Marrant, ce lieu me semble familier ! [PV]

Il était le pire crétin que cette malheureuse Terre ait connu. Non, en fait, même s'il y avait eu un gars vraiment crétin quelque part sur une planète inconnue, eh bien cet alien ne pouvait pas être aussi crétin que lui. Il devait être le pire crétin de l'univers tout en entier pour être tout à fait exact. Et même de la galaxie. Il n'arrivait même pas à comprendre comment il avait pu se montrer aussi nul. Enfin si, il le savait très bien. C'était dans sa nature. Il fallait toujours qu'il gâche tout, même lorsqu'une chose fantastique lui arrivait. La chose la plus fantastique qui lui soit jamais arrivée, et qui ne lui arriverait sans doute jamais. Il l'avait perdue, alors qu'elle était la seule personne qui comptait réellement dans sa vie à présent. Et il ne voyait pas comment sa vie pourrait reprendre comme avant, alors qu'elle n'en faisait plus partie. Elle l'avait quitté, parce qu'il était un gros nul, et qu'il s'était montré odieux avec elle, alors qu'elle était la seule à qui il ne voulait jamais faire de mal. Il savait ce qu'elle avait enduré l'année précédente, et il l'avait blessée. Et ça, il le savait. Elle ne le lui pardonnerait pas, jamais.

Depuis 5 longs jours, il essayait de se convaincre qu'il était parfaitement capable de vivre sans Helena Smith. Il l'avait très bien fait avant de la connaître, alors pourquoi pas maintenant ? Ce n'était pas comme s'il dépendait d'elle de quelque manière que ce soit. Il ne dépendait de personne, c'était bien ce qui le caractérisait. Il était habitué à la solitude, il le vivait très bien, normalement. Mais ça, c'était vrai quand il savait qu'il y aurait une personne capable de venir rompre cette solitude justement. Plus il était seul, plus les échos de leur dernière conversation lui revenaient, et plus il se sentait mal, et plus il se sentait coupable. Il avait tout foutu en l'air. Lui, tout seul, sans aucune aide. Parce que oui, il aurait pu puérilement mettre ça sur le dos de Peterson, mais il avait dépassé ce stade depuis longtemps. Il se sentait ridicule, de se mettre dans des états pareils pour une fille. Et pourtant, il ne dormait presque plus, il mangeait très peu, et il n'allait pratiquement pas en cours, pour ne pas dire pas du tout. Il n'avait plus le goût à rien. Si avant on pouvait parfois le qualifier d'asocial, désormais il était presque devenu un ermite. Il ne sortait pour ainsi dire plus de son dortoir, il n'en avait pas envie, il n'y voyait pas d'intérêt. A quoi bon ? Il n'était pas plus mal loti dans son dortoir qu'autre part, même s'il voyait bien les regards que lui jetait Axel. Son camarade de dortoir avait envie de le tuer ? Il ne voyait même pas quelle excuse il pourrait invoquer, il n'en avait aucune, il n'aurait même pas la force de se défendre s'il venait à le frapper. Il le méritait.

Il avait tout gâché, elle lui en voulait, et elle ne lui pardonnerait jamais, c'est tout ce qu'il avait en tête, tout ce qui occupait ses pensées. Et dire qu'il se considérait supérieur à Maiden parce que lui, contrairement à son aîné, ne lui ferait jamais de peine. La belle blague. Il ne valait pas mieux que lui au final. Comme si elle avait le don de se retrouver avec des mecs qui ne la méritaient pas. Elle était trop bien pour lui. Trop gentille, trop innocente. Et lui il n'était qu'un pauvre grognon, amer et aigri. Peut-être que ça valait mieux comme ça. Leur couple n'aurait jamais tenu la durée de toute façon, ils étaient trop différents. Peut-être qu'elle serait plus heureuse, ainsi. Mais pas lui. Plus maintenant qu'il l'avait eue, et qu'il l'avait perdue à cause de sa propre stupidité. Mécaniquement, il se redressa de son lit, sur lequel il était allongé depuis de longues heures à présent. Le dortoir était désert. Tant mieux, il ne supportait pas de voir sa propre honte dans les yeux d'Axel, ça le rendait malade. C'était pire que tout.

Il avait envie de la voir. Cette pensée s'était brusquement imposée à son esprit, il voulait la voir. Pas lui parler, non, il savait qu'elle lui en voulait trop pour ça, mais juste la voir. Elle lui manquait, son sourire lui manquait atrocement. Ce trou béant qu'il avait au niveau de la poitrine, il sentait qu'il n'y avait qu'une solution pour essayer de rendre la blessure moins douloureuse. Ou bien ça rendrait les choses pires, qui sait. Il s'en foutait actuellement, il voulait juste la voir. Très vite, il sauta hors de son lit, ne songeant même pas à se changer. Au diable l'uniforme, il était en jean et T-shirt, et ça ferait très bien l'affaire, qu'il fasse froid dehors ou pas. Il croisait des gens dans la salle commune, dans les couloirs, mais il ne leur adressait pas la moindre attention. Il les voyait à peine. Une seule chose comptait, sa destination. En une dizaine de minutes, il était dans le parc de l'école, et il scrutait le lac, cherchant à y apercevoir sa silhouette. C'était là qu'ils s'étaient parlés pour la toute première fois. Ne serait-ce pas le plus beau des signes si c'était là qu'il la revoyait, peut-être pour la dernière fois ? Il ne sentait pas le courage de la croiser à nouveau. Mais elle n'était pas là. Il avança, lentement, en direction de la surface translucide de l'eau. Il était seul. Seul et déprimé, parce qu'il avait tout gâché, comme un grand.

Naïvement, il avait cru qu'il était seul près du lac, et qu'il le resterait. Il avait évité tous ses proches depuis sa rupture avec Helena, alors il avait un peu l'impression d'être seul au monde à présent. Combien de personnes étaient au courant ? Il n'en avait aucune idée, et il ne voulait pas le savoir. Il ne voulait pas qu'on lui parle, qu'on lui fasse des reproches qu'il méritait de toute façon. Il en était déjà bien conscient. Il n'avait pas besoin qu'on le lui rappelle, pas besoin qu'on le juge. Et puis, vu l'état dans lequel il était, on pouvait bien lui dire ce qu'on souhaitait, il ne se sentait même pas la force de réagir. A quoi bon ? Ça ne lui ramènerait pas celle qui occupait toutes ses pensées. Aussi, lorsqu'il entendit la voix de Giada s'élever à côté de lui, il ne montra aucun signe indiquant qu'il l'écoutait, ou même qu'il avait remarqué sa présence. Il ne lui avait rien dit, il n'en avait parlé à personne, alors elle ne pouvait être au courant que via une seule personne. Ou par un intermédiaire. Peu importait, il se doutait bien qu'elle finirait par le retrouver tôt ou tard. Sauf qu'il avait prévu que ce soit plus tard que tôt. Il ne savait même pas comment elle avait fait pour le repérer aussi vite d'ailleurs, est-ce qu'elle l'espionnait ou quelque chose comme ça ? Giada Rowle, agent de la CIA.

Cependant, même s'il ne réagissait pas, l'Allemand écoutait et entendait parfaitement ce que lui disait sa meilleure amie. Et pourtant ce n'était pas gagné, vu le débit auquel elle s'exprimait. A croire qu'elle avait avalé un Vif d'Or. Il tressaillit imperceptiblement à l'évocation du nom de son ancienne petite amie, il était bizarre de l'entendre prononcé à haute voix comme ça, après tout ce temps passé à l'avoir en tête. En soi entendre Giada parler autant d'un seul coup était déjà étrange. Cinq jours de silence qui volaient en éclats par l'action d'une seule et unique personne. En temps normal il aurait pu être agacé par autant de bavardages, ou même amusé, mais là il était juste indifférent. Elle venait de résumer très nettement la situation. Il n'y avait rien à ajouter. « C'est noté. » s'entendit-il répondre d'une voix neutre qui lui semblait étrangère, comme venant de quelqu'un d'autre que lui. Une réponse désinvolte qui n'avait pas bien d'importance. Oh oui, il se doutait de ce que pouvait penser Axel en ce moment, il le voyait bien dans son regard, et il était presque étonné qu'il ne soit pas encore venir lui mettre son poing dans la figure. Est-ce qu'il pouvait le lui reprocher ? Non. Il se serait bien mis lui-même son poing dans la figure, mais il n'y voyait pas vraiment d'intérêt. La douleur physique ne serait en aucun cas un remède à son mal, il le savait.

Comme si précédemment elle ne parlait déjà pas suffisamment vite, Giada se mit encore à accélérer le rythme, et là il eut carrément du mal à suivre. Ça partait dans tous les sens, et il était tout simplement lasse, avant même d'avoir eu à répondre à la moindre question. Il ne voyait pas vraiment pourquoi elle lui disait tout ça. Il était touché qu'elle se soit inquiétée pour lui, bien sûr, mais il trouvait surtout que c'était du gâchis. Il n'y avait pas de quoi s'inquiéter pour lui, il n'en valait pas la peine en cet instant. « C'est un vrai soulagement. » commenta-t-il sarcastiquement à la remarque concernant Axel. Il n'avait absolument rien à faire de ce que le Serdaigle pouvait penser de lui, ça n'avait pas la moindre espèce d'importance. Et ils ne s'appréciaient déjà pas spécialement avant cette histoire, sauf que maintenant Axel avait de bonnes raisons de le détester. Il savait que Giada attendait de lui des réponses plus complètes, des explications sur son comportement, mais la vérité, c'est qu'il n'en avait pas à lui donner. Ça n'allait pas, et sa seule attitude et son seul mode de réaction dans ces cas-là, c'était de répondre par le sarcasme et l'ironie, c'était tout ce dont il était capable. Et qui sait, peut-être que ça suffirait à la faire partir elle aussi.

« Tu crois vraiment que j'ai cherché à la faire rompre avec moi ? Que je suis content de cette situation ? » répliqua-t-il brusquement avec colère lorsqu'elle lui demanda s'il préférait rompre avec Helena plutôt que de lui parler à elle. Mais au fond... Peut-être qu'il l'avait cherché, oui. Lorsqu'il avait vu comment elle le regardait, lorsqu'il avait entendu le dégoût dans sa voix, il s'était demandé s'ils étaient vraiment compatibles finalement, si elle n'était pas trop bien pour lui, et lui trop sombre et amer pour elle. S'il ne valait pas mieux qu'ils rompent avant de souffrir davantage. Elle ne pouvait pas accepter cette part de sa personnalité, et pourtant elle existait bel et bien. Il avait eu vraiment mal en réalisant qu'elle le regardait différemment, et il s'était demandé si leur relation n'était pas de toute façon vouée à l'échec, fatalement. Alors il avait dit des choses qu'il ne pensait pas, des choses qu'il ne pensait jamais lui dire. Il déglutit difficilement. « Peut-être que ça vaut mieux comme ça, on n'est pas fait l'un pour l'autre, c'est tout. » Pourtant il sentait bien qu'il ne pourrait jamais être heureux sans elle. Alors quoi ? Il allait rester là à se lamenter sur son sort ? Peut-être. Elle le détestait maintenant, tout était terminé.

En cet instant l'Allemand avait vraiment, vraiment envie de partir. Il n'était pas sorti pour parler, non, et pourtant c'était exactement ce que Giada voulait. Le faire parler. De ses sentiments entre autres. Elle voulait qu'il lui explique, et lui n'avait tout simplement plus envie de repenser à tout ça. Et en même temps, le fait d'écouter la Gryffondor l'aidait à ne plus se concentrer sur les paroles d'Helena. Douce ironie du sort. Il avait le choix entre la Dragoncelle et l'Eclabouille. Et c'est pour cela qu'il ne bougea pas d'un pouce, restant toujours immobile face au lac, et peu désireux de se tourner vers l'Italienne. Italienne qui avait l'air réellement énervée par ses réponses lacunaires à présent. Et s'il y avait bien une chose de pire qu'une Giada plus bavarde que d'ordinaire, c'était une Giada énervée. Il ne réagit pas quand elle se mit à l'imiter. Une très mauvaise imitation soit dit en passant, pas étonnant avec sa voix de crécelle !

Se cacher derrière le sarcasme, c'était tout ce dont il était capable. C'était la seule réponse qu'il avait au sentiment de vide intense qui l'avait gagné. Il avait mal, et dans ces cas là il faisait aussi mal aux autres, c'était son moyen de défense, sa seule option. Il préférait repousser tous ceux qui pourraient vouloir l'aider plutôt que d'essayer d'exprimer ce qu'il ressentait, de montrer sa peine. Il préférait encore qu'on le croit insensible, c'était plus facile à gérer pour lui. Alors oui, il se cachait derrière des sarcasmes et du cynisme, et il continuerait à le faire. Jusqu'à ce que Giada aussi en ait marre et qu'elle finisse par le laisser tranquille. Il n'était pas en mesure de lui donner les réponses qu'elle voulait, et l'entendre lui balancer toutes ses erreurs au visage comme ça n'avait rien d'agréable. Il était conscient qu'il risquait de la perdre elle aussi s'il continuait comme ça, mais finalement, plus rien n'avait réellement d'importance à présent. Perdre Giada serait douloureux, mais il avait déjà perdu Helena, et il était toujours là.

Malheureusement (ou heureusement, tout dépend du point de vue) les réponses du Bleu et Bronze ne suffirent pas à faire partir Giada, au contraire. Elle avait raison, il n'avait pas le droit de s'énerver contre elle, elle n'y était pour rien dans cette histoire. Mais il n'avait pas pu s'en empêcher. Il en voulait au monde entier, il en voulait à lui-même. C'était d'un pathétique. « Merci. » marmonna-t-il d'une voix rauque. Merci pour quoi au juste ? Pour être là, pour essayer de l'aider, pour ne pas choisir de le détester et de ne plus jamais lui adresser la parole. Pour tenter de le faire se bouger un peu finalement. Il était dans un état végétatif, et même lui devait reconnaître qu'il ne parviendrait à rien ainsi. Mais que pouvait-il espérer de toute façon ? Il ne pouvait pas reprendre sa vie d'avant comme si de rien n'était. C'était impossible, inimaginable, alors il ne voyait vraiment pas quelle autre alternative pouvait s'offrir à lui. Il avait tout gâché, et tout ce qu'il pouvait faire, c'était ressasser ses paroles stupides à l'infini, sans que ça change quoi que ce soit, bien sûr.

Finalement, il parvint plus ou moins à lui dire ce qu'il avait sur le cœur. Cette vérité qui s'était emparée de lui lorsqu'il se disputait avec Helena dans ce couloir. C'était peut-être stupide, mais c'était inévitable à ses yeux. Et s'ils n'étaient tout simplement pas compatibles ? S'ils avaient fait une erreur en commençant à sortir ensemble ? Il voyait bien quel genre de gars était Maiden, et il savait parfaitement qu'il ne serait jamais comme lui. Rien que lorsqu'il s'agissait d'exprimer ses sentiments, émotionnellement, il était assez maladroit pour ne pas dire complètement handicapé. « Les choses ne sont pas mieux maintenant, mais avec le temps elle finira par être heureuse... » Il fut un temps où c'était lui qui lui redonnait le sourire. Mais maintenant il était responsable de sa peine et de sa colère, et cette idée l'insupportait. Est-ce qu'il était pour autant prêt à la voir fréquenter quelqu'un d'autre ? Si ça devait la rendre plus heureuse, si cette personne était davantage faite pour elle ? Il avait envie de croire que oui, mais il était parfaitement conscient que non, il ne pourrait pas supporter de la voir avec quelqu'un d'autre. Il était égoïste, il avait besoin d'elle. « C'est peut-être une option à envisager. » répondit-il pourtant avec ironie.

Ça ne lui ressemblait pas de rester là à se morfondre comme ça, et pourtant il se sentait complètement incapable d'agir autrement. Et Giada ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas à quel point Helena et Tomas étaient différents, à quel point c'était peut-être un frein à leur relation. « Elle ne me connaissait pas assez, et ne me connait toujours pas bien. Je ne serai jamais comme son ex, et tu sais que je suis grognon et cynique et taciturne... Elle n'est pas comme ça, et elle s'attendait sûrement à autre chose... » expliqua-t-il tant bien que mal. Ça lui faisait mal de penser comme ça, mais il ne pouvait s'en empêcher. Il avait cette idée en tête, et elle ne le quittait pas. Ils étaient trop différents, soleil et lune, comme lui avait dit Tobias il y a bien longtemps. Sauf que selon lui ça aurait dû les unir, et pas l'inverse.

« Oui oui. » répondit-il avec désintéressement lorsqu'elle s'inquiéta de son état de santé. Il ne pouvait pas honnêtement dire qu'il allait bien, mais oui il se forçait à manger le strict minimum quand c'était nécessaire. Surpris, il se tourna vers la Rouge et Or lorsqu'elle lui demanda ce qu'il avait prévu pour récupérer la belle blonde qui hantait ses pensées. « Quoi ? Qui a dit que je voulais, ou même que je pouvais la récupérer ? Elle me déteste, et elle n'a peut-être pas tort. » Il s'arrêta, soucieux. Il voyait tout un tas de raisons qui pouvaient justifier qu'il n'adresse plus jamais la parole à Helena, à commencer par le fait qu'il n'avait pas envie de se faire jeter comme une vieille chaussette, mais finalement il se demandait s'il ne disait pas juste n'importe quoi depuis le début. Il ne pouvait pas vivre sans elle, ça c'était une certitude. Pas vivre vraiment en tout cas. Et il était presque sûr qu'elle avait des sentiments pour lui. Et lui... Il l'aimait, il n'y avait pas d'autre explication à ce qu'il ressentait, pas d'autre mot à mettre là-dessus. « Tu lui as parlé ? » Il avait besoin de savoir comment elle allait, qu'est-ce qu'elle faisait... Et concernant la conduite qu'il devait adopter, eh bien ça restait encore assez nébuleux dans son esprit, mais il commençait clairement à réaliser que les choses n'allaient pas pouvoir rester comme ça.

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EXPRESS