Même les plus belles histoires ont une fin [PV]

Il neigeait encore. Le lac était gelé et Myrielle se demandait si la glace tiendrait malgré son poid si l'envie lui prenait d'y avancer. Elle était immobile, statue aux couleurs sombres dans la lumière déclinante. Elle avait rendez vous avec Isaac, ce petit ami qu'elle avait trompé sans remord, ce garçon, pour ne pas dire cet homme, à qui elle avait donné son coeur mais qui ne la connaissait plus. Cette sentence elle l'attendait depuis bien longtemps, elle la souhaitait presque. Son coeur était trop partagé entre l'espoir et l'assurance d'une défaite, elle voulait en finir, ne plus se sentir prise entre deux idées. Elle était fatiguée...

Que pouvait elle lui dire maintenant ? Qu'elle l'aimait ? C'était ridicule. Elle ne dirait rien. Elle le laisserait choisir, elle le laisserait parler, elle s'en irait de sa vie, tournerait la page de leur histoire. Une bien belle histoire mais la neige dans le coeur de Myrielle s'était finalement trop entassée, elle n'était plus capable d'attendre, plus capable de regarder en arrière en se disant que ça n'avait pas d'importance, qu'il était avec elle, que tout allait bien.

Elle ne sentait même pas le froid, pourtant le vent battait ses tempes et faisait s'envoler les lourdes mèches de sa chevelure rouge sang. Elle attendait seulement, prête à tout. Elle ne pleurerait pas, elle se l'était juré, elle ne lui ferait pas ce plaisir. Elle ne se montrait faible que devant ses proches, si Isaac choisissait de la quitter il n'en faisait plus parti.

Elle lui offrirait une rupture douce, sans longues explications, sans heurt, sans remord. Tout était déjà fini de toute façon. Elle savait que même si Isaac ne la quittait pas aujourd'hui ça viendrait, ne serais ce que parce qu'elle s'était laissé toucher par un autre.

Elle avait grandi trop vite, mûri tout autant, elle se rendait compte que tout allait de travers et elle avait longtemps lutté, allant jusqu'à épargner à Isaac ses doutes en ôtant la croix qui lui permettait de ressentir sa peine si peine il y avait. Elle avait aussi choisi de vivre malgré sa solitude, malgré sa faiblesse, elle avait choisi de ne pas faire souffrir celui qu'elle aimait. Finalement elle avait déjà tout planifié et elle se tenait là, princesse de glace, beauté assassine. Elle attendait.

Quand des pas se firent entendre dans la neige, elle ne se retourna pas, elle n'en avait pas besoin. Le vent lui avait apporté l'odeur de son petit ami, le bruit de ses pas lui était depuis longtemps connu. Deux petits mots, elle prononça deux petits mots. Un adieu avant l'heure...

- Bonsoir Isaac.

Pas un regard, elle ne voulait pas le voir de peur de faiblir. Il faudrait bien pourtant... Mais pas encore. Son regard azuré se perdait pour l'instant dans la contemplation du lac...

La nuit était déjà tombée sur le château. Dans le froid de ce début de nouvelle année, Isaac traversait les allées du parc le cœur lourd. Les congés de Noël n’avaient pas été de tout repos contrairement à ce qu’il avait cru avant son départ pour la Russie.

Malgré les évènements perturbateurs rencontrés au pays communiste, le jeune sorcier fut amené à prendre une décision concernant sa relation avec Myrielle. Vu les complications occasionnées par l’idylle entre son père, les projets que celui-ci avait son fils, il estima bon de tenir la jeune fille éloignée de tous ces problèmes qui l’amènerait à réagir comme il l’avait fait l’été passé. De plus, il se doutait que sa négligence envers elle devait beaucoup l’affecter. Le choix fut donc fait…

La neige tombait avec douceur sur les lieux. Stoppant sa marche, il vit la belle Symphonie près du lac. Ses cheveux sanglants dansaient avec le vent glacial de cette nuit de janvier. Depuis combien de temps attendait-elle en ces lieux ? Trop certainement…

Le jeune préfet avait l’impression d’être plus lourd qu’à son départ, s’entassant dans la poudreuse au point de disparaitre. Oui, il aurait préféré cette solution plutôt que de briser le cœur de la belle, mais… n’était-ce déjà fait ?

S’avançant, ses pieds crépitant sur chaque étoiles venues du ciel, il se sentait de plus en plus mal à l’aise, se maudissant de lui avoir promis un amour éternel, tant de paroles qu’il ne pouvait tenir dès à présent. Les mains dans les poches, il arriva sans manifester le moindre signe de mal être, alors qu’intérieurement, il pleurait la perte de son aimée.

« Bonsoir… », répondit-il en se positionnant à son hauteur. Le regard rivé sur le lac, il retint un geste, un baiser, ses mains voulant la serrer contre lui. Il ne voulait pas faire durer le supplice plus longtemps, sa présence, son parfum, tout ce qui fait qu’elle était elle, tout égalait la pire des tortures.

« De drôles d’évènements me sont arrivés durant les vacances… ». Il marqua une pause. Son estomac lui faisait mal, mais malgré ça il garda les mains ne poche, son visage était sans expression alors qu’il ressentait de la colère envers lui-même. « … des évènements dont je préfère te tenir éloignée… ». Soupirant, il espérait arriver au bout de ce calvaire, il espérait trouver les mots justes, mais existaient-ils dans pareille situation ? « … je ne veux pas te faire revivre ces vacances, ni cette fin d’année. ». Est-ce que la belle comprendrait sa décision ? « … je… je préfère que nous… en restions là… le temps que ça se règle. »

Voilà, c’était dit. Quel crétin ! Jamais cette histoire ne sera résolue, alors ce n’était donc pas un au revoir à son amour, mais bien un adieu. Abattu, il pivota sur lui-même vers l’extérieur et s’éloigna de la jeune fille. L’envie de revenir auprès d’elle, de lui clamer son amour le démangeait, mais il ne pouvait.

Un dernier regard sur elle. Oui. Il fallait la libérer de cette emprise qui ne causait que tristesse et douleur. *Je t’aime*, et le jeune partit pour le château.

Pas un mot. Non, il n'y eu même pas un soupir. Elle resta de glace. Elle ne jeta même pas un regard sur lui, elle écoutait seulement. Il n'attendait pas de réponse de sa part alors pourquoi user sa salive inutilement ? Elle retenait ce qu'il lui disait mais pour elle la tenir éloigné de la souffrance n'était pas une raison. Si il voulait en rester là c'était qu'il ne l'aimait plus, point. Continuant à regarder le paysage, elle avait la tête vide de toute pensée, ce n'est que lorsqu'il commença à partir qu'elle se rendit compte à quel point c'était lâche... Pour la "protéger" il allait la laisser à la rue, seule ? Qu'est ce que c'était que cette excuse ? Une partie de Myrielle se rebella, elle aurait voulu crier et frapper mais... non. Elle laissa Isaac s'en aller, son seul geste fut de serrer un peu plus sa cape autour d'elle. Tout d'un coup elle froid. La neige continuait de tomber. C'était beau... Myrielle aimait la neige. Dans le paysage si blanc sa chevelure était comme une tâche de sang, elle gâchait le paysage, le rendant moins paisible. Elle ne pouvait rien faire, elle ne faisait que troubler la tranquilité de la vie d'Isaac... Si il se débarassait d'elle ainsi c'était sans doute... sans doute... qu'elle ne le réconfortait plus. Où était le temps où elle passait un baume apaisant sur sa main meurtri en lui disant que tout irait bien ? Quand avait il cessé de la croire ?

Elle pinça les lèvres et soudain le paysage lui sembla moins beau. Elle avait envie de bouger. Se retournant elle vit la silhouette de son maintenant ex petit ami au loin mais elle prit la direction opposé à la sienne. Elle se dirigeait droit vers le chêne où elle aimait lire par beau temps... mais ce n'était pas pour y lire, seulement pour y réfléchir au calme.

[=> Parc]

Portant sa main à son col, le jeune sorcier serra la fermeture de sa cape de sorcier. Le malaise se ressentait tout en lui. Ce n’était pas le moment de faire la moindre rencontre, car la personne se verrait ignorée ou agressée verbalement, et il n’avait nullement besoin de ça en ce moment. Se retournant à nouveau sur la jeune fille, il ne la vit plus, où pouvait-elle être ? Regardant autour de lui, il ne vit rien en dehors de quelques ondulations à la surface du lac. Fixant l’étendue d’eau, une sombre idée lui traversa l’esprit, mais il fut réconforté de l’apercevoir se diriger dans une autre direction, menant vers une allée du parc. Soupirant, il reprit la marche pour se rendre à la volière. Maintenant que la volonté de son père avait été accomplie, il se devait de le mettre au courant.

Aurait-il du dire à la belle les raisons exactes de la séparation ? Non, il valait mieux qu’elle ignore tout, et s’en tienne à ce qu’il venait de lui dire. Malgré tout, il eut l’impression de ne pas être cru… Tant pis, il n’insisterait pas. Peu importe ce qu’elle irait raconter à ses amies, il la laisserait tranquille, et garderait ses distances d’elle malgré l’amour qu’il lui portait toujours.

Arrivé sur les lieux de la volière, il monta les marches doucement pour éviter de glisser sur les escaliers gelés. Tapant dans ses mains pour les réchauffer, il alla allumer la lampe à l’huile et l’éclaira jusqu’au bureau permettant de rédiger un courrier tardif. Une bougie était placée sur le meuble, il l’alluma également. S’emparant de l’encrier, il plaça le flacon par-dessus la flamme afin qu’il retrouve son apparence fluide. Le temps que le liquide reprenne son état initial, l’hibou d’Isaac vint s’installer sur le bord de la fenêtre. Prenant une plume, il chercha après un parchemin vierge et y écrit :



Pliant le parchemin en trois, il scella la feuille en versant de la cire sur le bord de la feuille superposée, et puis marqua la cire du sceau des Irving. Prenant la missive en main, il hésita à la donner au volatile, il se retenait de retourner auprès de la belle, lui présenter ses excuses pour sa bêtise, et la serrer dans ses bras, l’embrasser, mais il ne pouvait pas. Son père l’avait bien mis en garde s’il contredisait sa volonté, et le jeune fils ne voulait guère perdre son amie.

Le bras tendu, l’oiseau s’empara de la nouvelle et attendit que son propriétaire lui donne le nom du destinataire. « Porte ça à mon père, veux-tu ! », ordonna-t-il en lui faisant un geste de vite dégager de là avant qu’il ne change d’avis. Ne se faisant pas prier, l’hibou prit son envol et disparut dans l’obscurité de la nuit. Plongeant ses mains dans ses poches, il quitta l’endroit pour regagner le château, l’esprit toujours perturbé par sa décision.

- 514 mots -

DONE