MoMeNt De RePiS [pV]

Florentine avait eu un peu de mal à s'habituer à la vie dans le carrosse de Beauxbâtons : certes, les aménagements magiques étaient tels qu'il était parfaitement confortable, mais tout de même, il demeurait bien moins spacieux que sa chère école et définitivement étrange à ses yeux de rationnaliste convaincue (oui, seize années pleines de magie n'étaient pas encore venues à bout de certains préjugés très "moldus" de Florentine).

Mais depuis le début de la semaine, elle devait bien admettre qu'elle avvait commencé à trouver ses marques (ce qui signifiait, entre autre, savoir quels couloirs éviter si elle ne voulait pas croiser Héléna et toute sa bande de fausses stars mais vrais casse-pieds), d'autant plus qu'avec l'arrivée du blizzard hivernal blizzard vous avez dit blizzard, comme c'est blizzard , le carrosse érait un refuge plus que bienvenu.

Bref, en cette heure creuse - ni cours, ni obligation d'hôte - Florentine venait de terminer une (encore une !) lettre à destination d'Eugénie et une seconde, bien moins fournie (en particulier parce que le côté moldu de la famille ne pouvait pas comprendre tous les détails qui se trouvaient dans l'enveloppe à l'adresse d'Eugénie), pour ses parents, Adelphe et Léopoldine (laquelle n'avait toujours pas digéré de n'être pas sorcière comme ses soeurs).

Elle avait enfilé sa cape, une grosse écharpe de laine, des gants et un bonnet, tous aux couleurs de Beauxbâtons mais en laine, et non en soie (fallait pas pousser, non plus, il gelait à pierre fendre, dehors !), dans le but d'affronter le froid pour emprunter un hibou de la volière de Poudlard : Bergamotte, sa chouette, était restée en France, confiée aux bons soins d'Eugénie.

En passant par un des salons communs pour sortir, elle reconnut la silhouette caractéristique de Simon, avachi dans un fauteuil. Florentine eut un rapide sourire, et, changeant de direction, se dirigea d'un pas déterminé vers le jeune homme :

- Les rêveries du Simon dans le fauteuil, lâcha-t-elle d'un ton amusé, parvenue au niveau du dos du fauteuil, tu comptes les publier ? rajouta-t-elle, suivant le fil de sa pensée sur Rousseau.

Tandis que Simon parlait en se débattant dans son fauteuil à la manière d'une tortue cherchant à se remettre sur ses pattes (à ceci près que la tortue, elle, n'arrive pas à se remettre sur ses pattes seule), Florentine ôta son bonnet, s'ébouriffant au passage les cheveux (le bonnet, c'est bien, sauf quand on l'enlève). Si elle commençait à discuter, autant ne pas mourir de chaud trop rapidement !

Elle contourna le fauteuil de manière à se trouver en face de Simon - c'est tout de même plus pratique pour conduire une conversation dans les règles de l'art - et croisa les bras sur la poitrine avant de rétorquer :

- Seulement si tu me donnes 50% des ventes.

Puis, redevenant plus sérieusement, elle lança un coup d'oeil curieux au livre que lui montrait Simon : houlàlà ! De la botanique en anglais ? Ce n'était probablement pas ce qu'il y avait de plus simple. Pour le moment, elle s'était débrouillée pour apporter suffisamment de livres de cours pour ne pas avoir à en emprunter directement à la bibliothèque de Poudlard. Mais dès qu'elle se sentirait un peu plus à l'aise (et surtout, dès que les devoirs deviendraient trop pointilleux pour ses propres livres), elle irait certainement (raisonnement paradoxal puisqu'il allait lui être difficile de progresser en anglais sans lire autre chose que des romans enfantins).

- Et ça veut dire quoi, "to prune" ? Demanda-t-elle machinalement, "ramasser des prunes" ? C'est un verbe régulier ?

Les verbes irréguliers étaient la grande terreur de Florentine : elle s'était efforcée d'en mémoriser un maximum avant de partir mais craignait toujours de se tromper en parlant. Il n'était pas rare qu'elle fasse une petite pause dans sa phrase - à sa grande honte - pour prendre le temps de réfléchir au verbe employé.

- En tout cas, reprit-elle en fronçant les sourcils, si on a une limite maximum de mots, je dois en être bien loin, ou alors elle est très réduite... Je commence à regretter l'interdiction de la potion Babel ! , commenta-t-elle simplement.

Elle redressa un peu la tête avant de gratifier Simon d'un regard perçant : il avait l'air vraiment enthousiasmé du voyage et elle lui enviait un peu cet état d'esprit. Pour l'instant, elle avait eu le perpétuel et ineffable sentiment d'être une petite sotte qui ne comprenait rien à rien (tiens, par exemple, pourquoi tous les Serdaigle en face d'elle étaient partis pendant le dîner ?). Vindicative, elle refusait cependant de se laisser abattre (après tout, il lui fallait sans doute un petit temps d'adaptation) et n'aurait donné sa place pour rien au monde :

- Au dîner, commença-t-elle, j'ai un peu parlé avec une fille de Serdaigle, Pénélope, elle a l'air vraiment très sympathique. Seulement elle s'est mise à pleurer en milieu de repas... J'espère que mon anglais n'était pas détestable à ce point là ! C'était très gênant parce que Maximilien, qui était juste à côté de moi, parlait parfaitement.

Florentine s'arrêta un court instant et pinça imperceptiblement les lèvres : elle n'avait toujours pas digéré le coup de la littérature.

- Oh ! Et tu sais quoi ? Ils enlèvent des points ici, quand un élève fait une bêtise ! Une fille de Serdaigle en a perdu dix pour avoir lancé un sort à Noah, pourtant, rajouta-t-elle avec un sourire en coin, il l'avait bien cherché. Enfin, ce n'était pas très correct, d'accord, rajouta-t-elle d'un ton précipité, mais tout de même, dix points... Après ça, ils n'étaient plus très bavards, en face de moi, et la moitié des élèves a quitté la table !

Dans un réflexe typique de la bonne élève qui déteste l'idée de ne pas avoir de réponse à une question, Florentine attrapa le dictionnaire et se laissa tomber sur un bout de canapé généreusement libéré par Simon tout en feuilletant l'ouvrage à vive allure.

- Ah ! s'exclama-t-elle d'un air triomphant après une courte minute, je l'ai ! "To prune" c'est tailler. Ou rafraîchir. Et sinon, ça peut aussi vouloir dire "vieille figue". Le genre de terme qu'on emploie tous les jours, donc ! rajouta-t-elle en refermant le dictionnaire dans un bruit sourd.

Elle le reposa avec un soin quasiment religieux près d'elle avant de commencer à ôter ses gants, doigt par doigt : de toute évidence, sa course jusqu'aux volières allait être un peu retardée. Mais elle ne s'en plaignait pas, bien au contraire ! Depuis le début du tournoi, elle n'avait pas vraiment eu l'occasion de discuter avec son ami et devait bien admettre qu'il lui manquait.

- Oh, que voulais-tu qu'il fasse ? Il s'est montré affreusement désagréable, voilà tout, répondit-elle avec une moue dédaigneuse qui en disait long sur ce qu'elle pensait de l'attitude de Noah. Ceci étant, il était à plus de deux places de moi et une partie de la conversation s'est faite en anglais... Je ne suis pas certaine d'être le témoin parfait. D'autant plus que j'étais suffisamment occupée comme ça à écouter Maximilien.

Maximilien, plus à l'aise qu'elle en anglais - et c'était peu de le dire ! - n'avait eu aucun mal à converser : Florentine avait passé une bonne partie du repas a essayé de découvrir comment il faisait pour être si doué, surtout en ce qui concernait l'accent... Sans grand succès, de toute évidence.

Elle sourit furtivement à la remarque malicieuse de Simon avant de répondre :

- Charmant ! Pour commencer, je pourrais peut-être fabriquer des bannières du type "Go, Fleur, Go !", ça fait au moins deux mots d'anglais et en plus, je ne suis pas obligée de les prononcer.

Florentine était on ne peut plus ravie du choix de la coupe pour Beauxbâtons : voilà qui faisait les pieds à Héléna, Noah et Maelys. Sans oublier que Fleur avait de bonnes chances de gagner... Enfin, si on omettait les deux champions de Poudlard.

¤Ah mais ouiii ! Tailler ! Peut-être que je devrais me l’écrire quelque part… Dans ma main par exemple… Ca pourrait aider¤

Florentine parla ensuite de Noah avec cette moue bien caractéristique, signe qu’elle était profondément agacée par le garçon. Oui, Noah n’était pas forcément un exemple de politesse ni de bienveillance, mais de là à se prendre un sort par une ado de 14-15 ans en à peine une heure, il avait quand même du y aller fort !

[anglais] “Oh, si t’étais occupée à écouter Maximilien alors…”

Simon fit un nouveau clin d’œil à son amie… C’était curieux comme le voyage était en train de raprocher Flo’ et Max’. En temps normal, Maximilien ne parlait pas énormément et pas tellement aux filles. Mais là, Simon avait comme l’impression que les deux étaient en train de se rapprocher…

¤Bah on verra bien ! De toute façon Flo n’est pas du genre à se laisser faire.¤

Et puis d’ailleurs, si ça se trouvait il se plantait complètement. C’était même probable vu que ses intuitions n’étaient en général pas terribles terribles. Il y avait de grandes chances pour que leurs relations soient exactement les mêmes et que Florentine soit juste impressionnée par le niveau plus que correct de Maximilien en anglais. Ah l’anglais… Mais quel sadique avait bien pu inventer les langues étrangères ?

Flo’ proposa d’utiliser son anglais de manière fort utile d’ailleurs en fabriquant des bannières au nom de Fleur… « Go Fleur Go ». L’évocation du nom de Fleur laissa un goût amer dans la bouche de Simon. Oui sa petite Fleur était championne et il allait devoir se faire à cette idée.

“Hmm”

Faible hochement de tête face à la plaisanterie de Florentine mais il n’arrivait pas tellement à plaisanter sur le sujet, il essaya de se forcer mais ça ne venait pas… Il se força à sourire et ses narines se dilatèrent légèrement mais rien de plus ne vint.

Il se sentait complètement ridicule mais cette obsession était plus forte que lui et il avait beau essayer de la chasser, il n’y parvenait pas. Tout ce qu’il pouvait faire était se contenter d’esquiver le sujet…

Sauf que Florentine planait loin, très loin au-dessus des intuitions bizarres de Simon. Sans doute parce qu'elle savait, elle (quelle chance, elle était en parfaite osmose avec son cerveau !), qu'elle n'avait écouté Maximilien que parce qu' 1) il parlait à côté d'elle et 2) il parlait très bien anglais.
Tout de même, elle s'était sentie atrocement idiote, quand il avait sorti son "Je lis beaucoup, comme tu le sais". Rien que d'y penser à nouveau, elle se sentait atrocement vexée. Ce qui l'agaçait considérablement puisqu'elle savait bien, au fond, qu'elle n'avait aucune raison de l'être, vexée, et que la formule de Maximilien avait tout simplement été un peu maladroite.

A cent lieues des sous-entendus tordus de son ami, donc, Florentine se contenta de lui lancer un coup d'oeil parfaitement neutre avant de reprendre en levant les yeux au ciel :

- Attends, si même toi tu te mets à parler anglais, je vais être condamnée au mutisme jusqu'à la fin de l'année. Et c'est très mauvais pour les cordes vocales, rajouta-t-elle avec sérieux.

Mais selon toute vraisemblance, Simon était déjà ailleurs. Il avait même l'air plutôt grave, ce qui était contrastait de manière étrange avec son humeur d'il y avait quelques secondes et même, avec son caractère d'une manière générale.
Florentine fronça automatiquement les sourcils avant de gratifier Simon d'un regard perçant : quel dommage que personne n'ait jugé bon de lui apprendre l'Occlumencie.

*Ah non ! L'Occlumencie, c'est mal ! Personne n'a le droit de pénétrer les pensées d'autrui, c'est de la violation de... euh... d'espace privé !*

Certes, cette dernière pensée était noble mais n'en expliquait pas pour autant la bizarrerie bizarre vous avez dit bizarre comme c'est bizarre, pour y revenir ! de Simon.

*Attends, qu'est ce que j'ai dit ? L'anglais, Noah... Oui, enfin depuis le temps, il devrait le savoir, que Noah est un crétin fini... Et Fleur... Ah ! D'accord... Il n'est tout de même pas vexé qu'elle ait été choisie, si ?*

Indécise, Florentine se mordilla la lèvre inférieure quelques secondes, tout en lançant des regards en biais à Simon. Finalement, elle tâta le terrain d'une voix prudente :

- Tu sais, je suis vraiment contente que Fleur ait été choisie. Je suis certaine qu'elle portera haut les couleurs de l'école. Elle est bien plus forte que nous tous réunis !

Bon, c'était un peu exagéré, mais elle n'était plus à ça près.

Simon savait qu’il aurait du dire quelque chose car le silence qui s’installait maintenant entre eux deux était vraiment très inconfortable. Il avait essayé de sourire mais il était conscient que son sourire n’était pas si enjoué que ça. Enfin bon, Florentine choisit de ne pas le questionner et Simon pourrait donc garder son secret.

¤Je suis vraiment trop con… Mais quelle fiotte de me mettre dans des états pareils, on dirait une adolescente…¤

Inspirant et expirant d’une manière qui se voulait profonde mais discrète, Simon parvint à rassembler ses esprits et à répondre à la remarque de Florentine. Il se contenta de dire la vérité mais sans trop s’attarder sur le sujet… Quant à ses yeux, il fit se focaliser son regard sur ses orteils qu’il malaxait entre ses doigts – comme pour les masser – alors qu’il répondait

“Elle est parfaite pour représenter l’école… Mais… même si elle est forte… J’ai peur que le Tournoi soit un peu dangereux…”

Il arrêta alors son massage pour regarder Florentine dans les yeux.

« Je sais que chaque élève est doué et capable d’affronter toutes les épreuves… Mais je sais pas… Il y a déjà eu des choses graves qui se sont passées, donc je m’inquiète un peu voilà tout… D’ailleurs si t’avais été choisie, j’aurais clairement fait la tronche… »

Une fois cette petite tirade dramatique terminée, Simon se remit à sourire car le sourire était le meilleur moyen de chasser les mauvaises pensées. Et puis oui, tout se passerait bien, il n’y avait pas de raison !

« Tu veux boire un truc ? Ma baguette me dit qu’il y a de quoi se faire un bon chocolat chaud dans le « bar » made in Beauxbâtons… A moins que tu préfères revenir à des traditions plus Françaises : le lait de poule, le vin chaud… »

Florentine esquissa bien malgré elle un sourire en entendant Simon exprimer srs craintes pour l'intégrité physique de Fleur. C'était vraiment très généreux de sa part, et probablement pas totalement désintéressé. Mais la jeune fille décida stratégiquement d'éluder ce dernier point, n'ayant pas particulièrement envie de mettre Simon plus mal à l'aise qu'il ne l'était déjà. Le sujet Fleur avait toujours été délicat. Ceci étant, le sujet Fleur était globalement délicat, quel que soit l'interlocuteur : soit elle était adulée soit elle était traînée dans la boue par une bande de filles enragées. Florentine, elle, aimait beaucoup Fleur. Elle la trouvait vraiment gentille aussi s'était-elle montré plus que ravie quand son nom était sorti de la coupe de feu : une championne qui alliait beauté, talent et sympathie, que pouvait bien demander de plus Beauxbâtons ?

- Et si tu avais été choisi, demanda-t-elle doucement, tu aurais aussi "fait la tronche" en pensant aux dangers potentiels des épreuves ?

Elle passa allégrement sur le fait qu'elle avait euh... "omis" de mettre son nom dans la coupe. Madame Maxime les avait conduits en troupeau, il avait été facile de s'éclipser sans se faire remarquer. Tout le monde était bien trop excité pour prêter attention à elle. Elle s'était toutefois abstenu de le signaler, ne sachant pas trop ce que les autres pourraient en penser. Après tout, ils étaient là pour la coupe. Annoncer haut et fort qu'elle trouvait la compétition idiote et qu'elle préférait de beaucoup les rencontres avec les élèves des autres écoles aurait semblé prétentieux, déplacé voire même idéaliste.

Elle fut tirée de ses pensées par la proposition de Simon. Lançant un coup d'oeil hésitant aux lettres qu'elle tenait toujours, elle finit par hausser les épaules : elle les posterait demain, tant pis !
Souriant plus franchement, elle répondit donc, ôtant son écharpe :

- Avec plaisir. Mais je crois que je m'en tiendrais au chocolat chaud. D'ailleurs, il commence à faire sacrément froid.

Sur cette réflexion, elle se mit sur ses pieds et tendit une main amicale à Simon pour l'aider à s'extirper de son fauteuil (quitter le confort d'un siège moelleux était toujours une épreuve affreusement douloureuse. Voilà ce qu'on devrait demander, aux champions !) :

- Tiens, l'autre jour, j'ai testé la biéraubeurre de Pré-au-Lard. Elle mérite bien sa réputation !