Suite à sa dispute avec son frère, si tant est qu’on puisse appeler ça une dispute, Christian était rentré deux semaines chez lui. Sa mère avait bien sûr été horrifié de voir sa blessure à la main et elle le fut encore plus quand Christian lui apprit en toute honnêteté qu’il se l’était faites lui-même. Claire Montgomery connaissait les problèmes de Christian, elle s’en savait aussi responsable. C’était son mode de vie particulier qui faisait souffrir le trop conventionnel aîné de ses garçons. Elle voulut savoir dans quel circonstance il avait perdu son sang froid au point de se faire mal, il ne lui dit pas. Ses problèmes avec Quentin avaient maintenant pris une telle proportion qu’il fallait, bon gré mal gré, que Christian les résolve seul. Sa mère ne ferait qu’empirer les choses, elle serait même capable de mêler Opaline à tout ça alors qu’elle n’y était pour rien. Elle n’avait fait que naître… au mauvais moment peut être. Jamais la fratrie Montgomery n’avait à ce point été en conflit ouvert, Christian savait qu’il en était en partie responsable, il ne savait juste pas comment arranger les choses sans mentir à sa famille. Il avait trop parlé, mais il pensait tout ce qu’il avait dit. Maintenant, que pouvait-il faire ? Il était parti comme un voleur de Poudlard sans même prévenir Maera… Est ce qu’elle s’inquiéterait ? Peut-être, peut-être pas. Après tout, elle était plutôt du genre insouciante. Alors qu’il se posait tout un tas de questions plus ou moins tortueuses, il attrapa son papier à lettre et se mit à écrire aussi bien que possible malgré sa main encore gonflé.
« Cher Quentin,
Je suis parti de Poudlard pour quelques jours, cela vaut probablement mieux pour tous le monde, mais si tu penses que je fuis, alors tu as raison. Je regrette sincèrement ce que je t’ai dit, personne n’est responsable de mon mal être, mais malgré tout, ce que j’ai dit est bien ce qui me torture depuis des années. Pas les stupidités sur tes amis ou sur Susan, il m’arrive de le penser, mais c’est un faux problème.
Depuis que je suis tout petit, j’ai l’impression de ne pas être comme les autres, d’être mis à l’écart. Toi, tu avais Edward et Isabelle, vous êtes du même sang, quant à Vickie, elle se moque complètement de tout, y compris de notre famille. Moi, je me sentais juste seul. Quand tu restais avec moi plutôt qu’avec Edward, j’étais content bien sûr, et quand tu es arrivé à Poudlard dans la même maison que moi, je me suis dit « et voilà, finalement, c’est à moi qu’il ressemble le plus ». Mais comprends-tu tout ce que cela entraînait comme pensée négative, y compris vis à vis d’Edward ? Je n’avais personne dont je puisse dire avec certitude qu’elle était de ma famille, de mon sang. Tu me diras, il y a maman, mais que lui dire ? Même si ses choix m’ont fait souffrir, ce sont les siens, et je peux les comprendre. Les comprendre, pas les accepter. Cette barrière qu’il y a entre vous et moi, elle existe aussi entre maman et moi. Les choses se sont un peu arrangés avec elle depuis qu’elle est tombé enceinte d’Opaline. Ce n’est pas vraiment parce que j’approuvais une nouvelle grossesse, elle a quand même presque quarante ans, mais parce qu’elle était vraiment amoureuse de cet homme. Jusque là, j’avais toujours pensé qu’elle prenait tout à la légère, un peu comme Vickie, et un jour, je l’ai trouvé en train de pleuré dans ma chambre sur une photo. C’était celle de cet homme. Il lui a fait beaucoup de mal, mais elle en était très amoureuse, c’est pour ça qu’encore une fois, elle a porté un enfant. Elle était réticente à me parler de tout ça, tu sais combien elle est discrète sur ses occupations… mais quand elle l’a fait, cela m’a beaucoup aidé à faire mon deuil sur certaines choses.
Mais pas sur tout. »
Il fallait qu’il lui dise pour qu’il comprenne exactement, serait-il capable de comprendre ? Il fallait que Christian lui fasse confiance, au moins pour cette fois. Si c’était un échec complet, il ne croyait quand même pas que ses frères soient assez cruels pour faire plus qu’insulter Opaline et ils étaient à Poudlard, elle au manoir, elle n’en souffrirait pas… du moins l’espérait il. Descendant au rez-de-chaussée, il s’approcha de sa petite sœur qui jouait tranquillement et il l’embrassa tendrement sur le front. Tant qu’ils portaient tous le même nom de famille, il devait y avoir un espoir.
« Pour que tu puisses comprendre ce qui suis, il faut remonter plus d’un an en arrière. Au moment où j’ai trouvé maman en train de pleurer. Depuis ma naissance, je sais que je porte le prénom de mon père biologique. Tu n’as jamais trouvé ça bizarre ? De toute la famille, je suis le seul à porter le prénom de mon père. Cet état a longtemps renforcé mon sentiment de solitude, jusqu’à ce que je comprenne pourquoi. Mon père était un moldu, un grand pont des finances. Il avait eu une relation avec maman alors qu’elle sortait de Poudlard. Il l’a cependant rapidement quitté pour se plier à des obligations familiales et se marier avec la femme qu’on lui avait choisi. Maman a ensuite eu Victoria d’un autre homme mais à peine celle ci était-elle née, que Christian Sloane, mon père, est revenu vers elle. Il trompait sa femme avec maman… je suis né de cette union mais quand il a su que j’allais naître, cet homme a pris peur, il a abandonné maman en lui donnant la somme d’argent qu’elle réclamait et est reparti avec son laideron de femme. Tu verrais madame Sloane à côté de maman… Vraiment, il n’y a pas photo, en plus, pour ne pas avoir découvert les tendances volages de son mari, elle ne devait pas être bien intelligente. Mais je m’éloigne du sujet… Je suis né, maman s’est consolé avec un sorcier dont j’ai le nom mais je pense qu’il vaut mieux que nous abordions le sujet une autre fois, et ensuite elle s’est un peu calmé… Je pense que c’est surtout qu’elle trouvait que des triplés demandaient un certain travail. Elle n’a jamais voulu engager de nurse, elle faisait tout seule, et Vickie n’avait que deux ans et demi et moi un an ! Tu connais la suite, Anabelle est né quelques années plus tard. Le temps passa… Christian Sloane tomba malade alors que j’étais en cinquième année, il retourna vers maman pour se faire consoler, comme il était le seul homme dont elle fut jamais tombé amoureuse, elle céda et nous avons maintenant Opaline comme dernière Montgomery. Opaline est ma sœur de sang. Au début, j’en ai été très heureux, mais je me suis aperçu, en partie parce que Edward a fait exprès de gâcher le baptême, qu’avoir une vraie sœur maintenant que j’étais si âgé et que notre famille était si décousue, cela ne faisait que m’éloigner un peu plus de vous. Certes, je ne suis plus seul, mais cela signifie tout de même avec encore plus de clarté que je ne suis pas votre vrai frère, puisque je suis celui d’Opaline. Cette pensée faisant remonter les douleurs de mon enfance, je me suis encore plus renfermé qu’à mon habitude. Mais je me dois de reprendre le fil de mon histoire.
Christian Sloane allait mourir d’un cancer alors qu’il n’avait que 41 ans. Comme il ne pouvait pas mettre maman, Opaline et moi même sur son testament sans que sa femme n’apprenne qu’il l’avait trompé, il donna la moitié de sa fortune à maman en passant par le biais de sa société. Encore une fois, il payait maman pour son silence. Pourtant, plus que cette ultime trahison, c’était bien de le savoir mort qui rendait maman triste. C’est alors que j’ai compris qu’elle était capable d’aimer un homme, qu’elle n’était pas juste ma mère. En même temps que cette découverte, j’ai aussi compris que j’étais le fils d’un salaud. Toute ma vie j’ai voulu le rencontrer. La dernière fois, tu m’as dit que tu n’avais pas besoin d’un père, moi j’en ressens souvent le besoin. J’aurais aimé avoir un homme à qui parler de Maera ou même plus jeune de mes erreurs avec les filles, j’aurais aimé faire des ballades à vélo ou apprendre des sports avec lui. Je voulais un père. Le problème, c’est que j’en ai un, nous en avons tous un, et il ne correspond pas à ce que j’attendais de lui. Bien au contraire, il traitait maman exactement comme tout les autres, comme si elle n’était qu’un mouchoir qu’on pouvait jeter alors qu’elle, elle portait ses enfants… Je n’ai jamais été désiré par mon père. Il m’a toujours détesté d’être né et d’être la preuve vivante de sa faute. Le manque qui existait déjà en moi se faisait plus grand chaque jour…
En parallèle il y a eu l’histoire avec Maera. La première fois que je lui ai vraiment parlé, tu n’étais pas là, mais à cause d’Edward entre autre, ça s’est vraiment très mal passé. Je dois t’avouer qu’au début, elle ne m’attirait pas spécialement. Je la trouvais belle, elle l’est de toute façon, mais pour moi, elle était une entité d’un tout qui se trouvait être la famille Montgomery-White. L’année suivante, début de la sixième année, après ce que je viens de te raconter sur mon père, j’étais très en colère. Je l’étais contre la terre entière, il n’y avait que maman et Megan à être épargné, et encore, si tu savais ce que j’ai fais à cette pauvre Megan par égarement…
Ce jour là n’était pas différend des autres, j’étais en colère, je cherchais à me défouler sur quelqu’un qui, à mes yeux, le méritait vraiment. C’est à dire quelqu’un qui ne soit pas mes frères ou mes sœurs. Maera passa par là, à l’époque, je ne savais pas les différencier. Je l’attrapais, bien décidé à la séduire puis à la jeter, puisque après tout, c’est ce qui est dans mes gènes. Je suis le fils d’un salaud donc je suis un salaud, voilà ce que je pensais. Cela ne se passa pas du tout comme ça. Je ne tombais pas sur la fille effarouché que j’imaginais, au contraire, elle entra dans mon jeu, et en lieu et place, ce fut moi qui me fit épinglé. Je l’embrassa… avant de réaliser que la fille devant moi était elle aussi une demi de ma famille, en l’occurrence, une demi cousine. Très perturbé, je cherchais à savoir si au moins, je n’avais pas fait de l’inceste, ce qui aurait franchement été le pompom ! Il se trouvait que non, même si ça reste un peu limite je l’admet.
Etant dans le doute, je n’avais jamais été séduit à ce point par une fille, je passais le plus clair de mon temps à réfléchir sur la marche à suivre. Je ne pouvais partager ces réflexions avec personne. Victoria est possessive comme une chatte, elle griffe quiconque m’approche. J’en rigole maintenant mais à l’époque, ça me faisait plutôt peur. Edward et toi vous étiez mes petits frères, je trouvais ça franchement ridicule de venir vous demander conseil, qui plus est, j’avais peur que si je le faisais, vous me disiez que non, vraiment, je ne pouvais pas le faire. Ce n’était pas ce que je voulais entendre, aussi, je gardais mon secret, un de plus, ne le confiant qu’à Megan. Elle me poussa à me déclarer, je commençais à le faire au bal de Noël, puis juste après, nous sommes sortis ensemble. Maera a tout de suite compris ce que je ressentais pour vous, elle comprenait ce que c’était que de se sentir différent et de ne pas réussir à être autrement. Même si sa famille est plus unis que la notre, il y a quand même un fossé entre son duo avec Megara et son frère Shawn. Il faut dire que sa relation avec Megara est très poussé. C’est éttonant à voir, elles font presque tout ensemble. J’ai vécu avec toi et Edward, et Isabelle aussi, pendant toute mon enfance, et pourtant, quel différence ! Vous étiez proche, mais pas à ce point là ! Peut être parce que vous ne vous ressemblez pas beaucoup physiquement… je ne sais pas.
La relation Maera/Megara fut mon premier problème à surmonter, il est aujourd’hui réglé. En revanche, Shawn me déteste toujours, le problème, c’est qu’Anabelle adore Shawn. S’il existe des triangles amoureux, il doit sans doute exister des triangles haineux, je crois que c’est un peu ça… De fait, il y a aussi que pour maman, Maera est sa futur belle fille mais aussi sa nièce. Je le vis très mal, même maintenant. Seulement là encore, comment le dire à maman ? Elle ne parle plus à ses parents, elle est sûrement ravi d’avoir des demi frères, sauf que moi, je sors avec la fille de l’un d’eux… C’est une position inconfortable.
Voilà toute l’histoire. Maintenant, penses y, crois tu que moi, le frère qui, à défaut d’être de ton sang, que tu as toujours connu, je pouvais vraiment te parler de ça ? Là, je te l’écris, je te confies mes secrets les plus douloureux, je te confie aussi ceux qui ne sont pas à moi, ceux de notre mère. Penses tu que je puisse en parler au milieu d’une autre conversation ? Je ne suis pas comme ça. Depuis toujours, j’essaie de cacher mon sentiment d’exclusion. Même s’il n’a peut être que de très mauvaises raisons d’exister, il est bien là. Au milieu de vous tous, je me suis sentie toujours seul, et pourtant, je porte le même nom de famille, je suis même celui qu’on a désigné comme héritier ! Maman compte toujours sur moi quand il faut l’aider en quelque chose. Elle me parle, elle se confie. Depuis toujours je me sens exclue tout en étant obligé, autant par amour que par obligation envers maman, de faire comme si je ne l’étais pas. Si je vous le disais, si je vous parlais de mes sentiments, alors nous serions vraiment des demi-frères. Je ne voulais pas. Je voulais continuer à faire semblant de croire que j’étais vraiment votre frère, que j’étais ton frère au même niveau qu’Edward. Le problème, c’est que j’avais beau me mentir à moi-même, je ressentais toujours et encore ce malaise…
Il a toujours été plus facile pour moi d’écrire que de parler. Tu parlais de Megan dans les toilettes, et bien sache que si elle m’est aussi proche, c’est surtout parce que je peux lui parler seulement au travers de poèmes ou de dessins. Je n’ai jamais de conversations avec elle… je lui écris c’est tout. De même, je ne parle pas à Maera. Alors ne pense pas que mon discours de la dernière fois était aussi mauvais juste parce que j’étais en colère. Je l’étais c’est vrai, parce que je voulais te dire tout ça, mais que ça me faisait souffrir, je pensais te le devoir et en même temps, je voulais seulement que tu acceptes mes silences.
Je suis désolé si je t’ai blessé, crois moi, ce n’était pas l’intention. J’avais perdu le contrôle, mon amertume faisait sortir les mots sans fil ni raison. Ce n’est pas parce que je ne t’aime pas que je ne te parle, c’est simplement parce que je ne sais pas le faire… Maintenant, je pense t’avoir tout dit au travers de mon unique moyen d’expression. J’espère que mes sentiments parviendront ainsi mieux jusqu’à toi. Crois moi, je t’aime vraiment comme un frère, mais j’aurais seulement aimé l’être autant qu’Edward.
Bien à toi,
Christian.
Ps : Si tu veux bien me rendre ce service, préviens Maera de mon absence, dis lui que ce que tu veux mais je ne veux pas qu’elle s’inquiète.
Ps 2 : Pour ce qui est de Susan, je pense vraiment qu’elle est très chouette, donc ne t’en fait pas pour ça.»