Percer les secrets de S [PV]

« Merde ! » lâcha Nasira en jetant un coup d’œil au radio réveil. Elle se dépêcha de s’extirper du lit, se dégageant sans ménagement des bras du type avec lequel elle venait de coucher (Ryan ? Ou était-ce Rhysand ? Elle ne s’embêtait jamais à retenir leurs prénoms.) Elle n’avait pas prévu de rester aussi longtemps avec ce mec mais une fois dans son appartement, le gars avait voulu discuter d’abord au lieu de passer aux choses sérieuses. Nasira avait été à deux doigts de le planter mais il s’était plutôt bien rattrapé. N’empêche qu’à cause de ces bavardages à la con, elle était en retard pour son rendez-vous avec Alice. Elle se rhabilla en vitesse alors que le mec déclarait en chouinant : « On va se revoir hein ? Laisse-moi ton numéro… » Nastia ne lui laissa pas le temps de finir et fila. Il avait beau posséder un beau minois et un beau corps, et n’être pas un mauvais coup, il était beaucoup trop ennuyeux pour qu'elle considère sérieusement le fait de le voir une seconde fois.

Sortie de la résidence, la brunette mit un temps fou à trouver une allée sombre empruntée par personne où elle pourrait transplaner tranquillement. Sachant qu’elle devait retrouver Alice dans un café moldu, elle aurait pu prendre le bus, le métro ou encore commander un taxi mais la magie apparaissait souvent à l’ancienne Poufsouffle comme une solution de facilité. Il s’agissait en tout cas d’un moyen beaucoup plus sûr quand, trop pompette pour tenir de manière stable sur ses pieds, elle devait rentrer de soirée. Pas de regards lourds sur ses formes, pas de commentaires ni de gestes déplacés, pas de rencontres problématiques. Même si la jeune femme vivait une vie bien plus tranquille désormais, elle n’avait pas oublié le quartier craignos où elle avait grandie entourée de gangsters et de criminels. Si peu de choses pouvaient vraiment l’effrayer, Nasira était en réalité plus prudente et méfiante que son attitude désinvolte ne le laissait supposer.

Poussant vivement la porte du café, Nasty ne mit que quelques minutes à repérer sa sœur. Le visage d’Alice lui était tellement familier, aussi familier que ses propres traits, qu’elle aurait pu le dessiner dans son sommeil. Comme à son habitude, la blonde travaillait sur ses notes. Elle n’avait sans doute pas remarqué son retard et Nasira ne comptait pas spécialement le lui faire remarquer. Inutile de pointer du doigt qu’elle s’était plus ou moins éclaté au pieux alors qu’Alice bossait sur la meilleure façon de terrasser ces ignobles gus de Magicis Sacra. Dire que ces barjots avaient osé enfermer son bébé Micah et accessoirement une école entière sans lui donner la possibilité de leur envoyer des lettres ! La Menace avait quitté Poudlard suite à la bataille survenue six mois auparavant mais cela ne signifiait pas que le monde magique n’était plus en danger. Ces dingues avaient une idée en tête, Nasira en aurait mis sa baguette au feu. « Nickel ! J’ai mon week-end, on va pouvoir aller rendre visite aux parents. » La jeune femme travaillait depuis la fin de son alternance dans un Selfridges londonien en tant que vendeuse et maquilleuse ce qui lui plaisait au plus haut point. Mais cet attachement moldu ne lui faisait pas oublier son appartenance à la communauté sorcière, surtout pas avec MS qui rodait Helga savait où. « Et toi ? Tout va bien ? Tu avances dans tes recherches ? » Nasty se débarrassa de son lourd manteau rouge et passa une main dans ses cheveux, tentant vaguement de paraître moins échevelée qu’elle ne l’était en réalité.

« Je vais prendre un café moi » déclara-t-elle en faisant signe à un serveur mignon qui vint aussitôt prendre leur commande. Il adressa un sourire séducteur à Nasira qu'elle ne retourna pas car elle trouvait toujours bizarre de chauffer des mecs en présence de sa petite sœur, même si celle-ci l’avait déjà vu à l’œuvre lorsqu’elles volaient en bande étant plus jeunes et que Nastia leur servait de distraction.

Nasira sourit, un sourire plein de tendresse, aux paroles d’Alice. Si Nastia avait été répartie à Poufsouffle, la maison des travailleurs, c’était bien sa petite sœur la plus sérieuse de la famille. Elle ne semblait jamais décrocher de ses fameux dossiers. Mais avec Magicis Sacra qui rodait, Nasira se doutait qu’elle devait être débordée. Voilà pourquoi elle n’avait jamais souhaité bosser pour le Ministère après Poudlard, la paperasse te bouffait tout ton temps, t’en laissant bien trop peu pour les sorties entre copines et les plans d’un soir (même si Nasty savait bien que sa sœur ne versait pas vraiment dans les histoires de fesses). « Tu as songé à faire une pause ?, osa-t-elle, peu certaine que ses paroles aient un effet quelconque sur Alice. Parfois, c’est en revenant sur un dossier que l’on a pas consulté depuis un petit moment qu’on s’aperçoit de quelque chose auquel on avait jamais pensé auparavant. » Nasira n’était pas bête, elle n’était pas la plus brillante des sorcières, et disposait de pouvoirs limités –bien qu’elle se débrouille correctement en duels, comme elle l’avait prouvé dernièrement à la Bataille de Poudlard- mais elle était maligne. Peut-être pas autant qu’Alice ou que Micah, mais elle l’était quand même. « Leurs techniques différentes montrent leur ancrage mondial. Ils ont inventé une magie que personne ne pourrait reproduire mais elle doit bien s’appuyer sur quelque chose…J’ai l’impression que MS utilise beaucoup les runes. Est-ce qu’une rune pourrait permettre de lier toutes leurs techniques magiques ensemble ? » avança-t-elle. Nastia n’avait jamais étudié la magie particulière des runes aussi avançait-elle dans un terrain particulièrement méconnu. Mais sa sœur saurait sûrement si son hypothèse se tenait ou pas. Mais le plus dur, en fin de compte, pour la jeune femme était de parler à voix basse afin que les moldus autour ne l’entende pas. Nasira n’était pas du genre discrète, loin de là. En plus, murmurer ainsi lui rappelait la sombre période où elle devait se rendre à la bibliothèque de Poudlard pour y draguer un élève qui préférait passer son temps dans les rayonnages de bouquins poussiéreux plutôt que de voir le jour travailler sur un devoir.

Alors qu’Alice sirotait son thé, Nasira soufflait sur son café –un peu trop brûlant pour qu’elle n’y trempe tout de suite les lèvres- dont elle avait bien besoin après sa soirée de la veille. Sa sœur ne manqua pas de remarquer son allure. Cela n’étonna pas spécialement Nastia, sa sœur les connaissait très bien son besoin d’avoir toujours une apparence nickel et elle. « Chez un gars que j’ai rencontré hier en boîte. Il m’a tenu la jambe pendant hyper longtemps et j’ai dormi chez lui. » Elle haussa les épaules. Elle n’aimait guère dormir chez ses conquêtes habituellement car cela conduisait parfois à des discussions gênantes, remplies de silence, car au final, aucune des deux parties n’avait rien à partager hormis le sexe, ou alors le garçon croyait qu’il avait une chance de la revoir. Or, Nastia ne laissait pas de faux espoirs aux hommes avec lesquelles elle couchait, ils savaient bien que pour la plupart, leur aventure ne durerait qu’une nuit, voire deux, mais que ce ne serait jamais du long terme. « Ces types ne voient que mes formes, dit-elle, lucide, en désignant le serveur qui l’observait du coin de l’œil –elle était prête à parier qu’il lui écrirait son numéro de téléphone sur l’addition, et en boîte, c’est toujours facile de dénicher des garçons prêt à s’amuser avec toi. Mais tu sais que je ne vais jamais à des rendez-vous à proprement parler. » Et en même temps, Nastia les fuyait. Si elle avait envie de parler, elle avait sa famille et ses amis.

« Daël ? Pourquoi tu me parle de Daël ?, demanda Nasira d’une voix suspicieuse, tentant de retenir le rouge d’orner ses joues (parce que c’était ridicule) et le trouble d’envahir son esprit (encore plus idiot, Daël était son ami, en quelque sorte). Mais oui, je l’ai revu. On se voit assez régulièrement, d’ailleurs. Il bosse à Fleury & Botts maintenant. Je suis sure que ses rayons sont remplis à craquer de filles en chaleur. » Non que la jeune femme y accorde la moindre importance. Daël était très mignon, c’était un fait, c’était d’ailleurs pour cette raison que Nasira l’avait dragué il y a désormais fort, fort longtemps. C’était logique qu’il intéresse les filles -même si elle préférait éviter d’y penser.

Aux yeux de Nasira, les supérieurs d’Alice s’assimilaient aux pires des tortionnaires. Alice figurait probablement parmi leurs plus brillants éléments juste derrière Winifried, ils feraient mieux de la choyer au lieu de la traiter telle une elfe de maison avant qu’elle ne les plante pour un boulot mieux payé et plus gratifiant. « On ferait mieux de les trouver eux-mêmes s’ils sont si intelligents que ça » grommela-t-elle. Nastia supportait plutôt bien la hiérarchie, elle n’avait pas de mal à suivre les ordres et à ce cantonner à ce que la cheffe maquilleuse du magasin lui disait mais c’était parce que ses consignes étaient pleines de bon sens : "n’enguirlande pas les clients, même s’ils te parlent mal", "surveille les qu’ils ne volent rien" (et tout le monde l’ignorait mais Nasira était experte en ce domaine), et bien sûr "ne mets jamais, jamais, un rouge à lèvres bleu à une personne qui porte du orange". « Faire plier la magie…Comme en faisant un genre de sacrifice ? » L’ancienne jaune et noire n’avait aucune idée de comment on pouvait faire plier la magie, mais l’idée du sacrifice lui était venu naturellement. N’était-ce pas en sacrifiant des bouts de son âme que Voldemort ne pouvait pas mourir ?

« Je sais. J’évite d’habitude, et j’éviterai à l’avenir. » Malgré son côté très sociable, Nasira était en réalité quelqu’un de très méfiant. Elle savait mieux que personne, à l’image d’Alice, à quel point une apparence pouvait être trompeuse. Après tout, jouer avec son apparence, ça avait été son meilleur atout pour tromper les personnes qu’ils avaient volé avec sa fratrie. « Ce genre de types ne cherchent qu’à coucher avec toi, Alice, moi ça me va, mais ce n’est pas plus mal qu’ils ne t’abordent pas. Et je suis sure qu’ils te voient, mais tu parais impressionnante, on a pas envie de te déranger. » Elle désigna d’un geste les dossiers qui traînaient sur leur table, ce n’était pas en s’entourant de dossiers qu’Alice attirerait un mec ou une fille. « Faut pas désespérer à chérie, tu es belle comme un cœur ! N’importe quel mec serait chanceux de sortir avec toi ! » Certainement que Nasira ne se montrait pas objective. A ses yeux, Alice était la fille la plus formidable qui existe sur Terre. N’empêche que la détresse qu’elle exprimait à l’idée de ne pas trouver l’amour rendit Nastia perplexe. Elle n’avait jamais pensé que l’amour préoccupait sa sœur et elle ne savait, à vrai dire, pas comment faire pour la réconforter. Elle n’avait jamais éprouvé une telle inquiétude.

Nasira jeta un regard surpris à Alice. Elle avait été comparée à beaucoup de choses dans sa vie, que ce soit en mal ou en bien d’ailleurs, mais jamais à une bombe destinée à éliminer des insectes. « Je comprends pas... débuta-t-elle. Mais ce n’est pas avec ce genre de filles qu’il trouvera le grand amour qu’il recherche tant, si tu veux mon avis. » Sur ce point-là, Alice semblait décidément bien rassembler à Daël, bien plus qu’elle-même en tout cas. Nasira évita de formuler cette pensée à voix haute, plus mal à l’aise encore à l’idée d’imaginer sa sœur avec l’ancien Gryffondor.

Cette fois ci, Nasira ne put s’empêcher de rougir violemment. Elle pouvait mentir à tous ses amis. Elle pouvait même mentir à Linwood et à Connor. Elle pouvait se mentir à elle-même. Mais elle ne pouvait pas mentir à sa petite sœur. Alice la connaissait mieux que personne. Si Nasira avait peut-être été plus proche de Micah dans leur enfance et Alice de Mattew, la donne avait changé ces dernières années. Alice était celle de sa fratrie que Nasira voyait le plus, et celle qui, visiblement, parvenait à voir clair dans ses sentiments alors qu’ils semblaient si obscurs pour elle. « Il est différent, oui j’imagine. Parce qu’il m’a résisté, parce que je lui ai confié des trucs que j’avais jamais dit hormis à Connor et Wood. Et je le trouve beau garçon et sympa et tout un tas de trucs que je ne pense pas sur mes conquêtes parce que je me laisse pas le temps de le faire. Et c’est vrai, je l’aime bien oui mais pas comme ça...enfin je l’aime pas comme ça...enfin tu vois. » Son visage s’empourpra de nouveau. Elle avait vidé son sac et elle ne savait pas elle-même qu’elle avait toutes ses choses à dire sur Daël. Elle soupira et but une bonne gorgée de café histoire de se rafraîchir les idées. « Mais je ne crois pas en l’amour et lui veut d’une de ces histoires qu’il n’y a que dans les livres. Ce serait une très mauvaise idée de coucher avec lui, ça ruinerait notre relation. » Elle n’arrivait pas à dire amitié, même après tout ce temps, parce qu’elle savait elle-même, et qu’elle venait en plus de l’avouer à Alice, que Daël représentait plus qu’un ami à ses yeux. Et elle raccrochait tout au sexe parce que c’était plus facile que d’imaginer qu’elle avait peut-être envie de plus qu’une coucherie d’un ou de plusieurs soirs avec quelqu’un. Parce que penser cela la terroriserait. Elle n’était pas faite pour l’amour romantique, elle le savait depuis longtemps, et elle n’y croyait toujours pas plus que lorsqu’elle était gamine. Le sexe c’était facile, c’était ce à quoi elle s’était toujours raccrochée, la séduction, le charme, les parties de jambes en l’air. Rien de compliqué. Personne avec qui il y avait un enjeu. Le reste, c’était beaucoup, beaucoup trop pour elle.

Nasira admirait l’esprit d’analyse et l’intelligence de sa sœur. Elle avait toujours trouvé Alice brillante et avait toujours su qu’elle était destinée à accomplir de grandes choses dans sa vie. Des quatre enfants Orwell, Alice était celle dont Nastia était sure qu’elle s’en sortirait. Micah était rusé, lui aussi, et bien sûr Mattew avait développé un sacré sens de la survie. Quant à elle…eh bien, elle s’était trouvé une passion qui pouvait la faire vivre et qui lui plaisait. C’était déjà bien plus que ce qu’elle avait pu espérer en étant plus jeune. En dépit du sourire qu’elle avait toujours affiché, Nasira ne faisait pas partie des personnes optimistes. Elle ne croyait pas que tout s’arrangeait toujours, son passé le lui avait prouvé. Elle pensait, en revanche, qu’on pouvait prendre en main sa vie et tout faire pour qu’elle s’améliore. Aujourd’hui, son quotidien, ainsi que celui d’Alice, était bien différent de celui qu’elles avaient connu lorsqu’elles étaient enfants. Nasira voyait bien que sa sœur s’impliquait à fond dans son boulot, pour résoudre l’énigme Magicis Sacra, quitte à peut-être ne plus se focaliser sur d’autres activités tout aussi importantes. « Tu trouveras. J’en suis sure ! », tenta-t-elle de positiver. Si elle croyait bien en quelque chose, c’était dans les capacités de sa petite sœur.

Comme Alice, Nasira n’aimait guère la solitude. Elle n'appréciait pas de rester seule chez elle, seule avec ses pensées. C’était bien pour cela, aussi, qu’elle multipliait autant les soirées et profitait de la compagnie des hommes. Elle aurait bien suggéré à Alice de sortir en boîte avec elle, mais les personnes que l’on y rencontrait, en tout cas que Nastia y rencontrait, n’étaient pas connues pour leur sérieux. « Peut-être que ça peut être à toi de les aborder ? Si tu vois quelqu’un qui te plaît, te pose pas de questions, fonce et demande lui d’aller boire un verre ! Peut-être qu’iel aura quelqu’un qui partage sa vie mais qu’il te dira que c’est cool de proposer,  Peut-être qu’iel sera lire et intéressé. » Si on tentait pas, on ne pouvait jamais savoir, n’est-ce pas ? Nasty était sure que des tas de personnes étaient intéressées par Alice bisous Hugh, mais qu’iels étaient peut-être trop timides pour l’approcher. Nasira, elle, n’avait jamais ressenti de honte ou de gêne à aborder les mecs qui lui plaisait. Subir des vents ne lui avait jamais fait peur, ça faisait partie du jeu. « Mais tu sais, c’est pas une honte à vingt-et-un-an, ni à n’importe quel âge de ne jamais avoir connu de relation, tenta-t-elle de la rassurer. Ce n’est pas facile de trouver quelqu’un à son goût, je crois, mais il n’y a pas de raison pour que tu ne trouves personne Alice. » Qu’est-ce qu’ils disaient dans les comédies romantiques que ses amies adoraient ? Que l’amour vous trouvait quand vous ne le cherchiez plus ou un truc aussi niais ? Par Merlin, elle était si nulle pour réconforter le sujet, surtout quand ça concernait l’amour.

Dans un revirement que la jeune femme n’avait pas tout à fait anticipé, auquel elle ne s’attendait définitivement pas, le prénom de Daël fut prononcé par Alice et Nasira se vit obligé de penser à ce qu’elle n’aimait ordinairement pas du tout penser, à savoir ce qu’elle pouvait ressentir pour l’ancien Gryffondor. Elle laissait habituellement ses questionnements dans un coin de son cerveau et n’y songeait jamais mais Alice l’obligeait à formuler son ressenti à voix haute, à tenter de voir la vérité en face j’aurais préféré que tu me laisse dans mon déni, sista. « Peut-être j’imagine que c’est possible », grimaça-t-elle, désemparée. Elle n’aimait pas l’idée d’un Daël en couple avec une fille, elle savait bien que c’était ridicule, mais elle ne pouvait s’empêcher d’être horripilée en s’imaginant cette situation. Mais c’était stupide. Ils ne recherchaient pas la même chose. Ils avaient tous deux une vision différente de la vie. Ça ne pourrait jamais fonctionner. Elle ne pourrait jamais faire fonctionner une telle relaton.

Nasira écouta par la suite les arguments de sa sœur, et ne put s’empêcher de se dire qu’elle n’avait pas forcément tort, dans l’idée elle est moins butée que certains autres personnages. Baissant la tête, elle passa son doigt vernis sur l’anse de la tasse. Elle se sentait vulnérable, et elle détestait ça, bien qu’avec Alice, elle n’avait pas à faire semblant de donner le change. « Les parents s’aiment vraiment, c’est sûr. Connor et Linwood aussi d’ailleurs, comme Riley et Aélys et pourtant tout le monde désapprouvait leur relation, Jade et Aiden, Mattew et Samara. Mais j’sais pas. J’ai toujours pensé que l’amour, c’était pas fait pour moi tu vois ? » Et c’était plus facile d’affirmer qu’elle n’y croyait pas plutôt que d’avouer la vraie vérité. D’avouer qu’elle n’était pas sure qu’on puisse l’aimer un jour. Qu’elle était assez jolie pour être regardée, assez charmante pour être embrassée, assez bonne pour qu’on couche avec mais que ça n’irait jamais plus loin. C’était plus facile de se dire que les coucheries lui convenait, qu’elle ne recherchait rien de plus, et ce n’était pas faux en soi. Comme souvent, comme toujours, il y avait bien plus d’une raison cachée derrière les idées de Nasira. « Et puis, j’ai déjà dragué Daël tu te rappelles ? Ça ne lui a pas plu. Il n’est pas intéressé par moi. » Elle haussa les épaules, dans un geste volontairement détaché. Elle s’était remise du premier vent du brun ou pas,  et ils étaient devenu amis depuis. Elle ne pouvait pas tout risquer, tenter de s’ouvrir, envisager ce qu’elle n’avait jamais envisagé auparavant, tout ça pour rien. « En plus, je sais vraiment pas comment tu fais pour vraiment sortir avec un garçon ça me rappelle quelqu’un tiens. » Elle secoua la tête, ses boucles brunes bougeant dans tous les sens. Elle ne savait même pas pourquoi elle s’attardait sur le sujet. Elle ne voulait pas s’engager. Daël souhaitait vivre un de ses amours qui durait toute une vie, avec la maison, le monospace et le labrador. Ils n’étaient pas faits pour être ensemble. Du moins tentait-elle de s’en auto-persuader.

Nasira n’aurait jamais cru que de tous les enfants Orwell, les deux qui connaitraient le plus tôt une grande histoire d’amour, une de celles qui duraient, seraient ses frères. Mattew était le plus méfiant, le plus solitaire des quatre, et pourtant depuis que Samara était entrée dans sa vie, il ne l’avait pas lâchée. Quant à Micah, quand il était petit garçon, il assimilait les filles à de parfaites cruches. Mais en Heather il semblait avoir trouvé sa perle rare. A côté, les années passent sans que Nastia ne change son comportement volage et ses habitudes de séductrice invétérée. Et Alice, et bien, elle avait connu le chagrin sans l’histoire d’amour qui allait avec ce qui peinait fortement Nasira mais c’était la vie et sa sœur s’en était remise. Même si peut-être que cette désillusion la freinait encore aujourd’hui. « Si tu ne fais pas le premier pas, tu ne peux être sure qu’on le fera à ta table, souligna-t-elle très justement. Même si Dwayne ne partageait pas tes sentiments, le fait de lui en parler t’a permis de savoir que ce n’était pas réciproque et tu as pu avancer. » Rester dans le doute et les éventualités toute sa vie était tout à fait sain ne pouvait pas que faire du bien un conseil qu’elle ne s’applique pas à elle-même remarquez. Tout le monde ne pouvait pas se permettre de cacher son amour pendant des années pour finir par découvrir que l’autre le partageait et vous infligeait même une de ses déclarations d’amour niaises qui étaient monnaie courante dans les comédies romantiques américaines sur le quai du Poudlard Express en revenant d’une école de sorcellerie étrangère où il avait fricoté avec une étrangère qui se permettait désormais de polluer sa vie.

Néanmoins, il était évident qu’il était bien plus facile pour la jeune femme de parler de la situation de sa sœur, ou de celle de ses amis plutôt que la sienne. Mais sa sœur était semble-t-il décidée à la mettre face à toutes ses contradictions et aux vérités qu’elle cherchait à tout prix à ne pas avouer. Nasira se contenta de hausser les épaules lorsqu’Alice affirma avec force que ne pas se croire faite pour l’amour était ridicule. C’était peut-être ridicule, mais c’était ce qu’elle ressentait. Elle avait du mal à s’imaginer à la place de sa meilleure amie, d’Aélys ou de Jade. Enfermée dans une relation monogame. Cantonnée à une routine dont elle ne pourrait plus s’extirper. Bien sûr, au fond, c’était bien la peur qui la conduisait à penser ainsi, peur de se montrer vulnérable, peur d’être blessée, peur de souffrir. Peur de connaître un bonheur tout à fait différent de celui qu’elle pouvait connaître en s’épanouissant personnellement que ce soit dans son travail ou avec ses amis. « Peut-être. Mais il ne parait pas me regarder autrement que comme une amie maintenant », s’obstina-t-elle. Elle était sure d’avoir raison : elle était plutôt douée pour repérer les garçons qui s’intéressaient à elles ou, au contraire, à voir qu’elle ne leur plaisait pas. « Et bien Love Actually est un classique du genre », s’amusa-t-elle en méditant sur les précédentes paroles concernant les relations de couple. Pourrait-elle accorder cette exclusivité qu’elle fuyait depuis si longtemps à Daël ? Pourrait-elle vraiment se lancer dans un couple avec lui ? Il lui plaisait définitivement, et elle cultivait visiblement des sentiments pour lui qui dépassaient ceux qu’elle portait à n’importe quel autre homme –et seule sa sœur pouvait lui permettre de s’admettre cette vérité. Mais elle ? Elle avait du mal à croire qu’il ne la voit autrement que comme une bonne amie, qui l’avait auparavant dragué ouvertement et elle n’était vraiment pas sure, même après les arguments d’Alice de vouloir se déclarer –ou plus précisément, de l’embrasser à pleine bouche, car elle n’imaginait vraiment pas se déclarer comme dans Love Actually justement dommage je rêve de refaire la scène avec les pancartes devant le pas d’une porte.

Un grand soupir s’échappa de la bouche de la brune lorsqu’Alice lui indiqua l’identité de la personne qui l’avait appelée. Ils s’étaient tous démené pour écarter leurs parents du quartier pourri où ils avaient grandi mais ceux-ci se montraient toujours aussi irresponsables. Nasira se demandait bien ce qu’il s’était passé cette fois –si sa mère avait encore "oublié" de rendre un plat aux voisins, elle allait l’entendre ! Elle ramassa ses affaires et alla régler l’addition remarquant au passage le numéro du beau serveur, comme elle s’y était attendue. Elle glissa le bout de papier dans sa poche en souriant mais le ridiculement beau visage de Daël s’imprima presque aussitôt dans son esprit et elle revint vers Alice moins étincelante qu’à son habitude. Elle glissa son bras au sien avant de sortir du café. Rien de tel que de régler les problèmes de leurs parents pour oublier les âneries sentimentales qu’elle avait désormais en tête ! Nasira ou la définition d'un pas en avant, quinze en arrière.

Topic terminé - Année 24