Une soirée de rêve [Terminé]

Susan n'était pas une stratège de génie. Si elle s'était rendue au bal sans cavalier, c'était bien plus pour une question de loyauté que pour des raisons bêtement pratiques d'éclipse discrète. Hélas pour elle, c'était compter sans l'ouverture du bal. Ou, pour parler plus clairement, la sinécure préfectorale de Noël.
Et force lui avait été de constater - un tantinet paniquée - quelques secondes avant la première valse, qu'elle ne pouvait légitimement pas arriver seule sur la piste de danse. Même si elle disait avoir un cavalier invisible, elle avait peu de chance d'échapper aux railleries.
Alors, en désespoir de cause, elle avait arraché Zacharias du buffet (où il était d'ailleurs en fort mauvaise posture) pour le traîner, franchement ahuri, jusqu'au centre de la salle. Enfin le centre... Disons plutôt un petit coin de la piste de danse, le plus sombre possible, pour que personne le la voit écrabouille consicieusement les pieds de Zacharias.
Hélas ! Si elle avait pensé pouvoir remercier chaleureusement le Poufsouffle avant de filer, elle s'était lourdement trompée. Trois valses plus tard, le volubile Zacharias semblait bien décidé à passer la soirée avec elle et Susan avait été contrainte de recourir à un stratagème qui la laissait encore pantelante de honte pour se débarrasser de lui. Car il lui fallait bien reconnaître que profiter de ce que le brave Zacharias soit parti chercher du jus de citrouille pour se carapater n'était pas bien fair-play. D'autant plus qu'elle devait une fière chandelle au jeune homme.

*Il va falloir que je trouve une bonne excuse... Et que je sois très, très gentille avec lui...* songea-t-elle en plissant le front d'un air anxieux. Zacharias avait beau être quelque peu collant, il n'en restait pas moins un charmant Poufsouffle et Susan l'aimait beaucoup. En tout cas, il ne méritait pas le mauvais tour qu'elle venait de lui jouer.

Elle chassa toutefois résolume l'image de son ami de son esprit. Elle avait d'autres problèmes bien plus urgents à régler pour le moment. Certes, elle connaissait le système de la salle commune depuis bientôt deux mois - AD oblige - mais lorsqu'elle y était entrée, c'était toujours en compagnie d'Hannah, Zacharias, Ernie et Justin, rebelles ombragiens de leur état. Autrement dit, elle n'avait jamais actionné le mécanisme seule.
Enfin, ça ne devait pas être bien compliqué, non ? Quentin avait pris soin de bien tout lui expliquer entre un cours de potion et un cours de métamorphose genre elle est un peu lente. Touchante attention. Mais il lui fallait bien admettre qu'elle n'aurait franchement pas l'air fine si elle se retrouvait dans la salle prévue pour les réunions de l'AD. Ce n'était certainement pas là que l'attendait Quentin. Ne serait-ce que parce qu'il était une petite saloperie de Vert un Serpentard.

*Tiens, d'ailleurs, un jour, il faudra que j'ose lui demander ce qu'il pense d'Ombrage.* pensa-t-elle en s'arrêtant devant un mur nu.

Elle lança un coup d'oeil nerveux par dessus son épaule, comme si elle s'attendait à avoir été suivie. Mais le couloir était, bien entendu, désert. A l'heure qu'il était, toute l'école devait se presser dans la Grande Salle.
Susan poussa un soupir nerveux. Mine de rien, il s'agissait de son premier vrai rendez-vous avec Quentin depuis qu'ils étaient officiellement officieusement ensemble.
Elle s'apprêtait à avancer d'un pas tremblotant pour entamer le premier des trois tours qui lui dévoileraient la porte quand un doute subit l'étreint.
Merlin ! Et si tout cela n'était qu'un piège ? Une farce cruelle ? Un jeu abject ? Et si Quentin faisait semblant depuis la rentrée pour mieux l'humilier ce soir ? Et si derrière cette porte se tenait une armée de Serpentard qui allait la réduire en chair à saucisse avant de la balancer dans le lac, nourriture de luxe pour calmar affamé ?

La rouquine eut soudain très envie de faire demi-tour pour retrouver les lueurs réconfortantes de la salle de bal. Mais si l'AD lui avait appris une chose, c'était que reculer devant le danger potentiel était parfaitement indigne. On sent bien que c'est un Gryffondor qui dirige l'AD, avec une mentalité pareille, pas étonnant qu'il soit balafré, le Potter.
De toute façon, elle était déjà suffisamment compromise pour que Quentin puisse lui nuire si c'était vraiment ses intentions.
A ben bravo Susan ! Alors "on" se décarcasse pendant toute une après-midi et tout ça pour quoi ? Pour une suspicieuse ingratitude ? Bouh ! Opprobre sur Susan !

*Bon, allez, c'est parti... Quentin Montgomery, Quentin Montgomery, Quentin Montgomery... Bouh, j'ai pas l'air bête, là, tiens ! Qu'est-ce qu'il faut pas faire, quand même ! Tout ça pour finir dans l'estomac du calmar !* songea-t-elle en passant trop fois d'un pas vif devant le mur.

Dans un dernier demi-tour sur un pied, elle se retourna pour faire face au mur. Ou, plus précisement, à la porte à double battants qui venait d'apparaître. Susan esquissa une grimace inquiète. Au fond, elle se demandait si elle n'aurait préféré que le mur reste aussi nu que la Vénus de Botticelli.
D'une main mal-assurée, elle poussa la porte et avança craintivement dans la salle :

- Quentin ? souffla-t-elle d'une voix flûtée parfaitement inaudible qui dissimulait mal son appréhension.

Aaaaaaah ! Aaaaaaah ! Mais "Aaaaaaaaah", quoi ! On cherchait à l'étrangler ! Elle le savait ! Elle n'aurait jamais dû venir ! Bouh ! Pauvre d'elle ! Mourir à quinze ans, un soir de Noël, même pas sous un pont de Londresà cause de...
Hein ? Quoi ? Ah non, tout allait bien, en fait. Héhé ! Erreur paranoïaque. Susan, qui s'était raidie, prête à défendre chèrement sa vie (sa baguette ? Où était sa baguette ? Bouh ! Mais elle ne voyait, rien, là !), laissa échapper un soupir de soulagement en comprenant qu'il ne s'agissait pas d'une agression à but sanglant mais "juste" de Quentin. Non mais t'es malade ! Ne refais jamais ça !

Encore sous le choc pauvre petit coeur de souris Susan avança d'un pas maladroit, guidée par Quentin, tout en répondant d'une voix tendue :

- Euh, tout dépend du rêve, en fait...

Oui, parce que dans son malheureux esprit dansaient encore les figures grimaçantes de Serpentard assassins.

Quentin guida sa bien-aimée jusque derrière le rideau et enleva ses mains de devant ses yeux. Il était toujours dos à elle et la tenait à présent par les hanches, toujours collé à elle. Il la regardait à présent pour tenter de se rendre compte de sa réaction, qu'il espérait bien entendu bonne. Il n'avait pas fait tout ce travail, en grande partie intellectuel en fait, car créer la salle sur demande avec tout les détails que Quentin s'était imaginé était un réel chalenge, pour que sa copine lui sorte une réplique des plus décevantes du genre, “Ah... Tout ça pour ça... Ben dis donc...” #PAF#. Mais passons.

Quentin lacha Susan et se dirigea vers la petite table située vers le canapé. Il rempli deux verres de Bierraubeure, (autant fêter Noël avec folie hein !), et se rapprocha de Susan, lui tendant son verre, pendant qu'il tenait encore le sien. Il se mit enfin face à elle et planta son regard dans le sien, en levant son verre. Il compait porter un toast à cette soirée là, une soirée qui ne se reproduirait sans doutes pas de sitôt. Quentin était donc bien décidé à en profiter au maximum et à ne rien laisser au hasard, il détestait ça.

- Je leve mon verre à cette magnifique soirée qui restera à jamais gravée dans nos mémoires. Paroles de Montgomery...

Il aurait pu dire “paroles de Serpentard” mais bizzarement, ça n'aurait pas fait le même effet. Allez savoir pourquoi... Hors, “paroles de Montgomery” en revanche, était de suite beaucoup plus rassurant et était à elle seule, un gage suffisant de confiance. Quentin leva donc un peu plus haut son verre en guise de toast et le redescendit pour en boire une gorgée. Il continuait toujours à fixer Susan. La déstabiliser était son jeu préféré, il adorait la mettre hors d'elle ou même la géner, en gros, il détestait la laisser indifférente.

Et puis cette soirée là, il comptait bien s'amuser et s'amuser en temps que parfait séducteur, ça voulait dire jouer avec Susan. Il comptait bien tester ses limites et voir jusqu'à quel point la préfète pouvait lui résister. Car oui, s'il y avait bien une chose que Quentin détestait, c'était qu'on découvre ses sentiments, et montrer qu'il la désirait plus qu'elle même le désirait était pour lui une idée insupportable. C'est donc pour cela qu'il allait tout faire pour la tester et connaitre ses limites à la séduction, à la sienne du moins.

Ne pas l'embrasser consistait en la première action. Des contacts physiques certes, mais aucun avec ses lèvres, histoire de bien la rendre accro. Bon certes, on a tendance à trouver Quentin Montgomery réellement parfait, mais il faut s'imaginer qu'il possède des défauts (si si!). L'un deux était la orgueil, et il était en fait assez dominant chez Quentin. Pour lui, il ne faisait aucun doute que Susan le trouvait irrésistible, peut être plus que lui même la trouvait irrésistible, mais ça, c'était ce qu'il pensait. Restait à voir ce qu'elle en pensait et ce qu'elle allait donc faire.

Susan avait eu la chance de naître voyante. Elle n'avait jamais vraiment réfléchi au don fabuleux dont l'avait gratifiée le ciel non pas celui du troisième oeil, celui des deux yeux de base, c'est déjà pas mal. Toutefois, à présent qu'elle se retrouvait privée de la vue, momentanément, certes, mais privée de tout de même dans la pure tradition du "Coucou, qui est-ce ?", elle comprenait à quel point ses yeux étaient précieux. Car s'il devait y avoir des Serpentard cachés dans tous les coins, mieux valait-il pour savoir où, n'est ce pas ? Le fait de ne rien voir la rendait franchement nerveuse déjà qu'à la base elle n'était pas précisément détendue et elle ne put contenir un imperceptible soupir de soulagement quand Quentin lui rendit la vue. Ce qui est, au passage, la preuve même qu’il n’est pas obligé de jouer les indifférents pour rendre la pauvre Susan nerveuse, merci pour elle ! La chère âme va finir cardiaque, s’il continue sur cette voie, le bougre ! Mais au final, il sera bien attrapé puisque Susan ne l’a pas couché sur son testament. Ahah !

Passons. Libérée de l’étreinte de Quentin (notons, au passage, que celui est très courageux, parce que Susan, dans sa maladresse, avait bien failli lui écrabouiller les orteils une douzaine de fois en l’espace de quelques mètres. Il y a du Gryffondor qui sommeille chez ce garçon !), Susan cligna des yeux, légèrement éblouie par la lumière et contempla d’un air à la fois éberlué (comment ? Nul instrument de torture dans les parages ? «Aha ! Nous avons les moyens de vous faire parler !») et franchement admiratif la décoration de la salle. Ouh ! Hé bien dites donc, ça changeait radicalement d’avec le décor de l’AD !

La rouquine lança un coup d’œil en biais à Quentin et se sentit rosir de… De rien en fait. Elle rosit uniquement parce qu’elle s’appelait Susan et que rester plus de deux minutes consécutives sans rosir était un reniement de son essence (c’est beau, on dirait presque du Bergson : authenticité, nous voilà !). Très impressionnée, elle leva les yeux vers le plafond et articula d’une voix fluette passablement étranglée tant elle était intimidée :

- Franchement, la décoration de la Grande Salle est plus réussie. C’est vraiment magnifique. Tu as fait ça tout seul ? Super je sors avec un décorateur d’intérieur.

Toute à sa contemplation, elle saisit d’une main distraite le verre que lui tendait Quentin et hocha la tête d’un air grave avant de tremper ses lèvres dedans (des fois qu’il aurait empoisonné le jus de citrouille). Elle s’attendait plus ou moins à ce que le Serpentard lui explique comment il était parvenu à faire de la salle sur demande cette réplique parfaite d’un restaurant branché aussi ne pipait-elle mot.

Hélas ! Quentin n’avait pas l’air décidé – le fourbe – à éclairer sa lanterne en entamant une conversation aussi innocente que guillerette. Ce qui ne fit qu’accentuer le trouble de Susan. Mince ! Avait-elle fait quelque chose de mal ? Un horrible bouton venait-il de lui pousser sur le nez ? Elle esquissa un mouvement machinal vers son visage mais ne l’acheva pas. Mieux valait-il éviter de se rendre encore plus ridicule qu’elle ne devait déjà l’être. A nouveau, elle lorgna Quentin d’un œil que la suspicion rendait torve, franchement anxieuse, et finit par articuler, ne supportant plus ce silence de cathédrale :

- J’ai oublié quelque chose ?

Car Susan, dans son manque de confiance en elle flagrant et sa candeur de Poufsouffle ne pouvait tout bonnement pas concevoir que le mutisme de Quentin puisse faire partie d’un plan aussi diabolique que subtil.

*Il ne s’attend quand même pas à ce que je lui cire les chaussures comme si j’étais en proie à une vénération extatique, si ? Je veux dire, il le sait déjà, que je suis dans une vénération extatique, non ?* songea-t-elle, un brin perplexe en sondant le Vert d'un oeil perçant.

Heureusement pour Quentin, Susan n’était pas bonne en occlumancie. Sans quoi, elle serait probablement partie, scandalisée, en découvrant ce que son ego surdimensionné préparait : non ! Susan Bones n’était pas un jouet et non ! Elle n’apprécierait certainement pas l’idée que Quentin cherche à la faire marcher. Elle avait beau être une Poufsouffle terrorisée, il ne lui en restait pas moins un soupçon de dignité et d’amour propre.

Il fallut beaucoup de retenue à Susan pour ne pas lever les yeux au Ciel d'un air à la fois comique et agacé. Dieu que ce garçon était enquiquinant ! Elle ne savait jamais sur quel pied danser, avec lui. Déjà qu'elle n'était pas très douée pour la danse à la base ouh elle était facile celle-là...
En tout cas, Quentin se cassait la tête pour rien. Vraiment. Croire que Susan ne voyait pas parfaitement ses côtés négatifs relevait de douce illusion. Pour commencer il était à Serpentard. Rien que ça, c'était un côté négatif en béton. Et plutôt difficile à cacher, en plus. Susan était peut-être naïve, mais en cinq années à Poudlard, elle avait tout de même eu le temps d'intégrer que Quentin Montgomery était à Serpentard, merci pour elle. L'Amour était peut-être aveugle, mais Susan avait de bonnes lunettes.

Elle se serait, d'ailleurs, probablement mise en colère, si elle avait eu la moindre idée de ce qui se passait dans la tête - fort jolie au demeurant - du jeune garçon. Non mais vraiment ! Il la prenait pour une grosse poire naïve ou quoi ? Elle n'était peut-être pas bien critique, mais tout de même, elle savait depuis longtemps que nul n'était parfait. Tant mieux, la perfection était enquiquinante. Sans parler que les petits (et gros) défauts de Quentin faisaient, aux yeux de Susan, tout son charme. Elle lui avait même [stri ke]presque[/strike] pardonné son appartenance à the maison pourrie de Poudlard, fallait-il qu'elle soit gentille, cette Susan !
Heureusement pour Quentin, la rouquine n'entendait rien à l'Occlumencie et de toute façon, elle avait bien trop confiance - threuthreu - en lui pour que la simple idée d'aller farfouiller dans sa cervelle lui traverse l'esprit. Elle était, par ailleurs, bien trop occupée à se retenir de rougir comme une petite idiote pour s'exercer à un art aussi délicat.

Nerveuse, elle fit à nouveau un tour de pièce du regard tout en se mordillant machinalement la lèvre. En bonne timide, Susan n'avait jamais été très douée pour la conversation. Mais lorsqu'elle se trouvait en face de Quentin, elle perdait littéralement l'usage de la parole. Ce qui la plongeait dans des abysses de panique. Elle devait faire une bien agréable compagne.

*Bouh ! Il va finir par regretter de m'avoir invitée ! Ou pire, me prendre pour une ingrate ! Il faut que je trouve quelque chose à dire et viiiite !* songea-t-elle, soudain très pâle.

Elle voyait déjà Quentin se diriger d'un air méprisant vers la porte en lâchant d'un ton nonchalant : "Bon, bon, bon, ben je vais y aller, moi, hein ! Faire danser la belle Dawn qui elle, au moins a de la conversation... On se voit... Plus. En fait voilà, le mieux, c'est qu'on ne se voit plus, hein ! Et Joyeux Noël !" Et de sortir dignement... Pour mieux revenir : "Oh ! Au fait, tu pourras ranger tout ce bazar avant d'aller au lit ?"
Susan laissa échapper un petit couinement involontaire à cette idée. Houlàlà ! Et le désir de monter quand l'effet se retire Il fallait absolument qu'elle agisse, et vite !
Susan esquissa un sourire crispé à Quentin avant de bafouiller la première chose qui lui passait par la tête :

- Euh, je crois que j'ai oublié ton gâteau... Euh, cadeau... Dans les dortoirs...

*Oh non ! Mais qu'est-ce que je raconte ?*

Au bord de l'étourdissement, elle prit un toast d'une main tremblante et se laissa tomber dans le canapé (et non pas sur les canapés, warfwarf !) d'un air affligé. Tellement affligé qu'elle ne sentit même pas le bras de Quentin papillonner derrière son dos. Bouh ! Elle avait envie de pleurer. Elle était tellement nulle !

Si Susan se trouvait nulle, ce n'était certainement pas le cas de Quentin, qui en cet instant là, voyait Susan comme toujours, à savoir belle et réservée. Oui Susan n'avait jamais été un modèle de fille extravertie et ne le serait heureusement jamais. Quentin aimait les filles douces et calmes, pas les filles qui aimaient se faire remarquer dès qu'elles en avaient l'occasion. Myrielle Symphonie en étant le meilleur exemple. En ça, Quentin et Susan étaient fait pour être ensemble. Il n'était donc pas surprenant de voir une Susan muette, qui n'osait parler que quand le silence le plus génant pointait le bout de son nez. Susan était comme ça et Quentin le savait, c'était d'ailleurs ce qui faisait qu'il était si accro à elle.

Comme l'avait prédit Quentin, dès que le silence génant atteignit ses 10 secondes règlementaires, Susan ne put s'empêcher de parler. Elle lui dit qu'elle avait oublié son cadeau dans son dortoir. Décidemment, les silences la mettait encore plus mal à l'aise que ne le croyait Quentin. Pour l'heure, elle voulait tout simplement éviter Quentin, point à la ligne, sa présence étant surement trop lourde à supporter. Manque de bol pour elle, Quentin ne voulait pas qu'elle parte et en cet instant là, il avait envie de tout autre chose.

Plus le Serpentard regardait Susan, plus il avait envie de l'embrasser. Certes, ce n'était pas du tout ce qui était prévu à la base mais il n'y pouvait rien. Quentin voulait que ce soit Susan qui fasse le premier pas, mais connaisant la patience du jeune triplé en amour, il y avait fort à parier dès le début qu'il échouerait lamentablement. C'était plus fort que lui, plus il la regardait, plus il était attiré par elle, d'ailleurs elle l'avait sans doute remarqué puisqu'il fixait ses lèvres avec intensité depuis plusieurs secondes. L'amour c'est bien, la résistance, c'est mieux.

C'est quand Susan parla que tout se déclancha malgré lui. Il s'approcha d'elle, lui faisant donc face puisqu'elle venait de se tourner vers, et lui glissa dans un souffle « Tant pis, ça attendra » Il parlait bien évidemment du fameux cadeau dont parlait Susan. Tout en avançant vers elle, la main de Quentin qui se trouvait encore derrière Susan glissa derrière sa tête et se posa délicatement dans ses cheveux. Quentin plantait son regard dans les yeux marrons de la jeune fille et tout en ne cillant pas, il ammena ses lèvres aux siennes. Le baiser fut tendre et non fougueux. C'était un baiser doux, qui montrait tout l'amour que ressentait Quentin pour Susan, pas un baiser passionné comme la première fois où ils s'étaient rencontrés.

Le baiser prit fin quelques secondes plus tard et Quentin rouvrit des yeux pour comtempler le visage de Susan, elle était si belle. Il lui caressa doucement la joue avec sa main droite et la laissa doucement glisser sur le bras de la jeune fille. Vraiment, il n'aurait jamais espéré avoir pareille petite amie. Certes ce n'était pas du tout le style d'un fille qu'on lui aurait prété si on avait interrogés des Serpentard mais Quentin était mille fois plus heureux avec Susan qu'avec une autre fille de Serpentard qui serait loin de l'égaler. Susan était faite pour lui, à présent, il le savait. L'ojectif d'aujourd'hui était donc assez conséquent. Il ne pouvait décemment pas sortir avec une fille qui le craindrait ou serait géné en sa présence. Il savait que ce ne serait pas gagné en quelques secondes mais comptait bien faire du Susan, une fille qui puisse le regarder sans virer au rouge, tellement il lui faisait de l'effet.

Cerveau à Susan ! Cerveau à Susan ! Plan de fuite tenu en échec, plan de fuite tenu en échec ! Attendons vite la suite des instructions !
Voilà probablement ce qu'aurait hurlé le cerveau de Susan si celle-ci avait été en mesure d'en faire bon usage. Mais malheureusement pour elle, elle semblait avoir momentanément - du moins espérons-le pour elle - égaré le chemin de sa cervelle. Aussi devait-elle passablement ressembler à un gros poisson hébété et paniqué, qui vient d'être pêché, et qui fait de grands bonds pour tenter de retrouver l'eau, sans s'apercevoir qu'il est pris dans un filet. Ce qui était doublement dommage étant donné que, d'une part, les poissons ne sont pas connus pour leur intelligence et que d'autre part, une carpe n'avait rien de particulièrement séduisant. Sauf pour une autre carpe ou pour un brochet potentiellement affamé, ce dernier cas n'étant pas réellement ce qu'on peut nommer un coup de chance.

La pauvre petite avait les nerfs en pelote et l'un dans l'autre, elle commençait à se demander s'il n'aurait pas mieux valu pour elle qu'elle continue à se faire écrabouiller les orteils par Zacharias plutôt que de se retrouver coincée dans la salle sur demande. Non qu'elle n'appréciât pas l'idée d'une soirée en tête-à-tête avec Quentin, bien au contraire, mais elle avait de plus en plus la très désagréable impression de n'être qu'une parfaite petite cruche. Ce qui risquait de nuire gravement à son image de marque auprès du Serpentard. En même temps on s'en fiche de l'image de marque, c'est un Serpentard, nom d'un Dumbledore en short ! Intelligent comme il était, le jeune garçon ne serait pas long à s'apercevoir que Susan ne valait pas le déplacement comparée à d'autres poudlardiennes portant l'uniforme avec grâce et distinction. Serpentard regorgeait de ce genre de créatures.

*Elles doivent prendre des potions ou ce genre de trucs pour être aussi... Aussi... Aussi...* songea subitement Susan en mâchouillant d'un air rêveur la fin de son canapé *Aussi... Ah zut ! Bref, en tout cas, c'est suspect qu'elles soient aussi nombreuses à Serpentard. Ou alors la beauté attire les teignes ? Humph ! Enfin quand même, ce serait bien leur genre d'utiliser des philtres interdits. Les préfets feraient bien d'aller vider les valises des filles... Ah ben non, mince, Dawn doit certainement en prendre plein, des gélules pour être belle ! Et il y a peu de risques qu'Isaac le bellâtre aille mettre son nez là-dedans. Ce ne serait pas bon pour lui !* conclut-elle en esquissant une moue entendue.

Il paraît que l'esprit humain a ceci de fabuleux qu'il est capable de s'auto-protéger dans les situations délicates en plongeant le sujet dans des réflexions parfaitement détachées de la situation. Susan avait peut-être perdu le chemin de son cerveau, mais visiblement, celui-ci n'avait pas besoin de son accord pour passer en mode automatique. Sans trop savoir comment, elle était partie sur des élucubrations dignes d'une adolescente bavant devant les modèles des magasines, oubliant du même coup la position délicate dans laquelle elle se trouvait : en pleine débâcle sentimentale. D'ici vingt-quatre heures, elle serait en train de pleurnicher toutes les larmes de son petit corps sur l'épaule de Lavande qui lui laisserait entendre que sortir avec Serpentard ne pouvait attirer que des ennuis. Son petit coeur brisé en mille minuscules morceaux on sent la Reine des Neiges qui passe par là qu'elle mettrait toute sa vie à rassembler. Elle mourait d'ailleurs probablement de chagrin avant d'y arriver.

Susan en était là de ses réflexions quand Quentin, qui lui, vivait visiblement la situation de manière autrement plus détendue - le petit veinard - s'enhardit (diantre !). Ce qui eut le moins le mérite de ramener Susan sur terre, loin des complots serpentardiens.
Lorsque le Vert jeu de mot jeu de mot passa la main dans les cheveux de la Poufsouffle (non, je ne me serais pas abaissée à dire "La jaune". L'humour débile a ses limites), cette dernière se raidit machinalement. Oh Merlin ! On cherchait à l'étrangler ! Elle le savait qu'elle était trop nulle pour Quentin ! Tant pis, entre mourir de chagrin et mourir maintenant, elle préférait mourir maintenant, au moins, ce serait fait.

*Et puis je n'embêterais pas le monde avec mes histoires...* pensa-t-elle, fataliste.

- Et n'oublie pas de... commença-t-elle d'un air résigné, dans le but de conseiller à Quentin de lui briser les cervicales d'un geste sec quand le baiser de celui-ci l'interrompit.

Ah ? Tiens ? Non, on ne voulait pas la tuer, finalement ? Ou alors était-ce la dernière faveur accordée au condamné ?
Peu importe ! La rouquine se laissa totalement aller, oubliant son angoisse latente. Bouh ! Avec de tels méthodes, comment pouvait-elle ne pas fondre comme du chocolat au bain Marie, hein ?

- Tu sais, on devrait interdire ce genre de tactique de diversion, dit-elle finalement, les joues roses, en attrapant machinalement la main de Quentin.

(821 mots)

Susan attrapa la main de Quentin pendant qu'ils étaient en train de s'embrasser. Quentin aurait volontier figé le temps en cet instant mais hélas, on lui avait retiré ce pouvoir à la naissance. On s'était dit que ce garçon était déjà “trop” mignon, “trop” intelligent et “trop” modeste et “trop” Montgomery pour recevoir un tel don. Celui là, on ne le donnait qu'aux gens défavorisés, pas au sang pur riches et intelligents. Tant pis pour lui, il devrait se contenter de ce qu'il avait. En attendant, Quentin faisait tout dans ses études pour avoir un jour la chance de posséder son propre retourneur de temps. Granger en avait un (oui Quentin était observateur, il avait déduit de ses multiples cours en parallèle qu'elle en possédait un, mais il avait préféré le taire aux autres) alors pourquoi pas lui, après tout dans les moyennes de classe il était juste après elle ?

C'est donc que, sans pouvoir particulier, Quentin passait sa merveilleuse soirée avec Susan. Il devrait se contenter du temps qui leur était imparti. Et comme pour rapeller à Quentin que le temps imparti passait vite, l'horloge sonna 22 h. Déjà ? Non ce n'était pas possible... Il fallait d'urgence qu'ils se dépêchent de gouter au sublime repas s'ils compter ne pas arriver en retard dans leur salle commune. Quoique Susan était préfete, ça pouvait s'arranger pour elle. Le jeune homme sourit aux paroles de Susan. Vraiment, c'était dur de lui résister, tout le monde pouvait vous le dire, en particulier Quentin. Déposant un nouveau baiser sur ses lèvres, le Serpentard se leva d'un bond et se plaça devant Susan, la main tendue vers elle.

« Madame, le diner est servi » Aucun jeu de mots ne sera permi avec la série bien connu “Madame est servi”, parce que d'un, il est nul, et de deux, je viens de le faire. Susan attrapa la main de Quentin et celui l'aida à se lever. Ils étaient donc face à face et Quentin plongea de nouveau ses yeux dans les siens, comme s'il ne pouvait pas faire autrement. En fait, il ne le pouvait pas, mais il n'en dirait rien. Parvenant à détourner le regard vers la table, Quentin tendis le bras à sa copine, bien décidée à ne laisser aucun détail au hasard. Arriver à la table de deux et aider Susan à s'asseoir comptait parmis ces choses là. Le couple se dirigea donc vers la table et Quentin tira la chaise à Susan pour qu'elle puisse s'asseoir, il alla ensuite s'asseoir en face d'elle. Sur la table, on pouvait voir deux chandelles qui se reflétaient dans les yeux des deux élèves. La nappe était rouge et les couverts étincellans. On se serait cru dans un restauran chix de Londres, sauf que non...

Les entrées étaient déjà dans les assiettes et le couple n'eut qu'à commencer à manger, voila qui simplifiait les choses. Pour ne pas changer, Quentin regardait Susan. Il ne la voyait jamais, et le peu qu'ils pouvaient échanger était extremement rapide, dans un couloir, ou une salle vide. Toute cette pression finissait par être pesante, autant pour Quentin que pour Susan. S'il faisait tout ça, c'était pour elle. Quentin se fichait du regard des Serpentard en fait, mais c'était surtout le regard des amis de Susan envers elle qui le dérangeait. Il ne voulait pas qu'elle souffre par sa faute, ça c'était inconcevable. Il voulait la protéger plus que tout et ce soir là, il n'en avait pas besoin. Ils pouvaient, et devaient même, profiter un maximum, telle était la devise de Quentin. Profiter un maximum. Et pour ça, on pouvait lui faire confiance. Pour Susan autant que pour Quentin, cette soirée serait inoubliable...

[ 612 ]

*** tous comptés

Susan aurait volontiers figé le temps, mais ses parents avaient oublié de prendre l'option lors de sa conception. Ils avaient eu le choix entre "rouquine rougissante" et "blondinette figeuse de temps". Malheureusement pour Susan, ils n'avaient pas réfléchi trois secondes avant de prendre une décision. Ah les sots ! Ils auraient au moins pu la consulter avant de cocher la case "rouquine rougissante" Après tout, elle était la première handicapée, dans cette histoire.
Et voilà comment, quinze ans - presque seize - plus tard, Susan Bones se retrouvait rousse, cramoisie et - hélas ! - aussi incapable de figer la grande course du Temps qu'une écrevisse congelée l'était de s'échapper de son congélateur. En même temps on s'en fout du temps puisque c'est la durée qui compte, hein Bergson ? Un jour elle irait raconter à un psy ses déboires.
Mais lorsqu'on y réfléchissait bien, tout était la faute de Quentin (comme d'habitude, soit dit en passant). Après tout, avant de le rencontrer, la Poufsouffle jamais une idée aussi saugrenue que celle de suspendre le temps ne lui avait traversé l'esprit. Ou, du moins, jamais sérieusement. Jusqu'alors, Susan avait toujours été d'avis que bidouiller le temps ne pouvait qu'apporter des ennuis. C'était tout bonnement contre nature et tout un chacun se devait de savoir qu'il ne sortait jamais rien de bon dès lors qu'on commençait à pervertir Dame Nature (après tout, si elle fonctionnait ainsi, elle devait bien avoir une raison, non ?).
Bravo l'affreux vilain méchant Quentin était parvenu, en quelques semaines, à étouffer la Raison de Susan. Il ira loin, ce petit. mais il ne sera jamais ministre parce que la place est déjà réservée pour Poufsouffle

Susan en était là de ses réflexions quand l'horloge sonna ses dix coups. Dix coups ? Déjà ? Et toujours pas une horde de Serpentard affamés venus la déchiqueter ? Finalement, peut-être sortirait-elle indemne de cette pièce.
En tout cas, ils avaient intérêt à se dépêcher, parce qu'après minuit le carrosse redeviendrait citrouille Rusard et Miss Teigne rôderaient dans les couloirs. Or, Susan n'avait pas très envie de finir son réveillon au poste dans le bureau d'un surveillant acariâtre (car il était de notoriété publique que Rusard n'avait pas trouvé de cavalière pour le bal, ce qui avait décuplé ses tendances sadico-ronchonnes).
Les grands esprits se rencontrent. Ou plutôt, les grands esprits peuvent parfois s'abaisser au niveau des petits. Car Susan venait à peine de réaliser à quel point il commençait à se faire tard quand Quentin sauta du canapé (oui, enfin bon, c'est une façon de parler, hein !). Surprise, la rouquine ne put réprimer un sursaut de souris effrayée. Merlin ! Qu'avait-elle bien pu faire ? Etait-ce un signal pour les Serpentard cachés dans la pièce (sous la table ?) jusqu'alors ? Ou bien Quentin venait-il de s'apercevoir qu'il était assis sur une épingle ?

Un peu décontenancée, Susan lança un rapide coup d'oeil autour d'elle, comme si elle cherchait une explication rationnelle à cette levée soudaine (jeu de mots, jeu de mots *paf*). Elle n'eut toutefois pas tellement le loisir de s'interroger longuement dessus.
Susan esquissa un sourire soulagé en comprendre qu'il n'était nullement question de la passer à tabac (tiens, encore un jeu de morts débiles. Décidement...). Du moins, pas dans l'immédiat...
Elle se laissa donc guider jusqu'à la table (en même temps ça, va, elle n'était pas aveugle, on n'avait pas trop besoin de la guider) et s'installa d'un air à la fois franchement impressionnée - tout de même, Quentin avait mis les petits plats dans les grands ! - et passablement intimidée (elle n'était pas - et pour cause - accoutumée à ce genre de situations).
En posant les yeux son assiette, elle se félicita d'avoir su résister aux attraits du buffet de la Grande Salle. Déjà que - étant nerveuse - elle ne se sentait pas très en appétit, mais alors si en plus elle avait grignoté avant de venir... Quentin risquait de très mal le prendre, si jamais elle ne mangeait rien.

Toujours soucieuse de ne pas laisser le silence s'installer, elle parla trop vite, sans prendre le temps de réfléchir à ce qu'elle disait, et laissa tomber un naïf :

- Tu as aussi fait toute la cuisine ?

*Oups ! Holàlà ! Mais qu'est-ce que je raconte ! On dirait que c'est un reproche ! Arg ! Trouve quelque chose, Susan, viiiiite !* songea-t-elle, paniquée.

- Euh, enfin, euh... Je veux dire euh... Tu es allé dans la Grande Salle, tout à l'heure ? Il y avait un monde fou, non ?

*Gné ? Mais qu'est-ce que je raconte ? Tais-toi ! Tais-toi si tu tiens à la vie !*

Malheureusement pour elle, elle n'était plus trop en état de suivre ce sage conseil pourtant elle n'avait pas bu d'alcool, ou alors Quentin était un vicelard aussi conclut-elle, stupidement :

- En plus je me suis rendue compte cinq minutes avant l'ouverture que je n'avais pas de cavalier... J'aurais eu l'air intelligent...