Enfer et damnation (PV Hugh)

Le début de sa sixième année n'avait pas été sans douleurs, pour Wilhelmina. Elle qui était l’indécision incarnée, avait été prise de sueurs froides, quand il lui avait fallu sélectionner les matières qu’elle souhaitait poursuivre, le jour de la rentrée. Etant d'un optimisme débridé naturellement défaitiste, la jeune fille avait été convaincue d’avoir consciencieusement raté chacune des épreuves qu’elle avait passées, si bien qu’elle s’attendait plus ou moins à ce que Poudlard lui notifie son renvoi au cours de l’été (« Pardon, on a visiblement fait une erreur, en réalité, vous êtes moldue. Mille excuses. »). Ce fut donc avec un sentiment de surprise teinté d’incompréhension (comment ? Elle n’était pas la honte du monde magique ? Etait-il possible que ses copies eussent été interverties avec celles d’un de ses camarades, qui pleurait à présent toutes les larmes de son corps ?) que la Serdaigle avait découvert, à la fin du mois de Juillet, qu’elle avait été reçue partout. Cruelle réussite, en vérité ! On lui avait clairement signifié, lors de sa cinquième année, qu’elle ne pouvait espérer mener une fin de scolarité satisfaisante, si elle ne renonçait pas à deux cours au moins, tant la somme de travail personnel demandé aux élèves préparant leurs ASPIC, était importante.

Hélas ! Malgré la masse de brochures qu’ils avaient été encouragés à consulter, et le rendez-vous d’orientation du deuxième trimestre, Mina n’avait toujours pas la moindre idée de ce qu’elle voulait faire après sa septième année, même si elle avait, par ailleurs, une idée très précise de ce qu’elle ne voulait pas faire. Elle ne voulait pas être Auror (« Il faut avoir de sérieuses tendances suicidaires, pour se lancer là-dedans ! »), ni enseignante (« De toute façon, tous les postes sont pris ! »), ni journaliste (« Non mais ça ne va pas, la tête ? Il faut parler à des gens, je te signale, pour faire un article ! »), ni médicomage (« Tu te rends compte ? Si tu te trompes, les gens peuvent mourir, je te ferais dire ! »), ni commerçante (« J’aime pas trop ça, moi, les clients… »), ni travailler à Gringotts (« Ils me font peur, les gobelins ! »), ni dans une animalerie (« Tu imagines, si je me fais mordre et qu’après il faut m’amputer ? ») et une carrière au Ministère ne l’intéressait pas non plus (« Ils ont l'air très, très ennuyeux, tous ces départements… »). En vérité, les seules perspectives qui auraient pu convenir à Wilhelmina étaient celles d’ermite au fin fond de la forêt ou de rentière mais,  malheureusement pour elle, les ermites n’étaient plus en vogue depuis au moins cinq cents ans, et sa famille n’était pas assez aisée pour lui offrir une vie de riche héritière.

Elle allait donc être obligée de rejoindre la masse anonyme des travailleurs, à sa sortie de Poudlard, perspective suffisamment angoissante pour lui donner des cauchemars. Après une âpre discussion (dont le leitmotiv avait été : « je ne sais pas quoi faire, qu’est-ce que je peux faire ? Dites-moi ce que je dois faire, je ne sais pas quoi faire… ») avec son directeur de maison, Mina était parvenue à alléger son emploi du temps de deux cours : les soins aux créatures magiques (« Je crois me souvenir, Miss Kilgarvan, que vous n’aimez pas particulièrement crapahuter sous la pluie, autour de la cabane de notre garde-chasse… ») et le vol (« N’êtes-vous pas toujours sujette au vertige ? »), ce qui lui laissait un panel de matières assez large pour qu’elle eût plusieurs options à la fin de sa scolarité.
Cependant, même soulagée du poids de ces deux enseignements, Wilhelmina n’avait pas été longue à constater qu’on ne lui avait pas menti, quand on lui avait présenté la sixième année comme le dernier cercle des Enfers. Non seulement le niveau des cours avait clairement augmenté, mais encore, les professeurs semblaient tous chercher à remporter le prix de celui qui donnerait le plus de devoirs, si bien que la Serdaigle affichait déjà, un mois après les vacances, des cernes violettes du plus bel effet, et aurait été à deux doigts de rebaptiser, tant elle fréquentait son antre, Madame Pince « maman », si la bibliothécaire n’avait pas été aussi irascible.

Ce samedi après-midi là encore, alors que bon nombre de ses camarades profitaient dans le parc de ce qui serait, sans doute, le dernier beau week-end de l’année, Mina s’était enfermée à la bibliothèque, et, cachée derrière une pile d’ouvrages tous plus épais les uns que les autres, s’efforçait de répondre à l’épineuse question que leur avait posé leur professeur de sorts : « la maîtrise éclairée de la magie passe-t-elle par la connaissance de l’Histoire ? ». Sujet tordu s’il en était, et dont la Serdaigle avait d’autant plus de mal à se dépêtrer qu’elle ne voyait pas en quoi il allait l’aider à maîtriser les sortilèges informulés, autre problématique du moment. Bref, Wilhelmina soupirait, ouvrait des livres qu’elle refermait aussi sec, s’arrachait les cheveux et, d’une manière générale, n’était pas parvenue à faire grand-chose d’autre, depuis qu’elle était arrivée, que de remplir son parchemin de ratures de plus en plus nerveuses. Finalement, c’était les sortilèges, qu’elle aurait dû abandonner !