Un monde nouveau ? [PV]

Bérénice regardait la porte depuis dix minutes. Ce n’était pas qu’elle n’était jamais venue mais c’était la première fois qu’elle était sensée y rester pendant deux jours entiers, pire, elle avait mentie à ses parents en leur disant qu’elle était chez Ophélia. BB avait l’impression que dans trois minutes, elle allait recevoir une beuglante pour la houspiller de la part de son père. Mais rien ne venait, et elle était toujours plantée devant la porte du logement que son petit ami partageait avec son meilleur ami. Meilleur ami qui était le frère d’Elizabeth mais qui à priori ne serait pas là donc ne devrait pas cafter à la préfète que BB devenait une mauvaise fille. Elle n’en avait pas parlé à Tyler non plus, il en aurait fait un infarctus. Elle savait très bien ce qu’il pensait de Erwan et qu’il portait foi aux rumeurs quand, elle, elle les ignorait volontairement. Elle voulait croire que si Erwan s’était lassé d’elle, il l’aurait tout simplement quitté plutôt que tromper. C’était un argument qui se défendait mais c’était très mal connaître celui qui était pourtant son petit ami.

Finalement, elle toqua, son petit sac de voyage à la main. Elle avait passé plus d’une heure devant sa glace tôt ce matin là pour se préparer. Elle avait attaché ses cheveux blonds en une queue de cheval haute et quelques mèches de son dégradé entouraient son visage. Elle avait mis un jean noir moulant troué stratégiquement par endroit et un pull avec un col en V jaune sur lequel elle avait mis quelques uns de ses badges et une cape de sorcier courte, noire, et assez simple qui la protégeait du froid de l’hiver (nous étions en février). Elle s’était maquillée pour essayer de se mûrir un peu mais bon, elle avait trois ans de moins qu’Erwan, on n’y pouvait rien.

Quand il ouvrit, elle leva les yeux vers lui mais au lieu de regarder son visage, elle visa par-dessus son épaule, comme d’habitude. Bérénice ne regardait pas souvent les yeux de ses interlocuteurs – donc elle évitait de viser le visage – mais on s’y faisait en fait.

« Salut. » Dit-elle avec un petit sourire contrit. Puis, elle tendit un petit sachet de chocolat. La Saint Valentin était déjà passée mais elle n’avait pas voulu les envoyer par hibou de peur qu’ils s’abîment ou se perdent. « Tiens, c’est pour toi. » Mais elle ne fit pas un seul pas vers lui pour entrer ou pour l’embrasser. Bérénice n’était pas excessivement démonstrative, il fallait juste avoir l’habitude et surtout ne pas s’en offusquer. Au moins, Erwan pouvait, lui, être certain que c’était pas BB qui le tromperait de toute façon c’était pas les prétendants qui se bousculaient au portillon. La jeune Bérénice n’était vraiment pas une fille comme les autres et elle n’était pas facile à approcher non plus, principalement parce qu’elle ne se laissait pas approcher justement. Les autres lui faisaient peur, tout bonnement. Bien sûr, là, elle n’avait pas peur d’Erwan – sinon elle ne sortirait pas avec – c’est juste qu’elle ne savait pas comment elle était sensée réagir alors… elle ne réagissait pas, tout simplement.

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Bérénice s’était naturellement laissée embrasser. Ce n’était pas parce qu’elle ne faisait pas le premier pas qu’elle ne voulait pas, elle avait juste du mal à agir. Ce qui semble normal pour les autres était particulièrement difficile pour la jolie blonde qui n’avait qu’un sens très relatif de comment elle devait agir. Quand elle était petite, on l’avait mis dans une classe d’handicapés moteurs pour qu’elle se sente moins apeurée et qu’elle puisse apprendre à son rythme les conventions sociales. L’âge d’entrer à Poudlard venu, elle savait comment elle devait se tenir et ce qu’on attendait d’elle en publique, c’était plus flou en ce qui concernait le domaine privé, hors il n’y avait pas plus privé que la relation qu’on entretient avec son petit ami n’est-ce pas ? C’est dans ces moments là que BB regrettait d’avoir aussi peu d’amis. Bon, elle avait Tyler, mais elle s’imaginait assez mal lui demander conseil parce que 1) BB deux jours chez Erwan, ça ne l’enchanterait pas, 2) c’était pas cet espèce de vieux garçon qui saurait l’aider !

« Merci » dit-elle avec simplicité mais un léger sourire aux lèvres quand il l’invita à rentrer. Elle observa l’appartement qu’elle n’avait jusqu’ici que vu furtivement lors de ses (trop) rares rendez-vous avec son chéri. Il y avait eu un semblant de rangement, mais ce n’était pas encore ça. BB eut un tic nerveux des doigts qui fit qu’elle porta automatiquement la main à ses cheveux pour tenter de le cacher. Elle savait que c’était une réaction immature. Erwan la connaissait et au bout de quelques semaines de relation, elle lui avait avoué pour son autisme. Il étudier la médecine (magique, certes, mais médecine quand même), il ne se moquerait pas, mais justement, l’autisme repose notamment sur un cycle répétitif d’habitude, elle ne parvenait pas à se débarrasser de ses tics même si elle avait la sensation de ne plus tourner en rond comme autrefois.

Décidant de prendre sa réaction à bras le corps et non pas le corps d’Erwan dans ses bras ahah !, elle laissa sa main retomber et sa main chercha celle d’Erwan, à l’aveugle presque. Mais elle finit par la trouver et BB rit, tournant son visage empreint d’innocence vers lui. « Ce bazar c’est un test c’est ça ? Tu sais qu’à une époque je me serais jetée sur ce qui traîne pour le ranger et n’aurait pas pu arrêter de frotter jusqu’à ce que ça brille ? » Rien qu’à regarder Bérénice, on sentait que si elle avait soignée son obsession paranoïaque de la propreté (qui tenait plus du mécanisme de la sécurité, nettoyer lui donnait le contrôle), elle restait très pointilleuse. Elle prenait beaucoup soin d’elle et il n’y avait jamais un pli de ses vêtements qui ne soit pas savamment étudié. Une perte de temps pour certains, une nécessité pour BB.

Enfin, Erwan lui tendit son cadeau de Saint Valentin. Rien de très romantique, il est vrai, mais cela fit vraiment plaisir à Bérénice qui rosit de plaisir. « Oh, merci, tu sais quoi ? Il m’en fallait des neufs justement ! » Elle se mit sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur les lèvres d’Erwan, un baiser furtif tout d’abord, puis, quand il lui dit qu’elle lui avait manqué, elle l’embrassa à nouveau plus longuement. « Tu m’as beaucoup manqué aussi. » Bon, il avait pas mis beaucoup dans sa phrase, mais elle si, parce que c’était comme ça. Il lui avait beaucoup manqué. Pas au point de finir comme ces amoureuses que BB jugeait pathétique, mais le sentiment restait là quand même. Elle écrivait une lettre ou deux par semaine, selon si elle avait quelque chose à raconter en plus ou pas, elle jugeait que c’était le maximum qu’elle puisse faire sans déranger son petit ami déjà pas mal occupé. Elle avait la satisfaction qu’il lui réponde toujours dans des délais on ne peut plus raisonnable. BB avait confiance, parce qu’elle demandait si peu et faisait tant d’efforts qu’elle pensait le pouvoir, tout simplement. Et pour l’heure, rien n’aurait pu la faire changer d’avis alors que son petit cœur battait la chamade.

Puis, cartésienne par nature, elle jeta un coup d’œil au sofa et approcha ses lèvres malicieusement de l’oreille d’Erwan. « Au fait… où est-ce que je dors ? » Oui, bon, d’accord. Son innocence par contre en avait pris un sacré coup ces derniers mois… et ce n’était pas encore fini ! Vers l’infini et au-delà ! *paf*

Puisqu’elle avait réussi à se retenir de tout ranger, elle trouvait inutile qu’Erwan le fasse mais dans la mesure où elle était à peu près certaine qu’il utiliserait la magie pour ça, elle ne protesta pas. De toute façon, elle se sentirait mieux quand ce serait plus clean, c’était certain. Enfin, c’était plus le rangement qui lui posait problème que la propreté pour être tout à fait honnête. BB aimait que chaque chose soit à sa place, peut-être pour compenser le fait que dans son esprit c’était un peu le bazar. Encore que… non, au fond, c’était très bien rangé dans sa tête. Sauf qu’il y avait énormément de tiroirs vides.

« D’accord » Elle observa la vue, les mains derrière le dos, croisées, et elle chantonnait légèrement en attendant qu’Erwan lui dise qu’elle pouvait se retourner. Elle trouvait gentil qu’il s’en soucie, même si c’était sûrement normal puisqu’elle était sa petite amie. D’ailleurs, le fait qu’elle sorte avec Erwan posait problème à pas mal de gens mais il n’était pas comme on le lui avait dit. A ce stade, elle ne savait pas qu’il la trompait bien sûr, mais même sans ça, elle trouvait Erwan gentil, pas autant que Tyler il est vrai mais le Serdaigle était un peu un chou à la crème, Erwan était un peu plus épicé… du pain d’épice peut-être ? Oui, BB aime bien les métaphores foireuses. En tout cas, son petit ami faisait toujours attention à elle et il n’oubliait jamais de lui écrire. Pas difficile par nature, ça suffisait à lui faire penser que tout le monde se trompait sur le compte de l’ancien Poufsouffle.

Elle se retourna quand il lui demanda si ça lui convenait mieux, mais elle mit un moment à réaliser qu’il lui parlait tant elle était plongée dans ses pensées. Elle lui fit un léger sourire d’excuse – de toute façon, les grands sourires étaient rares chez la réservée BB -. « Désolée, je pensais à Tyler. » Enfin entre autre. « Mais oui, c’est parfait maintenant, merci. » Elle se hissa sur la pointe des pieds et déposa un baiser sur les lèvres d’Erwan.

Les explications sur le couchage ne tardèrent pas à arriver et Bérénice rougit légèrement quand Erwan avança dans ses explications. Parler ce n’était vraiment pas son truc, pas du tout même. De fait, elle se contenta d’accrocher ses doigts au tissu du vêtement d’Erwan et, pour une fois, de lever les yeux vers les siens, sans les éviter. Ce n’était pas la première fois qu’elle laissait leur regard se croiser mais ça restait assez rare pour le noter. « Je préfère que tu restes avec moi… même la nuit. » Et, reprenant son dernier mot, elle insista avec un « Vraiment. » Mais dès qu’elle l’eut dit, elle laissa son regard se baisser à nouveau parce qu’elle ne pouvait pas continuer à regarder dans les yeux Erwan, pas qu’elle ne voulait pas hein, elle ne le pouvait simplement pas. A la place, elle l’embrassa. Autant en profiter, ce n’était pas souvent qu’elle le pouvait alors qu’elle était à Poudlard et lui, ici, à Londres.

« Hein ? Quoi ? Non ! » Bérénice était extrêmement surprise et un peu choquée, mais au bout d’un moment, quand il se mit à rire, elle comprit qu’il plaisantait. Elle n’était pas le genre de filles hyper calculatrice, et elle ne ressentait pas non plus le besoin de tester Erwan sinon elle aurait des surprises, après tout ils étaient des personnes relativement matures, ils étaient quand même capable de se faire confiance non ? En tout cas, BB préférait ne pas mettre en doute cet état de fait parce qu’elle était tout simplement quelqu’un qui voulait voir du bon dans les autres. Même si on sait que ce n’était finalement pas une bonne chose, Erwan la faisait seulement marcher et le rythme cardiaque de BB pu reprendre son tempo habituel.

« Oui, c’est lui. Le bal était assez amusant d’ailleurs même si cette année il ne s’est rien passé d’extraordinaire. » Ce qui, pour BB, était un drame absolu dans la mesure où du coup, elle ne savait pas du tout quoi raconter dans les râgots et de toute façon on a pas eu le temps de faire paraître un numéro alors c’est pas grave, du coup ils s’étaient fait un chat perché avec Tyler dans le parc. Ok ils avaient respectivement quinze ans et dix-sept ans (ou tout comme) mais ce qui compte c’est de s’amuser, puis l’avis des autres, Bérénice s’en fichait maintenant. Autrefois ça la pétrifiait, maintenant elle cherchait surtout à exister. L’adolescence comme on disait.

« Il va bien, mais il se fait du souci pour sa sœur. » Et pas que mais BB hésitait à aller plus loin, néanmoins, elle poursuivit. « Et pour moi aussi, c’est quelqu’un de très protecteur. »

Qui n’apprécierait sûrement pas la suite de la conversation qui se déroulait dans l’appartement du roumain. BB sourit à la déclaration qu’elle pensait sincère (et qui l’était si on ne la prenait pas dans un sens trop romantique) mais n’y répondit point, ce n’était pas son genre d’étaler ses sentiments, sur le sujet elle était très pudique. Il était même vraisemblable de dire qu’en dehors de Tyler, elle se confiait assez peu.

« Oui, je connais, j’étais en école moldue quand j’étais petite. » Une école spécialisée pour les handicapés moteurs d’ailleurs, juste parce qu’elle était trop timide. « Mais on peut y aller, par contre je te laisse choisir parce que moi je m’en fiche. » Et surtout, elle détestait qu’on lui demande son avis, elle n’arrivait jamais à se décider puis elle avait peur que son idée ne plaise pas alors c’était compliqué… après de multiples prises de tête, elle avait décrété que laisser les autres choisir était tout de même plus sage. Bref, puisqu’ils allaient partir, elle réfléchit à si elle allait se changer ou pas, et se dit mentalement que finalement non, elle était très bien comme elle était.

Est-ce que Tyler avait de bonnes raisons de s’inquiéter ? BB n’en savait trop rien et si elle devait être tout à fait honnête avec elle-même, elle éludait surtout beaucoup la question. Si elle ne le faisait pas, elle n’arriverait pas à faire confiance à Erwan pour la bonne et simple raison que BB n’était pas, en réalité, quelqu’un de très confiant. De naïf oui, c’était certain, et on pouvait croire que ça allait ensemble, mais en réalité pas du tout ! En effet, elle ne pouvait pas faire confiance à une personne qui disait aimer celle qu’elle détestait par-dessus tout : elle-même. Du coup, elle ne se posait jamais ce genre de questions, pas même quand Tyler mettait la chose sur le tapis. Et elle esquiva une fois de plus en répondant d’une voix fluette « Je ne crois pas. » alors qu’elle avait passé son bal de noël à angoisser, mais elle ne voulait pas le dire à Erwan qui le vivrait sûrement comme une insulte. Il était si gentil ! Comme quoi, elle peut être très confiante quand même.

Contrairement aux apparences, Bérénice n’était pas très comédie romantique. Entendez par là que quand elle regardait un film, elle aimait l’action, la fantasy ou même l’horreur… Midinette tout de même malgré tout, elle apprécia néanmoins à sa juste valeur ce choix qui était plus adapté à une sortie en amoureux si, si.

Après le film, BB vit l’immeuble dépassé avec surprise par le taxi à l’intérieur duquel elle se trouvait avec Erwan. « Bah… » dit-elle tout d’abord, pensant à une erreur puis, comme visiblement ce n’était pas le cas, elle attendit sagement de voir ce qu’Erwan lui réservait.

Une fois sur place, elle faillit céder à la panique et s’enfuir… c’est ce qu’aurait fait l’ancienne BB il y a un an de ça, mais sachant mieux se maîtriser, elle se laissa guider et constata avec soulagement qu’ils étaient à l’écart, ce qui lui éviterait de sentir les regards sur elle. Avec son look, elle était clairement plus habillée pour aller dans un fastfood que dans un restaurant et comme d’habitude, elle craignait le regard des autres. Mais là, ça devrait aller, on ne les voyait presque pas et quant à elle, elle faisait dos au reste de la salle.

« Oui… merci. Mais si tu me l’avais dit, je me serais mieux habillée pour l’occasion. » BB est assez superficielle dans son genre, mais elle se laissa tout de même rapidement aller à discuter de choses et d’autres avec son petit ami au cours du repas, oubliant progressivement le reste du monde.

Lorsqu’ils partirent, elle les avait même totalement dissipés de son esprit et fût particulièrement surprise en partant de constater leur présence. Elle sourit alors à Erwan, levant les yeux vers lui, l’air heureux. C’était une très bonne journée, et elle n’était pas encore terminée… car maintenant, ils rentraient pour un moment d’intimité, rien qu’eux deux.