Non ceci n'est pas un rêve ~ [Libre :) ]

C’était une belle journée, elle avait bien commencé en tout cas. Jusqu’à ce qu’une chouette vienne remettre une lettre à la jumelle.

Tout d’abord, elle avait dormi comme il le fallait, elle n’était pas fatiguée en se réveillant. Elle s’était étirée comme jamais, prête à écrire quinze devoirs de potion sans que ça puisse affecter son moral. Ca semblait être une journée à toute épreuve. Ou presque. Et dans son armoire, elle avait retrouvé le petit débardeur qu’elle avait acheté l’année dernière avec Meg’, un qui lui avait manqué tout l’hiver. Ca et un jean, une petite barrette dans les cheveux, un sourire à en tomber par terre, le maquillage idéal que demander de plus ? Ah si, ça aurait été à merveille avec des chaussures à talon qu’elle avait vu ce printemps dans la boutique de Madame Guippure.

Maera n’avait pas attendu Megara pour aller déjeuner. Ca n’arrivait pas souvent, mais parfois, oui, depuis que Maera était la petite amie de Christian. Mais après elle attendait sa jumelle avant d’aller en cours, ça c’était important. D’ailleurs, qu’avait-elle ce matin ? Bah, peut importe, même une colle avec Rusard, elle aurait été contente de la faire. Un moral en béton, j’vous dit, indestructible… Ou pas.

Là une chouette se posa doucement devant la jeune femme. Juste entre sa main qu’elle tendait et le saladier rempli de céréales. Oui parce que pour une fois, elle se sentait de prendre des céréales. Ils disent tous que c’est plein de vitamines, de fer et de fibres, alors pourquoi pas ? Mais ce matin, ça ne se ferait pas, parce que l’oiseau tendait sa patte et faisait frissonner ses plumes de mécontentement. Impatiente, n’est-ce pas ? Cela fit sourire la blonde qui dénoua le message. De toute façon rien… R-Rien… ne pouvait… ne p-pouvait entacher… sa bonne… sa bonne humeur… N-N’est-ce pas ?

[plus tard]

Elle avait marché normalement, et elle avait sourit à tous les gens qu’elle avait pu croiser. Elle avait papoté sur la mode de cet été et même plaisanté sur son futur nouveau maillot de bain de cette année et pronostiqué sur la mode de cet hiver. Puis elle avait dit qu’elle avait besoin d’aller s’acheter une plume bleue, la sienne s’était cassée la semaine dernière. Ses amies ne se souvenaient pas qu’elle ait jamais eu de plume bleue, mais bon, Maera était bien capable de collectionner des plumes d’écriture juste pour avoir toutes les couleurs de l’arc-en-ciel à disposition pas vrai ? Bref, elle leur avait fait un signe de main, et était partie sans se retourner. Un peu vite, peut-être qu’elle y tenait vraiment à sa plume bleue, après tout ? En tout cas, son mascara ne devait pas lui convenir, ça lui faisait les yeux brillants.

[Plus tard]

Non elle n’avait pas pleuré. Elle ne pleurerait sûrement pas pour un lâche pareil. Et encore moins sur sa relation avec lui. Et elle n’allait surtout pas pleurer encore des jours entiers, parce qu’elle ne savait pas comment lui en vouloir à lui, lui en vouloir à elle, et s’en vouloir à elle-même aussi. Elle en parlerait peut-être à Megara, qui lui dirait, tout comme Shawn bien entendu quelque chose qui sonnerait comme un « On t’avait prévenue » même pas assassin. En fait, peut-être même que Shawn la consolerait, qui sait ?
Non elle ne pleurait pas… Non elle ne pleurait pas ! C’était juste que… juste que… Juste que c’était trop injuste. Elle avait été trompée, et elle n’avait même pas le loisir d’exploser à la figure de son amoureux. Non elle ne s’imaginait pas du tout en train d’égorger la fille, dont elle ignorait le nom ou même le visage de celle qui avait osé détruire son petit rêve édulcoré, avait abîmé son futur qu’elle avait réussi à tracer au prix de gros efforts de planification, merci Môssieu-je-te-largue-par-lettre-parce-que-je-t’ai-trompée. Non elle n’étouffait pas de rage, non, il n’y avait ni colère ni rancœur, absolument aucune trace de vengeance dans ses jolis yeux mouillés.
Non il n’y avait pas déjà quinze mouchoirs à terre, tous trempés et / ou déchirés. Et elle n’était pas assise sur ce banc depuis déjà plus d’une heure, et les passants ne la regardaient pas sans trop savoir quoi faire.

« Mais pourquoi ? » Avait-elle réussi à lâcher, d’une voix forte et désespérée, entre deux sanglots sonores, la tête dans les mains, collée à cette maudite lettre qu’elle aurait aimé ne jamais recevoir. Qu’elle n’aurait jamais dû recevoir. Mais qu’elle avait reçue. Et qui l’avait mise dans cet état. Oui ça, pourquoi ?

Voilà déjà plus de cinq heures que Jan conduisait. Perdu sur les routes écossaises, maudissant le moindre panneau signalétique qui l’induisait en erreur, énervé par le nombre de moutons errants, le jeune d’affaire opta pour un arrêt de quelques heures afin de se calmer - il valait mieux car il avait encore du chemin à faire -, manger un morceau, faire le plein d’essence, se dégourdir les jambes mais surtout : acheter des cigarettes ! Oui, c’est nouveau mais cette saloperie avait un bon effet sur ses nerfs qui depuis une certaine période avaient tendance à le lâcher.

Arrêtant son véhicule, il s’empara de la carte routière pour déjà savoir où il se trouvait, et si un village pouvait exister dans les environs. Rien ! Que dalle ! Pas le moindre petit patelin, pas une seule bâtisse, le néant total ! Relevant le nez de l’immense papier verdoyant qu’il tenait toute étendu sur le volant, il avait l’air complètement désespéré et d’un coup, un bruissement de papier. Boulotée, déchirée même arrachée, il en fit des confettis et balança ce qu’il en restait sur le siège arrière.

Ouvrant la boite à gants, il sortit une nouvelle carte. Différente des moldues. La dépliant un rien, il découvrit un point sur une route signalant ‘Vous êtes ici’. Aaaaaah quelle grande nouvelle ! Ici voulait dire, nulle part, car à nouveau aucun village n’apparut sur la carte sauf à quelques kilomètres de son emplacement un autre point disait ‘Venez ici’. D’accord… Fallait-il suivre les recommandations de cette carte sorcière ?

- J’n’ai pas trop le choix, se dit-il en posant la carte sur le siège passager.

Tournant la clef, il remit la voiture en route et conduit jusqu’au point signalé durant une quinzaine de minutes. Arrivé sur place, il n’était plus convaincu que ça. Un parking perdu, quelques automobiles, et un homme assis dans un abri, un journal à la main. Super !!! Parquant la voiture, il jeta un nouveau coup d’œil sur le plan et put lire ‘Vous êtes arrivés’. Ca l’avançait énormément. S’emparant de ces affaires, veste, portefeuille, lunettes de soleil et il enferma ses dossiers dans le coffre. Verrouillant la voiture, il se dirigea près de l’homme sorti de son petit bureau.

- Bienvenue à Pré-au-Lard Monsieur. Combien de temps comptez-vous rester ?, demanda la personne habillée en gardien.
- Heu… Pré-au-Lard, mais il n’y a rien ici., répondit Jan sur un ton assez énervé, pensant que le surveillant se payait sa tête.
- Regardez mieux. Tout en disant ça, il pointa trois heures sur dans un carnet et le tendit au voyageur. Votre nom ici, une signature et cinq gallions.

Tournant la tête, il aperçut un immense portique avec le nom du village cité. Etrange, ce n’était pas là il y a deux secondes… Ah mais c’était un village sorcier, voilà qui expliquait tout ! Jan était du genre à mettre la magie du côté car il occupait à nonante-cinq pourcents le monde moldu. Signant le fichier et payant la surveillance de son véhicule, il se dirigea ensuite vers l’allée qui le conduirait à Pré-au-Lard. Espérons que ce n’était pas une hallucination causée par son énervement et l’envie de nicotine.

Alors qu’il allait passer l’arcade, son portable se mit à sonner. Cordélia… ne décrochant pas, il éteignit le mobile et le rangea dans sa poche de veston. Il lui dira plus tard que la batterie avait lâché au moment où il voulut répondre. Il ne voulait pas lui parler, pas maintenant, il avait les nerfs en compote et préférait lui éviter quelques prises de bec.

C’est qu’il n’était pas à côté ce village sorcier. Après une demi-heure de marche, il arriva enfin au cœur même de celui-ci. Où aller ? Que manger ? Une rue principale, une rue perdue, et une rue pour se rendre au bois. Magnifique ! Splendide ! Un vrai paradis sur terre. Jan détestait la campagne, il aimait les grands buildings, l’odeur de l’essence, la cohue des passants… il était à l’extrême limite de tout ça.

Les mains dans les poches, il regarda la tête des passants afin de demander où il pouvait se restaurer mais tous l’ignorèrent. Peut-être le costume gris qui les faisait fuir… Quoi qu’il en soit, il aperçut une jeune femme assise sur un banc, et décida d’aller se renseigner auprès d’elle. Chanceux comme il était, il s’aperçut qu’il allait s’adresser à une personne au moral au plus bas, et aurait droit à écouter tout ses malheurs ! Sur le point de faire marche arrière, elle parla. Merde ! Est-ce qu’elle lui parlait ?

- Pourquoi quoi ?, lâcha-t-il en la regardant de haut d’un air ennuyé. Certes, il avait autre chose à faire. Jetant un coup d’œil à sa montre, il avait déjà perdu une heure dans ce patelin.

Sursautant comme jamais, la blonde étouffa un cri de surprise alors qu’elle se tournait vers la source qui avait émit la question précédente. Elle ne s’attendait vraiment pas à ce que quelqu’un l’interrompe dans ses jérémiades. Les yeux rougis mais bien ouverts, la bouche béate, un bras sur la défensive, pendant que l’autre l’empêchait de tomber à la renverse de son banc, elle fixa l’inconnu sans trop savoir quoi.

Elle ferma rapidement la bouche, et se leva rageusement, s’essuyant les yeux d’un geste sûr et rapide, il ne restait que ses joues sales pour démentir son mensonge « Je ne pleure pas ! » insista-t-elle, comme si le jeune en face la jugeait. Elle avait un mouchoir dans la main, avec lequel elle se tamponna les pommettes, puis elle avait posé ses mains sur ses hanches, comme si elle se préparait à un grand duel.

Mais rapidement, la reine des apparences perdit encore sa contenance, et après un rapide baissage de nez, elle releva les yeux au ciel, comme pour retenir ses larmes au fond de ses yeux. Elle haussa les épaules, leva les bras, et fit retomber alors ses mains bruyamment contre ses jambes, comme si elle ne pouvait plus les porter. Elle se mordit la lèvre inférieure et fronça les yeux. Un coup de main habile et la future larme n’en fut plus une. Un rire nerveux allait sortir de sa bouche, mais pareil elle sut le faire repartir d’où il était venu. Elle regarda au loin, puis ramena ses yeux sur le jeune homme en face d’elle, et chose surprenante, elle avait le regard féroce et les yeux révolver alors que le bas de sn visage exprimait clairement la tristesse.

« Pourquoi quoi, hein ? Pourquoi est-ce que les mecs sont aussi cons ? Surtout celui-là ! » cria-t-elle, à bout de nerfs. Elle avait serré les poings et elle semblait puncher quelque chose dans le vide. De toute façon elle ne risquait pas de s’entailler la paume, comme elle venait de se ronger tous les ongles dans la matinée, elle n’était plus armée. Une lionne sans griffe, quoi de plus pathétique. « Hein ?! Pourquoi… Pourquoi est-ce que c’est moi qu’on largue, hein ? Je suis trop blonde peut-être ? Pas assez bien foutue ? Trop conne ? J’vais être Infirmière, non, mieux, Médicomage, merde ! Qu’est-ce qu’il lui faut de plus, hein ?! Je suis sûre que c’est une espèce de brune, planche à pain qu’il vient de se taper ! Et en plus il en est fier ! » Acheva-t-elle, avec du mal. Ses sanglots s’étranglaient au fond de sa gorge, et elle n’arrivait même plus à crier comme il fallait sa colère. Tout ce qu’elle arrivait à faire, c’était pleurer à chaudes larmes, les rivières étaient de retour sur ses joues rougies. « Et puis d’abord, qu’est-ce que vous fichez là, vous ! Vous voyez pas que je suis au bord du malaise social et que j’n’ai pas besoin de spectateur ?! » Non c’est sûr, Maera Montgomery-White n’aime pas qu’on la voie en position de faiblesse. Et comme en plus elle n’avait pas ses griffes avec elle, ou sa jumelle, elle se sentait comme toute nue. Et encore une fois, elle voulu parler, ou plutôt crier quelque chose, mais tout ce qu’elle réussi à faire, ce fut de pleurer encore de plus belle, ne sachant pas trop si elle devait ouvrir ou fermer la bouche, et de s’effondrer à terre, les mains sur les yeux, incapable de faire quoique ce soit d’autre.

Sur quoi il était tombé ?

La prenant par surprise, elle se mit sur la défensive et le fixa dans les yeux. Raté ! Jan ne bougea pas d’un poil, la dévisageant des pieds à la tête, s’attardant avec insistance sur ses yeux humides. Soudain, il vit la situation autrement, comme une sorte d’amusement, de divertissement à sa vie ennuyante et monotone. Cette fille qu’il venait d’accoster par erreur allait lui donner du fil à retorde !

Debout face à lui, elle insista sur le fait qu’elle ne pleurait pas tout en épongeant ses joues. Gardant ses mains dans ses poches, il rétorqua par un soupir. Dans le fond, ça n’allait pas être si amusant qu’il le pensait ! Se balançant légèrement d’avant en arrière, il lança son pied en avant pour faire demi-tour mais elle sembla lui tenir tête en posant ses mains sur ses hanches. Restant sur sa position, il la contempla de la tête au pied. Joli… très joli !

Le comportement de la blondinette vira de la tristesse à l’hystérie, la colère aussi. Qu’avait-elle ? Il ne lui faudrait pas longtemps pour le savoir. Mais à vrai dire, il s’en foutait complètement. Comme aucun des deux ne parlaient, il allait s’élancer pour demander si une auberge existe ici mais trop tard, elle lui coupa la parole de manière très féroce.

Quel discours ! Interloqué par ses mots, il s’amusait moins. Pourquoi elle s’en prenait à lui comme ça ? Les sourcils froncés, les lèvres serrées, il ôta une main de sa poche – la gauche pour information – et l’agita de haut en bas comme pour faire comprendre

- Wow wow… j’vous…, tenta-t-il mais elle continua alors qu'il n'avait rien demandé et ce depuis qu'il eut la mauvaise idée de poser son regard sur elle.

Il comprenait mieux. L’étudiante venait de se faire larguer et n’avait pas encore accusé le coup. Super ! Il venait de tirer le gros lot ! Ca allait être quoi après la jeune au cœur brisé ? Peut-être venir au secours d’une vieille grand-mère qui a perdu son chat ? Enfin, il fut interpellé par ce qu’elle venait de dire à son propos et ne put se retenir de :

- Personnellement, j’vous trouve canon !, émit-il en la regardant un petit sourire aux lèvres.

Ce n’est pas vrai ! Elle se remit à pleurer de plus belle. Jan s’avança doucement vers elle, alors qu’elle lui demanda de justifier sa présence, qu’elle serait bien passée de lui. Et pour réflexe, le négociant – oui parce Jan est un magnat du pétrole, ne l’oublions pas – porta sa main à son visage pour essuyer les larmes qui déferlaient. Passant son pouce sur sa joue, il sentit l’irritation de sa peau certainement causé par le contact du mouchoir. Puis du revers de la même main, il balaya son autre jugulaire des pleures qui s’attardaient.

- Vous avez besoin d’un bon verre ! Permettez que je vous l’offre ?

Avant tout, Jan était un gentleman. Et bien qu’un verre de whisky s’imposait – il n’y a pas meilleur remède, il s’y connait – sachez qu’il ne compte pas la saouler.

Elle avait hurlé tout ce qu’elle avait sur le cœur, en pleurant comme il fallait. Et elle n’avait même pas écouté ce que la personne en face d’elle avait à répondre pour sa défense. Enfin, ça fit tilt qu’après. Il avait les mains douces et fermes. Christian aussi avait des mains fortes qu’elle aimait sentir sur son visage. Mais c’était de sa faute si elle pleurait actuellement, alors elle le chassa à grand coup de pied dans le… genou de ses pensées. Alors que l’inconnu avait l’air gentil comme garçon. Pas forcément plus âgé qu’elle, quoi que peut-être en fait. Il avait l’air d’un homme d’affaire. Qu’est-ce qu’il était venu faire dans le coin ? Des affaires louches ? Ou il s’était perdu ? Bah, peu importait !
Machinalement, elle sortit un miroir de poche, et conptempla enfin les ravages de ses non-larmes sur ses belles joues rosées. En fait, il l’avait complimentée juste pour être gentil, là, même le meilleur maquillage de chez Gemey ne pouvait pas rattraper un désastre pareil ! Elle renifla d’un air dédaigneux à l’attention de son reflet, et se contenta de murmurer un faible remerciement à son vis-à-vis. En plus, elle avait toujours son débardeur tâché sur les épaules. Non vraiment, comme canon de beauté, on fait mieux. Mais après tout, elle n’était pas en position de refuser un remerciement.

« Un verre de quoi ? » demanda-t-elle, un brin calmée, mais c’était sans compter sur ses reniflement incessants. « Il a bu pour me faire cocue, l’ordure ! » avait-elle persiflé. Plus glamour tu meurs ! Mais en fait, c’est vrai que maintenant qu’il en parlait elle avait soif. Horriblement soif. « J’espère que t’as de la monnaie, parce que même sans alcool, tu sais pas où tu t’engages ! » Elle lui avait fait ce petit sourire coquin dont elle avait le secret, mais ce fut juste un rapide sourire, elle n’était pas assez remise pour se la jouer Maera des grands jours.

Elle dirigea son regard vers le pub le plus proche. « Enfin bref, c’est par là. » désigna-t-elle du menton. Elle ne lui adressa même pas un regard avant de s’élancer. Elle reniflait toujours un peu, mais moins qu’au début, forcément. Elle avait encore quelques larmes rebelles qui coulaient, mais elle les laissa faire. Elle n’avait vraiment pas envie d’aller chez Madame Pieddodu là tout de suite. A moins qu’elle soit maso et qu’elle ait eu envie de se faire vomir. Donc elle prit le chemin pour aller jusque la tête de sanglier. Plus mal famé tu meurs. Mais au moins, on y est incognito, ou presque. Elle poussa la porte sans aucune grâce, renifla une énième fois, et indiqua du doigt une table vide, avec son index qui tremblait encore un peu. « Par là ». Elle s’assit à la table, et même tâchée, salie et contrariée, elle déteignait avec l’ambiance du bar. Elle n’avait vraiment pas l’air à sa place.

Elle avait croisé les jambes, de toute façon, avec son jean elle ne craignait rien, même s’ils avaient été à la tête de sanglier. Elle s’était accoudée à la table, comme si elle venait ici tous les samedis de permission. Le menton dans la main, elle sembla s’ennuyer ferme dès qu’elle s’était installée.
Puis d’un coup comme ça, sans prévenir, elle jeta ses avant-bras sur la table, et fixa l’inconnu en face d’elle dans les yeux. Elle était parfaitement sérieuse, et pour qui la connait, ça aurait pu être digne d’un masque d’Halloween. « Comment vous avez fait pour vous perdre ici ? Ce n’est pas le meilleur endroit pour une pause-pipi. Puis autour, c’est le désert. Vous menez des affaires louches c’est ça ? Y’a que des gens louches dans le coin… » Un peu d’humour, alors ! En fait, c’était tout Maera, pousser les gens jusqu’au bout de leurs nerfs, surtout lorsqu’elle était colère. Y’avait que Christian qui, patiemment, déjouait ses pièges. Mais il n’était pas là, et il ne serait plus là, jamais. Et puis, si elle acceptait qu’il lui paye un verre, c’est qu’il avait un air qui lui disait « Hey, y’a d’autres mecs bien sur terre ! » Oui, sûrement, seulement pour le moment, le seul qu’elle voulait, c’était Christian !

- Et toi tu vas boire pour oublier !, répondit-il en remontant ses lunettes sur son nez, un sourire charmeur se dessinant en même temps que le geste.

D’un geste de la tête, elle lui indiqua le chemin de la plus proche auberge. Reniflant de plus belle, il grimaça en l’observant de derrière. Elle pouvait bien être canon mais elle n’avait pas beaucoup d’allure. Qu’elle se mouche une bonne fois pour toute, qu’elle arrête de braire ! Les pleurnicheuses ce n’étaient pas trop son genre, mais derrière cette apparence, elle devait cacher un sacré caractère.

Arpentant les rues, ce village perdu lui rappela quelque chose. Jetant un œil plus attentif aux enseignes, il remit vite ses pièces en place et se remémora leur voyage à l’école de magie Poudlard. Le salon de thé de Madame Pieddodu le frappa de face ! C’est là que Cordélia l’avait emmené parce que c’est là que les amoureux allaient flirter. Juste pour lui faire plaisir il y mit les pieds. Il ne se souvenait plus trop du nom de l’infusion qu’il avait bu, mais le goût lui revint en bouche et … BERK ! Passant devant la façade, il déglutit en affichant une mine de dégout, comme s’il venait d’avaler la plus amer des boissons.

D’un pas vif, elle bifurqua vers un chemin isolé menant à une vieille bâtisse. Chouette endroit à première vue, ironique bien sûr ! Plus près de l’établissement, il constata que l’endroit s’appelait « La Tête de Sanglier ». Charmant… La blondinette poussa la porte dans un crissement à vous faire iriser les poils. L’entièreté du bâtiment était composé de bois, la moindre goute d’essence, la moindre petite flamme, et nous aurions droit à une jolie flambée. Mais non Jan, tu es bête, dans le monde magique ça ne peut arriver.

Suivant toujours son guide, elle désigna une table. Pourquoi elle l’avait trainé ici ? Rien d’autres à proposer ? Mouai. Contemplant le cadre qui les entourait tout en pianotant des doigts sur la table, il le critiqua d’un :

- Coquet !, tout en regardant par-dessus son épaule, un bras accoudé à la chaise bancale sur laquelle il était assis.

Pas de barman derrière le comptoir. Peut-être que c’était un self-service… Il prit la carte qui se trouvait sur la table et regarda ce qui était proposé. Jetant un œil sur la jeune femme à moitié affalée, tous les deux se fixèrent à nouveau jusqu’à ce qu’elle lui pose quelques questions. Amusante comme fille. Laissant un rire d’homme s’échapper, il baissa le menu et se pencha à son tour, les bras croisés sur le bois.

- La pause ‘pipi’ n’est pas un problème en soi…, dit-il le ton espiègle accompagné d’un clin d’œil. C’est vrai, en tout homme qui se respecte, il pouvait se soulager où il voulait quand il voulait. En effet, je mène des affaires et sans rapport avec ce qui est louche.

A ce moment, le tenancier surgit de nulle part. Le monde sorcier Jan, rappelles-toi ! Le tablier on ne peut plus propre – quelles pouvaient être ses taches ? -, l’homme s’élança dans une conversation :

- Eeeeeeeeerrrrrrr ?
- Magnifique vraiment, tu l’as bien choisi cet endroit !, murmura-t-il à l’étudiante. Deux bières…, alors qu’il allait commander, la sorte de créature sortit une bouteille de whisky et deux verres.
- Niééééé eeeeer.
- Comme vous dites !, répondit-il comme si il avait compris le moindre mot. Posant cinq gallions dans sa main, la chose disparut.

Allez, buvons ! Remplissant les verres à ras bord, il en posa un devant sa compagne. Levant le sien après l’avoir fait tinter contre l’autre, fixant les yeux bleus adverses, il fit cul sec. Tapant en suite le récipient sur la table, il fit claquer ses lèvres du au degré d’alcool que contenait la boisson.

- Mais dis-moi, tu es bien franche d’accepter qu’un inconnu te paie un verre. Ta maman ne t’a jamais dit que c’était dangereux de parler à des inconnus ?

C’était bien connu des mères ça. Il eut droit au même sermon étant petit, mais c’était du au fait qu’il n’était pas le fils de n’importe qui au royaume de Danemark. Sa maman avait toujours craint qu’il se fasse kidnapper et qu’une rançon soit demandée en échange. A présent c’est lui qui craignait pour son fils… mais ce n’était ni l’endroit, ni le moment de penser à Stephen.

« Hey, retournez pas les choses. Vous avez proposé, j’ai pas refusé, et après vous m’avez suivie. C’est tout. » Mouais, qui retourne les choses, ici ? « Ca prouve bien que plus que de le proposer, vous vouliez vraiment me l’offrir. J’allais pas refuser un cadeau. » Dit-elle en haussant les épaules. « Puis j’avais soif. Puis p’tet un peu froid aussi. Et t’aurais pu de te contenter de me filer un mouchoir brodé, ça aurait suffit. Bref, tu voulais que je vienne. Il faut que je te donne combien d’autres preuves ? » Elle passait du tutoiement au vouvoiement sans faire attention. Elle parlait sans réfléchir, ça sortait tout seul. « Et laisse ma mère en dehors de ça. J’ai plus dix ans. » lâcha-t-elle pour terminer. « Hey attends, tu crois que je suis une gamine ? J’ai l’air d’une gamine, c’est ça ? Ho, la poisse ! » soupira-t-elle alors qu’elle retombait sur le dossier de sa chaise.

Elle trempa son index dans le verre, juste une phalange, et le fit glisser le long du rebord du verre, comme si elle voulait le faire chanter, comme une coupe de champagne. Le verre n’était pas propre, il ne se produisit rien du tout. Elle fit une grimace, comme si ça l’étonnait. Elle regarda son doigt, comme si le regarder mouillé avec du whisky dessus était une étrange nouveauté. Puis elle le porta à sa bouche et le lécha rapidement. Elle regarda son vis-à-vis, et lui lança « J’avais demandé sans alcool » qui n’avait pour but que d’être informatif. Elle regarda l’assemblée de personnes louches, puis fit la moue. « Mouais, en fait j’étais jamais rentrée ici. Personnes inconnues, dans un lieu inconnu, quoi de mieux pour se noyer dans la masse hein ? » dite-elle, rêveuse. Elle empoigna alors son verre doucement, et avala une gorgée.
Elle avait l’air léthargique, prête à s’endormir sur place, malgré le bruit et l’odeur désagréable qui semblait provenir des murs même de la salle. Sans vraiment se réveiller, Maera tourna ses yeux encore humides, mais sans larmes vers son camarade de bar. « Alors ? Allez-y, ça a l’air de vous gêner que j’ai accepté ce verre sans rien demander. Moi je vous ai déjà dit… » Elle s’arrêta la bouche ouverte, et sembla retrouver un semblant de sourire « Non en fait, vous avez écouté ce que j’avais à dire. Alors allez-y, maintenant c’est moi qui vous écoute. A moins que rester un inconnu ça vous botte ? » Lui demanda-t-elle, en souriant. C’était le premier vrai sourire qu’elle faisait depuis qu’elle avait reçu la lettre de Christian. Elle avait toujours son verre à la main, elle avait parfaitement à l’esprit qu’elle avait bousillé son maquillage et que sa tâche sur son haut ne partirait pas si elle l’oubliait. Elle avala une seconde gorgée, de travers cette fois. Elle reposa précipitamment le verre, et commença à tousser violement.

Une vraie commère. Il prenait un verre avec une vraie commère. Toujours quelque chose à raconter, parler pour ne rien dire. Il aimait bien, c’était comique de l’écouter déblatérer pour au fond ne rien dire. Laissant un rire s’échapper entre ses lèvres scellées, il opta pour se resservir un nouveau verre de ce whisky infect. La prochaine fois, il ferrait l’effort de transplaner au lieu de prendre la voiture pour se retrouver perdu dans un bled paumé, bien que cette façon de voyage ne lui plaise guère surtout dans son boulot.

Prenant une gorgée du bourbon, il esquissa un sourire derrière son verre lorsqu’elle s’affaissa sur son siège en constatant qu’il la prenait bel et bien pour une gamine. Après ça, elle joua avec le verre qu’il lui avait servi. Non seulement on ne lui avait pas appris que c’était mal de parler aux inconnus, mais en plus de ça que ce n’était pas bien de jouer avec la nourriture ou les boissons. Pour qui se prenait-elle ? Certainement une enfant d’une famille sorcière très riche pour se prendre un peu de haut comme ça.

Rouspétant sur le fait que la substance soit alcoolisée, Jan soupira tout en regardant à droite et à gauche.

- Dis, ça ne te viendrait pas à l’idée d’arrêter de râler ? J’vais finir par comprendre ton mec après…, commenta-t-il en fixant son interlocutrice qui sur le coup avala à son tour une gorgée du breuvage.

A mieux y réfléchir, il se dit que les sautes d’humeur de Cordélia causée par le petit étaient encore plus supportables que les caprices d’une jeune femme fraichement larguée à se soucier de son petit bien être personnel. Bon allez, tâchons d’être plus sympa avec la demoiselle en détresse.

Hochant de la tête à sa question, ça ne le gênait guère puisqu’il lui avait proposé si gentiment. Il la regarda interloqué, le sourcil rehaussé, suite à son autre question. C’était pas lui le brisé des deux… bon d’accord, il n’avait pas la grande forme mais au point d’aller raconter ses malheurs à une pauvre blondinette ? Non merci.

- Moins on en sait mieux on se porte !, répondit-il en regagnant le fond de son siège, à nouveau le coude sur le dossier, très décontracté.

Sur le coup, il crut à une hallucination mais non, elle avait souri et sincère de surcroit. Malgré le maquillage en vrac, sa tenue poisseuse, vraiment elle était canon.

- C’est déjà mieux !, commenta-t-il face à cette expression au moment où elle s’étrangla avec le whisky et se mit à tousser.

Son seul réflexe fut de se lever précipitamment, se positionner derrière elle. En un rien de temps, il l’a mis debout, les bras en l’air et tapota doucement dans son dos pour que ça passe. Certes, il n’était pas médicomage mais dans le monde moldu, c’était de cette façon qu’on lui avait appris à éviter de s’étouffer, ou remettre tripe et boyau.

- Il fallait le dire si vous vouliez mourir ! On aurait pu régler ça autrement !, répliqua-t-il ironiquement la tête de côté pour mieux la regarder reprendre des couleurs normales.

La jeune femme n’avait pas relevé les dernières remarques de son compagnon. Quoi, il avait jamais appris que les filles râlent, parce que c’est dans les gènes ? Il pouvait bien se pavaner avec ses répliques de grand-mère, il avait l’air un peu vieux jeu quand même.
Par contre, elle avait bien apprécié qu’il se déplace pour l’aider à faire passer sa mauvaise gorgée. « Oh non *kof* Ca serait bien bête que je meure tout de suite. Ma sœur me le pardonnerait pas, et il faut que je montre à mon ex que j’ai pas besoin de lui et ses états d’âme. » Elle l’avait dit d’un ton décidé, mais c’était plus pour s’en convaincre qu’autre chose. La lettre datait de ce matin, c’était bien trop récent pour qu’elle le veuille réellement. Mais elle était tellement en colère que ça levait les barrières. « Ou alors, je peux aussi aller le rechercher ? « Réfléchit-elle tout haut. Finalement, elle secoua la tête. « Non, s’il m’a trompée, et qu’il préfère casser à distance, c’est qu’il a fait son choix. Qu’il aille se faire voir ! » Se dit-elle, vexée. Puis elle avala une autre gorgée de Wiski.

Il commençait à faire un peu chaud, la demoiselle transpirait un peu. Elle leva le bras, mais comme personne ne venait, elle décida de partir toute seule à la recherche des toilettes. Elle averti le garçon qui lui offrait un verre, et se leva.
C’était assez difficile de trouver la salle d’eau, lorsque le barman préfère baragouiner dans sa barbe. Mais finalement, elle finit par la trouver.
Devant le lavabo, elle se passa beaucoup d’eau sur le visage. Ca grattait un peu sur les irritations, mais finalement, ça calmait le tout.
Maera soupira longuement et tristement. L’odeur d’urine était insupportable, même lorsque la fenêtre était ouverte. Elle n’avait vraiment pas été éclairée lorsqu’elle avait franchir la porte de ce bar.
Sa trousse à maquillage de poche allait être utile. Elle effaça toute trace de ses pleurs, et se refit un visage angélique.

Une fois la séance beauté éclair terminée, la demoiselle se sourit dans le miroir. Mouais, ce n’était pas super convaincant, mais bon, elle avait des circonstances atténuantes. Elle sortit de la pièce après s’être lavé les mains. Quoique l’eau semblait presque plus sale que les murs dans le coin.

Elle revint s’assoir à son siège, et soupira d’aise. Elle se sentait un peu revivre, maintenant qu’elle s’était repeint le visage. Elle avait l’air détendue. L’effet décontractant des produits de beautés aux plantes médicinales et curatives ? Aucune idée. « Bon, tu veux rester l’inconnu qui m’a offert un verre d’alcool, ou je peux avoir ton nom ? Tu peux me tutoyer au fait. T’as l’air plus vieux que moi, donc bon. » lui demanda-t-elle, les yeux dans les yeux, même si son menton à elle était encore posé sur sa main, accoudée à la table. En même temps, elle était en train de se demander si elle irait voir la boutique de friperie pour s’acheter des vêtements neufs, histoire que personne ne sache à Poudlard qu’elle avait pleuré. Elle resterait noble de corps, même si au niveau émotionnel, elle tombait en morceau, et que son cœur saignait à gros bouillon.

Elle promena son regard alentours, puis finalement, elle lâcha : « En fait, t'as raison, il craint ce bar. Dès qu’on a fini nos verres, on s’en va. » Puis, comme pour lui demander son avis, elle tourna ses yeux vers lui. Il n’y avait ni colère ni de râle, ni rire, ni sourire, juste… Des yeux qui demandaient si ça lui allait.

A écouter la belle demoiselle se rendre compte que les hommes étaient pour la plupart des lâches, il se projeta quelques années en arrière, pas très loin à vrai dire. Alors qu’il coulait des jours paisibles avec Cordélia, il fila du jour au lendemain sans laisser le moindre mot. Les raisons étaient que son grand-père, souffrant, l’avait rappelé au pays – n’oublions pas que Jan est dannois – car il était temps qu’il s’investisse dans son avenir. Pesant le pour et le contre d’une carrière dans le pétrole, il tenta d’en faire part à Cordélia mais ses journées furent tellement occupées que les minutes lui manquèrent. Son grand-père le prit en main tenant à le former personnellement pour qu’un jour il se retrouve président de l’entreprise.

Et voilà comment Jan se retrouva avec l’étiquette de lâche sur le dos. Bon après ça, lors d’une réunion à Londres il revu son amour de Durmstrang, enceinte jusqu’au cou, de lui en plus de ça. Certes il l’aimait toujours, mais le fait qu’il l’avait abandonnée dans cet état éveilla en lui des remords, et opta pour rester à ses côtés tout en continuant de travailler pour la société familiale.

Maintenant Stephen allait avoir un an dans quelques mois, son couple se portait… bien, enfin c’est ce qu’il pense car son travail lui demande beaucoup de déplacement, énormément de temps, et cause grand nombre de disputes. Rentrer tard, ne pas supporter les pleures de l’enfant, son métier avait de lui un vrai businessman accros, oubliant inconsciemment sa famille.

Il remarqua à peine l’absence de l’inconnue qui revint plus présentable. Ceci ne changea rien au fait qu’elle était toujours sacrément belle. Bien qu’elle était maquillée, le naturelle de sa beauté passait par-dessus, difficile de lui trouver quelconque artifice. Cherchant à savoir qui il était, Jan ne trouva pas mieux que de noyer sa réponse dans son verre, pour résumer, il ne lui répondit pas car il avait des pensées malhonnêtes à force de la regarder. Et là le mot lâche lui revint en tête. Peut-être ferait-il mieux de rentrer ?

Proposant de partir parce que l’endroit craignait – et bien il en fallut du temps pour s’en rendre compte –, l’homme d’affaire ne dit toujours pas le moindre mot et se leva, lui tourna le dos et se rendit jusqu’à la porte d’entrée. Par galanterie, il céda le passage à l’étudiante et suivit par la suite. Combien de temps venait-il de perdre ?

- Il y a moyen de manger dans ce coin perdu ?, lança-t-il en jetant un œil à sa montre. Dans trois heures, il avait sa réunion.

Levant les yeux sur elle, il plongea sa main à l’intérieure de sa veste pour en sortir une paire de lunettes de soleil qu’il plaça sur son nez, les branchez derrière les oreilles.