Rentrée pour le moins difficile...

Les vacances scolaires étaient passées à une vitesse halucinante, laissant filer les jours comme des micro-secondes, et empêchant Hope de profiter de ces deux mois de repos aboslu autant qu'elle l'aurait désiré. Elle avait espéré que ses parents les emmèneraient, elle et la tribu Zellwiger, en vacances dans un pays étranger, comme en France, en Inde ou au Japon, mais les sympathiques gobelins de chez Gringotts avaient été formels : on ne peut pas entreprendre un voyage pour neuf personnes avec quelques pauvres gallions. Pourtant, un rien aurait comblé la jeune Poufsouffle : une semaine au Club Dem, en Patagonie du Nord, dans un établissement pour sorciers âgés, aurait été paradisiaque... mais l'été s'était déroulé dans la maison familiale, comme d'habitude. Elle avait bien eu quelques nouvelles de Susan, mais cette dernière n'avait pas vraiment donné suite à son invitation, ce qui avait accrut la déception de la fillette. Elle n'avait écrit à personne d'autre, puisqu'il est finalement assez inutile d'envoyer une lettre à des gus qu'on ne connaît pas, c'est bien connu, et avait passé ses vacances sur le Chemin de Traverse, à faire des courses pour la rentrée avec ses maigres deniers. Occupation assez peu captivante par ailleurs.

Elle avait bien entendu attendu la rentrée scolaire avec impatience, comme pas mal de ses camarades de classe, persuadée qu'une fois montée dans le train, accompagnée de ses soeurs et de sa lourde malle, son moral remonterait instantanément. Peine perdue. Cette impression de n'avoir envie de rien, de ne servir à rien et de ne rien savoir avait vicieusement empiré, jusqu'à peser de tout son poids sur les épaules chétives de la fillette.

C'est le coeur gros qu'elle avait assisté à la cérémonie de répartition des 1ère année, qu'elle s'était forcée à manger quelque chose et à se lever le matin pour aller en cours. D'humeur massacrante, Hope avait pris l'étrange parti de ne plus adresser la parole à personne. Elle n'avait pas envie de parler, un point c'était tout. Sauf à Holly. Et encore...

Après une journée épuisante à base de je-fais-tout-pour-trouver-Susan-et-lui-demander-de-ses-nouvelles-mais-autant-chercher-un-dragée-surprise-de-Bertie-Crochue-dans-un-estomac-de-dragon-adulte, de cours plus soporifiques les uns que les autres et d'un dîner insipide, Hope se laissa tomber sur son lit à baldaquin comme une masse, avec l'impression que le monde s'acharnait sur elle. Enfin, le monde, pas exactement. Plutôt l'être supérieur qui devait être en train de se payer sa tête de manière fort vexante à l'heure qu'il était, et qu'elle avait pour coutume d'appeler Merlin. Allez savoir pourquoi.

La tête enfouie dans l'oreiller, elle s'efforçait de sombrer dans un sommeil réparateur (enfin, tout était relatif), ses cheveux d'ébène formant comme une auréole autour de son visage livide. A ce moment précis, elle aurait certainement donné n'importe quoi pour voir apparaître Holly devant elle, pour lui parler, histoire de partager ses problèmes avec elle.

Elle se redressa, espérant voir sa jumelle dans l'entrebaillement de la porte. En vain. Un fin rayon de lumière laissait deviner que la Salle Commune devait être pleine à craquer d'élèves occupés à travailler ou à raconter leurs vies foutrement ennuyeuses captivantes à quelques quidams, mais aucun signe de vie dans le dortoir ne semblait indiquer que quelqu'un puisse la trouver dans cet état.

Les yeux dans le vague, le visage caché par un torrent de cheveux noirs, laissant seulement deviner l'emplacement de ses yeux bleus, Hope songeait. Pour une fois...


[559]

Cette année, Albus Dumbledore avait eu l’idée d’envoyer ses professeurs faire un stage en milieu glaciaire pour étudier les pingouins carnivores. Malheureusement, il n’avait obtenu ni les fonds ni la motivation des participants potentiels : McGonagall avait prétexté des engelures au pieds, Rogue avait les lèvres gercés, Chourave était allergique au plumes de pingouins… Bref, le malheureux homme avait vu l’œuvre de sa vie se dégonfler comme un soufflet lorsque les invités ont l’outrecuidance d’arriver en retard. Il s’était consolé en songeant qu’il était un génie incompris, un poète maudit, le Veuf, le Ténébreux, L’inconsolé, Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie dont la Seule étoile est morte et le Luth constellé porte le soleil Noir de la Mélancolie. Ce qui était, signalons-le, un infâme plagiat de Du Nerval et non une création dumbledorienne.

Si son nez avait été plus court, la face du monde en eût été changée. Si les professeurs ne s’étaient pas montrés aussi peu réceptifs, la rentrée en eût été retardée. Mais le nez est un Cap, une Péninsule, et les pingouins sont, du point de vue professoral «de charmantes petites bêtes… Tant qu’elles restent loin de moi».
Le Poudlard-Express avait, cette année encore, fait son œuvre au temps voulu. Les petits écoliers avaient été arrachés aux doux bras des Vacances pour rejoindre l’Enfer Scolaire, sa règle de bois et ses Heures Studieuses.

Susan faisait partie du lot. Non pas qu’elle le regrettât, les vacances étaient, à son goût, trop longues, surtout sur la fin. Comme le dirait l’autre «l’Eternité, c’est long, surtout sur la fin». Elle s’était ennuyée ferme les deux dernières semaines, hormis l’anniversaire d’Alexander, bien entendu.
La fillette venait de passer la journée dans le compartiment d’une Gryffondor au comportement particulièrement étrange, aux yeux de la Poufsouffle qui avait eu toutes les peines du monde à la dissuader d’aller faire un tour du côté des wagons des Serpentard. Il avait ensuite fallu guider les premières années jusqu’aux dortoirs, tâche un peu ingrate, surtout quand on a un gabarit qui ne permet pas de dominer la foule, fût-elle composée d’enfants de onze ans.

C’est donc une Susan bien harassée qui gravit lentement les marches conduisant aux dortoirs des filles. Elle avait espéré toute la journée apercevoir Hope et Holly mais n’avait fait que tomber sur de parfaits inconnus qui semblaient passionnés par l’étude du Serpentard en milieu hostile (hostile pour l’observateur, pas pour le Serpentard). Un peu déçue, elle s’était consolée en songeant qu’elle la retrouverait certainement dans la salle commune, le soir venu. A table, elles s’étaient retrouvées à des places trop éloignées pour pouvoir discuter.

Quand les moutons mangent la fleur, les étoiles pleurent. Quand les Petits Princes protégent la fleur, les étoiles rient comme des milliers de grelots. Et alors tout change. Et aucune grande personne ne comprendre jamais que ça a tant d’importance !
Quand les fillettes ont l’âme en berne, la lune s’assombrit. Quand les fillettes ont l’humeur joyeuse, la lune s’arrondit. Et alors tout change. Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tant d’importance !

Ce soir-là, la lune s’était progressivement assombrit jusqu’à en sembler menaçante. Un adulte n’y verrait que la marque certaine du passage d’un nuage, loin, très haut au-dessus des cimes. Un enfant serait y reconnaître la marque du courroux de Diane. L’Homicide Hécate savait compatir aussi bien qu’elle savait châtier. Et ce qui n’est qu’un astre pour l’adulte devient un personnage fabuleux pour les plus jeunes. La mythologie a peut-être pris ses racines dans le monde des grandes personnes, autrefois, c’est aujourd’hui grâce aux plus rêveurs d’entre nous qu’elle survie.
Quelqu’un a dit que devenir adulte, c’était "savoir faire le tri de ses rêves" et laisser de côté ceux qui étaient trop irréalisables. C’était à la fois très vrai et très triste. Mais ceci est une autre question.

Susan, donc, monta les escaliers d’un pas moins souple que de coutume. Il lui tardait de retrouver son lit. Elle poussa doucement la porte du dortoir et s’arrêta sur le seuil tandis qu’un sourire venait lentement étirer ses lèvres fines. C’était vraiment agréable de se retrouver ici après deux mois, un peu comme un retour à la maison à la suite d’une trop longue absence.

Sentant tout à coup sa fatigue s’envoler pour laisser la place à l’excitation devant tout ce que cette année nouvelle laissait espérer, elle se laissa tomber sur son lit, les bras en croix («Et quand il croit ouvrir ses bras son ombre est celle d’une croix» écrivait Aragon), et poussa un profond soupir de contentement.

Dans la pénombre du dortoir, elle n’avait pas vu Hope, dont le lit était assez éloigné du sien. Toutefois, elle entendit un bruit indistinct qui ressemblait à celui des draps que l’on froissait. Surprise, Susan rouvrit les yeux et se redressa, les cheveux en bataille :

- Y’a quelqu’un ? demanda-t-elle, de manière affreusement sotte.

(812 mots)

Hope avait entendu la porte du dortoir grincer, et avait bien entendu vu la lumière s'infiltrer dans la pièce, mais n'y avait pas particulièrement prêté attention. Elle était persuadée, en bonne fillette candide et pleine d'illusions, qu'il s'agissait d'Holly, et ne bougea pas d'un poil, convaincue que sa jumelle viendrait directement la rejoindre dans son lit, pour discuter dans le noir. Comme d'habitude.
Mais il apparaut à Hope que sa soeur s'était manifestement écroulée sur un lit qui n'était même pas le sien, d'après le bruit éloigné d'un sommier grinçant ; deux solutions s'offraient à la fillette :

- Holly avait, elle aussi, eu une journée difficile, et s'était littéralement endormie sur n'importe quel lit en arrivant, pour s'endormir à son aise, sans se soucier des autres. Un bon point, dans ce cas. Quand les jumelles étaient de mauvais poil, il leur arrivait souvent de se montrer particulièrement désagréables et égoïstes.

- Ce n'était pas Holly.

La première solution était la plus probable, cependant Hope décia de se retourner, écartant momentanément ses cheveux de devant son visage pour y voir plus clair. Il lui apparut qu'étrangement, la seconde solution était la bonne. Ce n'était pas Holly. Mais de qui pouvait-il bien s'agir, dans ce cas ? Peut être de l'assomante Hannah Abbot, ou encore de toute autre fillette possédant le don rare d'endormir quelqu'un en trois secondes et un dizième...
Elle essaya de distinguer une forme humaine, mais l'obscurité envahissante laissait le reste de la pièce dans la pénombre, et Hope ne pouvait rien conclure du tout, quant à l'identité du quidam en question.

Elle s'apprêtait à demander d'une voix ensommeillée, "Qui est là ?", [mais la fillette présente dans le dortoir plaça avant elle un anxieux et fluet : "Y’a quelqu’un ?". Bon. Tant pis.

Hope hésita à rester silencieuse. La voix qui lui était parvenue lui était étrangement familière, mais ça n'était pas celle d'Holly, et son unique neurone pouvait aussi bien lui jouer des tours...
Elle lança donc, d'une voix fatiguée :

- Oui, il y a moi, Hope Zellwiger, pour vous servir...

Puis elle se laissa à nouveau tomber sur son lit, en pensant que si l'autre prenait sa réponse au sérieux et venait lui parler, il était probalbe qu'elle se planque en vitesse sous le lit. Pour le moment, elle n'avait envie de parler à personne. Sauf à Holly.

Mais l'autre fillette ne parut pas se décider à bouger, c'est pourquoi Hope entreprit de fredonner quelque chose, pour s'occuper.

- Playground schoolbell rings, again,
Rainclouds come to play, again,
Has no one told you she's not beathing ?
Hello, I'm your mind, giving you someone to talk to.
Hello...

Elle s'interrompit, trop fatiguée pour chanter. Elle n'avait envie de rien, de toute façon. Juste de dormir, et de tout oublier. Et encore, elle n'en était pas certaine. Après tout, elle avait également pour projet, -mais était-ce seulement réalisable ?- de trouver Susan, pour pouvoir enfin discuter à nouveau avec elle, et rire, comme avant, sans se soucier du monde désagréable et haineux de l'école.

[509]

Susan s’était vaguement attendu à ce qu’on lui réponde un « C’est moi» peu éclairant voire un «Je suis le boggie man» franchement inquiétant, au lieu de quoi, elle eut la surprise d’entendre Hope se dévoiler de manière parfaitement plate.
La fillette écarquilla les yeux à la fois ravie (d’abord parce que c’était Hope, ensuite parce qu’elle n’aurait pas à se farcir la honte de lui demander «Euh ? Tu es laquelle ?») et très embêtée. Elle se sentait coupable de ne pas avoir vu son amie plus tôt dans la journée, mais entre les rondes préfectorales dans le train, la Gryffondor un peu atteinte et tout le pataquès, elle n’avait pas eu le temps de voir la journée filer.

Revigorée en entendant la voix d’Hope, elle se leva d’un bond de son lit et fonça sans demander son reste vers celui de la jeune sorcière, un grand sourire aux lèvres… Sourire qui disparut presque aussitôt devant l’état lamentable dans lequel la Poufsouffle se trouvait.
Merlin, mais que s’était-il donc passé ? La moitié de sa famille avait été écrasée par un avion à réaction ? Elle s’était pris le chou avec sa sœur ? Les éléphantes roses volantes et miniatures de Patagonie avaient mangé tous les biscuits ? Les coccinelles poldèves subissaient encore des traitements honteux ? (Ne cherchez surtout pas à comprendre ces deux dernières questions, y’a un code).

*Mais non sotte que tu es ! C’est certainement entièrement de ta faute, tu t’es comportée comme la dernière des ingrate ! Après tout ce qu’elle a fait pour toi… Oser t’adresser la parole, quand même, si ce n’est pas un acte courageux, ça !*

La fillette déglutit. Une partie de son cerveau se liquéfiait tandis que l’autre pointait du doigt la faille de son raisonnement en grondant d’une voix de stentor :

*Idiote ! Ce ne peut pas être toi ! Tu es insignifiante, tu serais incapable de mettre quelqu’un dans un état pareil ! Elle va probablement te demander qui tu es, d’ailleurs !*

C’est ce qu’on nomme, dans le jargon, un bug du neurone. Pris entre deux possibilités opposées qui s’affrontent, l’individu lambda est incapable de prendre une décision. Susan en était le désastreux exemple en cet instant précis. Elle sautillait d’un pied sur l’autre devant le lit d’Hope, incapable de prononcer le moindre mot.
Quand celle-ci se mit à fredonner, elle crut un moment que la fillette avait définitivement perdu la raison. Elle grimaça et se mordit l’intérieur des joues avant de souffler bruyamment.

Ah zut ! Question discrétion, elle pourrait repasser. Bruit 1, Susan 0. La Poufsouffle toussota légèrement avant de bafouiller d’une toute petite voix :

- Je suis sincèrement désolée…

Susan passait le plus clair de son temps à demander pardon à tout le monde pour un peu tout et n’importe quoi. Elle partait du principe que les gens allaient nécessairement lui reprocher quelque chose – ne serait ce que son existence – et qu’elle avait donc intérêt à adopter une attitude de parfaite contrition dès le départ pour pouvoir passer à autre chose.
Elle ne doutait pas un seul instant qu’Hope allait lui trouver des tas de raison d’être désolée. D’ailleurs, elle l’était. Le seul problème, c’est qu’elle ne savait pas encore pourquoi.

(559 mots)

Le problème, avec Hope, était qu'en cette période de l'année, elle avait tendance à tout dramatiser. Présentemment, elle commençait à se poser la question suivante : " Si je me jette par la fenêtre en criant, "Je suis la réincarnation de Merlin", quelqu'un daignera-t-il m'empêcher d'atteindre le sol ?"
Mais voilà : c'était une question rhétorique. Hope savait très bien que non, personne ne se souciait d'elle et de sa misérable et insignifiante existence. Elle renonça donc -momentanément- à cette tentative désespérée de se faire remarquer. De toute manière, personne ne la croirait : Merlin n'aurait jamais, ô grand jamais eu l'idée saugrenue de se réincarner en une chiffe molle comme elle. C'était évident.

Bien sûr, sa famille n'avait pas été écrasée toute entière par la faute d'un avion moldu. Les pauvres éléphants roses volants de Patagonie ( mais pourquoi les incriminait-on tout le temps, ces pauvres bêtes ?) n'avaient pas mangé tous les buiscuits du Club Dem. Et évidemment, les coccinelles poldèves subissaient des traitement honteux, encore et toujours, mais Hope devait bien s'avouer, à son grand regret par ailleurs, que là était le cadet de ses soucis.

Hope n'en voulait pas réellement à Susan. Elle savait bien que la fillette avait sûrement une raison tout à fait logique et inattendue pour ne pas avoir donné suite à son invitation, l'été dernier. Elle se doutait, en sorcière sage et réaliste, que sa voisine préférée de Défense Contre les Forces du Mal ne l'avait pas évitée dans le train, ni dans les couloirs. Simple question de malchance. Non, Hope était ravie, en fait, de revoir son amie ; le seul gobelin au tableau était que ça n'était pas le moment idéal.

Elle n'était pas non plus fâchée contre sa famille, de la délaisser au moment précis où il ne fallait surtout, mais surtout pas que Hope restât seule : le mois de septembre était pour elle tout autre chose qu'un simple désagréable mois de rentrée scolaire. Mais après tout, elle devait aller à l'école, comme tout un chacun, et la présence de ses soeurs l'aidait toujours un peu...

De même, elle ne tenait pas rigueur à ses parents de ne pas les avoir emmenés, elle et ses six frères et soeurs, au Club Dem en Patagonie, ou ailleurs. Elle se doutait bien, qu'au fond, un voyage de neuf personnes coûtait bien trop cher, et qu'il lui faudrait attendre encore un peu.
Même les deux semaines qu'elle avait été forcée de passer chez sa Tante Agatha, la vieille aigrie à l'odeur de chou de bruxelles en état de putréfaction, lui avaient paru vivables. Même les nuits passées dans la maison humide et froide de cette dernière, au fin fond de l'écosse, à se faire dévorer les orteils par treize chats hargneux, lui avaient convenu. Après tout, c'était comme ça tous les étés, elle avait l'habitude.

En réalité, si l'on avait été au mois d'octobre, par exemple, Hope aurait tout pri avec le sourire, aurait relativisé, et se serait dit qu'il ne servait à rien de dramatiser la situation.
Mais voilà : cinq ans auparavant, mois pour mois et presque jour pour jour, elle avait perdu sa soeur. Et ses problèmes accumulés à ce maudit mois de septembre la plongeaient toujours dans une sorte de démence passagère, un trou béant où elle sombrait, et où il était déconseillé à toute personne étrangère à cette sensation de s'aventurer. Abigail était loin d'avoir disparu de la mémoire de Hope, et cette année plus que jamais, la jeune sorcière était décidée à ne pas accepter cette mort.

Elle s'arrêta de chanter, et se rendit tout à coup compte que cette voix fluette, ces pas précipités et joyeux et cette silhouette presque enfantine apparue juste devant son lit, ne lui étaient pas inconnus : Sue était enfin là, elle l'avait enfin trouvée. Note bien que ça n'était vraiment, vraiment pas le meilleur moment pour entamer de joyeuses retrouvailles, mais enfin, Hope ne pouvait pas laisser la pauvre fillette croire que tout était sa faute.

- Tu n'as pas à être désolée ! s'exclama-t-elle, en souriant à moitié. Tu as passé de bonnes vacances ?

Cette dernière question fut prononcée avec un manque cruel de conviction. Mais Hope n'y pouvait rien du tout, cette fois...


[709]

Susan lança un coup d’œil de plus en plus inquiet à Hope. La fillette n’avait vraiment pas l’air dans son assiette et comme de juste, Susan se sentait incapable de dire quoi que se soit de réconfortant. Elle était toujours très mal à l’aise dans ce genre de situation. Non, en fait, elle était tout le temps mal à l’aise. Disons juste qu’elle l’était encore plus que de coutume.
La fillette hésita entre se jeter aux pieds de la seconde année pour la supplier avec force pleurs de ne pas la lapider mais de lui pardonner ses offenses et s’en aller en bredouillant des excuses pitoyables.

Au lieu de cela, elle opta pour une solution intermédiaire. Elle s’assit sur le bord du lit, prudemment (des fois qu’Hope l’expulserait !) et adressa un sourire timide à cette dernière. Tandis que son pauvre cerveau atrophié cherchait vainement quelque chose à dire, le silence s’installa. C’était un peu déstabilisant. D’abord parce qu’il ne s’agissait pas d’un silence de folle complicité, Susan se sentait même de plus en plus la malvenue, ensuite parce qu’elle avait toujours connu Hope très enjouée et réactive… Ce qui était loin d’être son attitude du moment.

Heureusement pour elle, la fillette parut faire un effort et mit sur le tapis la question des vacances… Heureusement ou malheureusement, plutôt ! Car Susan avait honte de ne pas avoir pu tenir sa promesse en invitant les jumelles au cours de l’été. Elle piqua du nez en direction de ses chaussures et rougit violemment tandis qu’elle sentait des larmes lui monter aux yeux. Tentant de les réfréner, elle renifla de manière peu élégante deux fois de suite avant de répondre d’une voix enrouée qu’elle s’efforçait vainement de rendre désinvolte :

- Parfaitement monotones.

C’était vrai. Hormis l’épisode «glaces» et l’anniversaire d’Alexander, il n’y avait rien eu de palpitant. Susan n’évoqua toutefois pas la fête de leur camarade de Poufsouffle. Hope n’y avait pas été invitée et il était inutile de lui en parler si elle avait le moral en berne.
En petit animal affectueux qu’elle était (ou presque !), Susan se lova sur la couette, les yeux étrangement rougis. Voilà, maintenant, elle allait se mettre à sangloter comme une idiote qu’elle était.

A nouveau, elle renifla et pinça les lèvres si fort qu’elles en devinrent blanches. Elle évitait soigneusement de regarder Hope, de peur de se liquéfier, et avait les yeux fixés sur les motifs jaunes et noirs (logique) de l’édredon. Machinalement, elle triturait un bout de sa jupe d’uniforme.
Finalement, la jeune sorcière adressa un coup d’œil désespéré à son amie, comme si elle la suppliait de lu dire quelque chose pour décoincer la situation… A moins que ce ne soit à elle de parler ?
La fillette se mordilla la lèvre inférieure avec fureur avant d’oser coasser un presque inaudible :

- C’est un peu paniquant, la rentrée, non ?

On tombait dans le pathétique, question conversation. Susan sentait sa poitrine «hoqueter» à force de retenir ses larmes. Elle avait le sentiment d’avoir atteint un seuil dans le pitoyable qu’il serait difficile de dépasser.

(514 mots)

D'une manière ou d'une autre, Hope se sentit réconfortée par la présence de Susan. La fillette avait l'air de s'en vouloir terriblement, ce qui n'étonna pas vraiment la jeune sorcière, étant donné qu'elle n'avait jamais mentionné le fait qu'il falait éviter à tout prix de l'aborder pendant les premiers jours de Septembre... du moins, si l'on était étranger au passé peu commun de Hope.
Elle aurait aimé faire sentir à Sue qu'elle était heureuse de la voir, lui dire qu'elle était ravie qu'elles soient réunies un peu toutes les deux, pour une fois loin des autres élèves et des cinglés de profs qu'elles se ramassaient, comme de coutume... mais elle ne s'en sentait pas le courage.
Elle vit, malgré la tentative désespérée de Susan de cacher ses yeux rougis par les larmes, l'expression de la jeune Poufsouffle, et lui sourit, cette fois sincèrement, pour la réconforter :

- Les miennes aussi ont été atroces... tu imagines, passer quinze jours chez tante Agatha... à part l'épisode glaces à gogo avec Abygael et toi...

Elle sentit une boule se former dans sa gorge, lorsqu'elle prononça le nom de la première fillette : elle n'avait jamais fait le rapprochement entre sa petite soeur et la jeune Gryffondor, qu'elle connaissait à peine... Abigail... Abygael...
Hope fit cependant un effort pour se contenir, et reprit, d'une voix légèrement tremblante :

- Ouais... je n'aime pas trop les rentrées en général, il me faut toujours un bon millénaire pour m'y habituer... et en septembre, c'est toujours quinze fois pire...

Hope décida de ne pas vider son sac sur les frêles épaules de la petite et fragile Sue, mais d'aller simplement à l'essentiel, juste pour que celle-ci comprenne que ça n'était vraiment pas sa faute, si elle était dans cet état :

- J'ai... une soeur qui est morte, en septembre, il y a cinq ans... alors, j'ai du mal à sauter au plafond...

Elle savait parfaitement que sa camarade n'était pas du tout à l'aise avec cette situation, mais à vrai dire, elle non plus... et elle n'avait pas assez parlé à Susan de ses problèmes, jusqu'à maintenant... pas étonnant que la fillette ne comprenne rien, après avoir vu une amie pétillante de vie devenir en deux mois plus molle qu'un bulbe...

Hope coiffa ses cheveux avec ses doigts, les ramena en arrière en les nouant entre eux, pour y voir plus clair, et sécha les larmes qui perlaient aux coins de ses yeux. elle se retourna vers Sue, un petit sourire aux lèvres :

- J'aurais dû t'en parler avant, hein... ? C'est pas folichon, comme retrouvailles...

Elle tendit le bras vers sa baguette, posée sur sa table de nuit, et murmura "Lumos", éclairant la pièce jusqu'alors plongée dans l'obscurité.
A voir la figure à moitié ravagée de la pauvre Susan, elle aurait mieux fait de garder ses informations pour elle... ça faisait décidément trop, pour la pauvre fillette, au départ sûrement impatiente de recommencer des débats enflammés à base de Barbie Chevelure de Rêve...

[503]

Merlin, c’était gagné ! Alors qu’elle avait eu la ferme attention de consoler Hope de Merlin seul savait quoi, voilà que les rôles se trouvaient inversés ! Comme amie, elle était vraiment nulle, Susan. C’était peut-être pour ça qu’elle n’en avait pas, d’ailleurs. La fillette se passa la main sous le nez et fit une tentative déplorable pour adresser à Hope un sourire qui ne ressemble pas à celui du crapaud à qui la princesse vient de refuser le baiser. Certes, la comparaison n’est pas des plus pertinentes, mais comme dirait le sage «faute de grive, on mage des merles». Faute d’imagination, on se rabat sur ce qu’on trouve.

Il était d’autant plus difficile d’avoir l’air décontracté que Hope venait tout juste d’admettre avoir passé des vacances pitoyables, ou peu s’en faut. Si seulement elles avaient pu se voir plus souvent ! Bon, les vacances d’Hope n’en auraient pas été éclairées pour autant si on part du principe que passer du temps à Susan est un suicide à petit feu, mais d’un point de vue parfaitement égoïste, les vacances de Susan, elles, en auraient été très différentes.

La fillette retint à temps un «Ben, comment tu peux t’ennuyer avec tes sœurs ?» qui n’aurait pas été d’une intelligence prouvée : après tout, peut-être que Hope s’était brouillée avec la fratrie, justement. En tant qu’enfant unique, Susan devait bien reconnaître qu’elle enviait un peu les familles nombreuses… Un peu seulement, car elle était la première à admettre qu’elle ne passerait certainement pas deux mois dans la même maison que ses petits ou grands cousins. La condition d’enfant unique n’était d’ailleurs plus si pesante depuis que la jeune sorcière passait le plus clair de l’année à Poudlard.

Alors que Susan semblait sur le point de répondre quelque chose («je suis vraiment, vraiment désolée» sans doute) à la suite des déclarations d’Hope sur ses vacances, la jeune Poufsouffle renchérit sur une de ses sœurs cadettes, justement. Du coup, et sous le choc, la phrase toute préparée de Susan (elle avait mis trois plombes à la trouver, en plus, celle là, ce n’était vraiment pas sympa de lui faire coup là !) mourut dans sa gorge d’où le gargouillis étrange qui en sortit.

Instantanément, elle rougit, tant de honte («Grrrouick», ce n’est pas terrible, comme bruit) que de gêne. Comme de juste, elle n’avait aucune idée de ce qu’il convenait de dire en pareille situation. Dire qu’elle avait eu l’effronterie de croire que s’était son silence des vacances qui lui valait cette tête d’enterrement ! Comment avait-elle pu être assez sotte pour songer que son silence était susceptible de déranger quelqu’un ? Elle était Susan Bones, la transparente Susan Bones…

En plus, si ça continuait, elles allaient pouvoir organiser un concours de Miss Pleurnicharde… Sauf que Hope, elle, avait de très bonnes raisons de pleurer, pas comme Susan. Pour une fois, la réputation que les Serpentard cherchaient à tout prix à coller aux Poufsouffle se trouvait justifiée. Quelle honte pour la maison. Susan devrait en être expulsée. On créerait une maison spéciale «bêlante» rien que pour elle, la maison des Brebis (galeuses, c’est encore mieux), où elle passerait le reste de sa scolarité.
Elle finit par lâcher :

- Je suis vraiment, vraiment désolée… Je ferais mieux de te laisser…

La mine dépitée, elle se remit debout et, tête basse, fit demi-tour.

(558 mots)

Susan avait en fait débarqué au mauvais endroit, au mauvais moment. Certes, elle n'en avait pas eu l'intention, et Hope le savait pertinemment. Néanmoins, elle ne sut que dire en entendant le gargouillement étrange que produisit la fillette, plongée dans des pensées assez peu réjouissantes. Si son amie était arrivée dix minutes plus tard, Hope aurait certainement eu le temps de relativiser, de se dire qu'elle ne pouvait pas rester dans un état aussi lamentable. Mais voilà, présentement, elle ne savait pas du tout quoi faire. Elle n'avait pas vraiment envie de faire la fête, cela allait de soi, mais rester cloîtrée dans un dortoir sinistre, avec une tête de vampire, et de surcroît avec la maudite capacité de transformer Susan en une enfant baignée de larmes ne la tentait pas des masses non plus...
Et que dire, dans le cas présent ? Elle n'avait jamais parlé de ses problèmes à personne, et son insolent et unique neurone venait de lui suggérer, avec la plus grande perversité, de raconter sa misérable et larmoyante petite vie à la fillette de Poufsouffle, qui n'allait probablement jamais accepter de lui ré-adresser la parole, un jour...
Elle sourit donc, plutôt tristement, à Sue, en guise de remerciement. Parce qu'elle préférait de loin qu'on lui baragouine un "Désolée...", plutôt qu'on se jette à ses pieds en pleurnichant, et en plaignant ses futurs ancêtres et ses arrières petits enfants... si elle en avait un jour. Mais c'est une autre histoire.

Pour l'heure, Hope restait assise sur son lit, piteusement, telle la plus profonde des demeurées de ce siècle. En effet, qui donc aurait eu l'idée saugrenue d'aller s'appitoyer sur son sort, seulâtre, au lieu de se confier à quelqu'un, n'importe qui... ? Personne, bien sûr. Sauf Hope. Qui elle, -et cela était parti d'une bonne intention, malgré les apparences- était allée vider son sac sur la première venue. Cette dernière n'ayant pas franchement l'habitude de servir de psy à la population anglaise dans sa totalité. Ce qui était tout à fait compréhensible, par ailleurs.

Elle soupira, consciente que de toute façon, elle ne pouvait pas jouer à Draculette une éternité. Quoiqu'elle en pense, il fallait bien qu'elle sorte, un jour ou l'autre. Ne serait-ce que pour aller manger. En plus, si elle décidait de s'enfermer dans le dortoir pour toujours, cela risquait de créer quelques litiges : d'abord parce que, malgré sa gentillesse et sa patience légendaires, Susan n'allait certainement pas accepter de se laisser séquestrer par une folle en pyjama. Ensuite, parce que, même si les velléités suicidaires éventuelles de la fillette la poussaient à accepter, elles finiraient forcément par avoir faim, et soif. Et aucune des formules magiques que Hope avait apprises, en bonne élève bête et disciplinée, ne permettait de faire apparaître une quantité astronomique de nourriture. Et enfin, parce que Holly, Hannah Abbot et les autres ne pourraient pas venir dormir, si elle leur bloquait la porte du dortoir. Et alors, il ne lui resterait que deux solutions : soit mourir de faim dans le dortoir, soit se faire lapider à l'extérieur par ses camarades furieuses. Enfin, bref...

Plongée dans ces réflexions indiscutablement captivantes ( ?? ), Hope n'avait pas remarqué le départ silencieux et désappointé de son amie. Elle sauta hors du lit, avec la ferme intention d'empêcher Sue de l'abandonner à son triste sort. Elle la retint donc par le bras, et se surprit à lui proposer, un sourire sincère aux lèvres :

- Ca te dirait qu'on se promène, histoire de voir de nouvelles têtes... ? J'ai vraiment hâte de jeter un coup d'oeil aux caboches des première année, et j'en peux plus, de ce lit... ça fait trèèès longtemps que je suis vissée dessus...

Elle jeta un regard presque implorant à sa camarade, espérant que sa réponse serait affirmative, et qu'elle ne se dégagerait pas d'un air indigné en s'écriant "Mais que me voulez vous ? Je ne vous connais pas, fichez moi la paix, bougre de tante Agatha !"
Quique, à la réflexion, Sue n'avait jamais eu la chance (hum...) de voir tante Agatha. Et heureusement pour elle, d'ailleurs !


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Susan était à mi-chemin entre son lit et celui d'Hope et songeait déjà sérieusement à se pendre avec sa cravate d'uniforme quand celle-ci lui parla (Hope, pas la cravate, les cravates ne parlent pas, enfin ! Certes, nous sommes à Poudlard, mais même le fantastique à ses limites ! D'ailleurs, on voit mal ce qu'une cravate pourrait bien dire "Salut, ça va ? Un peu trop serré le noeud, aujourd'hui !" ou bien encore "Fais gaffe, avec ta tartine, je suis propre !", enfin bref, la question ne se pose pas).
La fillette se stoppa net et effectua un demi-tour hésitant avant de contempler Hope, les yeux grands ouverts, d'un regard de chouette effrayée.

Elle se demandait vraisemblablement si la Poufsouffle cherchait à bouger de son lit parce qu'elle en avait envie ou bien juste parce qu'elle ne voulait pas - dans sa grande mansuétude - que Susan passe le reste de la nuit à se morfondre au fond de son propre lit.
Finalement, elle sautilla sur place, indécise quant à la conduite à tenir, et tripota ses doigts d'un air affreusement gêné. D'une toute petite voix, elle répondit :

- Oh ! Ce serait avec plaisir... Mais tu sais, si tu n'en as pas envie, il ne faut surtout pas te forcer pour moi...

Elle se mordit la lèvre et gratifia la fenêtre d'un coup d'oeil qui signifiait clairement quelque chose comme "Ooooh ! Les abysses me font signe, je le sens, je dois les rejoindre !". A quel étage était les dortoirs, déjà ?
Pas haut ! Zut ! La salle commune était à côté des cuisines. Elle détourna la tête et s'efforça de sourire gaillardement à son amie avant de reprendre d'une voix un peu plus assurée :

- Les premières années ? C'est le côté supériorité de la seconde année qui sort, c'est ça ? Ben, y'a une fille avec des tresses blondes et euh... Enfin, c'est la seule que j'aie repéré parce qu'elle était avec nous, quand on les a tous conduits à la salle commune...

Le "nous" désignait ici les deux préfets, à savoir Alexander et elle-même (une erreur de casting, sans doute).