Se confronter à ses sentiments [PV]

Le bal de Noël avait été complètement foireux pour Noé et il se faisait la réflexion, en chemin vers sa salle commune, qu’il ne lui en restait plus qu’un après cette année pour relever le niveau. C’était quelque peu désespérant. Après avoir dit au revoir et souhaité bonne nuit à une Tempérance éclatante de bonheur après avoir reçu la visite de son petit-ami, Noé avait fait un tour dans le parc de l’école histoire de changer d’air et d’oublier, l’espace d’un instant, les événements tumultueux de la soirée. S’éclairant à l’aide du sort d’Allumage de baguette, le blond avait marché pendant un moment avant de revenir vers le hall d’entrée du château, vaguement conscient de l’heure tardive et que le lendemain il devrait se lever tôt pour prendre le Poudlard Express. Il n’avait aperçu Candys dans aucun des couloirs qu’il traversa mais peut-être était-elle encore dans la Grande Salle où brillait toujours des centaines de bougies. Arrivé dans la salle commune des verts et argent, Noé s’affala donc sur le canapé pour l’attendre. De toute façon, il n’avait guère la tête à dormir. Il défit son nœud papillon, retira sa veste de costume noire qu’il posa sur l’accoudoir du canapé, ouvrit son col et remonta ses manches de chemise. Seuls ses cheveux blonds restaient figés, le produit de Weasley, farces pour sorciers facétieux semblant tenir toutes ses promesses.

Tempérance très élégante dans sa robe. Erin dans son éblouissante robe rouge aux bras de Bartley. Tempérance qui semble comprendre un fait qui lui a échappé. La robe des préfets, Candys radieuse aux côtés de Derek. Tempérance qu’il voit embrasser de loin Julian et son cœur qui se brise en même temps. Tempérance et Julian, lui renvoyant l’image d’un couple parfait, heureux et amoureux, un bonheur qu’il ne connaîtrait jamais, en tout cas pas avec elle. Tempérance. Tempérance. Tempérance.

Les images tournent et retournent en boucle dans son esprit sans qu’il ne puisse les chasser. Malgré sa plus grande volonté, Noé ne faisait que penser aux moments qui viennent de se dérouler. Il espérait en tout cas ne pas avoir gâché complètement la soirée de sa jumelle. Il s’agissait de son dernier bal en compagnie de son petit-ami et il s’en voudrait énormément si elle n’avait pas pu en profiter à cause de lui et de son chagrin. Il culpabilisait déjà assez sur ses sentiments sans que cela ne pourrisse la vie de Candys. Noé savait bien qu’elle n’approuvait guère son béguin pour Tempérance et rien que ça, il ne supportait pas. Bien sûr, il lui arrivait de se trouver en désaccord avec sa jumelle mais il avait toujours supposé qu’il pourrait compter sur son soutien lorsqu’il tomberait amoureux. Bien sûr, il n’avait jamais pensé qu’il aimerait une fille en couple, une amie très proche de Candys en plus. Même lui désapprouvait ses propres sentiments. Malheureusement, il n’avait aucune prise sur eux.

Plongé dans ses pensées, Noé n’en sortit que lorsqu’il sentit une personne s’asseoir sur le canapé et la voix d’Erin retentir. S’il avait laissé sa fierté parler, il lui aurait répliqué : "Tiens, tu me parles maintenant ?" mais il ne souhaitait en aucun cas se disputer avec la brunette alors qu’elle semblait, pour la première fois en un mois, ouverte à la discussion. « Candys. Elle doit être avec les autres préfets j’imagine » répondit-il simplement, d’un ton où ne perçait aucunement la rancœur, les regrets et la tristesse qu’il pouvait ressentir en cet instant précis. Mais peut-être avait-il parlé trop vite en pensant qu’Erin lui parlait enfin car elle n’ouvrit plus la bouche. Noé, lui aussi, gardait le silence. Pour la seconde fois en cinq ans d’amitié, la dernière fois remontant à sa découverte de la dépression de la vipère, il ne savait pas quoi lui dire. Noé ne pensait pourtant pas manquer d’éloquence. En revanche, une chose était certaine, il n’était pas particulièrement doué pour les sentiments. Encore moins pour les sentiments que l’on éprouvait pour lui à priori vu qu’il ne s’était pas aperçu qu’il plaisait à Erin. « Tu as passé un bon bal en compagnie de Bartley ? » demanda Noé prudemment après un moment de silence. Il ne sentait pas encore à l’aise pour parler de ce qu’ils auraient dû discuter. Sans doute était-ce lâche, mais il n’avait jamais revendiqué qu’il ne l’était pas, mais il comptait sur Erin pour ouvrir cette conversation-là.

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S’il y avait bien une chose que Noé ne comprenait pas à Poudlard, c’était que les dortoirs des filles restent infranchissables pour les garçons. Bon, il mentait un peu. En réalité, il comprenait. A force d’entendre Léopold et Alfie parler de filles, sans compter Harvey qui ne manquait jamais une occasion pour lancer un commentaire pervers, il voyait bien pourquoi la directrice de Poudlard se méfiait des garçons. Cela restait vraiment vieux jeu, en plus d’être complètement hétérocentré, aux yeux de Noé. Et puis, cela n’avait jamais empêché certains élèves de faire leurs cochonneries en douce dans les cachots par exemple coucou Riley Spencer. Ou alors poser une exception à la famille. Noé aurait bien aimé pouvoir rejoindre sa jumelle dans son dortoir comme bon lui semblait. Au manoir Montgomery, ils avaient eu l’habitude de dormir ensemble tout petit. Puis de venir dans la chambre de l’autre lorsqu’ils sentaient que l’autre n’allait pas bien. Aussi, Noé soupira lorsqu’Erin lui apprit que Candys devait déjà être couché. Il ne verrait pas sa sœur avant le lendemain et elle serait alors bien trop occupée par ses devoirs de préfète-en-chef pour parler avec lui. « J’ai vu que la Grande Salle était encore illuminée en passant alors j’ai cru…Tant pis, je la verrai demain. » Au final, ce n’était pas plus mal que Noé soit seul dans la salle commune avec Erin. Ils pourraient discuter sans qu’il ne tente de repousser cette fameuse conversation. Il gérait mal ces histoires de sentiments, c’était même ce qu’il lui avait constitué cette caractéristique de mec froid et insensible. Il préférait se réfugier dans son masque d’impassibilité habituelle plutôt que de faire mal délibérément à quelqu’un. Néanmoins, il s’était rendu compte qu’il avait déjà infligé beaucoup de peine à Erin sans s’en rendre compte.

Noé tressaillit à la réplique d’Erin. Il s’était presque attendu aux mots de la brune même si cela lui faisait toujours curieux de savoir qu’il lui plaisait. « Je pensais t’inviter comme l’année dernière. J’ai proposé à Tempérance au détour d’une conversation, je ne pensais pas vraiment qu’elle accepterait. J’étais persuadé qu’elle rentrerait chez elle avant le bal » répondit-il aussi calme que sa camarade mais en réalité peu sûr de son choix de mots. Il avait l’impression qu’il disait considérer Erin comme un second choix alors que ce n’était pas le cas. Il avait été ravi de se rendre à ses côtés pendant des années au bal avec elle. En même temps, s’il l’avait invitée aussi cette année, il y aurait eu nécessairement moins de drames. Mais il ne serait pas rendu compte qu’il était devenu plus qu’un ami pour elle, elle ne lui aurait peut-être rien dit. Et alors, combien de temps son aveuglement aurait-il duré ? Erin était comme lui, pas vraiment expansive sur ses sentiments, et lui clairement pas observateur. Depuis combien de temps nourrissait-elle des sentiments pour lui ? Depuis combien de temps lui faisait-il du mal sans le savoir ? « Mais s’il y au moins une chose dont je suis satisfait ce soir, c’est d’avoir enfin compris pourquoi tu t’étais éloigné de Tempérance et de moi. Parce que sinon combien de temps tu auras attendu pour me parler ? Tu ne comptais pas le faire, n’est-ce pas ? » finit-il par demander après un moment de silence. Noé n’avait guère de leçon à donner. Après tout, il ne comptait rien dire à Tempérance non plus. Sauf que Tempérance était en couple, une différence fondamentale avec sa propre personne et que cela ne servirait à rien, sinon à la rendre extrêmement mal à l’aise, de lui parler de ces sentiments. Sans compter qu’elle ne manquerait pas d’en parler à Julian, créant un drame qui ne méritait pas d’être déclenché et lui finirait probablement Avada Kedavré et il tenait à sa vie, Merlin merci.

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Noé se traita mentalement d’idiot. En voyant les lumières dans la Grande Salle, il avait automatiquement supposé que les préfets y étaient encore, et donc par conséquent sa jumelle. Il n’avait pas pensé aux elfes de maison. C’était assez logique pourtant au vu de l’heure tardive à laquelle il était rentré du parc. Il jeta un coup d’œil à Erin, si proche, si distante, si énervée contre lui. Ce n’était pas si mal finalement qu’il ait cru attendre sa sœur et que ce soit elle qui l’ait rejoint. Ils pourraient discuter. Et puis, il ne se sentait pas de remonter dans sa chambre pour écouter Harvey blablater sur sa nouvelle conquête. Léopold saurait immédiatement qu’il fallait le laisser tranquille mais leur compagnon de dortoir ne possédait pas le tact de son meilleur ami malheureusement.

Noé tiqua lorsqu’Erin insinua qu’il ne connaissait pas bien Tempérance. Evidemment, il la connaissait moins qu’elle. Erin était sa meilleure amie après tout, ou du moins l’était avant que toute cette histoire ne démarre –à cette pensée, il maudit de nouveau ses foutus sentiments, il avait vraiment agi comme un con. Même s’il n’avait jamais soupçonné Erin de nourrir des sentiments pour lui, il aurait dû s’en apercevoir, il aurait dû être plus vigilant, il aurait dû ne pas tomber sous le charme de Tempérance, il aurait dû…« Je pensais qu’elle retrouverait Julian pour la veille du réveillon. Finalement, c’est ce qui s’est produit. Tant mieux pour elle. » Erin ne le croirait peut-être pas mais Noé était vraiment heureux pour Tempérance. Même si cela lui cisaillait le cœur de constater qu’un autre que lui-même lui apportait tant de bonheur, il aimait la voir aussi enjouée. Pour ce qui était du beau-père de la blonde, Noé savait qu’elle nourrissait une profonde aversion envers cet homme. Les détails lui échappait certainement mais en cinq ans qu’il fréquentait la Poufsouffle, c’était plutôt inévitable d’être conscient de cela.

« Si tu veux » répliqua-t-il lorsqu’Erin lui dit qu’il n’avait pas compris ses sentiments par lui-même. Il ne les aurait pas saisis si elle ne lui avait rien dit, c’est sûr, mais en même temps il n’était pas Legilimens par Merlin ! Et en même temps, ses sous-entendus avaient été quelque peu sibyllins. « Oh c’est trop gentil de ta part de te soucier de mon chagrin d’amour et de moi, vraiment, merci. » La voix de Noé dégoulinait de sarcasme. Il avait eu l’impression, quelques heures plus tôt, qu’Erin n’en avait cure de son cœur brisé. Une vive colère semblait animer la brune, obscurcissant tout sur son passage. Peut-être Noé se trompait-il, mais les phrases d’Erin lui apparaissaient plutôt comme des critiques que comme des tentatives pour le réconforter.

Lorsque les lèvres d’Erin se posèrent sur les siennes, Noé fut bien incapable de réagir, bien trop surpris par le geste de la vipère pour la repousser. Le baiser s’interrompit aussi rapidement qu’il n’avait débuté. Erin lui essuya la trace que son rouge à lèvres vif avait laissée. L’étonnement de Noé se transforma rapidement en consternation. Ses yeux marron s’obscurcirent. Ses traits se durcirent. « Tu n’avais pas le droit de faire ça » lâcha-t-il d’un ton glacial. C’était son premier baiser décidément le premier baiser des jumeaux Montgomery est pris par surprise. Il aurait dû décider lui-même à qui l’offrir, pas qu’on lui prenne d’une telle façon et qu’on le prive de ce droit. Ce n’était peut-être rien qu’un smack qui avait duré à peine quelques secondes, cela comptait aux yeux de Noé. « Tu ne peux pas m’en vouloir de n’avoir rien su avant alors, ni à Tempérance » ne put-il s’empêcher de répliquer, toujours d’un ton froid et mordant. On ne pouvait pas rien dire, rien faire, et ensuite pleurer que les choses n’allaient pas dans notre sens. Mais Noé ne pouvait pas lui asséner ça. C’était méchant, gratuit et blessant surtout pour quelqu’un qui souffrait de dépression.

Noé eut envie de lui répondre qu’elle l’intéressait, d’une certaine manière. Mais ce n’était pas la réponse qu’elle attendait. Parce qu’elle ne l’intéressait pas de cette façon-là. Et que tout ce qu’il pourrait alors lui dire pour la rassurer ne la blesserait que davantage. En revanche, il ne put se taire face à l’accusation à peine voilée d’Erin. « T’es sérieuse là ? Tu me vois vraiment comme ça ? Comme un type superficiel qui ne s’attache qu’à un physique ? Je croyais que tu me connaissais mieux que ça Erin. » Noé n’arrivait pas à croire que sa camarade, son amie la plus proche pendant des années, ne pense qu’il était raciste. La tolérance de Noé ne venait pas uniquement de ses origines et de son éducation. Il avait beau faire attention à son apparence, il n’était pas superficiel pour une Mornille. Bien sûr, il trouvait Tempérance ravissante mais il n’était pas tombé amoureux d’elle pour ça. D’ailleurs, il n’aurait su dire exactement la raison de son amour pour la jeune fille. S’il en aurait pris conscience, peut-être que cela aurait été plus facile d’éradiquer ses sentiments.

« Arrête de dire ça. » Noé ne supportait pas qu’Erin se rabaisse autant. Mais il ne savait pas quoi lui dire. Il ne savait pas quoi faire pour qu’elle arrête de se détester. Il ne saurait pas dire pourquoi il était tombé sous le charme de Tempérance et pas d’elle. A dire vrai, il aurait largement préféré que ce soit le cas. Cela lui aurait évité que son cœur se brise et celui d’Erin en prime. Mais il ne pouvait contrôler ses sentiments. Il avait beau constater qu’Erin était une fille, une fille très jolie de surcroît, il n’avait jamais pensé à se mettre en couple avec elle. Peut-être parce qu’il n’avait pas envie de perdre une amie si leur relation ne fonctionnait pas. Et surtout, parce qu’il était resté pendant longtemps, pendant des années, totalement imperméable à l’idée de sortir avec quelqu’un. « Arrête de te comparer à Tempérance par Salazar ! Tu te fais du mal pour rien. » Noé se leva à son tour pour la rejoindre. Une flamme brûlait dans son regard, réveillait son regard complètement froid quelques minutes auparavant. « Tu es Erin Hazzard, une Serpentard jusqu’au bout des ongles et c’est très bien comme ça. Un jour, un mec fabuleux se rendra compte de la fille géniale que tu es et moi je me mordrai les doigts de t’avoir laissé filer. » Son ton restait calme et posé mais avait pris une certaine intensité. « Tu sais, je n’ai pas fait exprès de tomber sous le charme de Tempérance. Crois-moi que j’aurais largement préféré que cela n’arrive pas. Mais c’est comme ça. Tu peux le comprendre j’imagine. Toi aussi tu aurais sûrement préféré qu’un gars moins aveugle et moins impassible ne te plaise. » Noé soupira, tournant son regard vers la cheminée. Tout aurait été plus simple, moins tragique et dramatique s’il ne s’était jamais intéressé à Tempérance.

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Les paroles d’Erin résonnèrent dans l’esprit de Noé. Est-ce que cela aurait été mieux si Julian ne s’était pas pointé comme une fleur au bal qu’as-tu fait de Rita Skeeter Farrow ? Est-ce que c’est Magicis Sacra en personne qui voulait s’en débarrasser ? Le blond n’en était pas sûr. Evidemment, si Julian n’était pas venu, Noé aurait passé un bal plus tranquille –l’Affaire Erin mise à part. Il aurait pu se complaire dans l’idée plaisante qu’il était accompagné de la fille qui lui plaisait sans pour une fois s’appesantir sur le fait que Tempérance était en couple ou qu’il se sentit horriblement coupable d’éprouver de tels sentiments pour elle. Mais en même temps, si cela aurait évité que son cœur ne soit pas brisé, cela ne lui aurait pas permis de réaliser à quel point cette histoire ne pouvait que lui attirer des malheurs Les Malheurs de Nono chapitre un : comment je suis tombé amoureux d’une fille bien trop maladroite pour sa survie personnelle. Cela lui avait enfin donné le coup de pied aux fesses qu’il lui fallait pour tout faire pour tenter d’oublier la blonde. Bien sûr, pour le moment, il essayait surtout de digérer les événements tumultueux de la soirée mais sa détermination était bien ancrée en lui. « Cela m’aurait fait moins mal, c’est certain, mais ce n’est pas plus mal au final. C’est juste un rappel qu’il faut que j’arrête de m’accrocher, que c’est complètement inutile. Que cette histoire était impossible dès le début. » Noé soupira. Savoir que Tempérance avait un petit-ami, les avoir vu ensemble l’an passé était une chose. Le constater cette année, subir leur amour en pleine face, alors qu’il nourrissait des sentiments amoureux pour la jaune et noire, était bien différent. Cela lui infligeait une douleur lancinante qui ne semblait plus vouloir le quitter et qu’il aurait préféré ne jamais connaître. Son cœur avait explosé en des millions de pièces et il ne savait pas s’il pourrait jamais les recoller un jour et qu’elles forment de nouveau un tout harmonieux. Son chagrin lui laissait une marque ineffaçable. Une cicatrice qui ne se refermerait peut-être jamais complètement.

Lorsqu’Erin insista sur le fait qu’elle ne s’était pas réjouie de son malheur, Noé posa son regard marron sur la jeune fille. Sa colère lui avait semblé si vive tout-à-l’heure. Il avait vraiment cru qu’elle le détestait profondément et il ne pouvait décemment lui en vouloir complètement. Il s’en voulait à lui-même pour avoir été aussi stupide. Pour n’avoir rien vu. Pour avoir empiré la situation en tombant amoureux de Tempérance et en l’invitant au bal. Résultat, à cause de lui, Erin se retrouvait encore plus isolée qu’avant et ne parlait plus à sa meilleure amie. Vraiment bien joué Noé ! Son cœur n’aurait jamais dû s’ouvrir aux sentiments. Il se sentait plus normal qu’avant mais au vu du mal qu’il avait infligé autour de lui, c’était une bien maigre consolation. Ça ne valait vraiment pas le coup.

Erin posa ses lèvres sur les siennes l’espace de minuscules secondes et Noé se dit que, finalement, il aurait préféré subir mille fois les discours grivois d’Harvey plutôt que cette conversation qui semblait dégénérer. Elle était peut-être nécessaire mais il doutait qu’elle lui ferait du bien, à Erin comme à lui. « S’il t’en prend l’envie une prochaine fois, demande d’abord » se contenta-t-il de répondre d’une voix toujours aussi glaciale. Aussi glacial que son visage. Noé était incapable d’expliquer son ressenti sur ce baiser, il avait été bien trop court mais il avait allumé une colère vive dans son cœur. Et pour lui, qui était si impassible, une telle colère se transformait forcément en froideur.

Noé comprenait mal Erin. Elle en voulait visiblement énormément à Tempérance, presque plus qu’à lui. Pourtant, d’après ce qu’elle expliquait, la blonde ne savait pas plus que lui les sentiments que la brune nourrissait pour lui. Pourquoi en vouloir à quelqu’un qui n’avait aucune idée du mal qu’il faisait ? Mais la colère était aussi irrationnelle que l’amour, il supposait. Peu importe si la personne qui vous infligeait cette peine le savait ou non, à la fin c’était la même chose : on avait quand même mal. « J’espère qu’elle n’apprendra jamais les miens. La situation est déjà assez compliquée comme ça sans que des drames ne s’ajoutent encore. » Le problème étant que Noé s’était également rendu compte qu’il n’était pas aussi doué pour camoufler son béguin pour Tempérance qu’il ne l’aurait cru. Heureusement qu’elle était aussi peu perspicace en ce qui la concernait sinon il serait cuit. Noé évita en tout cas de défendre celle qu’il aimait devant Erin. Ce n’était pas vraiment ses oignons et cela ne ferait qu’ajouter de l’huile sur le feu.

Le cœur de Noé se serra lorsqu’Erin prononça les fameux mots. Elle lui avait dit qu’elle l’aimait. En face. Alors qu’elle savait qu’il ne pouvait lui retourner cet amour. Il trouvait qu’elle faisait preuve d’un courage incroyable. Il n’était pas sûr qu’il en aurait été capable. C’était aussi pour cette raison qu’il ne disait rien à tempérance. Il n’avait aucune envie de subir une veste radicale. « Je ne t’aurais pas prise en pitié Erin. On ne contrôle pas ses sentiments, c’est comme ça, ça nous tombe dessus sans qu’on le veuille. » Noé haussa les épaules. Même lorsqu’il était complètement imperméable aux sentiments amoureux, il savait ça. Pour ce qui était de la regarder, le blond ne comprenait pas vraiment ce qu’elle voulait insinuer. Il avait toujours vu Erin. Elle avait toujours compté pour lui. Simplement pas de la manière dont elle l’aurait voulu.

« Tu as raison. Tempérance m’a insupporté pendant des années par certains côtés de sa personnalité. Ça me paraît complètement absurde à moi aussi. » Si Noé avait pu choisir, il aurait largement préféré tomber amoureux d’Erin. Ils se comprenaient. Ils étaient pareils. Impassibles. Froids. Serpentards et fiers de l’être. Incompris parfois même si Erin avait subi bien plus de moqueries que lui. Mais cela n’avait pas été le cas. Il aimait une fille aux antipodes de sa personnalité. Une fille complètement différente d’une éventuelle copine idéale Tempépé c’est quand même le genre à se fracasser tête la première lors de son mariage, une vraie honte. Mais comme Erin le soulignait très justement, l’amour ne marchait pas comme ça.

Noé avait fini par se lever à son tour, rejoignant son amie près de la cheminée qui flamboyait doucement, teintant la pièce d’une lumière chatoyante. « C’est normal de ne pas penser aux autres garçons pour le moment. Mais l’objectif de se parler tous les deux c’est aussi de tourner la page, non ? » Lui-même avait bien du mal à penser aux autres filles du château même si certaines, à l’instar d’Erin, étaient très jolies. Il ne pensait qu’à Tempérance. Sentant son cœur se serrer à la vue des larmes de la brune, il posa une main qui tremblait légèrement sur son épaule avant de l’attirer dans ses bras. Il n’entendit pas son dernier murmure, tentant de la réconforter par la chaleur de son corps, ne sachant réellement s’il ne lui faisait pas plus de mal que de bien.

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Bien que la discussion entre Noé et Erin était des plus tendues, on pouvait de nouveau voir leurs similitudes. Passé le premier choc de voir Julian au bal de Noël, de sentir son cœur se briser, puis des révélations d’Erin, le jeune homme se sentait complètement vidé. Sans forces. Ce soir, tout lui paraissait obscur. Mettre les choses au clair avec Erin semblait être la chose à faire mais il ne s’en sentait que plus coupable. Plus idiot. Plus impuissant. L’amertume qu’il avait ressentie contre la jeune fille plus tôt dans la soirée avait complètement disparue. Ne restait plus qu’une immense tristesse qui lui étreignait le cœur. Depuis qu’il connaissait le jeune fille, il n’avait jamais pensé qu’il perdrait son amitié. Elle avait été son amie la plus proche pendant des années et il lui était difficile de constater aujourd’hui comment les choses avaient changé entre eux. Noé ne savait pas si cela serait réparable un jour. Pouvait-on continuer à être ami avec quelqu’un qui vous aimait ? Pouvait-on continuer à être ami avec quelqu’un qui vous avait fait souffrir et vous avez brisé le cœur ? Il se rendit compte que ces questions ne s’appliquaient pas qu’à Erin et lui mais également à sa relation avec Tempérance.

Malgré tout ce qui s’était passé avec Erin, Noé sut que lorsqu’elle lui assura qu’elle ne dirait rien à Tempérance de ses sentiments, elle disait vrai. Il connaissait bien Erin. Elle était comme lui. Elle paraissait froide et inaccessible mais était très loyale envers ses amis. Elle ne trahirait pas son secret. Il lui envoya un sourire reconnaissant. Il se doutait qu’elle ne le ferait pas uniquement pour lui mais aussi pour Tempérance. Chacun à leur manière, les deux Serpentards se souciaient de cette fille incroyablement maladroite et ridiculement attachante. Aucun des deux ne voulait lui faire de mal. Ils s’en étaient déjà bien assez fait comme ça.

La conversation des deux Sixièmes années semblait s’apaiser, chacun des deux restant dans un relative silence, s’échangeant quelques mots. Restant côte à côte mais finalement seuls avec leurs pensées. Noé se posait de multiples questions. SI Erin lui avait parlé de ses sentiments bien avant qu’il n’en éprouve pour Tempérance, est-ce que cela aurait changé quelque chose ? Il avait paru si distant de toutes ces histoires de sentiments pendant cinq années et rien que l’an dernier. Si éloigné même de l’idée de sortir ou de fréquenter une fille. Ses meilleurs amis avaient beau être de vrais dragueurs, et il ne parlait même pas d’Harvey et de sa manie de reluquer chaque jupon qui passait devant lui, Noé n’avait jamais été comme ça. Déjà, il respectait bien trop les filles pour les traiter comme de simples objets que l’on prend, utilise et jette ensuite. Et puis, même si les hormones l’avait agité comme n’importe quel adolescent, il ne s’était pas intéressé au sexe opposé, ou aux garçons, de cette manière-là. Il n’aurait donc pas forcément mieux accueilli les sentiments d’Erin hier qu’aujourd’hui. Il se serait probablement réfugié derrière son impassibilité habituelle pour tenter d’éviter un drame. Bien évidemment, les choses auraient été complètement différentes alors puisque son cœur n’aurait pas été pris par une autre. Mais cela n’aurait pas voulu dire qu’il aurait été prêt à s’ouvrir non plus. Même à quelqu’un qui avait énormément de points communs avec lui et ne pouvait que le comprendre.

« C’est exactement ce que je me suis dit en me rendant compte de mes sentiments. Ça n’aurait clairement pas pu être pire. » En fait, après réflexion, ça aurait pu être pire. Par exemple s’il était tombé amoureux de Joséphine de Guise. Mais rien qu’à cette idée, Noé faillit s’étrangler de rire. Là ce n’était même plus simplement improbable, c’était carrément de l’ordre de la science-fiction ! « Je laisse ces malsaines histoires d’inceste à d’autres, Merlin merci ! » Noé eut une moue dégoûtée. Sa jumelle était la plus jolie fille de tout le château à ses yeux mais elle restait sa sœur, la moitié de son âme, le verso de son recto, la pile de sa face. Il l’aimait plus que n’importe qui au monde mais ses sentiments étaient purement fraternels.

Noé n’avait hésité qu’un brin de seconde avant d’attirer Erin dans ses bras. Il ne pouvait supporter de la voir aussi mal. Il supportait encore moins de savoir qu’il était à l’origine de ce mal. Après un moment, les pleurs de la jeune fille semblèrent se tarirent. Noé passa une main délicate sur ses joues, essuyant les dernières gouttes salées qui y avaient coulées. « Tu n’as pas à t’excuser. » Il lui adressa un sourire chaleureux et réconfortant. Ce n’était rien qu’un sortilège ne saurait arranger.

Le cœur de Noé se serra davantage lorsqu’Erin lui expliqua posément qu’il était l’heure de se dire au revoir. Il avait l’impression que ces simples mots possédaient un sens plus profond. Qu’ils recouvraient une réalité plus grande qu’un simple au revoir. Qu’il était temps de dire adieu aux sentiments qui oppressaient leurs cœurs et leur infligeait tant de chagrin. Il eut l’impression qu’elle leur disait adieu, à leur amitié et à lui et l’idée lui parut tout à coup insupportable. S’il ne pouvait vivre sans Candys, il avait aussi besoin d’Erin à ses côtés. Mais elle, avait-elle besoin de lui ? Peut-être que le mieux qu’il pouvait faire pour le moment était de lui donner de l’espace pour cicatriser, pour passer à autre chose, pour penser à un autre. Et de l’attendre. D’attendre qu’elle se sente de nouveau assez forte pour l’affronter. « Un nouveau début pour une nouvelle année. Je nous le souhaite vraiment Erin. » Noé couvrit la main de la brune de la sienne et la serra brièvement. Une intense émotion se reflétait dans l’éclat de son regard marron. « Bonnes fêtes Erin. Prends soin de toi et à l’année prochaine. » Il lui adressa un dernier sourire avant qu’elle ne gravisse les marches de l’escalier menant à son dortoir.

Après son départ, Noé resta encore un long moment seul face à la cheminée. Puis, avec un long soupir, il ramassa son nœud papillon qui traînait sur la petite table devant le canapé, sa veste restée posée sur son accoudoir, et rejoignit à son tour sa chambre. Une longue douche brûlante ne fit que garder son esprit éveillé. Il s’affala dans son lit à baldaquins, vaguement conscient de l’heure plus que tardive. Il ferma les yeux, tentant d’imposer dans son cerveau des images heureuses, des images d’Alfie et de Léopold riant ensemble et de sa jumelle. Mais rien ne sut vraiment l’apaiser. Rien ne sut vraiment calmer son cœur brisé. Rien ne sut étouffer sa culpabilité d’avoir rendu Erin aussi malheureuse. Et il ne dormit presque pas cette nuit-là.

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[Topic terminé]