Avis partagé (Jane / Libre) - TERMINÉ

N’ayant plus de devoirs à faire, Jane s’était rendue près du lac, où elle comptait bien finir la lecture du livre qu’elle avait commencé la veille. Mais arrivée près de l’arbre où elle s’installait habituellement, elle constata que quelqu’un y était déjà. Même si celle-ci était de dos, la jeune Poufsouffle reconnu instantanément sa cousine Ann, à cause de sa chevelure blonde facilement remarquable.
« Salut Ann ! s’exclama Jane. Comment vas-tu ? »
L’adolescente avait toujours l’habitude de poser cette question à chaque personne qu’elle connaissait qu’elle rencontrait sur son passage, sûrement par politesse. À vrai dire, cette habitude, Jane l’avait prise depuis très longtemps, sans même prendre la peine de se demander pourquoi. La plupart du temps, lorsqu’elle réfléchissait à la question, c’était parce que la personne à qui elle le demandait n’allait pas très bien. Mais en ce moment-même, ce ne semblait pas être le cas. Ann semblait aller plutôt bien, puisqu’elle avait le nez dans un livre. Habituellement, si Jane n’allait pas bien, elle était incapable de lire quoi que ce soit, ce qui était en soit anormal. Mais bon … Peut-être Ann était-elle différente d’elle …

La Serpentard se retourna en reconnaissant l’habituelle voix colorée de Jane.
« Salut Jane, lui répondit-elle. Ça va. Et toi ? »
Certes, la jeune fille était très contente de voir sa cousine, mais elle savait bien que si celle-ci était là, elles passeraient leur temps à bavarder, ce qui n’aiderait guère Ann à étudier. Mais elle ne fit pas part de ce détail à son interlocutrice, ne souhaitait pas la blesser. Après tout, celle-ci n’avait pas besoin de cela. Et tant mieux si elle avait retrouvé sa bonne humeur après l’événement de l’avant-veille. (Bien sûr, ce n’était pas Ann qui avait blessé Jane l’avant-veille, mais elle ne souhaitait tout de même pas la blesser d’avantage.)

Ann et Jane étaient des cousines (pas de sang, mais des cousines quand même !), mais aussi des amies. Et cela était sans aucun doute dû au fait qu’Ann acceptait Jane avec ses qualités, ses défauts et ses différences, au contraire des autres membres de leur famille (excluant les frères d’Ann). Le fait que la jeune fille soit une Poufsouffle n’avait jamais dérangé Ann, qui ne se souciait jamais de la Maison à laquelle les autres appartenaient, même si cela venait briser la « tradition familiale ». Mais la jeune Serpentard comprenait très bien cela. Sa mère avait, elle aussi, appartenue à Poufsouffle durant sa jeunesse. Par conséquent, elle savait (de ce que sa mère lui avait raconté) ce que ce pouvait être d’être rejetée ainsi.

À la réponse de la Serpentard, Jane vint s’asseoir près d’elle.
« Ça va, répondit-elle. Mieux qu’avant-hier, en tout cas … Comme tu as pu le constater de tes propres yeux, Elly, Millyann et Kelly-Jane n’ont pas été d’une extrême gentillesse … »
Oui, les trois jeunes filles (appartenant elles aussi à la famille Iverson) ne s’étaient pas gênées pour insulter la Poufsouffle, encore une fois à cause de ses différences avec les autres membres de la famille. Oui, elle s’était fait dire à de nombreuses reprises des choses du genre « On n’a vraiment pas besoin d’une fille comme toi dans la famille. » « Tu sais que tu déshonores toute notre famille ? » « Évites de nous parler : Nous ne voudrions pas que l’on s’aperçoive que tu es notre sœur … » En fait, la fillette croyait déjà les avoir toutes entendues, les méchancetés possibles qui pouvaient sortir de la bouche de ces trois vipères.
« Tu sais, parfois, je me demande si mes parents pensent réellement comme elles, ajouta Jane, sans pourtant avoir un ton particulièrement triste. Je sais que ça paraît bizarre de penser qu’ils pourraient être fiers de moi … Mais l’été avant notre deuxième année, mon père a fait quelque chose qui m’a laissé croire le contraire. Tu sais l’écusson de Serpentard qu’il m’avait donné juste avant ma première année ? Il espérait évidemment que je le porte à mon tour. Pourtant, l’été, quand j’ai voulu le lui redonner, il m’a dit de le garder. À ton avis, est-ce que c’était parce que le fait que je sois à Poufsouffle ne le dérangeait pas vraiment, ou parce que, au contraire, il n’était pas fier de moi et s’osait même pas le reprendre ? »

Ann regarda son interlocutrice, étonnée. Jamais elle ne l’avait entendu parler autant et aussi vite auparavant. Habituellement, Jane était de nature plutôt calme. Mais aujourd’hui, ce ne semblait pas du tout être le cas. La fillette parlait sans arrêt. Au bout de quelques longues secondes, elle s’arrêta de parler, attendant visiblement la réponse d’Ann, qui ne savait pas du tout quoi répondre à cela.
« Eh bien …, fit cette dernière. Je ne sais pas du tout … Qu’est-ce qu’il a dit au juste ? »
Bien qu’elle aurait aimé aidé sa camarade, la jeune Serpentard ne savait pas du tout comment elle pourrait l’aider à résoudre une telle question, surtout qu’elle n’avait jamais elle-même vécu une telle situation. Dans la petite famille d’Ann (la biologique, pas l’adoptive), la situation était certes difficile, mais totalement différente. La seule idée que la jeune Serpentard pouvait avoir à propos de la situation de Jane était basée sur les propos de sa mère et de cette dernière.

Ann hésitait. Que pouvait-elle bien répondre à cela ? Elle n’avait aucune idée de ce qu’elle devait répondre. Dit comme cela, il était difficile pour elle d’affirmer quoi que ce soit, n’ayant pas été là pour entendre le ton de voix de son père à ce moment-là. Cependant, la Serpentard aurait eut tendance à dire que cela signifiait plus que le père de Jane ne lui en voulait pas pour avoir été envoyée à Poufsouffle, et que cela ne le dérangeait, au fond, pas tant que ça.
« Ben … Tu ne crois pas que si le fait que tu sois à Poufsouffle le dérangeait tant que ça, il aurait prit l’écusson pour le remettre à Elly ou Millyann …, fit Ann. Je veux dire … Seulement le fait qu’il te l’ait donné à toi et pas à tes sœurs, c’est déjà signe qu’il est plus fier de toi qu’il ne l’est de tes sœurs … Et s’il t’a dit de le garder en plus … Enfin … Il ne doit pas te détester tant que ça. »
À voir le visage de Jane, Ann savait que la jeune Poufsouffle n’avait jamais vraiment pensé à cela. Cette dernière devait être tellement convaincue que son père préférait ses sœurs, qu’elle n’avait pas sut voir l’autre côté de la médaille.

Jane regarda Ann, surprise par cette réponse. Voilà une façon de voir les choses à laquelle elle n’avait jamais songé. Mais au fond, peut-être la Serpentard avait-elle raison. Si son père n’avait jamais crut en elle, pourquoi lui aurait-il donné un objet aussi de valeur pour lui, alors qu’il n’avait rien donné à ses sœurs ? Pourquoi ? Et pourquoi lui aurait-il laissé même si elle l’avait visiblement déçu ? Peut-être n’était-il, au fond, pas si déçu d’elle qu’il ne le paraissait … Bien que surprise par la réponse de sa cousine, la jeune Poufsouffle trouvait que celle-ci avait du sens. Tous les propos de son interlocutrice avaient, selon elle, du sens. Pourquoi n’y avait-elle pas pensé avant ? Depuis qu’elle avait été envoyée à Poufsouffle, elle s’en était presque voulue pour avoir déçue ses parents. Et maintenant, elle apprenait qu’elle n’avait peut-être pas perdu la confiance de son père, ce qui était loin de ne rien signifier pour elle. Peut-être son père n’était-il, au fond, pas aussi étroit d’esprit qu’il ne le paraissait …
« Je n’avais pas vu les choses sous cet angle-là, admit Jane. Mais je crois que tu as raison. Je devrais peut-être essayer d’en parler avec mon père lorsque je le verrai à Noël. En tout cas, merci pour tout. Tu vois, je n’avais jamais pensé que mon père ne me détestait peut-être pas tant que ça… »