Irma Pince était partagée entre la grande joie de retrouver sa bibliothèque adulée, qui lui avait tant manqué, pendant les grandes vacances, et l'appréhension d'y voir déferler d'ici quelques minutes des hordes d'élèves désordonnés, sales, bruyants, désespéréments ignards et déterminés à le rester.
Elle savait bien – travaillant dur à Poudlard depuis tant d'années – que la plupart des élèves ne cherchaient parmi ces étagères que le strict minimum qui leur permettrait de décrocher les diplômes recquis. Bien sûr, quelques-uns viendraient aussi assouvir une frêle curiosité pour un sujet superficiel ("Les bavboules à travers les âges", "Comment fabriquer soi-même son frisbee" ou "De l'art d'accommoder les plats en sauce", mais rares étaient ceux qu'elle verrait plus souvent, avidemment plongés dans des ouvrages plus sérieux. Plus rares encore seraient ceux qui accumuleraient une dose un peu respectable de connaissances, mille réjouissances idiotes les attirant plutôt au dehors, vers quelque jeu stupide.
Résignée à l'incommensurable bêtise humaine, Irma restait cependant toujours aussi déterminée qu'en ses jeunes années à défendre de tout son corps, de toute son âme, et même de sa vie si un jour il le fallait, les ouvrages qui lui étaient confiés. Ses petits yeux vifs scrutaient les lieux en tous sens; vérifiant, inspectant, détaillant, prêts à l'alerter de toute infraction au règlement.
Irma ne pourrait certes pas réussir à empêcher les élèves de se chuchoter quelques phrases s'ils restaient prudents et discrets – la bibliothèque était tout de même très grande – mais gare à celui qui laisserait tomber un papier gras, une miette, ou qui cornerait la page d'un livre !! Irma l'attendait de pied ferme et saurait sévir, châtier l'impie, même avec cruauté si la survie de ces trésors de savoir l'exigeait.
Pour toutes ces raisons – sa réputation l'ayant précédée – certains élèves de première année hésiteraient un peu avant de franchir le seuil de la bibliothèque. Tous devraient cependant bien s'y rendre un jour ou l'autre s'ils voulaient faire leurs devoirs, des recherches pour leurs exposés, et accéder un jour à la classe supérieure!
Et bien voilà, c'était l'heure. Irma ouvrit les deux battants de la grande porte ouvragée, couverte de dorures, de la bibliothèque, et elle se posta tout près pour observer d'un air sévère les premiers imbéciles ignorants élèves qui oseraient entrer.