Celle-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom [ Dominique ]

Ted observait Dominique avec perplexité, tandis que cette enfant de onze ans employait librement - et en toute aisance, comme s'il s'agissait d'un terme qu'elle utilisait quotidiennement - le verbe 'ourdir', la passion brillant dans ses yeux clairs. Pendant un bref instant, elle le fit penser à Victoire, quand elle lui parlait avec intensité de Quidditch ou de la France. Dominique aurait beau crier sur tous les toits qu'elle ne voulait rien avoir à faire avec son aînée, Teddy, lui, ne pourrait jamais s'empêcher de percevoir les similarités entre elles. Mais il tenait trop à sa vie pour en faire part à sa cadette. Il y avait des limites que même le désinvolte Ted Lupin n'était pas prêt à franchir. « Ça a l'air pas mal effectivement, peut-être que je tenterais ça alors ! Il faut juste que j'en récupère une copie. Je ne pense pas qu'ils aient ça à Poudlard, mais Harry peut peut-être m'en procurer un exemplaire... » songea-t-il à haute voix. Il aurait pu demander à sa grand-mère, mais il ne voulait pas l'embêter avec ça. Elle se faisait suffisamment de souci pour lui sans qu'il n'ait rien demandé, il n'allait pas en plus lui rajouter des requêtes un peu saugrenues.

« Pas faux. » accorda-t-il concernant les tragédies, un sourire amusé sur les lèvres. « Je préfère un entre deux, je crois. Les trucs un peu réalistes. Pas ceux où 'tout est bien qui finit bien dans le meilleur des mondes', mais pas non plus ceux où tout le monde se zigouille en proférant des malédictions à tout va, tu sais ? » Peut-être qu'il n'était pas fait pour le théâtre, tout simplement. Il ne lisait pas tant que ça, mais quand il le faisait, il s'agissait plus généralement de romans ancrés dans le monde réel et actuel. Mais Teddy était un garçon qui aimait expérimenter, et il voulait au moins essayer de comprendre ce qui attirait tant Dominique dans les tragédies.

Si Ted était conscient de l'animosité existant entre Victoire et Dominique, il se trouvait néanmoins dans une position délicate. Victoire était sa meilleure amie depuis l'enfance. S'il était conscient de ses défauts, ils lui étaient toujours apparus comme acceptables. Elle était la personne qu'il connaissait le mieux, le bon et le mauvais, et pour autant, celle avec qui il choisissait de passer le plus clair de son temps. Et d'autre part, n'ayant pas de frère ou de sœur, il ne pouvait qu'observer de l'extérieur les rivalités créées par ce type de relation. Mais il ne pouvait pas laisser Dominique dire haut et fort que Victoire était stupide, ça non. « J'sais pas Dominique... Je ne pense pas qu'elle pense à mal. » persista-t-il en haussant les épaules. Il ne doutait pas que la situation soit difficile pour Dominique, il le savait. Mais il ne pouvait pas non plus croire que Victoire fasse autant de peine à sa petite-sœur par pure cruauté. Peut-être ne s'en rendait-elle simplement pas compte.

Rassuré concernant le dénommé 'Douglas' (et son incapacité à faire du mal à Dominique), Teddy fit remarquer à sa cadette qu'ils approchaient de Poudlard. « Je sors pour te laisser te changer ? » proposa-t-il en se redressant pour fouiller dans ses affaires. Il portait déjà une partie de son uniforme, il ne lui manquait que sa cravate et la robe à mettre par dessus, aussi savait-il que ça serait rapide. Le train passa un dernier tournant alors qu'il attendait devant le compartiment, et Teddy sentit avec une impatience mêlée d'appréhension qu'ils étaient en train de ralentir. « En route, mauvaise troupe ! » s'exclama-t-il quand la porte s'ouvrit pour laisser apparaître Dominique à nouveau. Qu'ils soient prêts ou pas, Poudlard les attendait, et ne tolérerait pas de retard. Tant que Victoire ne jetait de sort à personne, peut-être pouvait-il considérer qu'il s'agissait d'une bonne rentrée ?