C'est ma petite soeur... [PV Anabelle]

Il était tard, pas encore l'heure du couvre feu mais presque, comme nous étions encore en hiver il faisait très sombre. Cependant Christian avait une vue excellente et une ouïe encore meilleure. Lorsqu'il entendit des rires et des gémissements douloureux il ne put faire autrement que s'approcher un peu... et quel ne fut pas sa stupeur de voir à la pâle lumière de la lune des serpentards de deuxième année qu'il ne connaissait pas vraiment maltraité une jeune poufsouffle ! Pas n'importe quel poufsouffle en plus, la sienne, sa soeur cadette, la plus jeune de la famille Montgomery... Anabelle ! Frappé de stupeur, il ne réagit tout d'abord pas. Il regarda la bouche ouverte et les yeux écarquillés les trois garçons tenir sa soeur par les cheveux, les tirer en se moquant et finalement la soulever avec visiblement l'intention de la frapper. Là, le sang de Christian ne fit qu'un tour et la stupeur laissa la place à la rage dans les yeux noisettes du garçon. Courant vers les serpentards il n'eut aucun mal à leur faire lâcher sa jeune soeur. Celui qu'il arriva à attraper eu droit à un coup de genoux dans le ventre, tandis que son voisin prit un coup de poing bien placé sur le visage et que le troisième éccopa seulement d'une belle peur. Tout en les frappant Christian leur disait d'une voix enrouée "On ne touche pas à ma soeur !" Les poursuivant il prit des gravillons qu'il leur envoya en criant "Vous entendez ?! Ne touchez plus jamais à ma soeur !" Serrant les poings tandis qu'il les voyait détaler comme des lapins (mais il serait aisé de les retrouver pour leur apprendre à vivre), Christian pris une respiration pour se calmer et s'approcha d'Anabelle qu'il souleva dans ses bras pour l'emmener près de la porte du château, là où ils auraient un peu plus de lumière. Posant sa cadette avec délicatesse, il osa enfin lui demander comment elle allait. Il n'était jamais à l'aise avec elle, il préférait l'éviter pour qu'elle n'ait pas à subir sa froideur. Il la sentait trop fragile et trop aimante, lui n'était pas comme ça, il avait trop de rancoeur envers leur mère, envers la naissance de ses frères et soeurs. Tout ces sentiments dû en partie à l'adolescence l'empêchait de montrer à ses frères et soeurs plus jeunes qu'il tenait à eux... Mais là il était presque aussi boulversé que si on lui avait fait du mal à lui, il n'avait jamais imaginé que des gens de sa maison oseraient se permettre des choses comme ça... Si il avait afficher de manière plus visible son lien de parenté avec Anabelle peut être qu'elle n'aurait pas eu à subir des brimades qui était allé ce soir là jusqu'aux tourments. Sortant un mouchoir de sa poche il essuya le visage d'Ana un peu sali par la terre du parc (il ne savait trop comment cette terre était arrivé là mais passons) et demanda d'une voix qui se voulait douce mais était plutôt tremblante "ça va aller Ana ? Je suis désolé pour tout ça, ils ne recommenceront plus jamais, c'est promis."

Si il n'avait pas été si fier il en aurait sûrement pleuré. Sa soeur vivait dans un autre univers qui lui était totalement inaccessible à lui, l'homme terre à terre par excellence. Manquant aussi cruellement d'empathie il n'avait jamais réussi à deviner que des personnes de sa maison, qu'il savait pourtant peu encline à accepter la différence, pourrait s'en prendre à sa jeune soeur. Serrant sa soeur dans ses bras pour ne plus lui montrer son visage, il passa la main dans ses cheveux longs. Ils étaient tout emmèlés et abîmés, évidemment... des cheveux ce n'était pas fait pour être tordu et tirés... Vickie pourrait sûrement y faire quelque chose, il faudrait qu'il lui en parle, qu'il lui dise qu'elle devait surveiller plus attentivement Anabelle. Lui ne se sentait pas capable de le faire, parce que ses sentiments l'handicapaient et qu'il se sentait perdu. Ne sachant trop quoi dire, ne sachant trop quoi faire, il ne réussit qu'à dire "On ne te fera plus jamais de mal. Je te protégerais..." Et sous la lueur faible de l'astre lunaire, pour la première fois, Christian prennait conscience de ce qu'entraînait son rôle de grand frère.

Il faisait froid, très froid. Probablement parce que l’humidité du mois de mars s’insinuait pernicieusement à travers le gazon poudlardien, transperçant les chaussures de la fillette. Mais Anabelle Montgomery n’était pas enfant à se soucier du froid. Il y avait même fort à parier qu’elle ne s’en apercevait pas. Quoiqu’il puisse advenir, Anabelle semblait toujours un peu ailleurs.
Il faisait sombre, très sombre. Probablement parce qu’en ce début de soirée, entre chien et loup, l’obscurité naissante baignait le parc, allongeant des ombres étranges et terrifiantes. Mais Anabelle Montgomery n’était pas non plus enfant à se soucier de la pénombre. Il y avait même fort à parier qu’elle ne s’en apercevait pas. Quoiqu’il puisse advenir, Anabelle semblait toujours un peu ailleurs.

La tête basse, le pas dansant, la Poufsouffle sautillait dans l'herbe, laissant ses pas la conduire où bon leur sembleraient. Elle avait reçu la lettre de maman quelques jours plus tôt. Ou plutôt, Christian l’avait reçue. Claire Montgomery n’était pas le genre de mère à envoyer une lettre à chacun de ses enfants. Mais cet état des choses ne tracassait pas Anabelle outre mesure. Bien au contraire. Les lettres de Claire avait au moins le mérite de réunir la fratrie une fois par mois, ce qui réjouissait Anabelle qui, pour une fois, pouvait aller retrouver ses frères et sœurs sans que ceux-ci la rejettent avec dédain. Au fond, elle attachait bien plus d’importance à la réunion mensuelle ainsi permise qu'à la lettre en elle-même.

La fillette bifurqua sur sa droite en sautant à cloche-pieds. Elle avait encore un peu de temps avant de couvre-feu, et quoi de plus beau d'un paysage lunaire ? La clarté de la lune naissante découpait avec précision les formes des montagnes lontaines et le lac étincellait d'une lumière presque surnaturelle. Anabelle s'arrêta, émerveillée. Derrière elle, Gorgeous laissa échapper un pépiement plaintif. Il détestait la nuit. Sans doute avait-il peur des chats. Pour une fois, Anabelle n'y prêta pas attention. Gorgeous était un grand peureux.

C'est alors qu'ils arriveraient. "Ils", c'étaient les Serpentard. Trois. Des garçons. Bien plus grands et bien plus costauds qu'elle. Ils pouffaient de manière bruyante, comme s'ils préparaient un sale coup. Anabelle leva sur eux un regard candide. Ce fut à cet instant que le premier coup fusa, un poing s'abattit lourdement sur l'estomac de la fillette. Hébétée, celle-ci recula de quelques pas.
Parce qu'elle était une Poufsouffle, parce qu'elle était en première année, parce qu'elle était seule, parce qu'elle était menue, et pour de nombreuses autres raisons qui échappaient totalement à Ana, les trois compères entreprirent de lui tirer les cheveux avec violence.

Un nouveau coup de tarderait pas à partir, plus douloureux celui-ci. Dans un réflexe de survie préhistorique, Ana ferma les yeux très fort. Mais rien ne vint. A la place, elle sentit la pression qui s'exerçait sur ses cheveux se relâcher tandis que quelqu'un hurlait. Muette d'effroi, Anabelle serra les poings, très droite, tremblant de tous ses membres et gardant les yeux clos. Le monde était tout à coup bien trop laid pour qu'elle daigne le regarder. Même Gorgeous avait fui.

Anabelle se sentit soulevée. L'odeur était familière et plutôt rassurante. Elle rouvrit les yeux : Christian. Machinalement, elle serra les bras autour du cou de son frère aîné et enfouit le nez dans son col. Son cuir chevelu lui faisait mal. Son ventre aussi. Mais surtout, elle ne comprenait pas.
Christian la déposa dans le grand hall et entreprit de la consoler en lui essuyant le visage. C'était plutôt rare. Ana le gratifia d'un long regard candide avant de piailler d'une toute petite voix étranglée, contraste étrange d'avec son habituel ton flûté :

- J'ai perdu Gorgeous !

Et alors, seulement alors, les larmes se mirent à rouler sur ses joues salies, silencieusement. Parce que si Gorgeous ne revenait pas, elle serait vraiment toute seule. Où était maman ? Pourquoi est-ce qu'elle ne pouvait pas venir ? Elle voulait sa maman !

Face aux larmes de sa jeune soeur Christian ne savait que faire. La gardant dans ses bras il lui frotta le dos maladroitement en un geste qui se voulait rassurant mais qui ne l'était pas vraiment. Elle connotait juste le peu de capacité de Christian à résoudre ce problème. Il aurait donné tout l'or du monde pour que Izzie ou Vickie soit là pour l'aider. Il pouvait cogner n'importe quel serpentard qui oserait toucher Anabelle mais il ne se sentait pas capable de calmer ses angoisses. Pourtant elle n'avait que lui, ils étaient seuls, il ne pouvait pas la laisser pleurer sans au moins essayer de la consoler. "Calme toi ma puce, ça va aller, Georgous a dû avoir peur mais il reviendra dés que tu seras calmée et reposée." Caressant les cheveux âbimés de sa soeur il se demanda si ils ne lui avaient pas fait mal autre part. Elle ne semblait pas pleurer parce qu'elle avait mal mais plutôt parce qu'elle avait peur, cependant Christian avait de bonnes raisons de douter de la rationnalité de sa petite soeur. Qui sait ce qu'ils avaient pu faire ? En tout cas une chose était certaine, il allait faire vivre un très mauvais quard d'heure à ceux qui avaient fait ça...

"Ana..." Elle pleurait... son visage était humide... il ne pouvait pas ne pas la regarder, il fallait qu'il arrive à la consoler tout seul, qu'il arrive à être un bon grand frère. "Ana... ma puce, écoute moi. C'est important, dis moi si tu as mal quelque part. Pour que Georgous revienne il faut qu'on te soigne d'accord ? Il doit beaucoup s'inquiéter pour toi lui aussi..." Il avait levé le visage de sa soeur et il la regardait de ses yeux noisettes en cet instant tristes et inquiets. Il culpabilisait d'avoir laissé la relation d'Ana avec les gens de sa maison se dégrader. Il aurait dû faire preuve de plus d'autorité, il en avait la capacité... si il l'avait fait il ne serait pas là en train d'essayer de consoler cette petite soeur à qui il évitait en général de parler... Oui cela devait faire longtemps qu'il n'avait pas autant parlé à Ana. D'habitude en sa présence il se taisait pour ne pas la blesser, il restait à côté d'elle mais ne lui parlait pas, faisait comme si elle n'était pas là, continuant à lire ou à écrire jusqu'à ce qu'elle pose son front sur la vitre et regarde le paysage. Il était un serpentard, il ne valait sans doute pas mieux que ceux qui avaient frappés sa soeur, mais lui il n'avait pas besoin de recevoir un coup pour comprendre où était sa faute.

Vickie avait peut être raison, il ne fallait peut être pas encourager Ana à croire en son ami imaginaire mais là il n'avait pas trop le choix... Pour savoir où elle avait mal il fallait qu'il arrive à calmer sa soeur. C'était une façon comme une autre de procéder... et surtout maintenant il allait afficher d'une manière impossible à ignorer que Ana était SA soeur et qu'on ne la touchait pas plus qu'on ne touchait Vickie. Une fois ce concept entré dans l'esprit des imbéciles qui avaient osé s'en prendre à la petite Poufsouffle il se sentirait mieux... jusque là... qui sait...

Anaballe avait cligné des yeux, d'un air de hibou tombé de sa branche. Les événements s'étaient enchaînés bien trop vite pour qu'elle puisse y comprendre quoi que ce soit, ce qui la perturbait profondément. Elle lança un regard humide à Christian avant de s'essuyer la joue droite avec la manche. Nul besoin de miroir pour deviner qu'elle était toute sale. C'était vraiment très désagréable. Mais la petite Poufsouffle ne s'en rendit même pas compte. La tête penchée, elle écoutait Christian. Est-ce que Gorgeous reviendrait ? Oui, probablement. Gorgeous revenait toujours, mais en bonne poule mouillée qu'il était, il pouvait rester caché des jours. Est-ce que Gorgeous s'inquiétait pour elle ? Non, probablement pas. Gorgeous était un égoïste, il ne pensait qu'à sa sécurité. Ce qu'Anabelle trouvait normal. Après tout, on ne pouvait pas attendre grand chose d'un oiseau, encore moins d'un oiseau imaginaire.

L'allusion à son petit compagnon eut toutefois le mérite de tarrir ses larmes tandis que la fillette gratifiait Christian d'un regard candide au fond duquel luisait l'étonnement. C'était bien la première fois que son frère citait Gorgeous sans faire suivre son nom d'une floppée d'adjectifs destinés à prouver une fois pour toute qu'il n'existait pas. Anabelle en resta muette quelques secondes, le front plissé en une tentative de réflexion douloureuse. Non, vraiment, les choses lui échappaient totalement.
A défaut de trouver une explication, Ana se contenta de répondre bien sagement, d'une voix étouffée :

- J'ai mal au ventre.

Elle baissa ensuite les yeux en direction de ses jambes. Elle se souvenait vaguement être tombée avant qu'on le la tire par les cheveux. Et de fait, son collant d'uniforme était souillé de terre et déchiré au niveau du genoux gauche. Lequel saignait. A la vue de son genou égratiné, Anabelle prit conscience de la douleur qui irradiait le long de son mollet. Et en plus, le sang avant collé le collant, autour de sa blessure. C'était laid. Anabelle devint soudain très pâle. Mais quand elle reprit la parole, ce fut d'une voix un peu lointaine, comme si elle observait la scène de très loin. Ce qui était un peu le cas, puisqu'elle semblait incapable de mettre un nom sur les événements des dernières minutes :

- Et puis mon genou saigne.

Elle appuya ses paroles d'un levé de jambre destiné à montrer à Christan qu'elle ne mentait pas. Ce qui eut pour fâcheuse conséquence d'ouvrir la blessure un peu plus encore.

Christian écoutait sa soeur qui répondait à ses questions. Comme elle lui dit qu'elle avait mal au ventre, il se dit qu'il devait y regarder. "Laisse moi voir s'il te plaît. Grand frère va te soigner..." Enfin il allait faire ce qu'il pouvait. Il espérait qu'ils n'y avaient pas été trop fort. Il parlait très gentiment et très doucement à sa soeur, prenant milles précautions pour ne pas la brusquer. Elle était visiblement encore sous le choc et il ne devait pas en rajouter. Soulevant le pull de sa soeur délicatement jusqu'en dessous de la poitrine, il vit un gros hématome violet. Fronçant les sourcils il baissa le pull de sa soeur pour qu'elle n'attrape pas froid. "Tu as un bleu sur le ventre ma puce, c'est ça qui te fait mal. Dans quelques jours ça n'y paraîtra plus." Puis elle lui dit qu'elle s'était fait mal au genoux... c'était un peu plus de son domaine de compétence. Sortant sa baguette il fit couler de l'eau sur le genoux d'Anabelle et entoura ensuite celui ci de sa cravate d'uniforme verte et noir, serrant bien pour qu'il ne se défasse pas dans la nuit.

"Voilà, c'est tout ce que je peux faire, mais tu as trop mal je peux t'emmener à l'infirmerie. Je peux te porter." Regardant le petit visage sali de sa soeur, il lui fit un sourire timide. Que faire et que dire de plus ? Comment lui faire comprendre la méchanceté gratuite ? Il ne savait pas... S'asseyant de nouveau près d'elle il lui tendit la main. "Tu veux venir t'asseoir sur mes genoux ?" Quand elle était petite elle était impossible, elle était toujours dans ses pattes et pire que tout, elle venait s'asseoir sur ses genoux quand il lisait. Elle avait fait ça jusque fort tard mais forcément avec le temps et l'entrée à Poudlard de Chris ce genre d'acte s'était espacé. Il n'était même pas sûr qu'Anabelle soit assez enfantine pour vouloir être encore sur les genoux de son grand frère... mais il ne connaissait pas suffisament sa soeur pour trouver autre chose. Au pire elle lui dirait d'un air outré qu'elle n'avait plus six ans mais cela dénotait quand même toute sa bonne volonté.

Il restait un point noir pour Chris'. Que faisait sa soeur dehors après le dîner ? "Dis moi Ana... Pourquoi es tu allé dans le parc ce soir ? Tu avais perdu quelque chose ?" C'est vrai, si elle n'avait pas été au parc peut être que rien de tout ça ne serait arrivé mais en même temps quand on avait l'esprit aussi pur qu'Anabelle il devait être très dur de s'imaginer ce qui pouvait arriver à une petite fille seule dans la nuit... Il ne voulait d'ailleurs pas lui faire la moral mais la prochaine fois qu'elle aurait envie de se ballader le soir il serait bon qu'elle demande à un de ses frères de l'accompagner... Vraiment bon...

Quand Christian avait soulevé son pull, Anabelle avait contemplé en même temps que lui le gros bleu qui s'étalait à hauteur de son estomac, fascinée. Le violet était vraiment une très jolie couleur ! Dommage qu'il faille avoir si mal pour l'obtenir. Est-ce qu'il y avait des gens à la peau mauve, dans le monde ? Elle savait bien que certains étaient bleus, mais le bleu, ce n'était pas très joli. On lui avait dit que les hématomes viraient souvent au jaune, au bout de quelques jours. Comme ça, au moins, elle serait bien assortie aux couleurs de sa maison. Enfin, sauf que personne ne le verrait, bien entendu.
Perdue dans ses pensées, elle laissa son frère lui panser le genou sans réagir, tressaillant à peine quand l'eau lui tomba sur le genoux avant de couler le long de sa jambe. Il en fallait bien plus pour faire réagir Anabelle, surtout quand elle était en pleine réflexion.

Ces premiers soins fort rudimentaires achevés, Anabelle lança un coup d'oeil rêveur à la cravate qui ceignait son genou. Les elfes allaient avoir beaucoup de travail, pour la nettoyer. Peut-être qu'elle devrait le faire elle-même ? Pour prouver sa reconnaissance à son frère ? Ou alors lui offrir un dessin ? Ou la jolie plume qu'elle avait trouvé, l'avant veille, dans le parc ? Elle ne savait pas très bien de quel oiseau elle provenait mais Christian, lui, devait probablement avoir une idée sur la question. Christian savait toujours tout. Etrange que le Choixpeau ne l'ait pas envoyé à Serdaigle.
Elle se baissa pour effleurer du bout de l'index la cravate, rendue humide par l'eau, avant de poser un doigt pensif sur ses lèvres.

Puis, sans un mot, elle alla tranquille s'installer sur les genoux de son frère, passant ses petits bras frêles autour de son cou et nichant sa tête sous son menton, confiante. Anabelle n'avait que onze ans. Elle était encore très jeune. Se retrouver séparée de sa mère (puisque ses frères et soeurs étaient tous à Poudlard) était, en soi, une expérience plutôt pénible, surtout pour elle, très affectueuse de nature comme les chiens mais si en plus elle se faisait agresser par des Serpentard sans vergogne, il y avait de quoi avoir besoin de réconfort. Même quand on avait pour nom Anabelle Montgomery.
Là, sur les genoux de Christian, elle se sentait parfaitement en sécurité. Apaisée, elle cligna plusieurs fois des yeux, comme si elle était sur le point de sombrer dans un profond sommeil. La question de son frère la tira de sa torpeur.
Sans relever la tête, elle se serra un peu plus contre lui avant de répondre d'une voix flûtée presque inaudible :

- Je voulais juste voir la lune.

Ce qui était la stricte vérité. Pas de rendez-vous secret (elle n'avait que onze ans, bon sang !), pas de vélléité révolutionnaire, juste le besoin pressant de voir la lune. Comme à la maison.

A la réponse de sa soeur, Christian soupira. Pas comme on soupire quand on est mécontent mais plutôt comme quelqu'un qui se doutait de la réponse mais ne se l'était pas vraiment avoué. Continuant à caresser les cheveux de sa soeur machinalement (que voulez vous qu'il fasse en même temps !) il tenta de lui expliquer ce qu'elle devrait faire la prochaine fois qu'elle aurait des envies de sorties nocturnes. "Ecoute moi Ana, la prochaine fois que tu veux te promener le soir demande moi de venir avec toi, je te promet de pas dire non mais il ne faut plus que tu sortes seule après dîner." Il resta ensuite longtemps silencieux, ne bougeant plus trop non plus. Il pensait... A quoi ? A sa vengeance évidemment. Christian était peu violent par nature mais avait pour conviction profonde que nécéssité fait loi... Et venger sa soeur était devenu en à peine une heure sa nécessité première. Il avait vu les visages des agresseurs, il savait qu'ils étaient en seconde année mais il ignorait en quel classe...

Tout en pensant à tout ça, il passa ses bras autour d'Ana'. Il était en train de se dire qu'elle allait peut être s'endormir si il ne faisait rien et dans ce cas que pourrait il faire de sa jeune soeur ? L'emmener dans son dortoir ? C'était interdit... même si là, il voyait dans la situation un cas à part. Il l'aurait bien porté endormie devant la salle commune des Poufsouffle mais évidemment il ne connaissait personne dans cette maison à qui confier sa soeur en toute confiance... Encore une fois il se retrouvait face à un dillemne. Il n'était pas sûr qu'elle se sente suffisament bien pour rester seule et ressentait du coup beaucoup de scrupules à la ramener à son dortoir sans savoir ce qui se passerait après. Peut être devrait il lier amitié avec ses cousins après tout, il lui semblait que l'un d'eux était dans la maison d'Anabelle.

"Ne t'endors pas ma puce, il faut que je te ramène à ton dortoir... enfin si tu as moins peur maintenant." Il lui értait tellement dur de se mettre dans la tête de sa soeur qu'il se disait que le mieux c'était encore de lui demander ce qu'elle voulait faire. Il semblait évident qu'il ne pouvait pas aller à Poufsouffle et qu'emmener sa soeur à Serpentard ce n'était pas non plus une idée de génie... Rester la salle sur demande si sa soeur avait vraiment trop peur mais elle semblait bien plus calme maintenant. Peut être pourrait elle s'endormir sans mal. Elle somnolait depuis tout à l'heure. Il aurait aimé la laisser s'endormir dans ses bras mais il faisait trop froid pour qu'ils restent là jusqu'au matin et il ne pouvait pas non plus l'emmener jusqu'à Poufsouffle endormie... il ne connaissait pas le chemin ! D'ailleurs ce pourrait être amusant de voir où leur salle commune était, quand il chercherait où était Megan il saurait par où commencer !

Christian pouvait bien soupirer tout ce qu’il voulait, il en fallait beaucoup plus à Anabelle que ses signaux discrets de sa résignation pour lui faire comprendre qu’elle avait mal agi. D’ailleurs, son esprit volage (à défaut de son cœur, dont la loyauté était infaillible. On est Poufsouffle ou on ne l’est pas !) avait à nouveau quitté sa cage et planait haut, très haut au-dessus des tours du château. Décollage réussit. Et son frère aîné n’était pas pour rien – loin s’en faut ! – dans ce si rapide retour à sa réalité quotidienne laquelle différait, par bien des aspects, de celle que connaissait la plupart des enfants de son âge. Sans lui, elle aurait probablement passé la nuit allongée sur le dos, dans son lit à baldaquin du dortoir des filles, fixant le plafond sans le voir, abasourdie et tristounette. Il ne fallait pourtant rien de plus (ou rien de moins ?) qu’un câlin fraternel – geste aussi précieux qu’il était rare, surtout devant les autres élèves – pour faire oublier la violence des Serpentard à la fillette.

Elle leva des yeux limpides vers Christian – son héros ! – quand il lui recommanda de ne pas baguenauder seule dans le parc à la tombée de la nuit et hocha gravement la tête. Mais avait-elle seulement entendu ? Il était permis d’en douter. Et en admettant que ce fut le cas, suivait-elle pour autant les conseils de son frère à la lettre ? Probablement pas. Anabelle était trop fine pour sentir que ses frères et sœurs ne l’accompagneraient qu’en rechignant (quand ils ne la renverraient pas tout bonnement promener), ce qui lui gâcherait son plaisir. Anabelle n’était pas une enfant qui versait des larmes à tout bout de champ (louée soit-elle !) mais s’il y avait bien une chose capable de la mettre dans tous ses états pendant des heures, c’était de faire du chagrin à sa fratrie. Merci Merlin, elle n’agissait pas de même quand s’était-elle que l’on peinait. Sans quoi elle passerait son temps à larmoyer, réincarnation miniature (et, accessoirement vivante) de Mimi Geignarde.

La dernière remarque de son aîné la ramena doucement sur terre (ou plutôt, la força à redescendre un peu pour flotter à quelques centimètres du sol, à la manière d’un esprit curieux descendu visiter les humains l’espace d’une minute). Certes, elle aurait aimé profiter plus longtemps du confort des bras de Christian (si Anabelle n’avait pas été à ce point innocente, elle aurait probablement pensé avec humour que certaines demoiselles risquaient de lui en vouloir) mais elle savait d’avance que traîner irriterait le jeune homme. Mieux valait-il obtempérer pour laisser intact ce moment d’intimité réciproque.
Elle s’obligea donc à ouvrir ses paupières papillonnantes et se leva doucement, un peu engourdie et chancelante. Avec ses cheveux en bataille et sa cravate verte en guise de pansement, elle avait fière allure ! Elle ne passerait pas inaperçue dans sa salle commune.

Elle attendit que Christian se soit aussi redressé pour lui saisir la main, d’instinct, prête à trottiner à ses côtés jusqu’aux quartiers des Poufsouffle. Quelqu’un d’autre aurait peut-être demandé si elle ne ferait pas mieux d’aller trouver le professeur Chourave auparavant, pour signaler l’agression (inutile d’escompter une punition des Serpentard de la part de Rogue, si elle allait de voir, c’était plutôt elle, pauvre victime, qui risquait de se retrouver en retenue) mais Anabelle n’y pensait même pas. Bien loin de ces considérations administratives, elle demanda d’une voix flûtée, engourdie par le sommeil :

- Dis, tu crois qu’il va revenir, Gorgeous ? Tu me le jures ?

Pour une petite fille telle qu’Anabelle, le sort d’un petit moineau imaginaire importait plus que toutes les punitions de fautifs du monde.

(610 mots)

FAIT

Christian prit la main de la petite fille pour la conduire à la salle commune des jaunes et noirs. Mine de rien, elle le guidait sans même s'en apercevoir ce que son grand frère trouvait ahurissant. Il ne connaissait pas le chemin de toute façon alors... Cependant Ana semblait inquiète du sort de son ami imaginaire et elle se tournait comme toujours vers son aîné pour se faire rassurer. Il avait du mal à comprendre comment elle pouvait croire en lui à ce point alors qu'il passait la moitié de son temps à l'éviter. C'était un des nombreux mystère qui existait dans sa famille, mais il y en avait d'autres, comme la haine implacable de son frère cadet Edward. Il se trouvait que à l'instant T Christian ne pensait pas à Edward mais ça lui arrivait parfois de se demander comment faire pour arranger les choses... Question sans réponse évidemment. Un peu comme celle que lui posait la petite poufsouffle.

"Tu sais Ana, je ne connais pas bien Georgous mais on dit que les animaux ont un instinct de survie énorme et qu'ils reviennt toujours à leur point de départ sans jamais se perdre." Voilà qui était une réponse allusive et raisonnable, une réponse qui n'en était pas une mais à sa connaissance sa soeur n'était pas trop difficile même lorsqu'on la contrariait, ce qui présentement n'était pas tout à fait le cas non plus.

Ils arrivèrent assez rapidement devant la porte de chez les Poufsouffles, du moins c'est ce qu'il en déduit en sentant que sa soeur s'arrêtait. S'agenouillant devant elle, il posa un baiser sur son front et repoussa quelques mèches de cheveux.

"Dors bien ma puce, demain le soleil brillera plus fort pour toi." La seconde partie de la phrase, poétique et culcul la fraise à souhait était une des phrases que Claire disait à ses enfants quand ils leur arrivaient un chagrin. Pour leur mère si un malheur devait advenir un jour c'était pour que le suivant soit meilleur. En l'absence de ce qui leur servait de figure parentale (du moins qui en servait à Anabelle) il avait juger bon d'endosser ce rôle en reprennant cette petite "maxime" de Claire Montgomery. Elle en avait beaucoup d'autres des comme ça... mais c'était une autre histoire.

"Si tu as un problème viens me voir d'accord ? Lors de ma prochaine sortie à Pré-aulard je te ramenerais de la brioche pétillante que tu avais aimé la dernière fois."

L'embrassant à nouveau, il se releva, lui ébourrifa un peu les cheveux et attendit de la voir rentrer à son dortoir... Ah ! Etre grand frère ! Que de complications !