Shopping attack ! [ PV ]

Shopping attack !
Romilly & Roy

© Belzébuth

A l'aube d'une nouvelle rentrée à l'école de sorcellerie Poudlard, force avait été de constater que Roy Bradley grandissait. Mentalement ? Ce n'était pas forcément l'avis de tout le monde. Mais physiquement, c'était incontestable. Le brun avait beau n'avoir jamais été particulièrement plus petit que ses camarades, il avait désormais bien poussé et atteignait des sommets dont il avait seulement pu rêver lorsqu'il n'était encore qu'un petit première année innocent ou pas. Il était vraiment grand maintenant. Et ça se voyait: son uniforme ne lui allait plus. Si ça c'était fait graduellement, c'était à présent impossible à ignorer, et sa mère était vraisemblablement décidée à y remédier, puisqu'il se retrouva embarqué dans une attaque surprise qui aboutit à son entrée bon gré mal gré dans la boutique de vêtements de Madame Guipure, sur le chemin de Traverse. S'il y avait quelque chose qui n'était pas étonnant en revanche, c'était que sa jumelle était dans le coup. Il avait été trahi !

Tandis qu'il laissait les femmes discuter entre elles de choses qui le dépassaient et surtout, ne l'intéressaient guère, il revînt vers l'entrée du magasin, regardant avec envie l'entrée de la boutique d'en face: le glacier, Florian Fortarôme. Et quelques mètres plus loin, le magasin d'accessoires de Quidditch. Il ramena le regard vers sa mère, qui justement, était occupée à l'observer du coin de l’œil, s'attendant probablement à ce qu'il détale à la première occasion. Et elle n'aurait pas tort. Debout, les mains dans les poches, derrière la vitrine, Roy préparait son évasion. Et même s'il savait que pour cette fois, c'était fichu, rien ne l'empêchait de rêver, si ? Ce serait si facile ! Il suffirait que Romy distraie leur mère - en lui montrant une robe, un serre-tête, un bout de chiffon, ce qu'elle voulait, vraiment ! -, et il serait dehors en moins de deux: il était bon en sprint, et une fois à l'extérieur, il lui serait aisé de se perdre parmi la foule. Bien sûr, les répercussions seraient terribles, mais eh, il faut vivre dangereusement !

Soupirant, il rejoignit sa sœur et sa mère, cette dernière lui faisant signe de s'approcher (ça semblait dangereux, mais au point où il en était, il n'avait plus grand-chose à perdre !). « On a fini ? » interrogea-t-il avec une once d'espoir, et une bonne dose de naïveté. Le regard courroucé que lui adressa Madame Guipure lui suffit en guise de réponse. Il laissa défiler robes de sorcier, chemises et pantalons devant ses yeux, haussant les épaules et s'autorisant un marmonnement non identifiable une fois de temps en temps. « Tu dois aussi essayer des trucs ? » demanda-t-il enfin à Romilly, tandis que Madame Guipure le traînait vers une cabine d'essayage, et que leur mère quittait le magasin le temps de passer chez Gringotts. Abandon ! Peut-être pourrait-il encore tenter la fuite ? Il s'était vraiment fait avoir comme un bleu. Lui qui se targuait de son expérience en matière de ruses, il apparaissait qu'il tenait peut-être cela de sa chère mère, finalement. Mais même lui devait admettre que se pointer à l'école portant des vêtements trop courts ne le tentait pas franchement. Il avait une certaine réputation, tout de même ! Certes, il n'était pas reconnu pour son style vestimentaire raffiné, mais il ne voulait pas non plus être celui qui n'avait pas assez d'argent pour s'acheter des habits à sa taille. Il grimaça, et tira le rideau de la cabine derrière lui. « Tu crois qu'elle nous laissera faire ce qu'on veut après ? » lança-t-il à l'adresse de sa jumelle, pas plus perturbé que ça par le fait qu'il y avait peut-être d'autres clients dans la boutique, et qu'ils n'avaient pas nécessairement envie de suivre sa conversation.

Roy était le genre de garçon qui aimait attirer l'attention. Il n'était pas timide le moins du monde, et se donner en spectacle était devenu sa seconde nature. Mais en l'occurrence, il aurait vraiment apprécié de ne pas se trouver sous le feu des projecteurs. Par exemple, si sa sœur elle aussi avait des vêtements à essayer, il n'aurait pas eu à supporter le regard inquisiteur de Madame Guipure focalisé droit sur lui. Il était prêt à essayer des robes de sorcier, afin d'en posséder à sa taille, mais de là à jouer les mannequins pendant des heures, non merci. Malheureusement pour le brun, sa sœur lui apprit bien vite qu'elle avait déjà fait ses propres emplettes la semaine précédente. Traîtresse jusqu'au bout ! On leur faisait confiance aveuglément, et tôt ou tard, elle finissait par nous poignarder dans le dos ! Ah, ces Serpentard « Ah ouais ? C'est juste... moi, alors, aujourd'hui... » déduisit-il à regret. On n'a jamais dit qu'il était rapide. « Hmm, si tu le dis ! T'auras pas froid en robe en plein hiver ? » continua-t-il, alors qu'il enfilait une chemise blanche toute simple (mais dont les manches étaient adaptées à la longueur de ses bras, elles !). Il ne savait même pas pourquoi il posait des questions techniques à Romilly concernant son code vestimentaire, mais maintenant qu'il l'avait fait, trop tard pour reculer !

Le fait qu'il se trouvait tout seul dans une cabine plutôt étroite ne l'empêcha nullement de souffler un joyeux "Yes" et de mimer une mini danse de la victoire lorsque sa sœur lui annonça depuis l'autre bout du tunnel côté du rideau que leur mère avait rendez-vous avez une amie après les essayages. Liberté ! Cette sortie ne serait peut-être pas si désastreuse que ça, finalement. Sortir de la maison simplement pour acheter une robe de sorcier et trois paires de chaussettes et rentrer directement ? Ça aurait été ridicule ! Ainsi que déprimant. Fort heureusement, il apparaissait qu'il n'était pas assigné à domicile (pour l'instant). Certes, leurs parents n'avaient pas l'air ravis (ce qui constituait un grand euphémisme) de ses frasques à l'école, mais ses punitions restaient de l'ordre du supportable (et du contournable !). « Ah, enfin une bonne nouvelle ! » s'exclama-t-il finalement, émergeant de son pull noir présentant le blason de Poufsouffle. « Et oui, bien sûr ! Pourquoi ? » Evidemment, il se doutait que Romilly ne souhaitait pas passer des heures dans des boutiques de farces et attrapes, ou le magasin d'accessoires de Quidditch, mais il n'y avait pas vraiment de raison pour qu'ils se séparent, si ? Pour une fois qu'ils pouvaient passer l'après-midi tous les deux, sur le chemin de Traverse !

« Tu crois que c'est bon ? » interrogea-t-il en ouvrant le rideau de la cabine et en en sortant, vêtu de l’uniforme classique de Poudlard, version Blaireau. Il avait aussi quelques chemises et robes de rechange supplémentaires à essayer, et il serait bon pour fuir cette boutique. Tout ce qu'il lui restait à espérer, c'était qu'il n'y aurait pas trop de retouches à faire. Il détestait ces satanés tabourets sur lesquels on les obligeait à grimper le temps de fourrer des aiguilles par-ci par-là dans les malheureux tissus séparant sa peau des piqures (injustifiées). « J'en déduis que tu n'as pas rendez-vous avec Alek, de ton côté ? » Autrement, elle aurait profité du départ de leur mère pour aller vaquer elle aussi à ses occupations, non ? Sauf si elle avait prévu cela pour plus tard. Ce qui serait toujours mieux que de se faire larguer maintenant, mais un brin offensant malgré tout.

Pour preuve que faire les boutiques n'était pas bon pour sa santé mentale du moins, ce qu'il en reste, Roy se retrouva brusquement à discuter chiffons avec sa sœur. L'asphyxie causée par le pull de l'école, lorsqu'il avait (élégamment) tenté de l'enfiler avait probablement eu raison de ses derniers neurones. Son cerveau était en souffrance, peut-être serait-il plus prudent de l'emmener tout droit à Sainte-Mangouste ? Ou au moins, hors de la boutique, histoire qu'il prenne un peu l'air. C'était trop confiné et plein de dentelles et de fanfreluches ici, ça n'aidait pas. Dommage, ce raisonnement sonnait si bien dans sa tête. Mais si jamais il essayait de l'énoncer devant sa mère, il savait que ça tomberait à plat. Oh et puis zut, il y était maintenant, autant en finir. « C'est pas pareil, les jupes. » s'entendit-il répliquer sans immense conviction. Il n'était quand même pas très doué. Les filles étaient effectivement toujours en jupes. Pourquoi fallait-il que sa sœur le lui fasse remarquer pour qu'il le réalise ? « Avec la jupe vous portez le reste de l'uniforme, le pull et tout ça. Alors qu'une robe... Oh et puis peu importe ! » déclara-t-il soudain, peu désireux de continuer sur cette pente glissante. Romilly pouvait s'habiller comme elle le voulait, ça n'avait jamais été ses oignons.

Certes, on s'amusait moins lorsqu'on était seul sur le chemin de Traverse. Mais même partout en fait, ce n'était pas une règle réservée à ce lieu. Et encore, du point de vue de Roy, ce n'était pas parce qu'on était tout seul initialement, qu'on était obligé de le rester. A force, il connaissait bien plusieurs commerçants de la rue, et s'amusait à retrouver des habitués de certaines boutiques de temps à autres. Mais entre un semi-inconnu et sa soeur jumelle, il n'y avait vraiment pas photo. Il fut donc ravi quand Romilly lui proposa qu'ils restent ensemble après ce merveilleux moment de shopping. « Oui, c'est clair ! » acquiesça-t-il volontiers, même si ce n'était pas pour cela qu'il lui avait posé la question, à l'origine. Ce qui le surprenait, c'était qu'elle ait besoin de lui demander s'il voulait rester avec elle. Pour lui, ça coulait de source. Il n'y avait que de son côté à elle que ça aurait pu être compromis, si jamais elle avait rendez-vous avec son petit ami (ou qui que ce soit d'autre, d'ailleurs).

Après plusieurs minutes de bataille, Roy sortit enfin de la cabine d'essayage, vêtements neufs et à sa taille sur lui. Il demanda l'avis de sa sœur, après tout, elle avait un goût irréprochable, et était extrêmement exigeante: s'il obtenait son aval, alors il avait gagné. « Génial ! » Il se mit sur la pointe des pieds afin de pouvoir voir au-dessus des rayons, et essayer de repérer Madame Guipure, histoire qu'elle valide la décision de Romilly. Surpris par l'irritation de sa jumelle, il retomba sur ses pieds, mais, calculant mal l'atterrissage, il manqua de heurter un mannequin qui traînait derrière lui. C'était juste ! Les deux pieds bien à plats sur Terre, il lança un regard décontenancé à sa sœur. « Tout le monde ? Et je n'ai jamais cru ça... Moi quand je sortais avec Ehawee, je n'étais pas avec elle vingt-quatre heures sur vingt-quatre. C'est juste que... C'était une possibilité, non ? » s'excusa-t-il, ne comprenant pas bien où il s'était planté. Il ne cherchait pas à l'agacer en parlant d'Alek en tout cas. Est-ce qu'il était ravi qu'elle choisisse de passer son après-midi avec lui plutôt qu'avec le jeune homme ? Pour sûr.

A l'évocation de Rhys, Roy ouvrit des yeux ronds, et son instinct de préservation le poussa à faire un discret pas en arrière. Doux Merlin. Il était foutu. Bien sûr qu'il savait pour Rhys. Il savait que le Poufsouffle était amoureux de sa jumelle depuis des lustres, et s'était souvent amusé à le taquiner sur le sujet. Si Roy n'était pas forcément doué pour réaliser ce qu'on pouvait ressentir à son propre égard c'est peu de le dire, il était en revanche plus perspicace lorsqu'il s'agissait de sa jumelle. Question d'instinct. Rhys était un garçon gentil, le brun l'appréciait beaucoup. Mais il avait été plus que mal à l'aise lorsque son camarade lui avait fait jurer de ne rien dire de ses sentiments à Romilly. Elle était sa sœur jumelle. Ils se disaient tout ! Lui cacher quelque chose de si fondamental lui semblait briser toutes les règles. Mais en même temps... Rhys était un Poufsouffle. Et la loyauté était extrêmement importante chez les Blaireaux. C'était probablement la valeur la plus essentielle de leur maison, il ne pouvait pas aller à son encontre. Et ça semblait si important pour son cadet... Alors il n'avait rien dit. Il pensait que Romy finirait bien par réaliser d'elle-même après tout, elle était plutôt perceptive comme fille. Seulement, rien ne s'était passé, et à présent, Rhys avait décidé de quitter Poudlard, et sa jumelle l'avait coincé dans une boutique qu'il ne pouvait fuir. Il décida de tester les eaux, avant de prendre la moindre décision. « Rhys ? Rhys comment ? Je connais plusieurs Rhys ! Quoi ? Pardon je n'entends pas. Ah je crois qu'on me fait signe là-bas, je vais devoir vous laisser Madame, à très bientôt ! Euh... De quoi tu parles exactement ? Enfin, oui, je sais qu'il ne veut pas retourner à Poudlard, mais il a prévenu ses proches, non ? Je pensais que tu étais aussi au courant. » broda-t-il en songeant qu'avec des mensonges d'une telle qualité, il était heureux que Rusard soit vraiment stupide. Il soupira. « C'est lui qui te l'a dit ? » C'était fichu de toute façon, pas moyen de rattraper le coup. Si Rhys lui avait dit lui-même, alors Roy ne brisait aucune règle en en parlant, n'est-ce pas ? « Je suis désolé Romy, il m'a fait promettre de ne rien te dire. Il y tenait vraiment, vraiment. Il était très ferme à ce sujet. D'autre part, il pratique des arts martiaux, et je suis un peu une quiche lorraine, donc j'ai préféré assurer ma survie. Un Poufsouffle ne trahit jamais un autre Poufsouffle. Par contre, les autres maisons on s'en fout ! » expliqua-t-il en réalisant qu'il était dos au mur, littéralement, et n'avait donc aucune issue. Cela étant, Romy ne semblait pas prête à s'en prendre à lui pour l'instant. « Je te l'aurais dit si je pouvais, je te le jure, mais ce n'était à moi de le faire, là. » répondit-il sincèrement, tout en se balançant nerveusement d'un pied sur l'autre.

Romilly laissa son frère s'enfoncer sans même chercher à l'aider. Elle n'éprouvait pas de plaisir particulier à le voir plonger, c'était seulement qu'elle savait que si elle poursuivait la conversation, ça pouvait durer sans fin. Roy savait déjà qu'il avait tord donc elle n'avait rien à prouver, mais il aurait quand même du mal à l'admettre. Elle se contenta donc d'un léger sourire mi-amusé, mi-moqueur, qu'au fil des années Roy avait appris à connaître. Son frère était la seule personne avec qui elle ne cherchait pas à avoir le dernier mot, cela ne voulait pas dire qu'elle ne montrait pas qu'elle avait la bonne réponse et pas lui. Eh ! Elle était à Serpentard tout de même, ce n'était pas complètement pour rien.

« Attention ! » Trop tard, mais rien de grave n'était arrivé donc elle se remit dans sa position initiale, téléphone à la main. Elle réfléchit ensuite à ce que son frère lui avait dit. Il était vrai qu'il ne passait pas tout son temps avec Ehawee lorsqu'il sortait avec elle, mais bon, ce n'était pas pareil, la compagnie de la blondinette n'était pas intéressante après tout. (Car oui, c'est toujours le grand amour entre Romilly et Ehawee, même si là ce n'est pas la question) « Peut-être. Le fait est pour autant que ce n'est pas le cas ? N'y-a-t-il pas qu'en vacances que nous pouvons être ensemble ? » Elle adorait son frère, il semblait donc évident – au moins pour elle- qu'elle profitait de sa présence quand elle le pouvait. A Poudlard, ils se voyaient, mais ce n'était pas comme chez eux. Déjà, ils n'étaient pas dans la même maison, alors...

Mais le sujet n'était pas là car rapidement Romilly embraya sur ce qui la chagrinait depuis qu'elle avait reçu la lettre de Rhys. « Tu sais parfaitement que je ne parle pas de ça. » Le fait que Rhys quittait Poudlard n'était plus un secret vu qu'il l'avait écrit à tous ses amis. Non pas qu'elle eut beaucoup de contact avec les autres mais bon, ce genre de nouvelle se répand vite dans le monde d'un internat comme Poudlard, même lorsque ce petit monde était retourné chez lui. Et puis, elle-même avait eut une lettre bien qu'elle n'en eut pas encore parlé à son frère. Tout ça la minait tellement... elle n'arrivait pas à croire que son ami allait quitter l'école. Il était si important pour elle ! Et puis, pourquoi partir ? Il lui avait mis ses raisons dans sa lettre, cependant, elle ne parvenait pas tout à fait à y croire. Elle continuait à se dire que ce n'était pas possible, que ce ne pouvait tout simplement pas être vrai. Surtout en ce qui concernait les raisons invoquées...

« Tu as peut-être raison, et ce n'est pas tellement que je voulais que tu me le dises, c'est seulement que... » Elle soupira, fatiguée par ce trop plein de regrets. Elle n'était pas amoureuse de Rhys, mais elle tenait vraiment à lui, il allait lui manquer... « Je ne sais pas exactement ce que j'aurais voulu. » Voilà qui avait au moins le mérite d'être une vérité absolue. Elle ne connaissait aucune solution miracle, sa seule certitude c'est qu'elle avait perdu un ami cher à l'école et qu'elle lui avait fait du mal involontairement. Or, Romilly était peut-être ambitieuse, mais elle n'était pas méchante, et au-delà de tout ça, elle tenait vraiment à ses proches. Tristement, elle baissa la tête en soupirant mais se reprit en se souvenant qu'ils étaient dans un lieu public et qu'elle avait une image à préserver.

Après avoir tout sauf subtilement évacué le sujet 'robes, jupes, et autres vêtements féminins', Roy manqua avec tout autant de finesse d'envoyer valdinguer un mannequin contre le mur (et non, pas la personne, mais bien l'objet inanimé). Cela étant, le brun n'avait jamais été connu pour sa délicatesse, donc il ne se faisait pas de souci de ce côté-là: ses problèmes d'asphyxie n'avaient vraisemblablement pas causé de dégâts irréparables. Il était toujours lui, aussi doué qu'à son habitude. Et je me rends de plus en plus compte que mes persos sont tous au moins des semi-cas sociaux. Je ne sais pas ce que ça révèle me concernant ! « Tout va bien ! » assura-t-il en se redressant aussitôt, tapotant l'épaule du mannequin malmené. Comme si elle possédait un radar à malfaiteurs, la petite silhouette de Madame Guipure apparut brusquement derrière une rangée de tenues de soirée. Elle lui lança un regard perçant mais fut détournée de sa mission vengeresse par le tintement de la clochette de l'entrée. Décidément, à ce rythme là, il sortirait de cette boutique les pieds devant.

Roy réfléchit sérieusement à la remarque de sa jumelle, concernant le temps qu'ils passaient tous les deux. Le fait était que ce n'était pas nécessairement lié à leurs conjoints respectifs situations amoureuses. Leur entrée à Poudlard avait déjà créé la séparation. Néanmoins, ils compensaient comme il pouvait. Et non, contrairement aux légendes urbaines (et malgré son immense talent, c'est évident), ce n'était pas par passion pour la danse que le Poufsouffle s'inscrivait tous les ans à Sterne. S'il le faisait, c'était bel et bien pour pouvoir passer davantage de temps avec sa jumelle. Autrement, comment se verraient-ils ? « On est ensemble à l'école aussi... C'est juste, moins évident. Il y a la différence de maison, et puis, on n'a pas forcément le même entourage là-bas. Et l'année dernière c'était... compliqué. » répondit-il dans un haussement d'épaules, pas sûr de savoir quoi dire de plus. L'année où il avait eu le sentiment d'être le plus à l'écart de sa jumelle avait été celle qui s'était tout récemment terminée. Peut-être que le fait que Joy avait alors, elle aussi, décidé d'être aux abonnés absents avait renforcé ce sentiment.

Pourtant capable de mentir lorsqu'il était pris en flagrant délit à Poudlard, ou chez lui, Roy ne put que constater le côté lamentable de ses excuses quand il fut question de répondre à Romilly concernant Rhys. Minable, vraiment. Il ne s'était visiblement pas préparé à une telle éventualité. Ainsi, Romilly savait à présent. Et il n'y avait qu'une seule personne qui pouvait le lui avoir dit. Sa jumelle balaya d'un revers de la main son détournement de sujet bidon - franchement, il aurait pu faire plus convaincant. Il n'avait pas peur de Rusard ou des préfets, mais on le mettait face à sa sœur et il devenait plus nul qu'une larve ? - et Roy ne broncha pas. Autant en venir aux faits, au point où ils en étaient. Et puis, il avait le sentiment qu'essayer de s'enfoncer dans son histoire ne ferait qu'aggraver sa situation. Surtout, ne pas énerver la bête ! Jouant donc la carte de l'honnêteté (et il devait admettre que c'était un vrai soulagement de pouvoir enfin en parler normalement), le brun s'empressa de s'excuser auprès de sa jumelle. Mais il ne pouvait pas trahir le souhait de Rhys, il n'avait pas eu le choix en la matière. « Seulement que... ? » l'encouragea-t-il d'une petite voix, sincèrement désolé de voir sa sœur aussi... abattue ? Il avait bien constaté ces derniers temps qu'elle ne semblait pas tout à fait dans son état normal, mais il n'avait pas cherché à insister. A présent que tous les non-dits étaient révélés au grand jour, il était peut-être temps ? « Tu n'y pouvais rien, Romy. Rhys ne t'avait rien dit de ce qu'il ressentait, ça ne fait pas de toi une imbécile. Je crois qu'il a tort de vouloir partir, mais c'est juste mon avis... » avoua-t-il avec neutralité. Rhys lui avait dit de garder un œil sur Romilly pour lui, ce qui était à la fois attentionné, et peut-être, un peu flippant ? Mais dans tous les cas, Roy, aussi tête en l'air soit-il à l'occasion, prenait toujours garde à sa jumelle. Il était conscient de ne pas être le grand frère - il tenait à ce titre ! - le plus impressionnant possible, alors il faisait de son mieux pour compenser en étant vigilant. Quant aux raisons du départ de l'autre Poufsouffle, il n'était pas certain de les avoir bien saisies, mais quoiqu'il arrive, il persistait à croire qu'il ne faisait pas le bon choix. Roy n'avait pas quitté le monde sorcier tout entier, lui, quand Joy s'était mise à sortir avec Nikolaï. Et oui, c'était différent parce que la Lionne était sa meilleure amie et que les contextes n'étaient pas les mêmes, mais il s'était quand même un peu senti laissé pour compte. Il n'avait pas fui pour autant.

C'était vrai que l'année précédente avait été compliquée. Déjà, Romilly avait été malade, elle avait fait du surmenage qui lui avait interdit la pratique sportive pendant un moment, du coup elle n'avait pas pu voir son frère à Sterne. Après, il était sorti avec Ehawee ce qui n'avait pas franchement fait plaisir à Romilly. Elle n'avait pas arrêté de lui parler pour autant, seulement ce n'était peut-être pas aussi franc et naturel que cela pouvait l'être avant ça. Et puis, ensuite, il y avait tout simplement qu'ils n'étaient effectivement pas dans les mêmes maisons et qu'ils n'avaient pas que des amis communs. Joy par exemple était quelqu'un dont elle entendait parler mais qu'elle connaissait peu. Finalement, les amis de Roy avec lesquels elle était amie aussi faisaient souvent parti de Sterne.

« C'est vrai, heureusement il y a Sterne. » remarqua-t-elle. Elle savait que Roy y était en grande partie pour elle et pas pour Ehawee, quand même, faut pas déconner, et cela la consolait souvent. Ils avaient aussi essayé de faire de la musique ensemble l'an passé mais le groupe n'avait pas beaucoup avancé dernièrement. Dommage, c'était une bonne idée à la base, mais dont elle ne pouvait pas elle-même s'occuper car elle avait déjà trop à faire à côté avec Sterne et tout le reste. Romilly comptait avoir ses BUSES avec les honneurs comme il se devait pour quelqu'un comme elle (à savoir, quelqu'un à la recherche de la perfection).

« Je pense qu'il a tord aussi. Déjà, est-ce qu'on fait sa déclaration comme ça, hein ? Et qu'est-ce que ça lui apporte de la faire maintenant ! Je veux dire, ça n'aurait peut-être rien changé à la situation, mais là, c'est comme si c'était à cause de moi qu'il partait, et ça c'est vraiment un coup dur... » Elle avait eu un moment de rébellion façon Romilly (genre : c'est trop injuste donc je m'énerve) mais c'était retombé à la fin de sa phrase. Elle aurait bien aimé qu'il y ait un coupable qui ne soit pas elle (ou Alek) contre qui retourner sa colère. Elle n'avait pas voulu faire de peine à Rhys et là qu'il partait, elle avait envie d'en vouloir à quelqu'un... sauf que lorsqu'on y pensait, c'était elle la fautive, et elle était encore trop imbue d'elle pour se flageller. S'en vouloir était en revanche dans ses cordes et elle ne se laissait pas prier pour le faire bien qu'elle ait encore du mal à prendre pour argent comptant cette lettre. Après tout, tant qu'elle n'y répondait pas, elle n'aurait pas confirmation que tout ceci était réel... peut-être bien qu'il serait quand même là le jour de la rentrée, non ?

« Suis-je vraiment si insensible que ça Roy ? Je tiens vraiment à Rhys tu sais... je ne voulais pas lui faire de peine... » Et comme elle était sincèrement attachée à sa relation avec Alek, elle était encore plus partagée car en bonne fille raisonnable, elle se rendait compte que même si elle l'avait su, les choses se seraient quand même passé avec Alek. Il lui correspondait mieux même si, peut-être, la comprenait-il moins bien que Rhys. Ils étaient dans la même maison, ce n'était pas pour rien. Alek était son ami depuis longtemps lui aussi, il avait un côté sensible qu'il montrait à peu de gens et en ça, Romy se sentait proche de lui car elle était elle aussi différente avec ses proches d'avec le reste du monde. Et puis, il recherchait de l'affection simple et sans trop de contrainte, vu que personne ne pouvait compter plus dans la vie de Romy que son jumeau, c'était parfait pour elle. Assez exclusif pour ne pas la rendre jalouse tous les quatre matins, mais suffisamment libre pour qu'elle ne culpabilise pas d'adorer son jumeau plus que quiconque. Tout ça pour dire que Romy était bien perturbée mais qu'elle avait conscience qu'il n'y avait aucune solution à cette situation, ni passé, ni à venir. C'était ainsi, c'est tout.

Roy acquiesça d'un hochement de tête en ce qui concernait Sterne. Le club de danse constituait au moins un lieu où il était à cent pour cent sûr de retrouver sa jumelle, chaque semaine. Du moins, tant qu'elle se ménageait un minimum et qu'elle était effectivement en mesure de se rendre aux réunions, cela s'entend. Il ne s'était pas inquiété pour Romilly pour rien l'été précédent, au final. Il n'avait pas toujours raison, mais ça arrivait. En l’occurrence, il aurait préféré que ça ne soit pas le cas. Se mettre trop la pression comme ça, ce n'est bon pour personne. Cela dit, personne n'a dit que ne pas s'en mettre du tout est une bonne chose, hein.

Il laissa sa jumelle lui révéler ce qu'elle ressentait concernant sa situation avec Rhys, se taisant pour une fois pendant toute la durée de ses paroles. Il était triste que Rhys veuille quitter l'école. Ils étaient amis après tout. Le petit brun avait toujours davantage gravité autour de Romilly, mais il restait un pote. Il avait sa place à Poudlard. Mais Roy était incapable de démêler davantage la complexité du problème. Il ne saisissait pas pourquoi il n'y avait pas d'autre option que celle de partir. Surtout que finalement, ça profitait à qui tout ça ? Romilly était triste, et il n'était pas devin, mais il ne pensait pas que Rhys était en train de danser la cucaracha en ce moment même. « Tu crois vraiment qu'il ne reviendra pas, alors ? Jamais ? Mais c'est un sorcier, sa place est à Poudlard... » commenta-t-il, scrutant le visage de sa sœur avec inquiétude. « Ce n'est pas de ta faute. » répéta-t-il avec conviction. Rhys avait pris une décision. Décision qui était potentiellement liée à sa jumelle, mais qui ne l'en rendait pas responsable pour autant. C'était la seule chose dont il était sûr. « Je ne sais pas, peut-être qu'il avait besoin de l'avoir dit au moins une fois, pour ne pas avoir à le porter sur le cœur pour toujours ? Surtout s'il compte vraiment ne plus jamais revenir. Mais comme ça ? C'est pas top du tout... » admit-il d'une petite voix. On était quand même sacrément loin de son domaine de compétence, là.

Il fut atterré qu'elle puisse le demander si elle était insensible. C'était dingue. Il la connaissait mieux que quiconque. Il n'était peut-être pas le garçon le plus futé qui existe au monde, et il avait de sérieuses lacunes sur le plan relationnel, mais s'il y avait bien une chose en laquelle il avait foi, c'était sa jumelle. Il lui aurait confié sa vie sans hésiter, et ça c'était un truc qui ne changerait jamais. Peut-être que certaines personnes étaient trop aveugles pour voir quel genre de personne elle était réellement, mais lui le savait, et il se battrait jusqu'au dernier souffle s'il le fallait pour le faire savoir. « Quoi ? Non ! Tu n'es pas insensible. Et je suis sûr qu'il sait aussi bien que moi que tu ne voulais pas lui faire de peine. C'est la faute de personne, c'est comme ça... Ça finira par s'arranger. » décida-t-il tout à coup. C'était forcé, non ? Tout finissait toujours par s'arranger, il refusait de croire le contraire. Chaque chose se produisait pour une raison, et éventuellement, tout ça trouverait un sens. En attendant, il était là pour Romilly. Il le serait toujours, c'était une chose dont il ne doutait pas. « Dis-lui que tu tiens à lui, c'est important qu'il le sache, quoiqu'il arrive. »