La retenue

Le soir-même, Ann avait été convoquée en retenue avec la bibliothécaire, Mme Pince. L'après-midi-même, elle avait été plutôt arrogante et impolie avec cette dernière, qui n'avait pas du tout apprécié qu'une élève lui parle sur ce ton. Cette fois-là, la bibliothécaire lui avait donné le choix entre une retenue avec elle ou une retenue avec les Carrow. Le choix n'avait donc pas été trop difficile à faire. Surtout que tous les élèves (ou presque) se doutaient du sort qui leur était réservé si la décision de leur punition revenait aux Carrow.
*Entre être torturée ou nettoyer les rayons miteux de la bibliothèque, le choix est facile !* songea Ann.

La jeune Serpentard se rendit donc au bureau de Rusard, pour lui emprunter le matériel dont elle aurait besoin pour nettoyer les rayons de la bibliothèque durant sa retenue. La fillette cogna à trois reprises sur la porte, et attendit que Rusard lui réponde.

Rusard s'éveilla en sursaut, il venait de faire d'horribles cauchemars ou le fantôme de Dumbledore le poursuivait en lui faisant des reproches d'une voix de stentor. Rusard courait de toutes ses jambes à travers les couloirs en criant plaintivement pour sa défense: "c'est pas moi, m'sieur le directeur! C'est pas ma faute! J'ai fait rien qu'à obéir aux ordres, chuis pas responsab' !"

Assis sur le vieux lit de camps en fer dans un coin du bureau, tremblant, il mit du temps à réaliser que ce n'était qu'un mauvais rêve et qu'on avait frappé à sa porte. Rotudju. Qui que c'était encore qui venait troubler son sommeil? Y zont-ti pas fini de rien qu'à faire de m'embêter pour aller réparer des machins ou tout laver? Je suis pas un elfe de maison!

Se jurant de reparler à Rogue de sa petite augmentation (il n'avait pas encore osé), Rusard se leva douloureusement de son lit, ses genoux et autres articulations craquant de partout.

De l'humeur joyeuse qu'on imagine, il ouvrit la porte et aboya aimablement:"Quoi! Qu'est-ce c'est?!", pour bien faire sentir à la personne, qui qu'elle soit, qu'elle dérangeait. C'est alors qu'il vit qui était sa visiteuse. Nom d'un chat !!!! La cambrioleuse de l'an dernier!! L'était pas encore à Azkaban, celle-là?!!

Ann sursauta devant tant de réaction de la part de Rusard. Pourtant, elle aurait dû s'attendre à ce que la réponse de ce dernier ne soit pas plus sympathique qu'à l'habitude. La jeune Serpentard savait que le concierge ne devait pas être très enchanté de la revoir, surtout après ce qui s'était passé l'année dernière. Cette fois-là, la jeune fille s'était faite prendre à se promener dans les couloirs la nuit, ce qui lui avait valu une retenue en compagnie du "sympathique" Rusard. Mais la fillette, elle, ne voyait pas ce qui était si grave dans le fait de se promener dans les couloirs la nuit. Après tout, ce n'était pas comme si elle avait tué quelqu'un !
*Non, mais ! se dit Ann. Est-ce qu'il va finir par oublier ça ?*
Sans même qu'on lui donne de réponse, la Serpentard savait d'avance que la réponse était "non", que Rusard ne l'oublierait jamais.

En essayant vaguement de rester polie, elle répondit :
"Mme Pince m'a dit de venir vous voir pour vous emprunter le matériel nécessaire pour nettoyer la bibliothèque."

Argus eut un rictus de joie en apprenant qu'Irma donnait une bonne leçon à cette effrontée. Bien fait!

Il laissa entrer la fillette dans son bureau qui sentait le moisi et lui montra d'un geste vif le matériel qui se trouvait contre le mur: seaux, balais, éponges, serpillères; il y avait tout ce qu'il fallait pour une parfaite aide ménagère!

"Prenez-en soin pis oubliez pas d'me l'rapporter!", rappela Rusard, menaçant. Il s'assit sur un vieux tabouret bancal, faisant craquer ses genoux, et regarda la gamine d'un air méfiant. Fallait les avoir à l'œil, ces mécréants.

Il se promit d'en discuter plus longuement le jour même avec la belle Irma. C'était toujours un plaisir de partager avec elle leur dégoût commun des élèves, ces ânes bâtés.

Pendant qu'elle prenait les divers objets nécessaires au nettoyage, miss Teigne entra dans le bureau et commença à gronder, cracher haineusement en direction d'Ann. Comme son maître chéri, elle détestait les élèves, et en voir un dans le bureau de papa l'insupportait. Que cette affreuse petite humaine sorte de là !!

"C'est bien, ma mimine, ricana Rusard; tu sais reconnaître les bandits quand tu en vois".

Il se détourna une seconde d'Ann pour caresser affectueusement le félin aux yeux rouges et aux babines retroussées.

Après ses paroles, Ann avait bien remarqué que le fait que Mme Pince lui ait donné une retenue plaisait beaucoup à Rusard, qui semblait détester les élèves tout autant que cette dernière. Mais pourquoi travailler dans une école lorsqu'on détestait les enfants ? Voilà un fait que la jeune fille ne comprendrait jamais. Mais elle préféra s'abstenir de poser une question, de crainte que Rusard ne décide de lui donner une seconde retenue, ce qu'elle n'aurait d'ailleurs guère apprécié.

Le concierge lui indiqua le matériel dont elle aurait besoin pour nettoyer de fond en combe la bibliothèque. La jeune Serpentard entra dans le bureau pour prendre les objets posés sur une tablette. Elle réprima une grimace de dégoût lorsqu'elle sentit l'odeur de moisi du bureau de Rusard.

C'est alors que Miss Teigne entra dans le bureau, crachant à la vue de la fillette. Peu après, Ann entendit Rusard la traîter de "bandit", ce qu'elle n'apprécia pas du tout.
"Je ne suis pas un bandit", rétorqua-t-elle, froidement.
Sans même qu'elle n'ait eu le temps de s'en rendre compte, les mots étaient sortis tout seuls de sa bouche. Une erreur qu'elle réalisa seulement après avoir prononcé ces paroles.

"Hirf, hirf, hirf", ricana Rusard en se tapant sur la cuisse. Les dénégations de la cambrioleuse l'amusaient au plus haut point. Si une cambrioleuse n'est pas une bandite, c'est quoi? D'ailleurs, Azkaban est pleine d'innocents, c'est bien connu. Ou plutôt, de criminels qui crient qu'ils sont innocents quand les détraqueurs les emmènent. Rusard ne doutait pas une seconde qu'on éduquait là à grands frais pour rien une futur pensionnaire d'Azkaban.

Oh, et puis ça suffisait comme ça. Il chassa l'horrible malfrate d'un coup de pied aux fesses et comme elle était tombée hors de son bureau par terre, il jeta sur elle le matériel qu'elle était venue chercher. Miss Teigne donna encore un bon coup de griffe sur la jambe de l'élève et cracha encore une fois dans sa direction pour faire bonne mesure; puis Rusard et Miss Teigne tournèrent les talons, claquèrent la porte du bureau et le bruit de la clef dans la serrure retentit. Qu'on dérange encore Rusard, nan mais, pour voir!

La pauvre Ann, traitée si injustement, était par terre dans le couloir désert, et n'avait plus qu'à ramasser le matériel et se rendre à la bibliothèque dare dare avant d'être en retard et de risquer d'être aussi mal accueillie là-bas. La griffure de Miss Teigne saignait un peu et lui faisait mal; avec la chance que la jeune fille avait en ce moment, cette petite blessure risquait de s'infecter.

Ce n’est qu’après avoir prononcé ses dernières paroles qu’Ann réalisa qu’elle aurait peut-être eut intérêt à se taire. Une fois de plus, elle avait parlé alors qu’elle n’aurait pas dû. Une fois de plus elle avait gaffé.

Rusard ne sembla pas du tout apprécier la réplique de la jeune Serpentard, qui contredisait les propos qu’il venait tout juste de tenir. Il poussa la fillette à l’extérieur de son bureau. Celle-ci tomba par terre, dans le couloir. Si ce n’avait été du fait qu’elle venait d’être traitée de manière plutôt brutale, Ann aurait été très contente de sortir du bureau aussi vite, pour ne plus avoir à sentir d’odeur abominable qui contaminait l’air de la pièce.

Et comme si ce n’avait pas été assez, Miss Teigne griffa la jeune fille sur le mollet, près de la balafre qu’elle avait déjà sur son mollet gauche.

Encore plus fâchée, la Serpentard prit le matériel que Rusard lui avait lancé et se dirigea vers la bibliothèque en boitant.

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