Automnal début de soirée.

Il était près de six heures, quand Florentine passa le pas de la porte de la taverne. Elle ôta avec un plaisir évident sa cape d'uniforme : ce début d'automne écossais était bien plus frais que les automnes français et la chaleur des Trois Balais était la bienvenue.
La jeune fille était suivie de Tom, recontré une bonne heure plus tôt, au niveau de la Cabane Hurlante et qui, après toute une conversation dans la fraîcheur du petit soir anglais, lui avait proposé de poursuivre au chaud. Une proposition que Florentine avait acceptéavec un enthousiasme teintée de perplexité, mais non sans avoir, au préalable, obtenu que chacun paie sa consommation. Elle connaissait trop peu Tom pour le laisser payer pour eux deux et, de toute évidence, une sorte de réflexe viril inconscient et séculaire poussait le jeune homme à refuser catégoriquement que ce soit elle qui paie. Bref, un compromis avait été trouvé, c'était le principal.

Florentine, donc, entra dans l'auberge et avisa une table libre, non loin d'une fenêtre. Elle s'y dirigea d'un pas déterminé, non sans avoir vérifié au préalable que Tom la suivait.
Elle s'assit et sourit furtivement à son camarade avant de parcourir d'un oeil curieux les lieux :

- Il paraît que leur biéraubeurre est la meilleure du pays, dit-elle d'un ton pensif.

Le bouquet, métamorphosé un peu plus tôt par les bons soins de Tom, reposait sur la table (il aurait été criminel de le laisser moisir dans le froid de la nuit tombante !). Les yeux de Florentine se posèrent dessus et à nouveau, elle ne put s'empêcher de commenter doucement :

- Quelle métamorphose parfaite, vraiment, c'est impressionnant.

Florentine était, d'une manière générale, une fille très intelligente. Ce qui ne l'empêchait toutefois pas de se montrer incroyablement aveugle par moment : le ton charmeur de Tom lui passa totalement au-dessus de la tête, à tel point que tout ce qu'elle retint, ce fut la proposition du jeune homme qui, selon elle, était très sérieuse et qui, si elle était bien un peu embêtée de le reconnaître - question d'orgueil personnel - était également très tentante.
Aussi la jeune fille répondit avec sérieux quand Tom revint du comptoir :

- Vraiment ? Tu accepterais de m'aider un peu ? Pour les sorts imprononcés, je n'ai plus de problème, mais j'avoue que certaines métamorphoses m'échappent encore : c'est très frustrant, de devoir remuer les lèvres alors que nous avons commencé à étudier ce genre de métamorphose il y a un an, poursuivit-elle avec une moue dépitée.

Florentine détestait s'avouer - et a fortiori avouer aux autres - ses propres faiblesses : elle avait alors le désagréable sentiment qu'elle leur donnait une arme redoutable grâce à laquelle ils pourraient la battre en toute circonstance. Elle se fustigea mentalement de son aveu trop rapide : si Hélèna l'apprenait, elle et toute sa bande en feraient des gorges chaudes.
Ce fut certainement ce qui la poussa à préciser avec un détachement parfait :

- Enfin, heureusement, je bloque sur quelques métamorphoses seulement. De toute façon, le professeur Fauré m'a assuré que c'était normal. En fait, il semble considérer qu'il faut un an et demi pour maîtriser parfaitement ce genre d'exercice. Tu es donc une exception, rajouta-t-elle avec un sourire amusé.

Le professeur Fauré enseignait la métamorphose à Beauxbâtons, matière que Florentine aimait énormément, quoiqu'elle lui préférât concordance des temps douteuses les sortilèges.

*Oui, après tout, il m'a bien dit que seuls deux ou trois élèves parvenaient à lancer toutes leurs métamorphoses imprononcées dès la première année* se rassura-t-elle mentalement.

Tom regardait Flo’ et écoutait ce qu’elle disait. Il était vraiment intéressé par ce qu’elle disait. Puis quand il lui annonça qu’il serait prêt à l’aider pour jeter des sorts imprononcés. Tom avait dit ça en rigolant mais Flo’s l’avait prit sérieusement. Il n’était, bien évidement, pas contre cette idée. De plus ils pourraient se voir beaucoup plus souvent. Tom ne s’était jamais rendu compte que Florentine était aussi sympa. Il l’aimait vraiment bien et pour Tom, elle était une des filles avec qui il pourrait aller au bal. Enfin elle était une des filles à qui il allait demander.

Il but une longue gorgée de bièraubeurre. Quand le liquide pénétra en lui. Il sentit une chaleur intense qu’il lui fit un bien fou. Puis dès que cette chaleur se dissipa, il parla.

-Ok ben tu me diras quand c’est que tu voudras commencer tes leçons

Puis la jeune femme à qui Tom avait commandé les consommations parvint à se frayait un chemin vers eu et leur dit.

-C’est bien beau de boire, mais vas falloir payer.

Certes Tom comprenait bien l’anglais mais là, la serveuse avait parlé assez vite et il ne comprit pas un seul mot de ce qu’elle venait de dire. Tom voulu la faire répéter mais cette dernière fit un signe qui signifier qu’il fallait payer. Tom s’empressa de s’excuser et sortit de l’argent anglais. Il paya les deux boissons et voyant la tête de Flo’, ajouta.

-Tu me rembourseras plus tard, t’inquiète pas.

Allait-il réussir à faire oublier à Flo’ de le rembourser ??

Si la perspective du bal semblait être une idée fixe dans l'esprit de la plupart de ses camarades, aussi bien à Beauxbâtons qu'à Durmstang ou à Poudlard, d'ailleurs, dans celui de Florentine, il restait une perspective bien lointaine à laquelle elle ne pensait, pour ainsi dire, jamais. Autrement dit, la grande question qui hantait tout individu normalement constitué et que l'on pouvait formuler en ces termes "Avec qui vais-je bien pouvoir aller au bal" lui passait totalement au-dessus de la tête.
Il était étrange de constater à quel point Florentine, pourtant bien terre-à-terre, pouvait zapper certains évènements du quotidien.
Pour l'heure, sa métamorphose l'inquiétait plus que de savoir qui serait son cavalier.

- Merci, dit-elle avec un sourire simple en prenant son verre de biéraubeurre dont elle avala une gorgée avec plaisir avant de rajouter : Hum, leur réputation n'est pas volée, elle est vraiment succulente !

Elle reposa son verre en douceur et s'apprêtait à dire quelque chose quand la serveuse rappliqua. Florentine, qui n'était pas encore passée en mode anglais, eut un peu de mal à saisir ses propos, d'autant plus que la taverne était bruyante.
Elle porta donc la main à son portefeuille trop tard, Tom avait été plus prompt qu'elle à payer.

- Attends, je te rembourse tout de suite, s'empressa-t-elle de dire, je te dois combien ?

En attendant la réponse de son compagnon, elle poursuivit le fil de son idée "métamorphose" en reprenant :

- Oh ! Pour la métamorphose, c'est quand tu voudras, hein ! Fais moi signe quand tu seras libre, de toute façon, je crois que nous suivons sensiblement les mêmes classes, non ? Si c'est le cas, ça devrait faciliter les choses.

A nouveau, Flo' s'autorisa un sourire furtif avant de demander :

- Tu veux faire de la métamorphose, plus tard ?

Un "plus tard" qui se rapprochait dangereusement puisque, a priori, à la fin de l'année scolaire, tous seraient lâchés dans la nature.

Tom but une nouvelle gorgée de bièraubeurre tout en regardant la serveuse partir en poussant des jurons. Exactement comme la première gorgée, une intense chaleur germa dans son corps. Il fallait vraiment qu’il ramène sa en France !

Le sujet continua à tourner sur la métamorphose. Et Tom était ravi de donner ses premiers cours à Florentine. Puisque de toute manière il voulait en faire son métier. Puis elle lui demanda combien elle lui devait.

*Mais pour quoi ne veut-elle pas que je paye ??*

Il ne répondit pas à cette question mais répondit à l’autre.

-Ben oui on se débrouillera mais si tu veux premier cour demain soir dans un endroit plutôt calme pour que tu puisses te concentrer. Sinon plus tard j’aimerais enseigner, soit la métamorphose, soit les sortilèges. C’est pour ça que j’aimerais rester à Poudlard à la fin du tournoi. Pour enseigner ici, même si les postes se font rares.

Il but une longue gorgée et reprit.

-Et toi tu voudrais faire quoi l’an prochain ??

Il verrait bien Florentine mère au foyer au bras d’un brave homme. Mais il se doutait qu’elle avait d’autre ambition plus élaboré.

Effectivement, le rêve de la femme au foyer avec un gentil mari et des enfants bien élevés était loin de répondre aux exigences des projets d'avenir de Florentine. Si il y avait bien une chose dont elle était sûre, c'est qu'elle ne voulait pas se mettre en marge du monde "actif". Elle aurait le sentiment frustrant de passer à côté de choses follement excitantes. Comme le faisait si bien remarquer la très fabuleuse Jane Eyre, l'être humain a besoin d'activité et ne serait se satisfaire d'une vie trop rangée.

Florentine s'était détourné pour dissimuler un sourire furtif à l'évident refus de Tom de répondre à sa question sur le prix de la biéraubeurre. Elle finirait bien pas le connaître, qu'il le veuille ou non. Il lui suffisait d'aller voir la serveuse (laquelle n'avait pas l'air très aimable, d'ailleurs. La pauvre devait être débordée !).
Le fait était que si elle avait connu Tom un peu mieux, elle n'aurait probablement pas bronché à ce qu'il paye pour eux deux, mais puisqu'il était encore trop tôt pour qualifier Tom d'ami - quoiqu'il fût un charmant camarade - elle ne pouvait se résoudre à le laisser payer.

- Fabuleux ! Tu n'aurais qu'à me faire passer un mot demain dans la journée, pour me fixer l'heure et le lieu du rendez-vous, je n'ai rien de prévu, de toute façon, commença-t-elle par dire, visiblement enchantée.

Elle s'arrêta un instant, le temps de prendre un peu de biéraubeurre avant de poursuivre :

- Tu veux enseigner ? C'est vrai que si tu es aussi doué en sort qu'en métamorphose, tu en as parfaitement le profil ! Mais pourquoi en Angleterre ? s'enquit-elle avec un soupçon de curiosité dans la voix.

C'était vrai, ça, elle, elle savait déjà qu'elle rentrerait en France à la fin du tournoi. Sauf si elle rencontrait le grand amour ou un truc du genre à Poudlard mais Florentine était bien trop terre-à-terre pour envisager une telle possibilité.

- Pour ma part, finit-elle enfin par dire calmement, je crois que je vais essayer d'entrer chez les duellistes. Le problème, c'est qu'il faut un mentor.

Tom était assez content que Florentine ce soit abstînt de payer Tom. C'était complètement ridicule. La bièraubeurre ne coûte pas très cher sinon aurait toute suite dit combien Florentine lui devait.

Tom but une gorgé de bièraubeurre qui était à moitié vide. Il écoutait Florentine avec intérêt. Puis il remarqua qu'elle était joyeuse que Tom lui enseigne quelques petites choses en métamorphose.

-Ok, je t'attendrais dans le carrosse vers huit heures et on ira dans le parc je pense.

Tom avait une petite idée dans la tête.

-Par contre il va falloir me rendre un service en échange. Tu verras demain.

Tom préférait garder le suspense jusqu'a demain. Il allait demander à Florentine de l'accompagner au bal en espérant que quelqu'un d'autre de l'ait pas fait avant lui. Oui, Tom pensait que c'était la meilleur façon de lui rendre service. Mais il ne pensait pas qu'elle soit déjà prise. Il avait vu Simon et Maxime la veille et ils ne lui avaient rien dit.

Tom vida sa bièraubeurre et reprit.

-Oui je veux enseigner. J'aimerais bien enseigner un Angleterre parce que j'en ai marre de la France, je veux changer de vie !!

Il avait parfaitement rasions, Florentine ne voulait pas être femme au foyer mais duelliste. Mais il lui fallait un mentor...

-Ah ouais, ta toujours pas trouvait de solution j'imagine ?

Mais qui avait dit que Florentine s'abstenait de le payer ? Ce n'était pas parce qu'elle ne remettait pas le sujet sur le tapis qu'elle abandonnait la partie, bien au contraire ! Elle avait tout simplement réalisé que Tom ne lui dirait jamais le pris de sa boisson et, par conséquent, elle attendait de le connaître (après un passage discret du côté du bar, par exemple !) pour le rembourser. Patience, patience ! Florentine était tenace et elle était loin d'avoir dit son dernier mot.

- Pas de problème, répondit-elle après avoir pris une nouvelle gorgée de biéraubeurre... Et pour ton service, j'avoue que tu m'intrigue.

Elle ponctua ses paroles d'un coup d'oeil perçant à Tom : elle ne voyait visiblement pas ce qu'il pouvait attendre d'elle et ne pouvait s'empêcher de se sentir curieuse. Néanmoins patiente de nature, elle finit par sourire doucement, sachant parfaitement que seule une petite journée la séparait du fin mot de l'histoire.
Enfin, il faudrait qu'elle pense à prendre des gants en laine et un bonnet, sil ils devaient aller dans le parc : les soirées commençaient à être sacrément fraîches !

A nouveau, elle sourit doucement en entendant Tom parler de ses projets d'avenir. Elle le trouvait plutôt courageux, de vouloir rester en Angleterre : pour sa part, elle avait très envie de retrouver Adelphe, Léopoldine et surtout, surtout, Eugénie à la fin de l'année. Quitte à repartir plus tard. Mais la fratrie Floriot était très soudée et Florentine savait d'avance qu'elle aurait hâte de les revoir tous en juin.

- J'espère que tu résussiras. Mais étant donné ton niveau, tu ne devrais pas avoir trop de mal à passionner tes futurs élèves, rajouta-t-elle d'un ton confiant.

Finalement, elle poussa un léger soupir, posa son coude droit sur la table et cala son menton au creux de sa main avant de répondre :

- Malheureusement non, ce genre de milieu fonctionne beaucoup par le piston. Je n'ai plus qu'à me débrouiller pour trouver quelqu'un dont l'oncle est duelliste et sans disciple, sinon, je devrais changer de plan de carrière, rajouta-t-elle d'un ton où perçait une pointe d'amusement.