Bad Day [PV : Ernie]

Depuis la rentrée, la pauvre Lavande se sentait poursuivie par le mauvais œil.
Dès les premiers jours elle avait fait le choix de rompre avec son petit ami car cela ne se passait plus très bien entre eux et désormais elle s’en mordait les doigts. Non seulement elle se retrouvait célibataire alors qu’il n’y avait jamais eu autant de couples à Poudlard, mais en plus elle se prenait des œillades méchantes de la part de certaines « groupies » d’Alexander. La Gryffondor savait pertinament qu’elle avait fait de la peine au garçon mais elle ne supportait pas que ces filles viennent le lui rappeler en la faisant passer pour une méchante fille. Elle regrettait déjà suffisament son comportement pour que ces mégères n’aient pas besoin d’en rajouter !

De plus, la veille, la pauvre Lavande avait eu la mauvaise idée d’affirmer dans le dortoir qu’elle ne croyait pas vraiment ce que disait Harry Potter.
Il ne méritait certes pas un tel traitement de la part de la Gazette des Sorciers, du Ministère et des Serpentard mais son récit était tellement tiré par les cheveux qu’il semblait impossible à Lavande que seulement la moitié de ce qu’il racontait soit vrai. D’ailleurs, dans son esprit, le fait qu’il ait refusé de raconter ce qu’il s’était passé avec Cedric ne faisait que confirmer sa première impression.
Bref, la Gryffondor lors d’une discussion avec Parvati avait fait l’erreur de traiter Harry de menteur devant la meilleure amie du survivant : Hermione Granger. S’en est suivi l’engueulade du siècle où Hermione n’y avait pas été de main morte pour défendre Harry, allant jusqu’à traiter Lavande de naïve, d’influençable, d’odieuse et même d’idiote ! La dispute avait duré jusqu’à tard dans la nuit et la Gryffondor avait eut du mal à trouver le sommeil.
Les paroles d’Hermione avaient eu un fort impact sur elle (surtout les mots « odieuse » et « idiote » qu’elle avait extrêmement mal pris) et la Gryffondor avait été forcée de reconsidérer son point de vue. Peut-être qu’Harry n’avait pas menti, qu’il avait vraiment cru voir revenir Celui-Dont-On-Ne-Doit-Pas-Prononcer-Le-Nom mais si c’était le cas, c’était beaucoup trop flippant pour que tout le monde l’ignore. En tous cas, Hermione était catégorique : Harry disait vrai.


Suite à la soirée agitée de la veille, Lavande eut beaucoup de mal à se concentrer en cours et s’endormit sur sa table pendant le cours de Sortilèges et Enchantements. Comble de malchance, ils étaient pour ce cours avec les élèves de Serpentard et un imbécile qui se trouvait devant elle et qui avait vu qu’elle dormait en avait profité pour renverser l’encrier de Lavande sur la table. Réveillée en sursaut, la Gryffondor se retrouva avec de l’encre partout. Sa manche gauche en était imprégnée et le liquide avait même traversé le tissu pour colorer la peau de l’adolescente. Pire, Lavande avait de l’encre sur le visage : sur le nez, la joue gauche et un peu aussi sur le menton.
Heureusement, le professeur les libéra juste après l’incident et Lavande put se ruer vers les toilettes des filles pour tenter de réparer les dégats.

La Gryffondor passa alors un long moment aux toilettes pour se rendre compte que son encre ne partait ni à l’eau, ni au savon, ni au Recurvite ; donc que sa chemise était fichue. Ca n’était pas bien grave puisqu’il ne s’agissait que d’une chemise blanche on ne peut plus classique. Ce qui était plus embêtant, c’était que l’encre sur sa peau ne partait pas entièrement. La Gryffondor avait eu beau frotter à s’en abîmer la peau, elle avait toujours de l’encre sur le visage et c’était évidemment très visible.
Après avoir pleuré de rage un court instant dans les toilettes, Lavande sortit enfin dans le couloir, l’air rageur et les poings serrés.

*Quel con celui-là ! Si je le retrouve je lui rase la tête ! J’suis dégoutée ! DEGOUTEE ! J’m’en fous je vais pas en cours cet après-midi, je reste dormir, j’m’en fiche que ça soit Ombrage, ça m’est égal, elle aussi je lui rase la tête, et les sourcils aussi tiens, et sa moustache, j’suis sûre qu’elle a de la moustache cette grosse dondon !*

La Gryffondor marchait d’un pas rapide et croisa l’horrible Miss Teigne en train de suivre un élève. L’envie lui prit de donner un coup de pied dans le chat avant de le capturer pour réellement assouvir ses envie de rasage. Elle se retint car elle ne tenait pas à se faire griffer, mais elle garda tout de même l’idée dans un coin de sa tête.

On peut s’appeler Ernie MacMillan, être beau, grand, jeune, intelligent, gentleman, Poufsouffle (cette simple qualité regroupant d’ailleurs toutes les autres), futur ministre de la magie (quoique, en ce moment, les modestes ambitions du blondinet se trouvaient un peu refroidies par le ministère lui-même) et pourtant très malheureux. D’abord, il y avait eu cette saleté de réveil qui l’avait tiré du sommeil au moment où il s’apprêtait à embrasser fougueusement une créature blonde et pulpeuse (même un futur ministre de la magie a des hormones). Et ça, il n’avait vraiment pas aimé.

Ensuite, il avait mis tellement de temps à faire son nœud de cravate (la faute des vacances ! Car même un futur ministre de la magie ne met pas de cravates en vacances) qu’il était arrivé à la fin du petit déjeuner et avait tout juste eu le temps d’ingurgiter un peu de pudding avant de filer en cours. Or, le pudding, il détestait ça. Et il y avait ce devoir tout pourri à rendre à Chourave pour la semaine suivante. Un agapanthe ! Ah ! Mais où voulait-elle qu’ils dénichent une agapanthe, hein ? Elles ne poussaient qu’en Afrique du Sud ! Ah ! Enfin, Ernie n’était pas parvenu à mettre la main sur Potter pour lui dire à quel point il soutenait son combat contre le Mal. Et ça, c’était certainement le plus grave. Toutes ses velléités héroïques s’en trouvaient frustrées.

Grognon, le jeune MacMillan sortit donc en traînant des pieds de la salle de métamorphose. En plus, Héloïse Midgen avait été plus prompte que lui à transformer son épingle-à-linge en souris. C’était vraiment désolant ! D’un geste rageur, le Poufsouffle rejeta une mèche de cheveux blonds en arrière avant de sortir son emploi du temps de son sac. DCFM en première heure de l’après-midi ? Merlin ! C’était probablement la pire journée de classe que l’administration lui ait concocté jusqu’à présent. Et il allait devoir tenir jusqu’à la fin de l’année ! En réalité, Ernie était un peu injuste avec son emploi du temps. Hormis les Soins aux Créatures magiques (deux heures après la DCFM), sa journée du lundi était franchement correcte. Mais il était tout simplement de trop mauvaise humeur pour l’admettre.

D’ailleurs, il ne savait même pas ce qu’elle donnerait, cette Ombrage, en tant que prof. Certes, son discours de la veille n’avait pas été bien convainquant – elle avait sensiblement les mêmes talents soporifiques que Binns et ce même si Ernie, bien entendu, soutenait mordicus qu’il avait écouté avec attention chacune des paroles prononcées par leur nouveau professeur – mais peut-être se révélerait-elle une enseignante compétente. Après tout, on pouvait mettre son mauvais discours sur le dos d’une certaine nervosité. Et le mauvais goût (que de rose, que de rose !) n’était pas encore puni par la loi (dommage !). Cet optimisme typique d’Ernie était la preuve même qu’il n’avait, effectivement, pas écouté plus de trois mots du discours d’Ombrage la veille. Mais comme il n’était de toute évidence pas le seul, bien peu nombreux étaient ceux qui pouvaient l’accuser d’inattention.

Passons. Maussade, Ernie avançait dans le couloir, une moue grincheuse plaquée sur le visage. Non mais sans blague ! On n’avait pas le droit de lui refourguer une journée aussi pourrie que celle-là. Il était Ernie MacMillan, tout de même ! Le futur ministre de la magie. Le pauvre petit chat était tellement de sale poil qu’il manqua de renverser deux ou trois premières années – peuh ! Qu’est ce qu’ils étaient petits ! Il n’était pas petit comme ça, lui, à onze ans !- sur son passage.

Une volée de secondes années – eux aussi minuscules – s’éparpilla juste à temps avant qu’il ne leur rentre dedans. Mais dans sa marche furieuse, il ne put malheureusement pas éviter la queue de Miss Teigne, qui s’était arrêtée en plein milieu du couloir pour lorgner les élèves de ses petits yeux jaunes brillants de méchanceté. Ernie écrasa sans complexe la queue de l’animal. Qui fit un bond dans les airs en feulant de rage.

Epouvanté, Ernie recula lui-même de plusieurs mètres en lançant des coups d’œil terrifiés aux alentours, s’attendant déjà à voir surgir un Rusard furibard beuglant à tout va qu’on avait essayé d’attenter à la vie de son précieux félin. Totalement paniqué, le Poufsouffle se rua sur Lavande, à quelques pas de là, et, la saisissant par les épaules, tenta tant bien que mal de disparaître derrière son dos en répétant d’une voix terrorisée :

- Planque-moi, planque-moi, planque-moi !

Car Miss Teigne, sur le sentier de guerre, venait de jurer qu’elle ne laisserait pas le crime impuni, foi de chat !

La misérable chatte de Rusard était en train d’arpenter le couloir tout en observant les élèves et en lâchant des sons (entre le miaulement et le couinement) un peu indéfinissables. La Gryffondor s’arrêta pour mieux l’observer et constata que jamais l’animal ne lui avait semblé aussi fou et agressif. Comme elle aurait aimé passer sa colère sur cette sale bestiole ! Alors que Lavande songeait à la façon la meilleure pour se défouler sur le chat : Miss Teigne et ses capacités surnaturelles à repérer les délinquants se retourna vers elle et la fixa d’un œil mauvais.

La Rouge et Or soutint le regard du chat sans broncher et essaya de lui transmettre le plus de méchanceté possible rien que par la force de ses yeux quand soudain quelqu’un marcha sur la queue de Miss Teigne qui bondit de douleur en poussant un miaulement horrible.

*Gagné !*

Ravie d’avoir gagné le duel visuel contre Miss Teigne *quelle nase cette chatte abandonner en plein duel non mais franchement aucun honneur* Lavande n’eut que peu de temps pour se réjouir puisque l’élève qui venait d’attaquer Miss Teigne *noble et courageux élève* fondit sur elle et l’attrapa par les épaules pour s’en servir comme d’un bouclier.

« Heee ! »

Lavande ne s’était pas attendue à ce qu’on se jette sur elle comme ça et n’aima pas beaucoup cette façon de faire. L’élève n’avait rien de courageux en fait : il avait juste marché sur Miss Teigne sans faire exprès et maintenant il recherchait sa protection !
Agacée par cette façon de faire, Lavande se dégagea des mains du garçon *c’est Ernie MacMillan qui vient de faire ça ?* en donnant un léger mais ferme coup d’épaule. C’est alors qu’elle se rendit compte que la chatte s’approchait en feulant, les griffes sorties et les poils hérissés de rage.
Miss Teigne constituant une menace à ne pas sous-estimer, Lavande estima qu’il valait mieux se débarasser du chat avant de s’en prendre à Ernie. Elle se raidit et s’adressa au garçon d’un ton déterminé tout en passant sa main par dessus son épaule comme pour attraper un objet.

« Donne moi quelque chose à lui balancer. »

Ca paraissait la meilleure solution : il fallait mettre Miss Teigne hors d’état de nuire sinon elle allait appeler Rusard ou les attaquer sauvagement.

*Si elle approche cette sale bête, je lui donne un coup de pied !*

Quelque chose à lui balancer ? La meilleure des solutions n'était-elle pas plutôt de se carapater vite fait en priant pour que la foule des élèves qui, au sortir des cours, envahissait les couloirs, soit suffisante pour les préserver de l'ire féline (et, probablement d'ici peu, de celle du concierge ?) ? De l'avis du prudent Poufsouffle qu'était Ernie, si ! Mais c'était sans compter sur la fougueuse Lavande qui semblait bien décidée à faire preuve d'une bravoure toute Gryffondorienne (ou alors elle avait un compte à régler avec Miss Teigne ? Ce ne serait pas très étonnant, tout le monde avait un compte à régler avec Miss Teigne... Etonnant qu'elle soit encore en vie, quand on y songeait).
La blondinet lança un coup d'oeil rapide à Lavande. Ouh ! Elle n'avait pas l'air d'humeur à discuter. En fait, elle semblait au moins autant prête à massacrer quiconque se dresserait en travers de son chemin que Miss Teigne. Or, Ernie n'était pas garçon à risquer sa vie bêtement.

Renonçant donc complètement à suggérer à Lavande - devenue sa compagne d'infortune bien malgré elle (quoique... C'était peut-être un service à lui rendre. Elle avait l'air d'avoir besoin d'un bon exutoire, cette petite !) - une retraire stratégique, le jeune Poufsouffle sortit de derrière son dos. Il n'était peut-être pas bien brave, mais il n'avait pas envie de passer pour un lâche non plus ! A fortiori devant une fille !
Abandonnant sa cachette de fortune (de toute façon elle n'était pas bien efficace. Quelle idée d'être maigrelette, aussi !), Ernie vint se placer à la droite de Lavande (ouais ! Luttons contre d'adversité !).
Sans lâcher Miss Teigne des yeux - des fois qu'elle lui sauterait à la gorge, tel le vampire affamé - le jeune garçon fouilla dans son sac. Quelques secondes plus tard, il brandissait, triomphant, son livre d'histoire de la magie avec ce commentaire détaché :

- Pour ce à quoi il va servir...

En réalité, l'idée de balancer son ouvrage sur Miss Teigne lui faisait un peu mal au coeur. Même un livre d'histoire de la magie ne méritait pas un tel traitement. Sans compter qu'il n'était pas si mal fichu que cela, ce bouquin. Mais une fois encore, il s'agissait de sauver la face.
Dommage que le petit Ernie n'ait pas encore eu cours de DCFM, il aurait certainement moins hésité à lancer un livre sur le chat.
Finalement, il proposa, mi figue mi raisin :

- Bon, tu prends à droite, je prends à gauche, on la met hors d'état de nuire à grand renfort d'histoire de la magie et ensuite on en fait une carpette ?

Ou alors un nouvel essuie-pieds pour le Grand Hall ? Comme ça, Rusard n'aurait plus de raison de beugler comme un putois de sale poil à la moindre trace de boue dans les couloirs. Et au moins, Miss Teigne aura enfin une utilité.

Le temps qu’Ernie lui procure un projectile (et sorte de sa – ô combien efficace – cachette par la même occasion), Lavande observait Miss Teigne qui avait cessé d’avancer. Le Poufsouffle sortit rapidement de son sac un livre et le brandit pour le proposer à la jeune fille. Cette objet semblait mal adapté à Lavande puisqu’à moins de lancer son bouquin comme un frisbee (ce qui était possible mais cette technique risquait fort de voir tomber le livre à côté de la chatte et ça n’était pas le but recherché ), le livre allait décéder dans le voyage. *Il veut pas faire ça quand même ?* La Gryffondor le regarda d’un air interloqué avant de lui demander :

« T’es sûr que tu veux lancer ton livre ? Attends, j’ai mieux je crois ! »

Lavande venait de se souvenir de son encrier, ce salaud d’encrier dont l’encre allait la défigurer pendant au moins deux jours. Il était presque vide et le briser sur le sol à côté de Miss Teigne serait une excellente façon de se venger de ce méchant objet.
Brandissant l’encrier d’un air de triomphe la Rouge et Or lança l'objet sans même attendre de savoir ce qu'Ernie allait faire avec son livre. Au moment de projeter l'objet contre l'animal (la chose !) l'adolescente pensa fort à ce crétin de Serpentard qui lui avait fait cette mauvaise farce en cours et s’imagina que l’encrier allait valser dans sa tête (vengeance !).

L’objet se brisa sur le sol non loin de Miss Teigne dans un bruit bien caractéristique. Les élèves qui n’avaient pas remarqué la bataille Miss Teigne vs Ernie et Lavande avaient désormais – à cause du bruit, merci Lavande – porté toute leur attention sur le binôme que formaient les deux élèves. La chatte quant à elle n’avait pas eu besoin de bouger pour éviter l’encrier (merci Lavande de viser aussi bien) et n’avait même pas été touchée par la giclure d’encre qui tâcha le sol et une partie du mur. Elle sembla tout de même impressionnée et fila aussitôt. *Elle va chercher Rusard, c’est sûr !*

Si la victoire était gratifiante, Lavande n’eut que peu de temps pour la savourer. Tout le monde les regardait d’un air presque choqué et la jeune fille put se rendre compte de toute la démesure de sa dernière action.

*On va me prendre pour une folle, peut-être me dénoncer, me faire punir !*

Se retournant vers Ernie, elle lui fit comprendre en lui lançant un regard de détresse qu’ils fallaient qu’ils se sauvent et vite !
Dans l’esprit de Lavande ils étaient liés dans cette affaire. Elle était peut-être celle qui avait fait peur à la chatte, mais lui avait eu l’audace de lui marcher dessus quand même, il n’allait pas l’abandonner maintenant !

“J’y ai été un peu fort. Rusard va pas tarder, on décampe !”

Pour Miss Brown, il était évident que Rusard allait venir ; lui et sa bête étaient liés par un pouvoir malsain et effrayant. Si il arrivait quelque chose à Miss Teigne, Rusard le savait et rappliquait : c’était comme ça et pas autrement.

Ernie avait lancé un coup d'oeil qu'il espérait "cool" à Lavande quand elle avait pointé son livre du doigt. D'un geste désinvolte, il s'était passé la main dans les cheveux tout en préparant une réponse franchement décontractée, du genre "Attends, tu plaisantes, c'est de l'Histoire de la Magie !". Le tout dans le but évident de se faire passer pour ce qu'il n'était pas après tout Lavande était une future électrice.
Il n'eut toutefois pas le temps de dire quoi que ce soit. Dans un élan de bravoure imbécice typique de Gryffondor, Lavande envoya valser son encrier sur Miss Teigne. Enfin, de toute évidence, elle ne visait pas réellement le chat. Ou alors elle était vraiment très mauvaise auquel cas il était étrange que Gryffondor ait fait d'elle une poursuiveuse.

Perdant toute prestance pompeuse, Ernie écarquilla les yeux, totalement éberlué. Mais elle était totalement inconsciente, cette fille ! Ce qui fallait, face à des ennemis aussi redoutables que Miss Teigne, c'était avant tout de la tactique et une grande cohésion. Pas une attaque provocatrice et à découvert !
Un court instant, le jeune garçon hésita à se jeter sur Miss Teigne pour l'intercepter via plaquage en règle avant qu'elle ne file chercher Rusard. Néanmoins, le temps qu'il calcule si quelques coup de griffes étaient un juste prix à payer pour éviter une punition plus salée, la bestiole avait déjà décampé. Ohoh !

Plus question de jouer aux fierots la trompe (warfwarf), les meilleures armées savaient reconnaître la défaite quand elle arrivait à grand pas et la fuite était alors, bien plus sagesse que couardise.
Tout pâlichon (la première punition de sa jeune vie risquait de lui tomber sur le coin du nez s'il ne se remuait pas rapidement !) Ernie fourra avec précipitation son livre dans son sac de cours et attrapa vivement Lavande par la main avant de commencer à la traîner derrière lui (parce qu'un bon général en chef sauve toujours son armée !), se frayant un passage à travers la foule des élèves :

- Tu connaitrais pas un placard où se dissimuler ? demanda-t-il d'un ton anxieux, en regardant nerveusement autour de lui, comme s'il s'attendait à tout instant à voir débouler le Minotaure Rusard.

*La vache, il va nous étriper s'il nous rattrape !*

Merlin ! Est-ce que le ministère pouvait bloquer sa future carrière politique pour avoir agressé un chat, symbole de l'autorité ? Bon, d'accord, c'était Lavande qui avait balancé l'encre, mais il lui avait bien écrabouillé la queue juste avant. Et puis, on n'accusait pas les filles, même pour une place de premier ministre !
Bouh ! Il était persuadé que cette saloperie d'Ombrage était du genre à le faire passer en conseil de discipline pour mauvais comportement et dégradation du matériel de l'école. Sauf que là, c'était Miss Teigne, le matériel en question. Est-ce qu'on pouvait citer un chat à la barre ? Auquel cas, son témoignage risquait d'être accablant pour Ernie.

Ernie ne se fit pas prier quand Lavande lui proposa de s’enfuir. Il lui attrapa la main et l’attira à sa suite dans le couloir bondé. Devant l’angoisse de son camarade, elle commença à son tour à s’effrayer des conséquences que pouvait engendrer un acte aussi bête ¤ Je n’aurais pas du faire ça, je suis trop stupide ¤. C’est donc plutôt docilement – et en accordant une confiance aveugle au garçon – que Lavande suivit Ernie. Ce ne fut pas chose facile pour la jeune fille car il avançait vite et qu’elle portait des talons (clac, clac, clac). Elle manqua ainsi de se tordre la cheville plusieurs fois mais fut forcée de garder le rythme car il était toujours aggripé à sa main. ¤ Super tactile le Ernie ! On dirait pas pourtant comme ça ! ¤

Les deux jeunes arrivèrent à un croisement et Ernie demanda alors à Lavande si elle ne connaissait pas un endroit où se cacher. ¤ Un placard ? Non, pas ici ¤. Réflechissant à toute allure, Lavande aperçut une salle de classe et eut l’idée d’aller s’y cacher si elle était vide ; se fut alors à son tour d’entrainer Ernie vers cette pièce.
Lâchant la main du garçon, Lavande colla son oreille contre le bois de la porte dans l’espoir d’entendre - ou plutôt de ne pas entendre - un bruit quelconque. Sa respiration haletante l’empêchant de saisir le moindre son, elle posa alors sa main sur la poignée ¤ S’il y a un cours, je dirai que je me suis trompée… ¤. Pressée par Rusard qui était sûrement en train d’arriver, Lavande tourna vivement la poignée et trouva la porte fermée : la salle était vide mais verrouillée !

Elle se retourna alors vers Ernie et demanda d’une voix précipitée : « Qu’est ce qu’on fait ? On entre ? ». Elle attrapa alors sa baguette d’un geste prompt : elle connaissait le sort pour ouvrir la porte et elle serait bien étonnée que Rusard les retrouve ici. Pourtant, elle gardait à l’esprit que si jamais le concierge parvenait à les dénicher dans cette salle, les carottes étaient cuites pour eux !

¤ Décide toi vite, il arrive ! ¤

Comment ? Les Gryffondor ne connaissaient pas toutes les planques du château ? Et leur réputation de briseurs de règles, alors ? Ernie lança un coup d'oeil torve à Lavande, comme s'il se sentait trahi. Lui qui avait toujours pensé dur comme fer que les Lions étaient les champions de la cachettes...

*Manque de bol, il faut que je tombe sur une Gryffondor super sage... Euh, ou en tout cas, pas bien renseignée...*

Car "super sage", étant donné l'attaque sauvage de Miss Teigne n'était certainement pas l'adjectif qui convenait à Lavande. De manière assez incompréhensible, Ernie esquissa un sourire furtif. Il se serait au moins passé quelque chose d'amusant dans sa journée. Enfin, s'ils trouvaient un moyen d'échapper à l'ire de Rusard, bien entendu.

A l'instar de Lavande, il freina des quatre fers devant la salle fermée et lança un bref coup d'oeil en arrière. Rusard n'était pas encore en vue et aucun Serpentard susceptible les dénoncer ne se trouvait dans le couloir. Sans prendre le temps de répondre, il tira lui même sa propre baguette de sa poche et, la pointant sur la serrure, s'exclama d'un ton assuré :

- Alohomora !

Il donna un coup de pied brutal dans la porte - de toute façon, il n'était pas à une dégradation près, après l'agression de Miss Teigne - et traîna Lavande par la manche à l'intérieur avant de refermer vivement la porte et de se pencher pour regarder par le trou de la serrure le bout de couloir dans lequel ils s'étaient trouvés quelques secondes auparavant.
Rusard n'était pas encore là, mais, s'il en jugeait par les bruits de pas furibonds qu'il entendait venir, il ne saurait tarder.

*Oh Merlin, faites qu'il n'entre pas ici...* songea-t-il, soudain angoissé, avant de reculer avec précipitation de la porte.

Il parcourut la salle du regard. Aucune porte par derrière pour fuir... Et pas grand chose pour se cacher. Si Miss Teigne avait autant de flair qu'un chien de chasse, alors, ils avaient vraiment un problème.
Ernie grimaça et gratifia Lavande d'un regard désolé : après tout, s'était entièrement de sa faute, si elle était, elle aussi, punie.
Dans un élan de galanterie qui lui était typique, il chuchota :

- Si on est pris, je dirais que c'est de ma faute... Euh, si tu veux, tu peux te cacher sous le bureau ou dans le placard et je ferais comme si j'étais tout seul. Comme ça, quand Rusard m'aura emmené avec lui, tu pourras partir tranquillement.

Et de désigner d'une main bien moins assurée qu'il ne l'aurait voulue un petit placard, dans le fond de la pièce. Sûrement était-il assez grand pour dissimuler une personne... Et comme Rusard ne les avait, supposait-il, pas vu tous les deux, Ernie pouvait légitimement espérer que le concierge le tiendrait pour seul responsable s'il ne voyait que lui dans la pièce. Ouais, c'était un bon plan.

A bout de souffle, Lavande profita du fait qu’une porte relativement solide les sépare de Rusard pour tâcher de reprendre sa respiration. Elle s’appuya des deux mains sur un des pupitres du premier rang de la classe et resta là haletante jusqu’à ce que la crise soit passée. Ernie regardait par le trou de la serrure alors qu’elle essayait de réprimer les battements de son cœur.

¤ On l’a échappée belle… ¤

A peine cette pensée formulée, la panique recommença à gagner la Gryffondor puisque des pas s’étaient faits entendre devant la porte.

« C’est lui, il revient ! »

Les pas semblaient ralentir au fur et à mesure qu’ils se rapprochaient de la porte et Lavande se pinça les lèvres, persuadée qu’ils étaient perdus. Ernie lui proposa bravement de se dénoncer pour eux deux mais elle secoua la tête énergiquement.

¤ Il n’en est pas question ! On va trouver tous les deux ¤

Elle lui fit signe d’aller sous le bureau alors qu’elle courrait vers le placard sur la pointe des pieds (pour faire taire le bruit de ses talons). Elle en entrouvrit la porte avec précaution et manqua de se prendre deux ou trois fioles sur la tête.

« Nooon… »

Retenant les objets et les repoussant dans l’armoire, Lavande jeta un regard terrifié à Ernie secouant la tête et faisant des grands signes de la main pour expliquer que l’armoire n’était plus une solution valable. Cherchant à nouveau une solution, la 5ème année s’intéressa aux fenêtres de la classe et s’aperçut avec joie que la fenêtre du fond de l’armoire débouchait sur une sorte de petit balcon qui leur offrait un accès aux toits. Ouvrant la fenêtre, elle s’élança dans l’ouverture avec conviction et avait déjà passé une jambe lorsqu’elle se retourna pour faire des signes précipités à Ernie pour lui dire de la rejoindre.

« Viens… »

Elle termina son enjambée et une fois sur le balcon, elle se plaqua le plus possible contre le mur, comme si cette simple position allait la rendre invisible aux yeux de Rusard. Il était certain que si le concierge décidait de se pencher par la fenêtre il allait la voir mais elle se demanda si risquer sa vie en s’enfuyant par les toits valait vraiment le coup.

¤ D’un côté si il m’attrape, adieu la vie de sybarite, je vais devoir récurer les cachots jusqu’à la fin de ma vie c’est certain… Bouh, ces toits ne sont peut-être pas si dangereux, et Rusard ne nous y suivra pas c’est certain. ¤

Attendant Ernie, Lavande essayait d’évaluer le risque qu’ils encourraient si ils décidaient de quitter le balcon pour aller se planquer hors de vue de Rusard ; ce qui exigerait une petite escapade sur les toits de l’école.

La Gryffondor ferma les yeux un moment tout en se demandant dans quel pétrin elle s’était fourrée et attendait désormais Ernie qui devrait en théorie la rejoindre au moins sur le balcon.

Tout à sa noble poussée héroïque, Ernie ne comprit d'abord pas l'intention de Lavande. Car après tout, dans son idéal chevaleresque, la Belle n'était pas censée contrecarrer les plans courageux du Preux Chevalier. Sauf que le Preux Chevalier ne devait pas avoir à composer souvent avec une Gryffondor au sang chaud.

*Attends, elle ne va quand même pas se suicider à cause de Miss Teigne ?* songea-t-il, perplexe, en voyant Lavande enjamber vaillamment le rebord de la fenêtre.

En effet, de là où il était placé, le Poufsouffle ne pouvait apercevoir le petit balcon : rien de bien étonnant, donc, à ce qu'il éprouve une soudaine panique à voir Lavande aussi déterminée. Elle espérait quoi ? Glisser le long de la gouttière ? Sauf qu'il n'y avait de gouttière à Poudlard, juste des gargouilles.

Très inquiet à l'idée d'être responsable de la mort de Lavande, Ernie grimaça et se précipita d'un pas anxieux vers la fenêtre, s'apprêtant vraisemblablement à retenir Lavande par le bras afin de lui éviter de tomber (et tant pis si elle voulait mettre fin à ses jours !). Ceci étant, sauver Lavande d'une mort atroce était, à ses yeux, tout aussi glorieux que la sauver de Rusard. Bien entendu, le mieux aurait été de la sauver d'un écrabouillage vingt mètres plus bas et de Rusard... Mais faute de grives...

- Ne t'en fais pas je... Ooooh ! avait-il commencé d'une voix grave qu'il espérait très virile avant de s'arrêter net en découvrant le balcon.

Se sentant tout d'un coup très bête, il retira sa main, à mi-chemin de la manche de Lavande et se la passa dans les cheveux pour garder une contenance avant de gratifier Lavande d'un sourire décontracté (surtout, ayons l'air naturel, hein !).

*Monter là-dessus, pas de problème !* pensa-t-il, gaillard, avant de rejoindre Lavande sur le petit balcon.

- On devrait peut-être fermer la fenêtre, non ? suggéra-t-il en lançant un coup d'oeil en biais à la Rouge et Or.

Il est à présent temps d'avouer un "détail" qui risquerait bien de poser problème à l'avenir : Ernie MacMillan n'était pas un amateur de Quidditch. Du moins, pas quand il était lui-même sur le balai. Le pauvre chaton tenait énormément à la terre ferme. Autrement dit, il était sujet au vertige. Ce qui rendait difficile toute escapade sur les toits.

*Bouh, regarde pas en bas, regarde pas en bas !* se conseilla-t-il en fixant les yeux sur Lavande d'un air résolu.

La fierté d'Ernie lui interdisait de lui avouer son "handicap". D'ailleurs, il n'était si haut, ce toit. Non mais quand même, hein ! Il n'allait pas se laisser impressionner par un petit toit même pas trop pentu !
Il adressa un sourire bravache à Lavande avant de reprendre d'un ton assuré :

- On grimpe, alors ?

*Beuh ! Pourquoi on n'a pas vidé le placard à la place... Tais-toi Ernie, tais-toi ! Beuh, mais c'est haaaaaut !*