You don't know [PV]

♛ You don't know

I have emotional motion sickness. Somebody roll the windows down. There are no words in the English language. I could scream to drown you out.

Dahlia était adossée contre le mur opposé à la porte de la salle de bains des préfets, assise relativement inconfortablement sur le carrelage blanc (mais elle avait vu nettement pire), les jambes ramenées contre elle, un livre entre les mains et définitivement vêtue. Il n'était pas rare de voir la préfète-en-chef seule - bien que provenant d'une famille nombreuse, elle était plutôt du genre solitaire -, il était en revanche rare de la voir à proximité de points d'eau, qu'elle avait en horreur depuis l'enfance. Elle se lavait et entretenait une hygiène personnelle tout à fait respectable - merci bien - mais elle n'aimait pas s'immerger dans l'eau - elle s'y sentait immédiatement inconfortable, voire paniquée, ce qui était un sentiment qu'elle évitait de manière absolue (cf. également sa phobie des espaces fermés). Plus que tout, elle détestait perdre le contrôle, et Merlin savait qu'on avait difficilement le contrôle sur l'eau - aussi était-elle très bien sur la terre ferme, merci.

Cependant en l'occurrence, si Dahlia se trouvait seule, ça n'était que temporaire, car elle attendait quelqu'un. Plus précisément, et comme souvent lorsqu'elle attendait quelqu'un, elle attendait sa sœur jumelle, Peony. La salle de bain des préfets avait le mérite d'être un endroit calme, et sa jumelle aimant sa baigner contrairement à elle, la pièce leur offrait au moins un endroit tranquille où se retrouver, elles qui avaient le malheur d'appartenir à deux maisons différentes - et donc, de ne pas partager la même salle commune, ni le même dortoir.

La rentrée avait été pour le moins mouvementée. Visiblement décidés à se montrer plus tordus que jamais, les membres de MS avaient décidé d'expédier Nathan Symphonie tout droit à Poudlard, amnésique et donc, impossible à condamner pour ses crimes. De manière entendable, cette découverte avait eu de quoi bouleverser Viska, et la révélation subséquente qu'elle se scarifiait depuis un certain temps à présent était venue secouer le petit monde des élèves de sixième année - parmi lesquels Peony et Jensen. Bien qu'éternellement impassible, même Dahlia avait été prise de court par la nouvelle. A dire vrai, elle ne savait pas comment elle se serait comportée à la place de Viska. Elle avait toujours trouvé difficile le fait de se mettre à la place des autres, et ce contexte précis sortait complètement de l'ordinaire. Comment gérer pareil traumatisme ? Comment réagir ? Il n'y avait certainement pas une seule réponse, et il fallait croire que personne n'avait su anticiper celle adoptée par Viska.

Elle leva la tête en entendant la porte s'ouvrir, s'attendant à apercevoir sa jumelle. Quelle ne fut donc pas sa surprise d'identifier à la place la nouvelle préfète de Serdaigle - celle qui avait pris sa place maintenant qu'elle était calife à la place du calife préfète-en-chef. Au vu de son air émerveillé, Rivera venait là pour la première fois. Dahlia la laissa patiemment réaliser qu'elle n'était pas seule, puis venir vers elle. Elle arqua un sourcil à la salutation des plus formelles bien que flatteuse. « Salut Ciara. » répondit-elle bien plus sobrement. Son aînée l'interrogea - et elle aurait certainement répondu par la positive, puisqu'elle ne se trouvait même pas dans l'eau -, mais ne lui laissa pas le temps de formuler le moindre son : elle était déjà en train de se déshabiller en toute sérénité. « Tu fais ce que tu veux. » marmonna-t-elle tout de même pour la forme, ramenant les yeux vers son livre par égard pour la brune - dont elle découvrait apparemment des tendances exhibitionnistes cachées jusqu'alors. Cela dit, ça n'était pas comme si elle connaissait très bien Ciara. Bien qu'étant toutes les deux à Serdaigle, elles n'étaient pas de la même année, et ne fréquentaient pas les mêmes personnes. Elle semblait néanmoins avoir la tête sur les épaules, et Dahlia la savait assez brillante - or elle se faisait souvent un premier a priori basé sur la réputation intellectuelle des autres, il fallait objectivement l'admettre.

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Dahlia s'était attendue à voir arriver Peony. Elle ne s'était pas préparée en revanche à se retrouver seule à seule dans la salle de bain des préfets avec la nouvelle préfète de Serdaigle, Ciara Rivera. Elle n'avait rien contre sa collègue. Sur le principe, elle avait même plutôt un bon a priori la concernant : Rivera était sérieuse, et n'avait pas l'air portée sur la délinquance juvénile, telle une Prudence Faraday de seconde zone. Il semblait cela dit qu'elle était plus bavarde que prévu : non contente d'avoir foncé dans l'eau sans attendre la moindre réponse de sa part, Ciara s'adressait à présent à nouveau à elle, pour lui poser une question qui lui fit hausser les sourcils. Elle baissa son livre, posant les yeux sur la silhouette quasi entièrement immergée de la brune.

« Comment ça ? » articula-t-elle avec perplexité. La question semblait vaste, et appeler des réponses diverses. Comment gérait-elle les élèves ? Comment gérait-elle les petits première année pleurnichards ? Comment gérait-elle les profs qui l'utilisaient comme grouillot ? Ciara ne tarda heureusement pas à développer le fond de sa pensée, sans venir grandement aider Dahlia : il faut dire que de base, elle n'était pas du genre à se prendre trop la tête. L'évocation d'Ivalyana la fit cependant tiquer. Elle se sentait protectrice à l'égard de la brune, qui était après tout son amie. Quelque chose dans le ton de Ciara lui faisait dire qu'elle n'était pas aussi bienveillante vis-à-vis d'Iva' qu'elle l'aurait anticipé.

« Il n'y a pas de quoi se prendre la tête. Je fais juste ce qu'on me dit de faire. » Elle haussa les épaules. « Pour Viska ça ne dépend pas vraiment de nous de toute façon, c'était géré par les Serpentard. » Même si la blonde était proche de sa jumelle, et de Jensen, ce qui avait aussi induit qu'elles se fréquentaient toutes les deux, d'autant plus au cours de l'année écoulée. Elle était concernée par l'état de Viska, mais ça n'avait rien à voir avec sa position de préfète-en-chef. « Iva' ne peut pas faire de mal à qui que ce soit. » ajouta-t-elle plus sèchement. Elle avait son collier, et elle avait cette mystérieuse potion. Et surtout, elle n'avait rien demandé à personne ! Dahlia gardait un œil sur elle étant donné qu'elles partageaient le même dortoir et des emplois du temps similaire : elle ne voyait pas pourquoi Ciara se préoccuperait tant de tout ça.

Dahlia hésitait à reprendre sa lecture : Ciara s'était brièvement tue pour se baigner, mais la préfète-en-chef pressentait que ça ne durerait pas. Bingo : la question suivante arriva, et sans être surprise - l'interrogation semblait plutôt légitime - Dahlia répondit avec neutralité : « J'attends ma sœur, on est censé se retrouver ici. Mais elle est visiblement en retard, du coup je lisais en attendant. » Incidemment, il s'agissait d'un récit de voyage moldu, se déroulant au Mexique et dont il ne lui restait plus que peu de chapitres. Le finirait-elle cependant avant l'arrivée de Peony ? Rien n'était moins sûr, car elle supposait que Ciara n'avait pas encore dit son dernier mot.

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Dahlia se faisait une raison, Peony était pour l'instant éclipsée par Ciara, alors autant faire un effort et essayer de se faire son avis sur sa collègue préfète. Elles étaient amenées à travailler régulièrement ensemble, après tout, et sur l'échelle des binômes possibles, il fallait qu'elle sache placer Ciara histoire de pouvoir traficoter le programmes des rondes à son avantage : ah bon je suis tout le temps avec Peony ? Choquée.

Ciara l'interrogea alors au sujet de deux personnes de son entourage : Viska, puis Ivalyana. En ce qui concernait la première, Dahlia était assez bien informée par le biais de sa jumelle, sans être spécifiquement proche de la Serpentard. « Tu la connais bien ? » demanda-t-elle avec curiosité, car il ne lui semblait pas avoir déjà vu les deux jeunes filles ensemble. Certains lui auraient sans doute répondu qu'il n'y avait pas besoin de bien connaître quelqu'un pour s'inquiéter pour lui, mais Dahlia persistait à penser que c'était discutable. On pouvait être concerné pour l'intégrité physique des autres sans être inquiet pour autant.

En revanche, elle n'appréciait pas spécialement le ton que prenait Ciara pour parler d'Ivalyana. Elle savait que la brune pouvait être dangereuse - elle n'était pas inconsciente, mais c'était là toute l'ironie de la situation, car à ses yeux Ivalyana était aussi l'une des filles les plus gentilles et innocentes de l'école. Même elle ne pouvait pas être irritée par la brune, c'est pour dire. « Tu le dis toi-même : McGonagall ne l'aurait pas acceptée dans l'école s'il n'y avait pas des garde-fous et la certitude que les élèves ne risquaient rien en sa compagnie. » objecta-t-elle, sourcils froncés. « Si tu préfères oublier, tu peux toujours demander à ne plus être préfète. » ajouta-t-elle sèchement, très peu empathique de manière générale sur la question. Elle ne comprenait pas qu'on puisse préférer vivre avec des œillères, plutôt que de se confronter à la réalité. Ivalyana était un Malédictus, c'était un fait, mais elle ne se résumait pas à ça. Et le fait que les préfets soient au courant était uniquement destiné à mieux pouvoir anticiper et les protéger tous : les élèves, et Ivalyana elle-même.

Sans surprise pour quiconque la connaissant un minimum, Dahlia révéla qu'elle était là dans l'attente de sa jumelle. Elle nota le sourire de Ciara, et secoua la tête en signe de dénégation pour la rassurer. « De toute façon elle a l'air d'être en retard, alors tu ne t'invites à rien du tout pour l'instant, si ce n'est à ma séance de lecture. » dit-elle en désignant son livre. Ciara semblait sincèrement désolée d'interrompre quelque chose, ce qui amusait Dahlia. « Mais oui effectivement, ça n'est pas toujours évident de se retrouver quand on est de deux maisons différentes. » acquiesça-t-elle avec neutralité, car elle n'était pas du genre à verser dans le sentiment. Aurait-il été plus pratique d'être à Serpentard avec Peony ? Certainement, mais le destin en avait voulu autrement et elle n'y pouvait donc absolument rien. Il s'agissait donc de faire avec - et ce depuis six ans maintenant. « Je ne t'ai jamais posé la question je crois : tu as des frères et sœurs, toi ? » reprit-elle, à la fois par politesse et par curiosité. La famille donnait quand même beaucoup d'indications sur les gens. Les Lloyd étaient quatre par exemple, tous très différents mais avec des vies pourtant inextricablement liées.

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Si Dahlia référait plutôt à Viska avec sa question, c'est concernant Ivalyana que Ciara lui répondit - du moins, si l'on en croyait son évocation des dortoirs. « C'est pas facile pour Iva', mais elle a autant le droit d'être à Poudlard que toi ou moi. » persista-t-elle, arborant un air de défi. Car si Dahlia pouvait avoir l'air discrète, il s'agissait bien d'une apparence avant tout. Elle ne prenait pas souvent les armes, mais quand elle le faisait, c'était toujours pour défendre ses proches ou clouer le bec à une personne lui tapant un peu trop sur le système. En l'occurrence, elle sentait la méfiance de Ciara à l'égard d'Iva', et elle comptait bien défendre son amie. Allant plus loin, elle invita même sa nouvelle collègue à lâcher son poste, si connaître ce secret lui déplaisait tant. Les préfets n'étaient au courant que pour mieux pouvoir prévenir - et protéger à la fois Iva', et les autres élèves. Si Ciara jugeait que c'était un trop gros fardeau pour elle, rien ne l'empêchait de s'en défaire.

« Ça veut dire que certaines personnes démarrent leur vie avec plus de contraintes et de difficultés que d'autres. » Elle ne désigna pas son aînée directement dans ce "d'autres" : après tout, elle ne savait rien de sa vie. « Iva' n'est pas un monstre. » prononça-t-elle en séparant bien chaque mot, sa voix teintée de reproche et de froideur. Si sa camarade avait entendu Ciara, sans doute en aurait-elle été beaucoup affectée - or, elle ne méritait pas ça. Il y avait beaucoup d'imbéciles ou d'ingrats à Poudlard, mais Iva' n'en faisait pas partie. Elle était intelligente et à ses yeux, incroyablement innocente, malgré le terme de "monstre" dont Ciara persistait à la qualifier. « Elle n'a pas choisi ce qui lui est arrivé et je te demanderai d'arrêter de la désigner comme ça. C'est une élève, c'est tout. » conclut-elle d'un ton qui n'admettait pas de réplique.

Les mains crispées sur son livre, Dahlia se détendit quelque peu quand Ciara l'interrogea à ce sujet, changea l'orientation de la discussion. « C'est un récit de voyage, autobiographique, d'une jeune femme de vingt-ans qui a voyagé au Mexique. Elle raconte son périple, ce qu'elle a vu, ce qu'elle a appris. » détailla-t-elle d'une voix ayant perdu de son hostilité antérieure. Tant que Ciara ne lui parlait plus d'Ivalyana - et ne se mettait pas à cracher sur d'autres de ses proches -, elle était tout à fait prête à converser avec elle. Elle se permit même une question sur sa vie privée, mais fronça légèrement les sourcils à la réponse de la brune. « Avais ? » répéta-t-elle avec hésitation. « Oh, je suis désolée, je ne voulais pas... Je comprends, bien sûr. » Elle n'avait, de toute évidence, pas anticipé pareille éventualité et regretta d'avoir forcé Ciara à en parler. Se mettre à sa place était inimaginable : une vie sans Peony lui paraissait tout bonnement impossible. « Jamais, même. Je ne veux pas être sans ma jumelle. » dit-elle de manière tout à fait factuelle, se refusant à envisager cette situation. Il lui paraîtrait plus naturel que Peony et elle vivent toutes les deux ensemble pour l'éternité, ou simplement qu'elles disparaissaient ensemble - c'était l'ordre naturel des choses.

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Dahlia ne se faisait pas facilement des amis et surtout, elle ne cherchait pas particulièrement à s'en faire. D'un caractère peu sociable et plutôt solitaire, elle se contentait parfaitement d'un petit cercles de proches, dont sa jumelle était le maillon central. Pour autant, le peu d'amis qu'elle avait, elle y tenait et surtout, elle leur était profondément loyale. Aussi, entendre Ciara critiquer Ivalyana ou a minima, se montrer peu charitable à son égard lui hérissa immédiatement le poil. Pas question de laisser la nouvelle préfète casser du sucre sur le dos de son amie - que celle-ci puisse à l'occasion se transformer en serpent géant relevait du détail.

Observant froidement Ciara après ses déclarations, elle attendit patiemment sa réaction, tout à fait prête à reprendre les armes. Ciara ne lui semblait pas totalement irrécupérable, alors elle songeait qu'à force d'affirmations péremptoires, elle saurait la faire fléchir. Surtout que la brune était préfète à présent - raison pour laquelle elle était justement au courant de la condition d'Iva' - et qu'il était donc primordial qu'elle sache se montrer juste et raisonnable. Elle fronça les sourcils alors que Ciara paraissait être sur le point de la contredire à nouveau, mais son air se fit satisfait quand son aînée eut terminé sa phrase. Elle se garda même de dire qu'elle avait souvent raison, il fallait savoir prendre les victoires comme elles venaient - parfois.

« J'avais fait pas mal de recherches sur le sujet l'année dernière sans rien trouver. Et Gibson était aussi sur le coup. Il y a des choses pour neutraliser certains effets, comme celui de son regard, mais si tu veux dire : est-ce qu'il y a quelque chose pour annuler la malédiction alors non, je ne crois pas... » répondit-elle avec plus de neutralité et légèrement ennuyée par cet aveu. Elle était de ceux qui pensaient qu'il y avait toujours des solutions, mais ce cas précis semblait échapper à son grand adage. Et il faut dire que la situation n'était pas évidente : on sortait nettement de son champ de compétences (pourtant étendu !).

Comme Ciara l'interrogeait sur son livre et que Dahlia n'était pas timide - juste réservée, elle lui en détailla aisément le synopsis. Elle opina du chef. « C'est pour ça que j'aimerais devenir briseuse de sorts, justement. » Une bribe d'information la concernant qui tombait  assez naturellement dans le domaine public. Elle ne parlait pas beaucoup d'elle, mais quand elle le faisait, c'était souvent pour évoquer ses perspectives d'avenir. Et ce même si elle n'avait pas encore trouvé l'astuce qui lui permettrait de vivre son rêve tout en maintenant sa proximité actuelle avec Peony.

Il lui avait semblé naturel d'interroger Ciara sur sa vie à son tour - ça faisait partie des règles de politesse de base, elle n'était pas totalement décrochée des normes de la société, elle n'était juste pas très accommodante, ou volontaire quand il fallait s'y plier. Loin d'elle l'idée que Ciara ait pu perdre sa sœur. « Tant mieux. » répondit-elle en scrutant le visage de sa camarade. « Oui c'est vrai. Je n'y ai jamais trop réfléchi je suppose, ça m'a toujours semblé... normal. » ajouta-t-elle en haussant les épaules. Sur ces mots, du bruit se fit entendre à l'entrée de la salle de bain, indiquant l'arrivée d'une nouvelle personne. Dahlia fit un signe de la main à sa jumelle depuis sa position assise sur le sol de la salle de bain. La vision ne parut nullement surprendre Peony. « Ah Peo', tu connais Ciara ? » La question était rhétorique : on leur avait présenté les nouveaux préfets et capitaines en début d'année, mais ça lui paraissait être le moyen le plus simple de faire le lien - pourquoi s'encombrer de phrases alambiquées. Elle laissait aux deux filles l'opportunité de poursuivre avec des échanges un peu plus fournis : chacun son truc !