Baignoire pleine de bulles. PV Alan Carmichael

- Bon, tu as raison, j'avoue. Prudence et moi on se marie le mois prochain.

Lança Alan à Graham histoire de clore humoristiquement cette sordide parenthèse (qui disons-le franchement, agaçait Alan exponentiellement d'années en années) : non et non, Prudence et lui ne finiraient jamais ensemble. Dans l'optique peu probable où un beau jour, Alan finirait par succomber aux charmes (?) de la préfète, il était hautement improbable pour que ce soit réciproque. Très honnêtement ? Certes, les contraires s'attirent, mais quand même. Prudence s'ennuierait terriblement avec lui, c'était évident et à l'inverse, Alan aurait du mal à ne pas succomber aux syncopes répétées offertes par sa meilleure amie. Non, il ne voulait pas vivre dans la Forêt Interdite à dos de Chimère, non merci. Il adorait les bêtes on parle de Chimère, pas de Prudence hein, mais quand même.

Puis Alan, très rapidement, blêmit. Mais blêmit de façon maousse costaud. « Ferions-nous un beau couple, Alan ? ». Il était sérieux ? Le sorcier perdit un peu son sourire et fixa le Gryffondor avec ses yeux bleus, de façon appuyée. Clairement, à cet instant, si Alan avait pu être télépathe, ça aurait été le plus beau jour de sa vie. Graham venait de lui demander – avec humour certes, mais peut être pas en fait – si tous les deux feraient un beau couple. Mais, mais, il était sérieux ? Complètement dépassé par les événements, le capitaine des Poufsouffle ne pouvait s'empêcher de regarder Graham avec insistance, presque amoureusement, en pleine quête d'indices. Il le trouvait si beau à cet instant là, en plus !
Mais est-ce que Graham était sérieux et lui proposait plus ou moins de sortir avec lui non je ne m'emballe pas du tout ?
Non. Non et non, c'était clair que non. Il plaisantait Alan, relax, ne lui saute pas dessus, tu vas te faire tabasser. Graham rigolait, il n'était pas sérieux.
Mais quand même, la question avait été posée. Est-ce que Graham y songeait vraiment ? Est-ce que quelqu'un intéressé juste par les filles aurait sorti cette phrase ? Est-ce que Graham avait quelque chose derrière la tête, consciemment ou inconsciemment ? Alan réfléchissait, son cerveau tournait à plein régime... et pendant ce temps là sa tête n'avait donné aucune signe de vie cérébrale.

- Humpf...

Sortit le capitaine, en souriant enfin pour tenter de confirmer les dires du lion sur leurs popularités potentielles auprès des filles. Donc là aussi, deuxième nouvelle : Graham trouvait qu'Alan était plutôt beau garçon.
On ne le lui avait jamais dit. Jamais, personne. Alan ignorait complètement s'il faisait partie des beaux ou des moches : à son sens il était normal, désespérément normal et pas vraiment attractif. Pour preuve personne – à sa connaissance – ne s'intéressait à lui et personne ne lui avait jamais dit – à part sa mère, mais ça ne compte pas – qu'il était plutôt mignon. C'était la première fois qu'on le laissait entendre.

Puis Graham mit fin au rêve, d'un coup, d'un seul. En supposant le fait que l'homosexualité (même ce mot lui paraissait nouveau, étrange, complètement nébuleux) était encore très mal acceptée, le rouge et or confirma les pires craintes de l'Irlandais. Pour sûr, s'il y'avait bien une chose qui terrifiait Alan en ce moment, c'était les sentiments naissants qu'il nourrissait pour Graham et qui n'avaient rien de naturels. D'où, mais d'où un garçon était censé aimer un autre garçon ? Alan était très observateur et avait bien remarqué que dans Poudlard, tous les couples, jeunes ou vieux, étaient composés d'un garçon et d'une fille. A partir de quel moment un ami devenait un amant ? Quand les sentiments s'intensifiaient autant ? Pourquoi n'avait-il jamais ressenti ça pour Prudence, par exemple ? Ils étaient plus proches que des frères et sœurs, c'est d'elle qu'il aurait dû tomber amoureux, logiquement. Alors pourquoi ça, pourquoi cette situation affreuse où Alan avait peur de faire, de dire, mais avait même surtout peur de penser, ce qui à ses yeux était pire que tout ?

Alan réussit à adresser un sourire forcé à Graham, mais fut bien incapable de répondre. Le sujet était trop sensible pour lui et il ne comprenait même pas comment Graham pouvait l'aborder aussi facilement.  
Si, en fait, Alan savait : si Graham en parlait si facilement, c'était parce que le sujet ne le concernait en rien et qu'il était – comme tout le monde dans cette école – normal et amoureux du sexe opposé. Comme chacun aurait dû l'être. Il n'y avait que cette explication là.

- Aïe, ma brûlure me fait mal. Il faut que je remette de la crème.

Lança Alan en regardant son bras rougeoyant. Mme Pomfresh lui avait dit d'en appliquer à chaque signe de douleur et visiblement l'eau chaude n'avait pas arrangé ça. Alan aurait bien voulu regarder Graham mais c'était presque douloureux pour lui à présent, il préférait regarder sa blessure en espérant que quelque chose se passe, que le premier pas soit fait par le lion : lui en était incapable.
Voir Graham lui faisait à présent un peu mal : au delà du fait que depuis tout à l'heure, son cœur battait la chamade.
Le capitaine des jaune et noir allait devoir sortir de l'eau, se sécher et appliquer un peu de crème de Mme Pomfresh, hélas sa blessure était sur son bras droit et il était droitier... il avait connu plus pratique comme situation. Mais il n'avait pas le choix.

(872)

Qu'on se le dise, Alan était gêné quand sa baguette roulait de son bureau en plein cours de sortilèges et qu'il devait se lever pour la ramasser devant toute la classe.
Là, Alan était nécrosé. Complètement stupéfait des paroles de Graham, il mettait toute son énergie à paraître convainquant et pas angoissé pour un sous.
Alors que trop pas quoi, mais pas du tout !
Graham jouait, il jouait carrément avec lui ! Le Gryffondor semblait prendre un malin plaisir à transformer la couleur du visage d'Alan en celle de sa propre maison : et ça marchait, à présent les joues d'Alan étaient passées du rose vif au rouge cramoisi. Il était si gêné que son cerveau semblait manquer d'irrigation : mais d'où ? De... De quoi ? Hein ? Mais euh... Euh... C'est toi le compliment !
Vraiment, Alan ne savait pas quoi répondre, ce qui était bien une première chez lui : Magnus l'appelait même 'Monsieur Je-sais-tout' à fréquence un peu trop régulière. Ça changeait de le voir ne pas savoir quoi dire.

- C'est... C'est très gentil.

Ne put s'empêcher de répondre Alan, imaginant à cet instant là sa mère lui rappeler qu'il était très important d'être poli, agréable et reconnaissant envers les gens qui nous entouraient. A défaut d'être à l'aise avec le compliment de Graham, il pouvait remercier ce dernier de celui-ci : qu'on se le dise, le Poufsouffle n'était vraiment pas habitué à ça.
Le jaune et noir planta enfin ses yeux bleus dans ceux du préfet : il commençait à réaliser que regarder tout sauf le lion était devenu plus que suspect « Tiens ce plafond est vraiment très joli et très bien monté. Si, si. Je t'assure. Non, je ne te regarderai pas Graham, n'insiste pas. »
Le cœur du sorcier s'accéléra presque instantanément : à cet instant là, Graham était beau. Beau, ni plus, ni moins. Alan ressentit deux sentiments complètements contradictoires : il était à la fois heureux, envahi d'une chaude et apaisante sensation qui l'anesthésiait complètement, et à la fois une petite boule dans son ventre un bézoard ? lui donnait l'impression qu'il allait mourir là, maintenant, tout de suite, tellement son stress était corrosif. Alan était quelqu'un de relativement stressé de nature et il n'aurait jamais cru, ce matin en se levant par exemple, être confronté à pareille situation aujourd'hui : blessé, à moitié nu dans un bain avec Graham Bishop en face de lui, qui le trouvait beau.

Alan sourit à la blague de Graham sur Derek : oui, il était bien brûlé et Derek n'y était pour rien quoique non. C'était drôle, mais sa peau totalement à vif l'était cependant un peu moins.

- Oui je veux bien s'il te plait.

Répondit Alan en montrant son bras droit, comme pour lui faire comprendre que la position était loin d'être idéale pour s'appliquer convenablement de la crème. La suite de la réponse surprit complètement le capitaine : il fallait qu'Alan se retourne pour que Graham puisse se rhabiller. Euh... c'est à dire ? Si c'était possible, Alan rougit plus encore en se mettant dos à Graham, sans broncher. Le lion était-il pudique, ou entièrement nu ?
Non. Graham devait être un peu pudique, c'est tout, il n'y avait pas de raison d'être aussi méfiant. Alan ne se serait jamais permis de se baigner nu dans la salle de bain des préfets, pour la simple et bonne raison qu'une demi-douzaine de préfets et de capitaines risquaient de rentrer à tout moment. Oui, c'était ça, Graham n'était pas en tenue d'Adam et il voulait juste éviter de montrer une quelconque partie de son corps (laquelle ?) à son camarade. Pour le coup, Alan avait pris sa serviette au bord de l'eau et ne croyait pas que le trajet baignoire-affaires soit particulièrement long à faire. Il était en caleçon et pour le coup, même dans la baignoire, Graham avait déjà tout vu un torse parfaitement sculpté, des pectoraux en acier et des biceps de compétition.

Quand le lion eut terminé de s'habiller, Alan sortit de l'eau, mit sa serviette autour de ses épaules et s'approcha de son propre sac et de Graham, donc, debout juste à côté. Il sortit de celui-ci du sac hein, pas de Graham un petit pot de crème que Mme Pomfresh lui avait donné plus tôt, et le tendit donc à son camarade rouge et or, en tendant le bras blessé. La situation n'était pas gênante, du moins elle l'était beaucoup moins pour Alan que dans l'eau. Si seulement Graham arrêtait ses compliments intempestifs, aussi, ils n'en seraient pas là. Pourquoi avait-il fallu qu'il commence ? S'il avait su !

(748)

Alan décida d'ignorer la question de Graham, en faisant mine de faire tomber un des savons qu'il avait pris sur le bord de la baignoire, dans l'eau « Mon Dieu que je suis maladroit ! » Est-ce qu'on avait idée de demander à quelqu'un s'il était effectivement en train de rougir ? A moins de demander à quelqu'un qui venait de s'écrouler au beau milieu de la Grande Salle, devant tout le monde, s'il se sentait effectivement humilié, quelle question était moins maladroite ? Bien sûr qu'Alan rougissait, même lui le sentait ! Manifestement, le Gryffondor n'avait pas du tout conscience que ce phénomène venait de lui, ou alors il prenait un malin plaisir à voir Alan plus mal à l'aise encore. Si toutefois c'était possible.

Une fois sorti de l'eau, le 5ème année fit remarquer à Alan, en le voyant arriver à moitié couvert vers lui, que le Quidditch musclait plutôt bien. Le sorcier ne s'en félicita, ni ne s'en offusqua pas, puisque son corps n'avait au final que très peu changé depuis son enfance : Alan avait toujours beaucoup joué au Quidditch, ainsi il avait toujours été relativement fin et subtilement musclé 'Deux qualités primordiales chez un attrapeur', lui assénait encore sa mère, persuadée à tort que son poste de prédilection était de chercher une balle dorée comme un idiot, pendant des heures, dans le vaste ciel d'un stade de Quidditch.
Alan ne trouvait de toute façon pas la réflexion de Graham vraiment bienveillante, puisqu'il n'y avait qu'à voir comment le Gryffondor était battis pour comprendre qu'à côté, la fine musculature d'Alan était risible. Le rouge et or avait certainement dit ça par politesse : Alan savait de surcroît que le Gryffondor n'était pas un fana de Quidditch ce qui arrangeait un peu les 3 autres maisons, il ne devait effectivement pas souvent remarquer combien les vrais joueurs, les titulaires, se dépensaient vraiment. Pour l'heure, Alan avait cette fois-ci au moins l'occasion, de comparer ses 'muscles' comme disait Graham, à quelqu'un d'autre. Et c'était la preuve que le sport jouait vraiment sur leur physique, à leur âge : le Poufsouffle ne se sentait pas fait du même bois que le sorcier rouge et or.

- Je m'entraîne beaucoup...

Lâcha un Alan un peu honteux : autant l'an dernier il aurait pu être fier de dépenser autant d'énergie dans le Quidditch, puisque Poufsouffle venait pour la 3ème fois de remporter la coupe, autant cette année, rien ne pouvait l’enorgueillir. Malgré tout ses efforts, Poufsouffle avait perdu la coupe et de loin. Et il restait même encore un match à jouer ! Incontestablement leur pire performance. Encore très scolaire et porté sur les devoirs, Alan arrivait toujours à se dégager une heure par jour pour monter sur un balai. Comme si ça allait changer quelque chose...

- Pas autant que toi, c'est sûr.

Répondit Alan, trop peu concerné par le regard des filles sur lui pour ne pas penser en premier à Graham. Le Gryffondor était un aimant à personnes, le capitaine de Poufsouffle ne comptait plus les filles de sa maison qui tueraient père et mère pour un rencard avec lui. Il avait même un jour surpris quelqu'un écrire une lettre d'amour au 5ème année, pour la St Valentin (mais Alan avait veillé à ce que le mot ne soit pas accompagné d'une boite de chocolats fourrée au Philtre d'amour).
C'était clair, sur un échelle de 1 à Graham, Alan était à peine à 2.

Le sorcier étala ensuite un peu de crème sur le bras meurtri du Poufsouffle : il n'y avait pas à dire, Mme Pomfresh était vraiment efficace pour soigner les gens. Malgré la sensation de chaleur et d'apaisement procurée par le soin, Alan ne put s'empêcher de frissonner. Graham lui tenait fermement le bras et la proximité avec le 5ème année envoyait de tout petits éclairs dans le ventre - puis tout le corps - de l'Irlandais. Le sorcier d'un an le cadet de Graham se risqua à lancer un regard furtif au Gryffondor pendant que celui-ci s'appliquait à appliquer la pommade. Son 'ami' aurait été plus exact, même si pour Alan ce mot avait perdu toute sa saveur. Ami ? Vraiment Alan, tu considères Graham comme un ami ?

Oui. Graham était un ami et il ne serait d'ailleurs jamais rien de plus.

- C'est parfait, merci beaucoup.

Tenta un Alan, toujours en Poker Face : il avait envie de crier tellement il était stressé d'être avec le lion. Sa présence – imprévue, de surcroît – le perturbait énormément. Il n'était pas comme avec un ami lambda, il était... différent. Comme si Graham était différent d'un Quino, d'un Lucas ou d'un Jensen.
Il l'était. Et à tous les niveaux.

Le Poufsouffle se rhabilla donc, en essayant de ne pas trop se précipiter pour ne pas attirer plus de soupçon et une fois complètement sec et vêtu, décida de prendre congé. Il n'avait qu'un souhait : se retrouver seul dans un couloir, s'adosser contre un mur et souffler, souffler fort de soulagement tout en se félicitant d'avoir réussi un minimum à paraître normal. Normal, voilà un mot qui lui paraissait tout sauf normal, pour le coup. Cette situation était-elle bien normale, au fond ? Non Alan, tu n'es plus quelqu'un de normal, c'est clair.

- Bon ben à une prochaine fois. Salut !

Lança Alan à Graham, le cœur quand même déchiré de devoir le laisser. Graham était si cool et sympa et sa présence tellement bienfaisante qu'Alan, même rongé par le stress, hésitait à le quitter. L'Irlandais laissa traîner son regard sur le rouge et or, retardant un peu le moment de partir, et lui lança un sourire franc qui en disait long sur... sur quoi ? Long sur l'amour qu'il lui portait ? Non, Alan n'en était pas à envoyer des cœurs avec ses yeux et de toute façon Graham semblait parfaitement imperméable à toute forme d'affection à son égard. Preuve - s'il en fallait une - que le sorcier n'envisageait pas une seconde que deux garçons puissent effectivement autant s'attirer.
Persuadé que son attirance pour Graham n'était et ne serait jamais réciproque, Alan baissa la tête, un sourire devenu timide accroché aux lèvres, adressa un signe de la main à Graham, et quitta la salle de bain des préfets.

(1018)

[Terminé pour Alan]