[Mariage] I finally fell in love

Revenge is sweeter

C'était arrivé plus vite qu'elle ne le pensait, ce n'était d'ailleurs pas pour lui deplaire. Enfin un peu d'bonheur dans ce merdier omniprésent. Depuis la bataille du Ministère, tout c'était effondré. Et dans le noir complet, il y avait eu un peu de lumiere. Et maintenant, un mariage. C'était bien la derniere chose à laquelle Leandrà pensait. Surtout avec Aaron. Mais elle avait eu plus d'un mois pour se remettre de ses emotions, et la voilà dans une petite piece à côté de celle ou elle allait bientot devenir Madame Millers.

D'ailleurs, LadyLys avait fait le tour de cette petite salle au moins dix fois, tant elle était stréssé. Elle avait mis vingt bonnes minutes à mettre sa robe de mariage, et avait du faire appel à Lilith pour serrer son corset. Oui, generalement ça ne va pas ensemble, la maternité et le corset, mais la Brune avait la chance d'avoir un ventre que legerement arrondi, rien de trés génant. Elle avait mis aussi pas mal de temps à elaborer sa coiffure : un espece de chignon assez mignon, ou était accroché la même fleur que celle de sa robe.

Et comme à chaque fois qu'elle était stréssé, elle tremblait comme une feuille. Et comme d'habitude, la jeune femme avait du refaire cinq ou six fois son maquillage. Elle ne savait pas l'heure qu'il pouvait être, elle ne savait pas si elle était en retard, ou dans les temps. Si Aaron l'attendait, ou s'il avait fuit à toute vitesse, ou encore, s'il était autant stressé qu'elle.

Merlin! Pink Dream allait se marier! Construire une famille, avoir sa maison... Devenir un adulte responsable, en d'autres termes. Quitter sa petite vie d'enfant avec sa meilleure amie, quitter son rêve rose. Oui, ça lui faisait un peu peur. Mais qui n'a pas peur de l'inconnu? Et puis, ce n'était pas comme si elle n'avait pas de boulot, ou qu'elle soit trop jeune. Il n'y avait pas vraiment de raison de s'en faire. Enfin, presque pas de raison.

Leandrà était assise, là, devant ce grand miroir. Elle s'observait. Elle faisait le point. Elle n'avait plus ce visage enfantin qui la caractérisait tant. Non, elle semblait plus mûr, plus femme, mais pas moins jolie. D'un geste tremblant, elle replaça une meche derriere son oreille, et se sourit à elle même, en tripotant nerveusement son pendentif. Le pendentif qu'elle avait depuis toujours. Et c'est à cet instant qu'elle eut envie de voir ses parents, eux qui n'étaient toujours pas sorti de Ste Mangouste depuis bientot deux ans. L'auror aurait aimé qu'ils soient la, tout les deux, mais elle savait pertinement que c'était impossible. Tant pis, elle irait leur presenter Aaron d'ici quelques jours. Alors qu'elle était plongé dans ses pensées, elle n'entendit pas quelqu'un entrer dans la pièce. Ce fut ses paroles qui l'arracha à ses souvenirs.


« Tu as tellement changé, ma Lean'... »



La jeune femme sursauta mais ne se retourna pas, elle savait qui était derriere elle. Celle qui l'avait elevé. Celle qu'elle n'était pas allé voir depuis trop longtemps. Narcissia. Après quelques secondes de silence, la belle se leva et pris sa mère adoptive dans les bras. Oui, elle avait eu peur qu'elle ne vienne pas. Une etrange chaleur lui irradia le coeur, et toutes formes de stresse ou d'angoisse s'envolèrent.


« J'ai tellement eu peur que tu ne vienne pas. »

« Qui oserait rater le mariage de son unique enfant? » Avait elle laché dans un sourire, alors qu'elle s'extirpa de son etreinte. « J'ai croisé ton futur epoux. Hmmm... Très charmant. Mais... N'est-il pas un peu... vieux, pour toi? »

« Cissiiiia! Non, il ne l'est pas ! Enfin, pas trop. »



Leandrà se mit à rire. Certes, ils avaient plus de dix ans d'ecart, et alors? Cela ne les avaient pas empecher de s'aimer, et encore moins qu'il lui fasse un enfant.


« Oh, et puis le plus important c'est que tu es heureuse avec, non pas votre ecart d'age. »



La futur mariée voulu repondre à ça, mais n'eu le temps que de sourire, quand quelqu'un vint frapper à la porte. Et voilà, c'était temps d'y aller. D'ici quelques minutes, elle allait avancer le long de l'allée, au bras de Narcissia, avancer droit vers sa nouvelle vie.

[ La robe de Leandrà :

Spoiler:

]

C'était vraiment à se demander quel était l'abruti qui avait inventé la cravate. Ca serre de trop, c'est inconfortable, et on a l'air d'un pingouin en costard qui n'a pas su comment s'habiller. De bien stériles pensées, quand on s'y penche plus de deux secondes, mais pour l'heure, c'était tout ce que le cerveau d'Aaron acceptait de traiter.

Depuis ce matin, lorsqu'il avait quitté Leandrà pour qu'elle-même puisse se préparer, il avait nagé dans un état second, amorphe et indifférent, le visage blême, le regard dans le vague. Le creux dans son estomac, il le savait, n'était pas dû au trac - allons, il n'était pas novice en la matière - et son coeur qui avait décidé de jouer au yo-yo au milieu de ses intestins ne reflétait qu'une certaine fatigue, il en était certain. Il avait fallu se lever tôt, et le stress de tout préparer avait accaparé sa matinée, alors on pouvait bien comprendre qu'il sente légèrement nauséeux, pas vrai?

Dans la salle où ils prononceraient leurs voeux, Aaron faisait les cent pas, vérifiait une décoration par-ci, arrangeait la nappe de l'unique table de banquet, lançait quelques paroles inutiles au comité extrêmement restreint qui était invité en ce jour mémorable pour meubler quelque peu ce silence opressant. Et sa dernière trouvaille était de tripoter sa cravate blanche, de la resserrer, de la desserrer, sans aucune idée de l'image qu'il pouvait donner. Il savait très bien que son costume faisait chic, voire même "classe", terme utilisé par sa mère, mais il ne pensait pas le porter aussi bien que les mannequins du magasin.

Du regard, il embrassa la grande salle, dédiée aux membes du Ministère pour leurs mariages ou leurs fêtes. C'était une vaste pièce à colonnes de voute, très haute de plafond, et séparée en deux par un long tapis rouge. Pour la décoration, il n'avait pas voulu faire de vague étant donné que peur de personnes en profiteraient et qu'il ne servait à rien de dépenser des milles et des cents pour ce qui durerait à peine une demi-heure. Les rangées de bancs traditionnelles avaient été remplacées par quelques banquettes drapées de la même soie rouge que le tapis, et puisque les invités conviés par le marié étaient au nombre de quatre, Aaron avait pensé qu'il était inutile, voire prodigieusement stupide, de rajouter d'autres chaises de son côté de la salle. Tout au bout du chemin capucin se trouvait l'autel, avec une arche aussi blanche que son costume, entrelacées de roses pâles, avec bien entendu, le fameux morceau de verre que Leandrà devrait briser avant qu'il l'embrasse. Le membre du Ministère chargé de les marier attendait calmement à cet endroit. D'ailleurs, il était presque temps.

Aaron, en consultant sa montre, remarqua du coin de l'oeil que sa mère s'avançait vers lui. Vêtue pour l'occasion d'une magnifique robe bleue et lisse, elle paraissait splendide, quoiqu'un peu hautaine, du haut de ses 53 ans. Il était assez cruel de constater que sa chevelure noire et bouclée ne comportait aucun cheveu blanc, tandis que celle d'Aaron en était striée. Il releva la tête, le visage impénétrable, et observa la démarche princière de sa mère qu'il n'avait plus vu depuis des années.

C'était une Moldue. Elle n'avait jamais craché sur la sorcellerie, mais certains des aspects du monde magique l'avait toujours rebuté. Il en était conscient, il se rappelait non sans mal l'époque heureuse où il vivait dans une famille harmonieuse, enfant. Son père sorcier avait souvent fait l'objet de quelques reproches, et sa "maudite baguette" aussi. A son premier mariage, quand elle avait appris qu'Amanda venait d'une famille de sang pur, elle avait eu du mal à avaler la pillule; maintenant qu'Aaron se remariait avec une Sang Mêlée, il était un peu curieux d'avoir sa réaction; quoiqu'il était un peu plus intéressé par ce qu'elle était devenue depuis tout ce temps.

Les paupières lourdes et cernées d'un maquillage peu discret, Kate Dawson (son nouveau nom, keurf) rejeta en arrière son boa pelucheux d'un très mauvais goût et lui susurra d'une voix douce:

- " Aaron... Tu es si nerveux..." elle se mettait à épousseter sa chemise - "Détends toi. Tu sais bien comment ça se passe, non? Et puis tu ne veux pas que Melissa se mette à angoisser, n'est-ce pas?"

Aaron ne répondit pas et se contenta d'observer le visage qui lui ressemblait tant, avant de tourner son regard vers sa fille, deuxième copie de ses traits délicats. Melissa portait une jolie robe de demoiselle d'honneur, avec une fleur semblable à celle de Leandrà, portée à ce qui serait plus tard son décolletté, et ses cheveux étaient ornés de rubans blancs qui éclairait son visage déjà souriant - quoiqu'un peu nerveux. L'Auror soupira en poussant un grognement en guise d'assentiment - assentiment à quoi, il ne savait même pas, il ne tenait juste à ne pas prolonger trop longtemps la conversation avec sa mère au risque de lui vomir sur les escarpins - et fit quelques pas de côté...

... Pour tomber nez à nez avec son père.

Cette fois-ci, on voyait mal la ressemblance entre le père et le fils. Il n'y avait que la couleur des yeux, même pas la forme, car les paupières de Liam Millers étaient basses et tombantes, ses yeux étaient vifs, un peu torves, et le reste de ses traits étaient cyniques, mauvais. Pourtant, pour l'occasion, il souriait, dans son costume noir, plutôt élégant, et sa posture nonchalante, les mains dans les poches, contrastait bizarrement avec la calvitie avancée de son crâne, les rides fournies sur son visage, et l'aspect général plutôt branlant de son corps de senior. Cet homme-là était beaucoup moins enclin à rassurer que le visage doux de sa mère, et pourtant, Aaron en le regardant ne put s'empêcher de sourire, bientôt de ricaner, car au moins cet homme-là ne l'avait pas abandonné. Ils ne prononcèrent pas un mot mais ils échangèrent une rapide étreinte, juste au moment où une voix résonna quelque part pour leur dire de se mettre en place. Leandrà arrivait.

Les invités s'installèrent, son témoin se plaça à côté de l'autel, et sa mère lui prit farouchement le bras en jetant un regard noir à Liam qui s'effaça docilement. La mine déjà beaucoup moins souriante, Aaron se laissa conduire sur le tapis en se sentant rétrecir de plus en plus dans son costume à 300 Gallions, la gorge se désséchant, les yeux papillonnant, et des multitudes de souvenirs lui faisant tourner la tête. Le chemin lui parut tellement long qu'il eut tout le temps de mettre en place des plans diaboliques pour stupéfixer tout le monde et s'enfuir en pleurant et en donnant des coups de pieds aux rouquins et aux femmes à barbe. Mais il savait très bien que cette étrange sensation ne durerait pas, qu'elle faisait partie des nombreuses joies et peines du mariage, et que Leandrà devait à peu près ressentir la même chose. Il avait hâte de la voir dans sa robe...

Et il arriva devant l'autel en déglutissant, échangea un sourire crispé avec Melissa, Lilith et Brad, puis avec son père, déjà avachi sur sa banquette. Les alliances, où étaient les alliances??? Non, non, c'est bon, Melissa ou Lilith, ou peut-être même les deux les avai(en)t sur elle(s). Et la musique - mais d'où diable venait cette musique de noces?! - retentit alors, et tous les regards se tournèrent vers le fond de la salle où la belle Leandrà était censée apparaître, toute de blanc vêtue.



Le costume d'Aaron:

Spoiler:

Il y avait peu de monde dans cette salle, et pourtant Aaron entendait distinctement des murmures parcourir le rang unique de l'assemblée. Il ne savait pas qui parlait exactement, il ne voulait pas tomber sur le visage hilare de son père, et gardait courageusement les yeux rivés sur la petite ouverture tout au fond, le long du tapis rouge. L'expression de son visage était indéchiffrable, mais il sentait presque ses oreilles rougir. Bon sang, où était-elle? La musique avait démarré depuis déjà longtemps, et les mesures s'enchaînaient, se répétaient, sans que le joli petit nez de Leandrà n'apparaisse en face de lui. Dans son dos, il entendait le maître de cérémonie échanger une plaisanterie avec Brad, comme s'ils étaient convaincus que c'était juste un petit retard, et ha-ha, les femmes. D'ailleurs, en s'y concentrant réellement, les petits bruits, les rumeurs légères qui parvenaient des rangées étaient toutes plutôt joyeuses, de fines moqueries adressées à son encontre, rien de bien méchant, on devait juste rire de sa mine crispée et de son port rigide. C'est vrai qu'il ne souriait pas, qu'il était tendu; et il était peut-être le seul. Mais Aaron était le seul à savoir que Leandrà avait ses raisons de s'enfuir, de ne jamais entamer sa marche sur le tapis rouge, de le fuir, de l'abandonner, et de se trouver quelqu'un d'autre pour élever Gabriel. L'Auror voyait déjà venir une hystérique qui hurlerait que Leandrà était partie.

Aaron ne savait pas vraiment pourquoi il se sentait soudain aussi pessimiste. Il repensait à sa demande en mariage ratée par deux fois, et la manière dont Leandrà avait baissé les yeux avant de lui répondre pourquoi. Et si elle avait changé d'avis? Et si finalement, ils ne formaient pas le couple idéal qu'elle s'était imaginé dans un fol espoir...?

Les secondes défilaient et il se sentait de plus en plus mal à l'aise. Dans un état second, indifférent à tout, et le temps passait extrêmement lentement sous ses yeux immobiles. Il comprenait soudain l'expression "vouloir se cacher dans un trou de souris"... Ca l'aurait beaucoup aidé à cet instant.

Et alors qu'Aaron était prêt à se chier dessus s'enfuir en courant, une grosse drapée blanche apparut face à lui. Un soupir collectif de soulagement parcourut la salle et même Aaron consentit à sourire. Comment avait-il pu douter, hein...?

Avec un plaisir grandissant, Aaron croqua des yeux la robe magnifique, le ventre à peine arrondi, le bustier, la feutrine, mais surtout ce visage, si jeune et si resplendissant. Leandrà était simplement splendide. Sa grossesse n'enlevait rien à la beauté de sa silhouette, au contraire; elle se mouvait aussi gracieusement qu'à l'habitude, ses traits étaient les mêmes; ses jambes, clac clac, interminables et douces, clac clac, s'actionnaient comme le plus stylisé et le plus fragile des jouets mécaniques; et il l'aimait. De la voir surgir comme ça du fond de la salle, lumineuse dans sa robe blanche, armée de son sourire serein, de son décolleté tourmentant, lui causa une vague d'émotions qu'il réfréna le plus possible, en bon mâle qu'il était, et qu'il cala tout au fond de son esprit pour la rééxaminer plus tard s'il le désirait. Aussi, quand Leandrà arriva tout prêt de lui, toute trace de sa récente torture mentale avait disparu et Aaron souriait en coin, l'air de rien. Il lui semblait que la jeune femme était sur le point de rire, et il espérait, bien qu'il la trouve assez irrésistible, qu'elle ne craque pas pendant que l'espèce de rabbin parlerait.

Dans la salle, ce fut le silence soudain. Après un dernier regard dévorant, Aaron se tourna vers l'homme qui allait les guider jusqu'au mariage et prit une profonde inspiration.

- " Nous sommes réunis ici aujourd'hui..."

L'attention d'Aaron se déconnecta quelque peu. Ce qu'avait à dire le maître de cérémonie était très émouvant, très intéressant, mêlant des civilités tout-à-fait banales à quelques détails plutôt judaïques, mais Aaron s'avouait sans mal qu'il... s'en moquait pas mal. Ce qui le préoccupait, actuellement, c'était ce qui allait suivre.

Aaron et Leandrà avaient tenu à avoir un mariage tout de même sorcier. Il était très loin d'être croyant et Leandrà également, aussi ils avaient éliminés les futilités religieuses qui auraient encombré leur mariage. Poussé par une volonté, un instinct du passé, Aaron avait quand même parsemé la cérémonie de quelques intentions juives... mais le reste était purement magique. La "fête" était sobre, peu d'invités, un buffet léger, mais le champagne se servait tout seul, les chaises s'alignaient d'elle-même et flottait dans l'air un parfum de sorcellerie, quelque chose d'agréable. Quelque chose qui les tenait fermement éloignés de l'ambiance dangereuse qui régnait en Angleterre dans le même temps... où tout le monde se mariait trop vite.

Et bientôt il y aurait l'échange de voeux. Un mariage comme le leur exigeait la fameuse tradition de la Pensine. Chacun de leur côté, Aaron et Leandrà avait préparé plusieurs souvenirs de leurs vies respectives, qui résumaient leur façon d'être, d'exister; tout ce qui avait fait d'eux ce qu'ils étaient aujourd'hui. Avec une intensité étonnante, Aaron entendit de nouveau Leandrà lui dire qu'il fallait qu'ils se connaissent un peu mieux... Alors voila. Si elle n'avait jamais ainsi prononcé de vive voix cette envie, Aaron n'aurait jamais accepté cette idée folle. Sa vie était futile, stérile. Mais il allait partager le reste de son existence avec cette femme qui se tenait si près de lui, et elle avait le droit de visionner son intimité... Lui aussi d'ailleurs.

Dans un léger sursaut, Aaron sortit de ses pensées. L'homme venait de dire quelque chose à propos de la bague et de l'échange des voeus, et une main apparut soudainement devant lui pour lui donner l'écrin contenant l'alliance - Brad? Aaron, avait des gestes mécaniques et droits mais visiblement gêné, la prit, regarda Leandrà dans les yeux et réussit à articuler:

- " Que cette alliance scelle notre union... haré ate méqoudéchète li be tabaâte zo ké date Moché vé Israël" finit-il très bas.

Baragouinage Hébreu? Je sais.

Mal à l'aise, Aaron prit doucement la main gauche de Leandrà dans la sienne, respira intensément, lui sourit, et finalement, doucement, enfila à son annulaire la bague d'or.

Ce fut presque immédiat. Aaron sentit tous les souvenirs qu'il avait accumulé pour ce moment précis glisser de lui à elle, comme une force soudain extérieure, une Pensine totalement mentale qu'il transmettait avec un fond de regret. Ah, devait-il l'aimer, devait-il l'adorer pour la laisser voir cela.

Un très jeune garçon tanguait dans un salon modeste, au long canapé de cuir noir. La chevelure brune sur le dessus de sa tête maladroite était pleine d'épis et de pics indomptables, mais ses vêtements étaient impeccables, avec des fausses marques cousues sur l'épaule. Aaron devait à peine dépasser un an. Sur le canapé, une jeune femme était étendue, lisait un magazine dont le titre était flou dans sa mémoire. Il s'avançait vers elle et tendait les mains vers le ventre énorme qui couvait sa future petite soeur, et sa fascination pour ce signe de nouvelle vie prochaine était presque palpable.

Le souvenir glissait...

- " Mais dépeche-toi!"

Le petit garçon était devenu un enfant, maigre, chétif, mais incroyablement vif, et il tendait la main impatiemment à une petite fille en jupette rose et noeud dans les cheveux qui avait du mal à suivre ses pas dans la forêt touffue dans laquelle ils se trouvaient. La fillette était aussi brune que lui, avec un visage amical et ouvert, aux yeux bleux pétillants. Elle bougonna quelques secondes avant de profiter de l'aide de son frère qui l'aida à passer un petit fossé, et tous deux reprirent leur marche dans ce bosquet, terrain de leurs jeux d'enfants. Aaron était visiblement très excité, il ne cessait d'accélérer l'allure mais n'élevait jamais trop la voix de peur que sa soeur lui crie dessus.

- " C'est làààà! Tadam!"

Devant eux, une très grande cabane dans les arbres se dressait, fabriquée dans des matériaux divers: bois, tôles, tissus. Sa taille était très impressionnante et il aurait été étonnant qu'Aaron l'ait fait de ses propres mains, tout seul avec sa petite stature. C'était exactement ce qu'Amy était en train de penser, la bouche grande ouverte...

- " C'est... c'est... génial..."
- " Ouais hein... C'est magique..."

La forêt se dissipait.

Une rue très animée se dessina à sa place. Leandrà n'aurait aucun mal à reconnaître le Chemin de Traverse, et le jeune garçon qui s'avançait de son pas de parade au milieu des autres futurs élèves de Poudlard et des autres fouineurs. Amy le suivait en haletant derrière, portant quelques objets, et plus loin encore, ses parents. Visiblement, Aaron achetait ses fournitures scolaires; un chaudron en étain se balançait joyeusement à son bras. D'un geste impérieux du bras, il commanda à sa soeur de ne plus le suivre et pénétra dans le magasin d'Ollivanders. A l'intérieur, un garçon de son âge, aussi blond qu'il était brun, attendait son tour. Aaron lui adressa un grand sourire et lâcha d'un ton condescendant:

- " Ah, t'es là, Apophis..."

Tout redevint flou...

Aaron avait autour du cou une cravate rouge et or. Son uniforme de Poudlard cachait sa vilaine maigreur, peu atténuée du haut de ses douze ans, et ses cheveux noirs ébouriffés lui donnaient l'air amusant. Apophis, en vert et argent, marchait près de lui.

- " T'es pas cap de jeter une bombabouse sur la porte de Dumbledore..."
- " Si j'suis cap!"
- " Nan! Blaireau! Glandu!"
- " Connard! Face de cul!"
- " Comment tu m'as appelé?!"

Les deux garçons en vinrent rapidement aux mains, mais tous deux parvenaient à rire entre deux coups portés à l'autre. Querelle de gamins qui s'appréciaient plus qu'ils ne le montraient, Aaron et Apophis se séparèrent à l'instant même où des éclats de voix résonnèrent devant eux. Du couloir de gauche surgit une petite troupe de Gryffondor, et passèrent devant eux, sans même leur jeter un regard, James Potter, Remus Lupin, Sirius Black et Peter Pettigrow. Apophis les ignora aussi superbement qu'eux, ils étaient de toute façon plus vieux, mais Aaron était littéralement scotché sur eux, les yeux grands ouverts, l'expression avide, il les suivait du regard sans pouvoir les lâcher. Le blond claqua des doigts devant ses yeux.

- " Hey ho! Tu veux une photo de Potter au-dessus de ton lit pour pouvoir le bécoter, petit lion galeux?"

Dans un long rire aigu, un autre souvenir prit place...

Cette fois, il fallait vraiment s'y pencher à deux foix pour reconnaître Aaron. Le jeune homme que l'on pouvait voir était à des lieux du petit garçon maigre du souvenir précédent, et on aurait pu croire au premir coup d'oeil que de nombreuses années les séparaient. En fait, juste 3 ans... Aaron avait 15 ans, et sa démarche de conquérant était encore plus poussée que lorsqu'il marchait sur le Chemin de Traverse. Ses épaules s'étaient élargies, son visage endurci, ses yeux plissés, et il marchait avec une aisance particulière le long des vestiaires du terrain de Quidditch. On entendait, très étouffé, le tumutle d'une foule en délire et Aaron ne cessait de sourire: son équipe venait d'écraser Serdaigle de 240 points d'écart. Sa batte dans la main, il s'était volontairement attardé pour rester seul un moment dans les vestiaires afin de lire une lettre récemment décachetté. Ses sourcils se fronçaient à mesure qu'il lisait l'écriture féminine. "... comprends pas pourquoi toi tu l'es, et pas moi! Moi aussi je veux aller dans cette école de magie! Je m'ennuie à la maison! C'est pas juste..."

Aaron redressa vivement la tête. Une joueuse de Serdaigle venait de pénétrer dans les vestiaires, avec une grimace de pitbull au visage. Affichant un petit sourire dédaigneux, l'adolescent froissa la lettre et croisa les bras devant la jolie brune qui s'avançait résolument vers lui.

- " Tiens, salut Collins... Sans rancune...?"

Clac. Aaron venait de se prendre une gifle monumental et il se tenait la joue d'un air vexé "Aïe!!".

- " Ca, c'est pour m'avoir envoyé un Cognard sur la tête!"

Le jeune garçon, frottant sa peau rougie, lui jeta un regard noir. Amanda s'avança encore.

- " Et ça, j'y voix aucune raison..."

Et elle l'embrassa.

Nouveau tourbillon.

Une grisaille froide annonçait l'hiver. Aux fenêtres du château brillaient les sourires édentés de citrouilles d'Halloween, les lumières étaient allumées, il faisait froid. Pourtant, le petit groupe d'élèves était confortablement installé sous l'hêtre près du Lac Noir, et Aaron était l'un deux. Il faisait une partie de cartes avec un ami vêtu du même blason que lui, et l'ombre autour de son menton indiquait qu'il avait dépassé les 16 ans. Ils étaient au nombre de 4, bruyants, proches amusés, respirant le bonheur. Personne ne vit venir en courant Amanda Collins, mais quand elle fut tout prêt, Aaron tendit stupidement les lèvres. Le visage de l'adolescente était blême, bouleversée.

- " Aaron, Aaron suis-moi..."
- " Roh, allez, assieds toi Amanda..."
- " S'il-te-plaît, viens..."
- " Les cours n'ont pas encore commencé, reste avec nous..."
- " Aaron..."
- " A toi de jouer, Jack..."
- " Aaron... ta soeur est morte."

Le silence, évidemment, tomba. Aaron regarda Amanda, il ne souriait plus, et elle commençait à pleurer. Les amis arrêtèrent de rire et l'un deux lui jeta un regard empathique. Il n'avait pas l'air d'y croire. Immobile, sans réaction.

Ce décor se dissipa très lentement, comme s'il avait du mal à s'arracher à se souvenir. Pourtant, le cri déchirant qui résonnait entre les deux souvenirs, un cri masculin et plein de douleur, un peu intemporel, désaxé, résonna longuement.

Cette fois-ci, le soleil brillait. Une vague d'élèves s'avançaient vers la gare de Pré-au-Lard, et Aaron, un sac dans le main, traînait derrière le gros de la troupe. Son visage était déjà barbouillé d'une barbe d'ado, son regard noir se portaitun peu partout et sa main libre était fourrée au fond de sa poche. Son dégoût de quitter Poudlard était évident, mais il semblait faire tous les efforts du monde pour ne pas imiter les autres qui se tournaient vers le château pour un dernier regard. Lui, il gardait la tête droite. Bientôt, il fut rejoint par Apophis et son éternel sourire de requin; lui aussi avait grandi.

- " Bonjour, petit lionceau... Enfin, c'est plus le cas maintenant, hein? Serpentard, Gryffondor... Ca ne compte plus, pas vrai..."
- " Lâche moi, Apophis..."
- " Lâcccchhheuuuh mouââââh... Pfff... Reste tout seul alors, tocard... Et bon courage pour ta formation d'Aurors."
- " Comment tu le sais?"
- " Les femmes parlent, Aaron! Les femmes parlent... Bonnes vacances, hinhinhin..."

Et Aaron, en tournant la tête, vit arriver le sourire désolé d'Amanda et son visage s'éclaira malgré lui. Côte à côte, ils se dirigèrent vers le quai de gare, et Aaron, alors, se permit de regarder une dernière fois Poudlard.

Mais Poudlard disparut aussi.

Leandrà aurait pu se croire revenue au présent tant la décoration rappelait la salle de leur cérémonie. C'était en fait le premier mariage d'Aaron, qu'on devinait devant l'arche en costume cravate noire, face à Amanda. Il portait les cheveux mi-longs et paraissait incroyablement jeune et fort, comme une autre personne, et son sourire avait tout de l'audace et de l'aisance.

- " ... Amanda Collins ici présente?"
- " Oui, je le veux."
- " Vous pouvez embrasser la mariée."

Ce qu'il fit.

- " T'es quoi?"

Aaron était un homme, maintenant. Carré de visage et d'épaule, il était assis sur son canapé et lisait la Gazette des Sorciers d'un ton affairé, ses cheveux bouclés aussi noir que du charbon, ses yeux verts jetant un oeil vague à Amanda. Cette dernière lui arracha le journal des mains et se posta bien en évidence devant lui.

- " Enceinte Aaron. Enceinte."

La bouche jusqu'au sol, Aaron mit longtemps à répondre.

- " Ah."

La maternité qui surgit alors sembla venir du néant, reflétant là le sentiment d'Aaron à l'époque qui se résumait à un état d'urgence et de détresse assez puissant. Aaron était auprès d'Amanda, qui le visage épuisé, les cheveux défaits, tenait un petit bébé dans ses bras. Il était debout et observait le visage du poupon sans trouver quoi dire. Amanda combla le silence.

- " Qu'est-ce que tu penses de James?"

Le salon d'Aaron et Amanda était complètement bordélique. Des jouets traînaient par terre, des feuilles, des rapports surplombaient la table basse et d'autres objets jalonnaient le sol. Mais cette pièce respirait la vie et la joie, preuve donnée par les rires d'enfants qui résonnèrent alors. Aaron apparut de la porte en face, portant un bébé dans ses bras qu'il faisait sauter dans les airs.

- " Aaron, doucement à sa tête..." lança Amanda, amusée, en tentant de ranger quelques jouets.

Il n'écouta pas évidemment, continua de jouer avec son fils qui s'esclaffait de plus en plus fort. Et puis, tout aussi soudainement que s'il venait de s'endormir, il s'arrêta. Aaron cessa tout mouvement lui aussi et examina par précaution le visage de James, avant d'avoir un violent haut-le-coeur. Le bébé convulsait.

- " Amanda, AMANDA!!"

La femme accourut, pendant qu'Aaron hurlait et lui tendait James en détournant le visage de dégoût.

- " Prends-le, prends le!! Ecarte-le!"

C'était un couloir d'hôpital à présent. Blanc, froid, vide. Presque vide. Aaron était assis près d'une porte, des cernes violacés entouraient ses yeux et il buvait, comme un tic nerveux, à une petit gourde d'argent. Ses cheveux étaient courts, sa barbe assez fournie. Très agité, Aaron paraissait avoir du mal à rester immobile, jusqu'à ce qu'une infirmière sorte de la chambre et qu'il se redresse en un bond. Il tenta de s'avancer pour voir à travers la vitre, mais la femme voulut de s'interposer. Il eut à peine à la pousser contre le mur, et passa la tête dans la chambre. Amanda hurlait, pleurait près du lit. Et une infirmière relevait sur le visage de son fils un drap noir sur son corps blanc.

Il recula, son pied se prit contre une chaise et il s'écroula par terre, le dos contre le mur. Ses sanglots à lui étaient hystériques, mais un peu assourdis - il ne fallait pas détruire l'ambiance du mariage n'est-ce pas - , il se couvrait le visage, griffait ses joues, hurlait, insultait, poussait l'infirmière qui voulait l'aider.

Il était dans une chambre d'hôtel miteux et sordide, en costume de deuil noir. Il revenait de l'enterrement. Sa cravate était défaite, son pantalon retroussé, et il était avachi dans un fauteuil, avec une bouteille de whisky qu'il observait d'un oeil torve. Il avait les traits noirs et tirés. Son état était lamentable, pire qu'une loque, moins qu'un humain... Et bientôt il buvait au goulot.

C'était la nuit. La fenêtre de leur chambre était ouverte et le vent faisait onduler le rideau de soie blanche. Amanda était étendue sur le dos, les draps à ses pieds, enceinte. Aaron était debout à l'entrée de leur chambre, mais il s'avança bientôt, s'assit précautionneusement sur le matelas et s'approcha le plus possible du gros ventre rond. Une étrange fascination se lisait dans ses yeux, et il posa doucement ses mains autour du nombril, en faisait attention qu'elle ne se réveille pas. Il colla son oreille sur sa peau - nul doute qu'il était ivre - et murmurait tout seul que cet enfant là, il le protégerait.

Le salon des Millers revenait en décor. Aaron, les cheveux déjà un peu clairsemés, était assis sur le canapé, Amanda était en face de lui. Elle tenait dans ses bras un bébé, une petite fille, et jetait à son mari un regard appuyé.

- " Prends la dans tes bras, Aaron."

Il se tourna un peu vers elle d'un geste laborieux, resta silencieux un long moment.

- " Je vais me coucher. Bonne nuit."

Cette fois, de nombreuses années séparaient ces souvenirs. Aaron avait pensé qu'il ne servait à rien de rajouter quelque chose sur ses années d'alcoolisme pur. Cette scène là, Leandrà l'avait vécu. La première fois qu'ils s'embrassaient, puis tout de suite après, la première fois qu'ils faisaient l'amour.

Un homme en sang se traînait le long de l'Atrium du Ministère bondé de combattants des deux camps. Les bras plaquées le long du ventre, il gémissait en titubant, laissant derrière lui, comme un escargot, une large traînée de sang pourpre. Il allait s'écraser près de la fontaine de la Fraternité Magique, était secoué pendant quelques minutes de spasmes de douleur puis s'immobilisait, suant l'hémoglobine.

Un souvenir rapide sur l'hôpital, son annonce de grossesse, leur rupture, sa rupture avec Amanda, et sa grande phase de solitude.
Et le dernier souvenir qu'il lui avait mis là, c'était la nuit qu'ils avaient passé ensemble, quelques jours plus tôt...

A présent, c'était à lui de découvrir ce que le passé de Leandrà avait à lui dire.

Un heureux événement... après une période trop sombre et trop mouvementée, quelque chose de gai et positif se profilait enfin à l'horizon.
Brad marchait d'un pas assuré à travers les couloirs du Ministère. Le talon mince de ses mocassins marrron et vernis claquait ferme sur les dalles de marbre, ajoutant à ce silence presque mortuaire un tempo lent et régulier comme le battement d'un coeur. Les yeux rivés sur le plancher, le visage grave, son costume de smoking dignement cintré le long de sa taille et de ses épaules il avançait progressivement en direction de la cérémonie...

Son sang pulsait à ses tempes à une vitesse extraordinaire lui créant d'étranges élancements. Il n'aurait su dire pour quelle raison il se sentait ainsi mais il avait la sensation de renouer avec quelque chose pour longtemps enfoui en lui et qu'il n'aurait guère aimé voir remonter à la surface.
Si sa femme avait été là, si elle avait obéi à sa demande... mais voila une fois de plus Rora était restée en compagnie de ses élèves ! Et il demeurait seul afin d'accueillir et de féliciter les jeunes mariés.

Les yeux baissés il ne remarqua pas la personne qui passa en face de lui. La dépassant, celle-ci l'arrêta cependant en l'interpelant et il se retourna comme de juste, croisant ainsi le regard dur et intraitable du Ministre de la Magie, son ancien supérieur : Monsieur Scrimgeour. Le vieux lion s'excusa de l'avoir surpris et inclina gracieusement la tête juste avant de lui tendre la main pour qu'il la serre. La Langue-de-Plomb ne fit aucune manière et lui rendit son attention avec un aimable sourire. Mais l'homme semblait préoccupé voire assez mal à l'aise en sa présence... il n'aurait su dire pourquoi. Ou peut-être le comprenait-il trop déjà...

"C'est une monumentale erreur, ajouta Rufus piétinant et malhabile, comment avons-nous pu nous tromper de la sorte ?".

Et lui d'ajouter sur un sourire suffisant... mais courtois :

"Je ne vois guère de quoi vous voulez parler... Ce mariage ? C'est cela ?".

Il ne répondit rien...

"Cette cérémonie est une très bonne idée. Puis comme ça le Ministère, en plus d'être un lieu de travail, est un lieu de rencontres ! Vous devriez vous en réjouir".

"Vous avez raison. Je ne veux pas parler de cela, Agent Callagher".

Il avait insisté sur le terme "agent", nouveau qualificatif offert à une Langue-de-Plomb. Brad roula des yeux innocents et le vieillard continua de cette même voix grave et sentencieuse :

"Ce Ministère laisse entrer des criminels et des cinglés. Bientôt qu'est-ce que cela sera ? Des traites envers notre cause ? Des Mages Noirs ?".

Et son interlocuteur de renchérir un doigt sur la bouche et le regard rieur.

"Chut ! Ne parlez pas trop fort, Monsieur le Ministre. Et comme l'on dit dans les plus grandes tragédies ; je suis votre serviteur !".

Il s'inclina doucement et tourna les talons, marchant plus vite cette fois-ci. Ses poings se serrèrent, ses lèvres se plissèrent et ses pupilles se firent plus dures et plus glaciales.
De quel droit osait-il l'aborder comme ça ? De quel droit osait-il lui rejeter la faute ? De quel droit ?!
Il s'était autant trompé que lui ! Autant que lui !!!



Aaron l'observa un bref instant puis se racla la gorge, rigide et coincé qu'il était dans son somptueux costume blanc immaculé. Son témoin lui adressa un sourire charitable et puis hocha la tête pour signifier qu'il n'avait guère à s'inquiéter. il serait à ses côtés si jamais il flanchait, il avait sa parole ! Callagher n'était pas homme à abandonner un malheureux derrière lui... surtout si la situation était hilarante ! Le marié tombant dans ses bras, hihi ! Bon, un peu de sérieux.
Il lui décocha un nouveau sourire comme pour pardonner ses pensées et ajouta tout en se clarifiant la gorge à son tour :

"Votre future femme est ravissante, Auror Millers. Vous avez bien de la chance et vous devez ainsi en être très fier !".

Ses iris grises croisèrent les siennes, infiniment vertes et il sentit un instant qu'il était ailleurs, perdu. Il respecta son égarement et se tint tout aussi droit près de l'autel, les mains croisées devant son ventre sans se départir de son rictus de bienséance. Il salua de loin et d'un signe de tête les parents du marié -une vieille chouette assez terrifiante et un vieux rapace aux regards tout aussi avenant que ces bestioles...-. Pour tout dire il se sentait un peu de trop à cette petite cérémonie pourtant très sobre et absolument comme il fallait. Pour un peu il accusait presque les heureux élus de ne pas avoir fait complètement le deuil de ce qui leur était arrivé récemment. Mais qui pouvait leur en vouloir ? Lui aussi était chamboulé, presque autant qu'eux...

N'osant d'ailleurs faire trop remarquer à Aaron Millers qu'il espérait que cette dernière serait la bonne, il lissa négligeamment un pan de son veston. La mariée entra enfin et la musique se fit ainsi plus intense. Elle marchait, gracieuse, droite et digne vers eux et surtout en direction de son futur époux. La tension était palpable et assurément Brad était dans ses petits souliers... comme s'il allait lui-même remettre le couvert. La Langue-de-Plomb s'attarda sur le ventre légèrement rebondie de Léandrà et il sourit tout autant à l'enfant qu'à la jeune femme. Ses yeux se posèrent sur elle et il la salua dignement et comme toute femme se doit d'être saluée : telle une reine.

* "T'imagines s'il est blond leur gosse ?! Hihihi..." *.

Il ferma les paupières et expira un bon coup. Le maître de cérémonie... c'était quoi ? Un rabin, c'est cela ou ?... commençait déjà sa litanie. Brad en revint à Aaron afin de faire son devoir et lui prêta soutien ainsi qu'allégeance, se tenant tout prêt de lui afin de suivre le rituel.
Il retira l'écrin de velour rouge et or de sa poche et sourit à ce simple détail. Il l'ouvrit doucement puis le présenta à l'Auror aux cheveux poivre et sel.

"Tiens, fiston", dit-il tout bas. Il les couva d'un regard tout aussi enchanté qu'amusé. Une joie intense, une certaine fierté pointait à présent en son coeur et il avait la sensation d'étouffer... C'est étrange à quel point certains miracles de la vie peuvent avoir de pouvoir sur votre personne par moment...
A présent que les anneaux étaient échangés, que les souhaits de bonheur éternels avaient été prononcés, il n'espérait qu'une chose en son for intérieur : qu'enfin la Destinée ne leur soit plus trop cruelle et qu'ils puissent rapidement oublier les dures épreuves passées pour enfin aller de l'avant...

Brad posa une main secourable et amicale sur l'épaule de Millers et se garda de dire le moindre mot...

La main d'Aaron se serra légèrement, parcourue par un étrange et délicieux frisson. L'alliance à son doigt rendait sa main jolie, comme Leandrà le faisait paraître plus beau lorsqu'elle était à ses côtés. Il la contempla quelques secondes, un sourire automatique vissé sur ses lèvres, puis il releva un peu la tête en s'offrant ainsi un superbe panoramique de sa presque-mais-pas-encore-épouse. Il voyait les larmes dans ses yeux sans en être gêné, mais il aurait préféré la rendre joyeuse plutôt que chagrine... Peut-être n'aurait-il pas dû lui montrer tout ceci.

A peine avait-il songé ça qu'une sorte de tourbillon l'entraînait vers les souvenirs de Leandrà. La sensation était vraiment intense, bizarre... L'impression d'être entre deux mondes, deux dimensions, en survol instable pour épier la vie d'une autre.

Presque automatiquement, Aaron fut parcouru par un rire nerveux. Le défilé des images était incroyablement rapide, comme une bourrasque, et il riait sans se retenir à la vision d'une Leandrà gamine qui se cassait la gueule devant tous les élèves de Poudlard réunis. Oh la honte. Oh la pauvre.

Cela s'enchaînait encore. Aaron tomba de son balai en même temps qu'elle, mais tout passa très vite. Il assista à la rencontre de Leandrà et de ses vrais parents et son rire se dissipa à cet instant.

Aaron vit ensuite Lilith qui faisait manger de force un bonbon à Apophis, et sa bouche, dans le temps réel, s'ouvrit légèrement.

Et cette horrible scène. Observer le meurtre du père d'Apophis - oui, il le reconnaissait facilement - n'était pas de la toute première facilité, mais ce qui était choquant, c'était la complicité de Leandrà. Complicité obligatoire, certes, mais elle ne lui avait jamais parlé de ça, pas plus qu'à ses supérieurs. Cette information constituait un délit... une preuve. Aaron ne s'en servirait jamais, bien évidemment, mais il n'était pas contre de petites explications, à l'occasion.

Ah. Il se serait bien passé de voir ce baiser répugnant avec Apophis. Oui, oui, répugnant pour lui, spectateur impuissant de cette débâcle, dont les yeux délicats ne pouvaient supporter de voir la bouche molle de ce bâtard embrasser celles qu'il aimait. Il assista donc malgré lui à son discours - oh oui, comme Apophis aimait blablater - et en rongeant son frein, attendit de passer à autre chose.

Les claques dans sa yeule. Et à partir de ce souvenir là, tout alla encore plus rapidement.

Encore un morceau d'Apophis attisant la haine d'Aaron à son égard, et puis comme une vague d'énergie en voyant le poing blanc frapper le mur devant son clone immobile, impartial, avec un petit sourire en coin qui ne voulait rien dire, car il se dissipait lentement. Au ministère, voir son propre corps en sang, la longue traînée rouge qui coulait de sa bouche, les tentatives désespérées de Leandrà de le ranimer, ses cris, sa détresse que personne n'entendait... Aaron était mal à l'aise. Il avait envie, là, maintenant, de serrer sa femme contre lui et de lui murmurer à l'oreille que tout allait bien, qu'il était là, parfaitement en forme, et que tout allait s'arranger, mais ce n'était plus d'actualité... Dommage. Gêné de l'avoir mise dans cet état, il la vit se débattre avec ses 76 kilos à traîner jusqu'à la zone de transplanage, et il ressentit pour elle une grosse bouffée de gratitude. La serre contre lui, tout contre lui, vite...

Grossesse, dispute, réconciliation, dispute devant Apophis, absence, retrouvailles, réconciliation, et bien entendu, sexe. Ca, il connaissait. Bientôt, il fut en mesure de regagner le présent, et de voir le visage de Leandrà face à lui; elle lui tenait encore la main, ils avaient tous les deux leurs alliances. Techniquement, ils étaient enfin mari et femme... Il ne manquait plus que le baiser.

Ivre de l'embrasser pour lui montrer à quel point, en cet instant, ils fusionnaient, il la comprenait, il s'avança cavalièrement vers elle, mais le maître de cérémonie l'interrompit en le repoussa à sa place. Armé de sa petite mine revêche d'homme religieux, il posa par terre, près de ses pieds, un verre vide. Aaron leva les yeux au ciel. Quelle idée d'être Juif, aussi...

Se séparant quelque peu de Leandrà pour qu'elle ne soit pas touchée par les bouts de verre, Aaron leva le pied et marmonna quelques mots hébreux dans sa bouche (que j'écrirais pas, parce qu'on s'en fout). Puis il casse le verre, du pied, en pensant très fort à la pauvre Jérusalem détruite, bouh-bouh-bouh.

Une fois que sous sa belle chaussure il n'y eut plus que du verre pilé, Aaron jeta un coup d'oeil au religieux qui affichait un sourire serein et satisfait.

- " C'est bon? Je peux l'embrasser?"

Il n'attendit pas de voir la moustache de l'homme remuer d'indignation, et se tournant vers Leandrà, admirant son corps, sa robe, son visage, il tendit les bras, la prit par les hanches, se colla à elle. Contemplant sa peau parfaite, ses traits délicats (plus que les siens, en tout cas), il fit glisser ses mains jusqu'à ses joues, qu'il caressa du pouce, lentement, et les yeux dans les yeux. Et là, sous l'arche, devant le peu de famille qu'ils avaient tous deux rameutés, près d'un petit homme de foi juive, sur leur tapis, Aaron était beau. Très beau même, son visage reflétait pour une fois autre chose que le désespoir et les marques de l'alcool, il souriait d'un air tendre et serein. Et il l'embrassa. Sans la langue, évidemment, pas au mariage.

Le baiser dura quelques secondes, et il y mit du coeur. Un baiser tout ce qu'il y a de plus amoureux, un vrai baiser de mariage.

- " Mazal tov!!!" cria une voix dans l'assemblée.

Et là, comme tous les ado's dont la mère est en train de raconter à tous leurs potes qu'ils faisaient pipi au lit jusqu'à 10 ans, Aaron pensa très fort "mais taggle maman tu m'fous la honte". Mais ce n'est pas ce qui le poussa à arrêter d'embrasser sa femme.

Car, oui, enfin! Leandrà LadyLys était devenue sa femme, et son nom changeait lui aussi. Leandrà Millers... Madame Aaron Millers. Ils étaient mariés.

Il sépara leurs lèvres et l'observa avec ce même air malicieux, comme ce gosse qui a fait une connerie, et il lui murmura:

- " Et si on y allait maintenant?"