Un peu perdue (PV)

Habituellement, Lea avait généralement affaire à Londres lorsqu'il était question de concerts. Mais elle devait bien admettre que ce dernier mois, elle avait manqué cruellement de contrats. Elle avait donc décidé de sortir un peu de son cadre habituel des deux dernières années. Après tout, cela ne pourrait certainement pas lui faire de tord. Un bon musicien devait tout de même rester flexible s'il souhaitait voir sa carrière se poursuivre tant et aussi longtemps qu'il le souhaiterait. Le seul hic, c'était qu'elle ne connaissait pas du tout l'endroit où elle était attendue. Elle était attendue pour dix-neuf heures à la salle de concert, située à Inverness, en Écosse. Elle était arrivée la vieille pour avoir le temps d'explorer un peu les environs mais, malheureusement, elle n'avait jamais réussi à trouver cette fameuse salle de concert à laquelle on l'avait conviée. Elle était donc retournée dormir un peu avant le lendemain, jugeant qu'elle aurait probablement besoin de toutes ses forces pour offrir un bon spectable à ceux qui auraient payer les billets pour l'écouter jouer. Lea regarda sa montre. Elle devait trouver la salle de concert et vite ... Dans deux heures, elle devrait y être, aussi, n'avait-elle pas de temps à perdre. Car si elle ne parvenait à trouver où elle se situait ... Ce serait mauvais pour elle. Bien mauvais. Malheureusement, elle avait le pressentiment qu'elle ne trouverait pas son chemin de sitôt. Elle soupira. Sans doute allait-elle devoir demander son chemin à quelqu'un d'autre. Elle s'approcha de la première personne qui passait par là. Elle tenta d'avoir l'air aimable, bien qu'elle n'aimait pas particulièrement devoir demander l'aide des autres.
"Excusez-moi, dit-elle. Savez-vous où se trouve la salle de concert ?"
Lea grommela en son fort intérieur. Non, elle n'aimait pas demander l'aide des autres tout simplement parce que c'était précisément comme d'admettre un échec. Oui, bon, ce n'était pas grand chose, demander son chemin. Mais elle aurait tout de même préféré se débrouiller toute seule. Malheureusement, elle ne craignait pas qu'il ne s'agisse d'une sage décision que de chercher par elle-même, tout en continuant à s'égarer dans un sens et dans l'autre. Surtout qu'après ce concert, elle devrait vite rentrer chez elle. Après tout, il fallait qu'elle soit en forme pour le lendemain. Le matin suivant, elle avait une première rencontre prévue avec Frédérique, ainsi qu'Ann et Jane. En constatant le nombre de musiciens qui se trouvaient autour d'elle, elle avait eut une idée : créer un groupe. ~~(Oui, bon, d'accord, ce n'était pas l'idée du siècle, elle n'était pas la première en cent ans à y avoir pensé mais bon ... Revenons-en aux faits.)~~ Certaines d'entre elles se lançaient pour de bon en musique, faisaient leurs premiers pas dans le domaine. Si une carrière n'était pas facile à bâtir, parfois, elle pouvait l'être plus facilement en groupe. Non, Lea ne comptait pas délaisser la musique solo pour la musique de groupe. Elle comptait tenir les deux en parallèle. Car malgré tout, le piano demeurerait la passion de sa vie, elle en était convaincue.

Laura aimait les grandes villes. Londres, Berlin, Hambourg, Paris, Munich… elle en avait visitées un certain nombre puisque cela ne manquait pas en Allemagne ni au Royaume-Uni. Enfant déjà, perdue dans un petit village écossais qui pourtant avait suffi pendant longtemps à assurer son confort, elle avait adoré chacune de ses trop rares visites à Edimbourg et, plus rarement, à Glasgow. Plus tard, elle était partie à Poudlard et, exilée du monde moldu, n’avait plus vraiment eu l’occasion de profiter des deux grandes villes d’Ecosse bien qu’elle passât deux fois par an à Londres lorsqu’il fallait prendre le Poudlard Express (situation incohérente, soit dit en passant puisqu’il aurait été bien plus rapide et économique pour elle de s’y rendre depuis une gare écossaise mais malheureusement, il n’en existait pas qui menait à l’école de sorcellerie). A Iverness, elle n’était jamais allée jusqu’à ce qu’un hasard du calendrier fit qu’elle dût s’y rendre pour le Quidditch, son équipe ayant été miraculeusement qualifiée pour le tour supérieur de la Coupe d’Europe. C’est donc avec une petite dizaine de Hambourgeois que Laura avait débarqué dans la capitale des Highlands avec la ferme intention de profiter un peu de la cité. Bien entendu, la ville était petite par comparaison avec Londres – ou même avec Hambourg mais enfin, cinquante-mille habitants étaient toujours plus que sept-cents.

La jeune femme était seule pour le moment, ses coéquipiers et coéquipières étant occupés à d’autres affaires. Elle déambulait dans les rues de la ville en ce début de soirée, curieuse de ce qu’Iverness pourrait lui offrir en cas de victoire. Laura n’était pas difficile et trouvait facilement de quoi s’amuser, même quand par malheur elle se retrouvait seule. L’avantage d’être une sorcière restait en tout cas qu’elle pourrait, si vraiment la situation était intolérable, rentrer à Hambourg – ou dans n’importe quelle autre ville où elle voudrait faire la fête. Sortir le soir de match – après la rencontre s’entend – n’était de toute façon pas une option, qu’il y ait une victoire à fêter ou une défaite à consoler. Avec un peu de chance, leurs adversaires les inviteraient à prendre un verre.

Ce n’était cependant pas le problème du moment puisque Laura se faisait accoster d’une manière un peu brusque – mais pas différentes des siennes – par une autre femme qui ne devait pas être beaucoup plus vieille mais qui avait l’air encore plus perdu que l’Allemande. L’avantage d’avoir pas mal voyagé était que l’Allemande savait se repérer un peu partout. Au bout d’un moment, toutes les villes finissaient par se ressembler, au moins dans leur composition. La née-moldue n’allait certainement pas aller jusqu’à comparer Berlin et Paris qui n’avaient strictement rien à voir. L’inconnue cherchait donc une salle de concert.

- Ouais, c’est par là, commença-t-elle à indiquer en montrant une destination du doigt avant de se dire que si l’autre femme ne connaissait vraiment pas la ville, elle aurait du mal à comprendre les explications confuses de Laura qui, elle aussi, venait de débarquer. Attendez, j’vais vous y emmener. L’inconnue pouvait s’estimer chanceuse que Laura soit déjà passée devant ladite salle, sinon elle aurait dû chercher encore un peu plus. En même temps, qui pouvait se douter de tomber sur une étrangère en arrêtant quelqu’un dans la rue ?

Au moins, Lea semblait avoir eut de la chance de tomber sur une personne enclinte à l'aider. Car parfois, bien que les gens n'avaient pas toujours de mauvaises intentions, ils ne prenaient même pas le temps de vous indiquer une direction, trop pressés ou simplement dans leurs pensées. Et ce genre de réactions avaient gnéralement pour effet de frustrer la jeune femme, qui détestait se faire passer sous le nez de la sorte, comme si elle ne valait même pas deux secondes de leur temps. Mais cette fois, ce fut différent. L'autre jeune femme se proposa même pour lui indiquer le chemin vers la salle de concert, chose qu'elle n'allait certainement pas refuser. (Après tout, il serait ridicule de refuser ... De un, parce que c'était elle qui l'avait demandé, de deux, parce que si elle n'arrivait pas à cette salle avant le début du concert, elle serait sérieusement dans le pétrin ...) Elle hocha donc la tête devant la proposition de l'autre femme (bien que sa proposition eut davantage l'allure d'une affirmation que d'une question).
"C'est gentil, merci."
Elles marchèrent un moment sans dire mot. Auparavant, ce genre de silence n'avait jamais eut vraiment d'effet sur Lea mais avec le temps, en parlant toujours davantage aux gens qui l'entouraient, un tel silence la rendait parfois mal à l'aise. Elle décida donc de prendre elle-même l'initiative de converser.
"Je suis un peu perdue ici, admit-elle. Je n'étais jamais encore venue dans le coin."
Après un autre moment de silence, elle ajouta :
"Moi c'est Lea."
Puis elle n'ajouta rien. Étant un peu de la même nature que sa soeur, elle n'avait guère l'habitude de commencer des conversations. Et lorsqu'elle le faisait, c'était souvent de manière un peu gauche. Mais ce n'était pas le plus grand soucis de Lea. Premièrement parce que l'opinion des autres ne lui importait que peu. Deuxièmement, parce que même si sa manoeuvre de conversation était maladroite, au moins, elle avait toujours essayé de dire quelque chose. Il fallait dire que bien que pour certains cela pouvait sembler pour le moins banal, parler avec les gens avait été une chose très longue à apprendre dans le cas de l'ex-Serpentard. Il fallait dire qu'elle avait eut une adolescence et une enfance assez solitaire, raison pour laquelle elle n'avait que peu parlé à ceux qui l'entouraient. Elle n'avait pas tellement aimé la compagnie des gens. Elle les avait souvent trouvés désagréables, froids voire un peu simples d'esprit, mais aujourd'hui, sa vision avait changé. Depuis sa sortie de Poudlard, elle avait apprit à s'ouvrir un peu l'esprit, à éviter d'exclure ainsi un type de gens de son environnement, à éviter de les juger trop vite, ce qui était sans doute une bonne chose. Bref, tout cela pour dire que son côté sociable (du moins, plus qu'avant) ne datait que de très peu de temps.

- Pas de quoi, répondit Laura avec un sourire. Ca faisait plaisir de pouvoir rendre service aux gens de temps en temps surtout que ça n’était pas comme si Laura était particulièrement pressée. Si ça avait été le cas – par exemple si l’Allemande avait été en retard pour son match comme ça lui arrivait relativement souvent -, peut-être n’aurait-elle pas montré le même empressement à aider l’inconnue mais comme elle n’était pas dans cette situation, nul besoin de s’y attarder.

Les deux jeunes femmes tournèrent à un coin de rue. Elles n’avaient désormais plus qu’à partir en ligne droite et à tourner à gauche au bout mais tant qu’à faire Laura préférait accompagner l’autre jusqu’au bout – ce serait bête qu’elle arrive en retard au concert, l’Allemande détestait cela, surtout quand c’était pour des broutilles.

- Ca peut se comprendre. Pas l’habitude des grandes villes ?

Laura l’avait et elle savait qu’il fallait toujours commencer par repérer certains endroits stratégiques – dont ne faisait pas partie, pour elle, la salle de concert mais c’est une autre histoire. Contentons-nous de dire que forcément la demoiselle pouvait plus facilement s’y repérer que l’inconnue si ses suppositions sur son origine se trouvaient être exactes. Elle n’était pas écossaise, en tout cas, sinon la brunette l’aurait très vite reconnu : l’accent local était plutôt caractéristique.

Inconnue, la jeune femme qu’accompagnait Laura ne le resta pas longtemps puisqu’elle se présenta comme Léa.

- Enchantée, je m’appelle Laura.

L au début, A à la fin, étonnant comme leurs noms se ressemblaient se dit tout à coup l’Allemande bien que ses pensées à ce sujet ne dépassent pas ce cadre : elle avait bien plus intéressant à demander à Léa, bien que tout le monde ne devrait pas trouver sa question si intéressante que cela. Elle l’était pour la brunette et c’était bien ce qui importait.

- Tu vas écouter quoi ?

Tout le monde disait voir, pas Laura. Son habitude de parler allemand, peut-être. A devoir s’exprimer dans deux langues – trois quand elle se mettait à prononcer quelques mots de français – elle voyait mieux les nuances de chaque mot. Certes, entre écouter et voir ça n’était pas bien compliqué à sentir mais restait à savoir pourquoi on allait vraiment à un concert. Etait-ce pour écouter les artistes en live ou pour les voir ou encore pour les deux ? Sans doute les deux mais comment qualifier l’action, alors ? En tout cas, Laura était loin de se douter que Léa n’allait voir personne et qu’au contraire, c’était elle qui jouait.

L'habitude des grandes villes ? Aussi étonnant que cela puisse paraître, elle l'avait, au contraire. Car les concerts qu'elle donnait se déroulaient souvent dans de grandes villes, comme Londres, par exemple. La différence, c'était que cette fois, elle ne connaissait pas du tout l'endroit. Elle n'y avait jamais mit les pieds par le passé, ce qui expliquait qu'elle soit un peu plus perdue qu'à Londres. Et puis, il fallait dire qu'excluant Pré-au-Lard, elle n'avait pas vraiment l'habitude de l'Écosse. Elle n'y était venue qu'à quelques reprises, et pas du tout dans ce coin-ci. Bref, tout cela pour dire que la réponse qu'elle fournirait à son interlocutrice étonnerait sans doute cette dernière.
"En fait, si, lui répondit-elle. Mais je ne suis jamais venue dans le coin, je me dois de l'admettre."
Cette réponse pouvait sembler un peu contradictoire avec l'image qu'elle renvoyait, mais c'était pourtant la vérité. Mais l'ex-Serpentard ne s'attarda pas sur ce détail.

L'autre fille se présenta comme étant Laura. Bien qu'elles avaient auparavant été à la même école, Lea ne s'en rendit pas compte. Il fallait dire qu'elle n'avait pas tellement la mémoire des noms et des visages alors lui demander de se souvenir de ses camarades des années précédentes ... C'était un peu trop demandé. Elle se souvenait de ceux et celles qui avaient été en même année qu'elle et encore là ... Bref, elle ne fit aucun lien avec le passé, bien qu'il aurait peut-être pu en être ainsi.

Laura lui demanda ce qu'elle allait écouter. Écouter ? Non, elle l'allait pas écouter un concert mais jouer. Mais il fallait dire que la question était bien loin d'être injustifiée puisqu'il n'était tout de même pas écrit dans son visage qu'elle était musicienne ... En guise de réponse, elle rit.
"Non, je ne vais pas voir un concert, expliqua-t-elle. C'est moi qui joue, ce soir. Je suis pianiste."
Ce qu'elle allait jouer ? Eh bien, il fallait dire que durant ce concert-ci, elle allait visiblement passer par un peu toutes les époques. Bach, Haydn, Mozart, Chopin, Fauré, Debussy, Cage ... Du Baroque au Contemporain.
"Tu connais un peu la musique ?" demanda-t-elle à Laura, intéressée.
Peut-être lui avait-elle demandé ce qu'elle allait écouter par simple politesse ou alors parce qu'elle connaissait elle-même la musique. À première vue, la jeune femme n'aurait pu le dire.

Spoiler:

Laura haussa les épaules. Pour elle, toutes les grandes villes se ressemblaient plus ou moins, encore fallait-il y passer un peu de temps, apprendre à les connaître et il était en effet probable qu’elle soit plus venue dans la grande cité écossaise que Léa qui n’était clairement pas du pays, à en déduire par son accent. Même si à Iverness comme à Glasgow ou Edimbourgh les gens étaient un peu plus anglicisés que dans le reste de l’Ecosse, ils n’en gardaient pas moins un langage bien à eux, facilement identifiable. Celui de Laura était encore pire, mâtiné d’Allemand, langue qu’elle avait entendue en plus de l’anglais écossais pendant toute son enfance et qu’elle pratiquait encore autant sinon plus que l’anglais.

- C’est dommage, il y a de belles choses à faire.

Il ne fallait pas compter sur Laura, cependant, pour organiser une visite guidée de l’Ecosse à Lea ; non seulement elle ne connaissait pas assez le pays et en plus elle avait autre chose à faire. De son point de vue, si la musicienne voulait vraiment découvrir la région, elle saurait se débrouiller. Il y avait un certain nombre de bouquins expliquant quels étaient les meilleurs endroits à visiter et surtout des guides assermentés qui permettaient de faire des balades sans doute plus intéressantes que tout ce que l’Allemande pourrait montrer à l’Anglaise.

Laura réalisa ensuite la portée de son erreur : Lea n’était donc pas là pour aller à un concert mais pour donner un concert, ce qui était quand même très différent, chacun en conviendra. Elle n’écoutait pas de musique classique mais voilà, jouer en concert devant plein de monde c’était… bien ! Comme jouer au Quidditch dans un stade plein à craquer, en fait. Deux professions qui se ressemblaient un peu même si l’effort n’était pas le même. Non qu’il soit plus ou moins fort dans l’une ou l’autre des activités mais simplement qu’elles ne faisaient pas la même chose.

- Ah ! C’est super, ça.

Quant à savoir si Laura connaissait la musique… oui, certainement, mais sans doute pas la même que Lea jouait. Elle lui dit comme ça, n’ayant pas honte de ses goûts (mais peut-être un peu plus de son inculture. Bah, ça n’était pas si grave : il était peu probable qu’elles se revoient).

- Non, enfin, sans doute pas celle que tu joues. Mozart, tout ça, j’y connais rien. Je ne m’y intéresse pas aurait été plus juste à dire mais n’entrait pas vraiment dans les façons de parler, celles de Laura comme celles des autres.

Les deux femmes tournèrent encore à un coin de rue et approchaient finalement de la salle où Lea devait donner son concert. Laura espérait qu’elle n’arriverait pas en retard, du coup, parce qu’elle imaginait qu’un temps de préparation était nécessaire avant de pouvoir jouer comme ça devant un public. Comme elle devait s’échauffer et se préparer mentalement avant un match.

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