme ça. ajouta t'il en souriant.

Puis Susan lui posa une question sur son passé. Chaque fois qu'il se souvenait du passé, il entendait un rire glacial. Il entendait une femme crier son nom. Sa mère. Mais à quoi bon penser à ça? se dit il. Elle ne me pose pas de question sur cet évènement que je sache... Elle veut juste savoir si je connais un peu les moldus. Il prit une profonde inspiration en fermant les yeux et commença son récit.

Oui je viens en effet du monde moldu. Enfin non. Pas du monde moldu. Ma mère était une sorcière, mais après, j'ai été en orphelinat moldu, ou j'ai subi les pires sévices. C'est pourquoi, je ne peux plus tellement faire confiance à un moldu ou à quiqonque d'ailleurs, à cause de cette période. J'ai perdu ma générosité, et ma confiance absolue en tout! dit il en regardant le sol, les mains joites entre ses jambes. Mais bon, dit il en faisant un clin d'oeil à Susan, je crois que je peux recommencer à faire confiance à quelqu'un.

Il se redressa et lui tendit la main pour que Susan la lui serre. Ami? demanda t'il. Je peux te faire confiance à toi?

Susan laissait sa main droite parcourir le dos tigré du chat qui, les yeux clos, semblait bien décidé à piquer un petit roupillon sur les genoux de sa nouvelle copine. La fillette baissa les yeux vers l'animal et eut un sourire en coin. Le félin se la coulait douce, entre les élèves qui le nourrissait à longueur de journée et la bande de chats qui traînaient dans les couloirs, il ne manquait de rien. Pas comme d'autres, visiblement...
Elle s'en voulait d'avoir remué le couteau dans la plaie en parlant à Jibrius de son avenir. Il aurait très bien pu l'envoyer bouler et ç'aurait été complétement de sa faute, mieux, il aurait eu parfaitement raison.

Au lieu de ça, il avait la bonté de lui accorder sa confiance en lui racontant, sans doute une infime partie mais une partie tout de même, quelque chose qui devait très certainement être douloureux. Susan l'écouta dans un silence respectueux.
Elle en avait les larmes aux yeux : très sensible, Susan détestait tout ce qui se rapportait à la méchanceté gratuite dont Jibrius avait sans doute était une victime. A cet instant précis, elle se sentait vraiment en colère contre les adultes sans scrupule. Le jeune garçon n'avait que onze ans et avait connu des situations qu'aucun enfant ne devrait avoir à connaître, enfin, c'était inadmissible, on était dans un pays développé au nom de Merlin !

Elle redressa la tête et planta ses prunelles noisettes dans celles du jeune Poufsouffle, la mine incoyablement sérieuse. Elle répondit d'une voix où la sincérité transperçait de toute part :

- L'abus de pouvoir est une chose odieuse, et plus particulièrement lorsqu'il prend pour cibles des enfants. Et dire que j'ai la naïveté de croire que nous sommes dans un pays où ce genre de problème n'existe pas. Mais quelle greluche !

Furieuse conte elle-même, elle se leva d'un bond. La bestiole velue qui se trouvait sur ses genoux tomba à terre, se releva en crachant avant de partir d'un air digne en direction du dortoir des garçons. Susan ne lui accorda aucune attention mais entreprit de faire les cent pas devant la cheminée, mains croisées derrière le dos et lèvres tellement pincées qu'elles en étaient livides.

Les dernières paroles du garçon la stoppérent net. C'était la première fois qu'on lui donnait ainsi son amitié, de manière avouée. Susan était une fillette timide ce qui n'aidait pas à forger des amitiés. Hormis Louise, une première année de Serdaigle, elle ne comptait pas vraiment d'amis, juste des connaissances. La proposition de Jibrius la touchait énormément et elle n'était pas certaine de mériter que quelqu'un d'aussi bien que lui - du moins, "bien" selon ses critères - accepte d'être son ami.
Elle contempla la main tendue de Jibrius, pensive. Il ne lui fallut toutefois pas plus de trois secondes pour prendre sa décision : elle la serra, un grand sourire aux lèvres :

- Je te le jure, décréta-t-elle d'un ton sérieux, les Poufsouffle sont loyaux, je me jetterai dans le lac plutôt que de trahir une parole que j'ai donné, assura-t-elle ensuite.

Ravi de voir qu'il avait en Susan une nouvelle amie, il lui fit un clin d'oeil. Il passa sa main dans ses cheveux et ferma les yeux. Un silence un peu gêné s'installa et ne fut perturbé que par les quelques craquement du feu. Jibrius décida de briser ce silence en disant:

Merci. Ce simple mot, pour Jib signifiait beaucoup. Merci pour avoir parlé, merci pour l'avoir écouté et merci pour être son ami. Il lança à Susan un regard radieux, et souria. Puis il regarda l'heure: 23 heures.

Dis donc, il est tard! s'exclama t'il. Tu veux aller te coucher?

Il prit un autre livre dans son sac, visiblement décidé à reprendre sa lecture, au cas ou Susan aurait voulu aller se coucher. Sinon, il avait une petite idée de comment fêter sa nouvellle amitié avec Susan.

Susan n'avait pas vu l'heure tournée mais elle ne se sentait vraiment pas fatiguée. de toute façon, elle doutait de pouvoir fermer l'oeil avant une ou deux heures si elle montait maintenant, alors autant mettre ce temps à profit pour autre chose qu'un glandage sous la couette.
Le chat était revenu se fourrer sur ses genoux, visiblement peu rancunier et elle lui caressait la tête machinalement, les yeux perdus dans le feu.
Au "merci" de Jibrius, elle se contenta de sourire avec douceur, l'air de dire "De rien, c'est moi qui te remercie". Après tout, il lui avait accordé sa confiance, elle pouvait lui en être reconnaissante et en tirer fierté.

- Pas tout de suite, non, répondit-elle simplement, et toi ?

Elle tourna la tête vers son ami et attendit la suite avec curiosité, se doutant bien que sa question, assez rhétorique, en fait, cachait une idée qu'il n'allait sans doute pas tarder à exposer.