<Mon univers>

Cher journal,
Je me sens un peu seule aujourd’hui. Bien sûr, ma voix préférée m’a parlé comme à son habitude, mais je me suis sentie exclu des commérages de début d’année, de tout ce qui fait normalement une rentrée réussie. J’aurais moi aussi aimé avoir des tas de choses intéressantes à raconter mais le fait est que ma vie chez Andrew a été la même que l’été précédent et que celui d’encore avant… Le matin nous nous levions vers 8h, parfois 9h si nous allions dîner dehors la veille, nous prenions le petit déjeuner ensemble, suite à quoi Andrew s’en allait travailler soit au bureau, soit chez nous, toujours est-il que je ne le voyais pas jusqu’à midi. Durant ce laps de temps, j’allais prendre ma douche, m’habiller, me faire coiffer par Dorémi – l’elfe de maison dont je t’ai déjà parlé – et je lisais ensuite un peu, ou bien j’écoutais la radio, mais je restais tranquille jusqu’au moment de déjeuner. Nous passions toujours à table à midi pile, Andrew déteste le manque de ponctualité, nous discutions un peu de son travail, je faisais semblant de m’y intéresser mais pour être honnête, je ne suis pas assez bonne comédienne pour qu’il fût dupe… autant dire que c’était surtout un monologue de sa part. Si j’avais lu quelque chose d’intéressant, je le lui racontais, mes quelques paroles – pourtant froide et sèche (j’y veille) – semblent toujours le ravir. Il y a au moins un adulte sur cette planète qui est toujours enchanté de m’entendre parler, c’est une forme de lot de consolation ou quelque chose comme ça… Après le déjeuner, nous faisions une ballade dans la ville ou dans le parc puis nous rentrions, je prenais alors mon cours de danse classique avant de vaquer aux occupations de mon choix jusqu’à 18h30… Même si ce rythme de vie a quelque chose de rassurant, il est aussi tellement planplan que je n’avais vraiment rien à en dire, en plus, globalement je me suis ennuyée. Le problème ce n’était pas les activités mais bien le manque de compagnie. J’ai honte de l’admettre (et elle se charge bien de me le marteler) mais Gaël et Damon m’ont vraiment manqué durant ces deux mois de vacances, rien que pour ça, une partie de moi est heureuse d’être revenue à Poudlard… ceci quand bien même je n’ai encore décidé si j’étais bien dans cette école ou non.
Pour tout dire sur mes vacances, le seul fait notable a été ma rencontre avec Wade Jarvinen. Le problème c’est qu’il en sait maintenant trop sur moi, je me suis peut-être un peu trop laissée aller dans l’excitation du moment avec le métro et tout ça… et je ne veux laisser personne piétiner mon intimité. A quoi bon ? Elle me dit que j’ai raison, que personne ne peut comprendre, et je suis bien d’accord. Je ne veux pas de leur pitié, il fallait être là quand on m’a vendu comme du bétail, maintenant c’est trop tard.
Elle me signale qu’il est l’heure de dormir, j’ai bien envie de l’envoyer paître. « Ose donc » qu’elle répond. Non mais quand même… si je ne peux plus me parler tranquillement à moi-même, où va le monde !

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Cher journal,
Je ne sais plus très bien comment ça a commencé, je ne sais même pas comment j’ai pu en arriver là. Tout s’est passé si vite, à peine le temps d’une respiration que je prenais cette décision complètement insensée ! Etrangement, c’était même plutôt la décision de la Voix. Elle est toujours là pour me dire quoi faire et quoi ne pas faire, ce jour là il semblait qu’elle ait décidé qu’il fallait tenter le tout pour le tout…
Mais entrons dans le vif du sujet. Je n’ose l’écrire, pourtant cela s’est passé, j’ai embrassé Enry Stanley. Enfin, pour être tout à fait exacte, il m’a embrassé mais parce que je l’en ai instamment priée, je pense même qu’il considère que j’ai, à cet effet, beaucoup insisté. Je ne sais pas ce qui m’a prise ! C’était à l’évidence une très mauvaise idée que de le persuader de faire ça. Oh, non, journal, ne crois pas que ce soit signe de quoi que ce soit, ceci n’avait pour nous deux qu’un intérêt purement charnel (pour lui) et scientifique (pour moi)… Monsieur Stanley me semblait la proie idéale pour ce genre d’expérience. Je sais que je lui plais – physiquement s’entend – parce qu’il l’a laissé sous entendre à quelques reprises, je sais aussi qu’il est comme moi, il fuit comme la peste les contacts humains et les attaches. Avec lui, aucun risque que ça dérape ! Parce que j’aurais bien entendu pu demander à Gaël mais il m’est déjà très attaché et il aurait pu s’imaginer qu’il y avait plus qu’un simple baiser dans tout ça alors que ce n’est pas le cas… C’est pour ça que j’ai choisi monsieur Stanley et je reste sur mes positions à cet égard, toutefois, je sais aussi que plus jamais je ne laisserais un homme approcher mon intimité de cette manière ! De la même manière, il est strictement hors de question que je reparle avec monsieur Stanley de cet indicent, il doit rester de l’ordre de l’anecdotique !
Tu dois te demander pourquoi je pense ainsi cher journal, mais vois-tu, je me suis sentie m’abandonner quand il m’a embrassé… cela n’a duré que quelques secondes – ou quelques minutes, je n’ai pas la notion du temps qui s’est écoulé – mais cela s’est quand même réellement passé. Je refuse de laisser à quiconque cette emprise sur moi, ce serait donner un pouvoir que je n’accorderais jamais sur mon âme et mon corps. Je m’appartiens et je pensais qu’aucun contact charnel ne pouvait changer ça mais cette certitude vient de s’ébranler… tout en rendant l’expérience des plus fructueuses puisque je sais à quoi m’en tenir maintenant. Cela vaut sûrement mieux que si cela était arrivé par surprise au détour d’un flirt, après tout, c’est ce que font les jeunes de nos jours et j’aurais pu me laisser tenter (l’école ne manque pas de beaux garçons même s’ils peuvent mourir avant que je le leur dise !). Maintenant, je peux veiller à ce que cela n’arrive pas, jamais je ne donnerais ce pouvoir à un homme sur moi, jamais.

Cher journal,
J’ai évité avec grand soin de croiser monsieur Stanley depuis la mésaventure de l’autre fois… toutefois, je doute vraiment qu’il s’en soit rendu compte, il est bien trop centré sur lui-même pour ça. Journal, tu penses que je suis étrangement amère ? C’est que tu ne sais pas encore ce qui m’est arrivé ce matin ! Certes, je me suis un peu calmée après au cours de notre conversation mais rien que d’y repenser, une colère inhabituelle parcourt mes veines, me plongeant dans une très grande perplexité et une non moins grande inquiétude.
Tout a commencé au petit déjeuner, je le prenais (si on veut) tout en lisant un ouvrage consacré aux oiseaux, je me demandais pourquoi les oiseaux chantent, quel signification cela pouvait avoir… est-ce que c’était une forme de communication et, si oui, est-ce qu’il était possible de la décrypter. Tout allait bien jusqu’à ce qu’un jeune homme plus âgé s’empare de ce livre et ne me fasse un horrible chantage : mon livre contre un baiser. Dans un collège rempli d’adolescent bouleversé par les hormones, cela n’a rien d’extraordinaire mais avouez que le procédé a de quoi laisser étonné et un peu dégoûté. Ne désirant pas céder, j’ai manqué de peu de tomber en arrière mais je me suis faites rattraper (en quelque sorte) par monsieur le préfet en chef. J’ai, tout naturellement, quémandé son aide, c’est son rôle après tout, non ? Celui-ci n’a pas du bien comprendre ce qui se passait, à moins qu’il ait pensé que son autorité naturel suffirait (qu’en sais je ?), toujours est-il qu’il a refusé de récupérer le livre pour moi et m’a envoyé tout droit dans les griffes de ce jeune obsédé ! Celui-ci a du penser que c’était sa chance, il l’a en tout cas tenté en essayant de m’embrasser mais avec les visions c’était prévisible et j’ai pu l’éviter… je me demande toutefois si ça ne l’était pas aussi sans les visions ce qui ne ferait qu’aggraver le poids de la faute de monsieur Stanley. En bref, je suis très en colère à ce sujet envers monsieur Stanley. Bien entendu, je ne vais pas le bouder, je n’ai pas quatre ans et nous ne sommes pas dans une cour de maternelle, mais j’ai été profondément déçue par son comportement. J’ai du mal à me l’expliquer moi-même, mais je crois que j’ai voulu pour une fois faire confiance à un homme représentant une autorité et que c’était la déception de trop… En tout cas, pour ce qui est de l’éviter, ça me semble assez compromis pour ce jour puisque les évènements n’ont fait que pousser la conversation vers l’avant… mais je n’ai absolument pas envie de m’y étendre parce que je suis bien trop partagée pour ça. La Voix me dit de toute façon qu’il est grand temps d’éteindre la lumière et de me coucher, elle a sûrement raison (pour une fois), je commence à me sentir bien fatiguée et si je n’en profite pas tout de suite je suis encore bonne pour toute une nuit d’insomnie.

Cher journal,
Peut-être que je me suis fait un ersace d'ami. En effet, j'ai un peu discuté avec Emma Carter aujourd'hui et je dois dire qu'elle me plait bien avec son côté franc et confiant. En fait, elle est tout ce que je ne suis pas et n'ai jamais été, elle est si naturelle que ça me fait presque de la peine pour elle parce que j'ai bien peur qu'un jour elle ne tombe de vraiment très haut. C'est triste de se dire que finalement on ne peut rien pour aider ces gens là, je l'ai prévenu, bien entendu, mais elle ne me croit pas. Enfin, cela m'a quand même fait plaisir de lui parler, surtout qu'elle est parfaitement d'accord avec moi quant à l'attitude de monsieur Stanley.
Ce que j'ai oublié de te dire c'est que c'est à Taliesin que nous avons discuté, cet endroit est réellement très particulier, moins beau que Poudlard, mais rempli de gens qui utilisent leurs dons à tord et à travers au point qu'à la fin de la journée j'avais la tête qui tournait. Mademoiselle Carter a le pouvoir d'invisibilité, mais elle n'en perçoit pas encore toutes les utilités... pour ma part, si mon don pouvait me permettre de sauver des enfants de la maltraitance, je crois que je serais comblée. Mais j'ai encore bien le temps de définir comment mener à bien ce projet... La Voix me dit que je ferais encore tout aussi bien de me trouver un mari et de m'installer bien gentiment parce que sinon je vais avoir encore tout plein de problèmes. C'est bien joli de dire ça ma chère Voix mais as-tu seulement pensée que personne ne voudrait m'épouser de toute façon ? Soit dit en passant, Gaël ne compte pas parce que je te vois déjà venir avec tes gros sabots. Il est vrai que ma mère mettait le mariage et les valeurs familiales tout en haut de sa liste (ce doit être de famille, il parait que ma cousine était comme ça aussi quand elle était à Poudlard) mais le mariage repose sur la confiance et moi je ne fais confiance à personne, encore moins aux hommes, donc ce n'est pas pour moi. En revanche, une belle carrière, voilà qui me correspondrait tout à fait, histoire de leur prouver à tous que ce n'est pas par hasard si je suis à Serdaigle !
Pour en revenir à Taliesin, j'ai donc eu mes premiers cours. Globalement, je maîtrise pas mal mon don, mais il n'est pas assez puissant. J'entends par là qu'il n'est pas entièrement dévellopé donc je ne perçois que des choses insignifiantes... et surtout qui vont se passer dans les secondes qui vont suivre, au mieux les minutes, ce n'est pas très intéressant en soi. Le professeur, Monsieur Gibson, semble plutôt compétent donc j'espère progresser, l'avenir nous le dira. En attendant petit journal, je vais te laisser parce qu’il commence à se faire tard et que si je ne monte pas très vite dans mon dortoir, Monsieur Stanley risque de descendre… et on sait tous ce qui s’est passé la dernière fois. J’aimerais autant que ça ne se reproduise pas.

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Cher journal,
Il commence à faire froid dans le château et les professeurs nous bombardent de devoirs en tout genre, ce n’est peut-être pas si mal au demeurant, je me demande juste si c’est réellement utile puisque la moitié d’entre nous abandonnerons la moitié de leurs matières à un moment ou à un autre. Enfin, je les fais, et mes camarades avec, on a pas trop le choix, du coup je passe pas mal de temps dans la bibliothèque et beaucoup moins dans la salle commune.
En revanche, je dors toujours aussi mal, ce doit être une malédiction qu’on m’a jetée pour que je ne cesse, chaque nuit, de faire autant de cauchemar… Malheureusement, je ne sais pas quoi faire contre ça, alors je me lève toujours assez tôt pour m’occuper puisque je ne trouve pas le sommeil. Ce n’est pas très drôle, mais on y peut rien, je suppose, et au moins le matin il n’y a aucun risque qu’un préfet vienne me trouver, contrairement au soir où ils traînent toujours un peu. Non que cela me dérange lorsqu’il s’agit de mademoiselle Carter, mais ne n’apprécie pas vraiment lorsqu’il s’agit des deux autres. Que voulez-vous, j’ai mes préférences moi aussi, même lorsqu’il s’agit de préfet… alors voilà, je me couche plus tôt, et ainsi je me lève très tôt, vers quatre ou cinq heures du matin, pour descendre faire mes devoirs ou lire dans la salle commune. C’est dans cette situation que j’ai un peu reparlé à Wade Jarvinen d’ailleurs. Le pauvre a bien du mal à comprendre ma situation familiale, il faut dire qu’un père qui vend sa fille à un presque inconnu – aussi riche ce dernier soit-il – c’est assez inédit. Je me demande toujours pourquoi mon père a fait ça, enfin, parce qu’on le lui a proposé c’est sûr, mais à part ça ? Andrew n’a pas vraiment le profil du tuteur idéal, je suis avec lui depuis que j’ai neuf ans, à l’époque il avait seulement 20 ans (je crois que le pauvre atteint les 25, c’est pas beau de vieillir vous savez, il est plus acariâtre de jour en jour), c’est un peu jeune pour se charger d’une enfant qui n’a que dix ans de différence avec lui, vous ne trouvez pas ? Et puis, même s’il est riche, il n’y entend rien, il suffit de voir comment il me demande de m’habiller. Enfin, je veux dire, c’est vrai que je m’en fiche, mais ce n’est pas une raison pour qu’il ne me donne que des robes qui semblent issus d’un autre temps ? D’ailleurs, je crois que ça choque beaucoup Wade… moi beaucoup moins au final, puisque je l’ai dit, je m’en moque, tout ce qui me préoccupe c’est que je ne saisis pas pourquoi Andrew ne vit pas avec son temps. En plus, j’aimerais bien qu’il se mette un peu aux filles, une belle-mère ne me déplairait pas, après tout, je n’ai plus de mère depuis que je suis petite et une présence féminine à mon âge il parait que c’est mieux, en plus je ne suis pas vraiment la fille d’Andrew (je suis plutôt sa bonne œuvre) donc il ne devrait normalement pas y avoir de soucis, et puis, je pourrais avoir un peudo-petit frère ou une pseudo-petite sœur, peut-être que comme ça, je me sentirais mieux… mais vu comme je connais Andrew (qui est plus que bizarre à mon égard), je dirais que là je rêve toute éveillée et la Voix est bien d’accord avec moi !

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Un bal a lieu dans la salle commune à l’occasion d’Halloween… Et j’ai, du coup, pris une décision. Ce soir, je serais la plus belle de toute, la plus sexy aussi. J’ai lu quelque part qu’à Halloween, les filles peuvent s’habiller n’importe comment, tout le monde trouve ça parfaitement sain et normal. Parfait. En ce qui me concerne, je pense que la date ne devrait rien changer, mais si je peux en profiter, tant mieux. Le meilleur c’est que c’est un bal masqué ! Je vais donc me déguiser en nymphe, mon costume est tout prêt, je suis persuadée que je vais faire un malheur dedans ! Il faut dire qu’avec le mal que s’est donné Dorémi pour le coudre, le contraire serait malheureux. Bref, il est l’heure que je me prépare.


La soirée a été un succès, au moins en ce qui me concerne. J’ai bien été obligée de supporter les réflexions de la Voix qui ne cessait de sous-entendre que je m’étais vêtue ainsi pour séduire Enry Stanley (alors là, franchement, je ne vois pas pourquoi elle dit ça !) mais à part ça, j’ai eu mon quart d’heure de gloire. D’accord, d’accord, arrête de me marteler les oreilles toi, c’est vrai, j’ai effectivement parlé avec Enry, c’est même l’une des seules personnes à qui j’ai parlé – Mademoiselle Artanis organisait et même si nous nous parlons un peu, nous sommes loin d’être proche -, cela ne veut pas dire que je m’étais habillée comme ça pour… pour ce à quoi tu penses ! D’ailleurs comment peux-tu penser alors que tu es dans ma tête ? C’est passablement désagréable ! Tais toi maintenant s’il te plaît ! Comment ça non ? Et bien pour la peine j’éteins !

Plus tard

Impossible de dormir, elle me parle sans cesse. Je descendrais bien mais si par malheur je venais à croiser monsieur Stanley, ce serait la fin du monde pour elle. Je ne comprends pas pourquoi elle se montre aussi hargneuse à ce sujet depuis hier, le baiser, c’était son idée à elle, non ? Et d’ailleurs, même si je ne suis plus en froid avec lui depuis quelques temps, nos rapports sont tout ce qu’il y a de plus normaux… ce que je trouve paradoxale nous connaissant. Quand on se croise, on se dit bonjour, on parle vaguement des cours (les miens surtout, je peux difficilement parler des siens, il a deux ans de plus après tout), du temps qu’il fait, je nous trouve très ennuyeux. C’est comme si depuis l’incident du banquet, on évitait sciemment les sujets qui fâchent. A moins que je sois la seule à le faire… Enfin, en tout cas, on se parle, ce qui est éloigné de mon plan initial, mais soyons réaliste, je ne peux pas éviter un garçon qui est de ma maison, dont je dépend directement puisqu’il est préfet et… et je ne sais, que je n’arrive pas à ne pas voir c’est tout. Je suis pourtant très douée pour faire comme si les autres n’étaient pas là, mais lui, je ne sais pas, il a le don de me taper sur les nerfs tout en me donnant envie de lui parler. Peut-être pour lui faire disparaître cette expression désabusée de la figure !

Quoi, tu n’es pas contente que j’écrive à son sujet ? Et bah arrête de m’en parler et laisse moi dormir, idiote !

J’aimerais vraiment pouvoir être comme tous les autres, pleine de joie à l’idée que les fêtes de noël approche… mais noël est une fête de famille et moi, je ne suis pas vraiment très famille justement, pour tout dire, je n’ai même plus vraiment de personne digne de ce nom. En Angleterre j’ai bien ma cousine germaine Dawn Kostovak ainsi que son frère Damian mais on n’a jamais échangé deux mots ensemble, je ne les connais pas, eux non plus, tout semble très bien comme ça. Pour ce qui est de mon père, ce n’est même pas la peine d’en parler, pour moi il n’existe plus… enfin, c’est ce que j’aimerais pouvoir dire, disons plutôt que je fais comme si. C’est toujours ça, cela me préserve…

Si je pense à tout ça, c’est parce que nous en parlions ce matin avec monsieur Stanley alors que nous nous croisions. Je venais de finir de manger quand il est arrivé, il s’est installé à côté de moi, je suis restée un peu plus puisque je l’avais salué et que nous avons commencé à parler. Parler est un bien grand mot, on a échangé quelques mots, puis comme une de mes camarades me demandait avec qui j’allais au bal (ce à quoi j’ai répondu que j’y allais avec Damon bien évidemment), nous nous sommes mis à parler des fêtes en règle général avec mon voisin. Je lui ai confié, très étourdiment, que je ne rentrais pas chez moi pour les vacances parce que je n’avais pas très envie de voir mon tuteur. Lui bien entendu aurait aimé que je rentre, mais je le vois assez comme ça l’été. Je réponds à ses lettres, il devrait s’en estimer heureux…

Je suis méchante. Andrew est peut-être la seule personne sur cette terre qui m’aime vraiment un petit peu, je ne peux pas remettre cet amour en doute puisqu’il m’a recueilli quand plus personne ne voulait de moi, et pourtant, mon instinct me pousse à le fuir, toujours, à m’en méfier aussi. Peut-être à cause de ces robes démodés qu’il me fait porter… Pas plus tard que la semaine dernière, un petit première année de chez Poufsouffle est venu m’agresser parce que mon look est totalement déphasé ! Cela ne m’a pas vraiment vexé mais objectivement cela m’handicape socialement presque plus que le fait d’entendre des voix. Les apparences, il n’y a que ça qui compte chez l’être humain, cette créature est très superficielle sais-tu ?

Pour en revenir à ma conversation de ce matin, s’il ignorait que je fus orpheline, il le sait maintenant. Je songe éviter d’aborder de nouveau ce genre de sujet à l’avenir… Etrangement, d’habitude ça ne me dérange pas d’en parler, ce n’est pas un secret après tout que mon père m’a vendu pour racheter les parts perdus de sa société, c’est quelque chose qui faisait les ragots les plus gras de la bonne société russe autrefois… mais avec monsieur Stanley, cela me gêne, je ne sais pas pourquoi, peut-être à cause de l’incident de la dernière fois… ou du baiser… qu’en sais-je ? En tout cas, je n’ai pas envie qu’il voit en moi un objet offert au plus offrant, alors je vais faire plus attention à ce que je raconte dans nos conversations futures. Si je change d’avis un jour, il sera bien temps de lui confier les bizarreries de mon enfance, que ce soit aujourd’hui, demain ou dans dix ans, mon passé ne changera pas. Dommage.

Les cours ont repris, le bal de noël est passé, tout ceci fut vraiment… et bien, comment le dire… ennuyeux ? Clairement ces vacances n’étaient pas les plus intéressantes que j’ai connu, maintenant, je déteste les vacances, c’est toujours synonyme d’ennui, je préfère nettement les cours, au moins là, ma vie est réglé comme du papier à musique ! Néanmoins, le bal a été convivial. Damon fait un piètre cavalier quand il s’agit de danser, mais il est toujours d’une compagnie agréable, à défaut de véritablement intéressante. Il n’y a pas de débat avec Damon vous comprenez, même s’il n’est pas d’accord avec moi, il y a peu de chance pour qu’il le fasse savoir et si, le cas échéant, il juge utile ou préférable de le faire, ce sera stérile car il ne cherchera pas la confrontation. C’est exactement pour ça que je l’apprécie, il est aussi mesuré que moi, mais dans un registre différent. Toutefois, si cela m’a permis de me divertir une soirée, Gaël et lui n’ont pas réussi à égayer mes vacances d’hiver sur la durée. Je trouve Gaël très fatiguant d’ailleurs ces derniers temps, il me pose beaucoup de questions, il trouve que j’ai changé… Je n’ai pas changé ! Il est vrai que je me suis fait quelques connaissances féminines dernièrement, en plus de Mademoiselle Carter je veux dire, mais c’est seulement parce que je n’aime pas être seule. Gaël et Damon ne peuvent pas être tout le temps avec moi alors qu’ils sont deux et que ce sont des garçons, plus je vieillis plus je me rends compte que le jeu social nécessite des contacts avec ses semblables… dans le sens du genre. Il faut des jeunes filles de mon âge (ou presque) dans mon paysage, sinon je ne pourrais pas multiplier les expériences comme je le désire. Ce n’est nullement le signe d’un changement, uniquement celui d’un plan de bataille bien établi. Ainsi, qu’il le veuille ou non, Mademoiselle Levine et Mademoiselle Watters sont désormais de la partie qui se joue sur mon échiquier personnelle.

Quoi qu’il en soit, je ne suis qu’une lâche, j’ai bien trop peur d’être seul pour fuir ceux que je hais, une fois confrontée à cette évidence, je n’ai plus qu’à jouer le jeu… en essayant tout de même de trier. Même dans le mauvais grain, il y en a qui ne germent pas.

Voilà longtemps que je n’ai pas écrit dans mon journal. Il est vrai que ce qui se passe dans ma vie dernièrement tient plus de la vieille balade que du morceau de rock déchaîné. Je passe beaucoup de temps avec mes nouveaux et mes anciens amis, à quelque chose près, j’irais jusqu’à dire qu’il n’y a même aucune raison pour que j’écrive aujourd’hui dans mon journal. J’ai pourtant ressenti le besoin de le faire.

Depuis quelques temps et de manière de plus en plus fréquente, je déjeune avec monsieur Stanley… à tel point que j’ai même commencé à l’appeler par son prénom, chose que, tu le sais, je réserve uniquement à mon entourage. Je ne comprends pas comment le hasard peut faire en sorte que nous arrivions toujours à manger à la même heure, en un sens, cela me semble presque aberrant, toutefois, c’est ainsi, nous arrivons à nous trouver dans la grande salle pile au même instant, alors, bien entendu, nous mangeons ensemble. Il arrive que nous ne parlions pas vraiment, comme il arrive aussi que nous ayons de longues conversations, j’ai l’impression que cela dépend beaucoup de nos humeurs respectives. Les sujets que nous abordons sont en général assez simple et ne touche jamais à rien qui puisse être considéré comme trop personnel. Il m’est arrivé de lui parler de mes amis, de Damon, Gaël, Tosca ou Eva-Rose, mais jamais d’Andrew ou de mon père. Je lui ai avoué aussi que c’était Dorémi, mon elfe de maison, qui cousait mes vêtements et que je n’avais jamais fait les boutiques de toute ma vie ! Et que cela ne me manquait pas par ailleurs puisque je n’apprécie pas la foule… Cela ne va jamais plus loin, et il ne me parle pas beaucoup de lui non plus, pourtant j’ai l’impression de le comprendre, sans qu’il ait besoin de s’exprimer avec des mots. Je sens dans son regard quand il est content (au demeurant, je trouve qu’il l’est peu souvent) ou quand il est ennuyé, je sens aussi quand il me trouve joli, et cela flatte passablement mon ego, je dois bien l’avouer. Je ne suis pourtant pas très portée sur les apparences, mais quand c’est lui, c’est différent… et je le sais comme une intuition très forte. Il est spécial, à mes yeux mais pas seulement. Je crois qu’il a lui aussi été blessé et qu’il me comprend comme je le comprend, et ça me fait peur, parce que personne n’a jamais vu en moi autre chose que ce que je voulais bien laisser paraître… même Damon, que je considère pourtant comme la personne la plus proche de moi dans cet univers, n’a jamais vu derrière mon masque. Alors j’ai peur, mais en même temps, je sais que les fois où j’entre dans la grande salle le matin et que je ne le vois pas, je me sens triste. Et c’est mal, cela veut dire que quelque part je m’attache, alors que je sais pertinemment qu’il n’est pas digne de confiance. Je me souviens encore parfaitement de ce qui s’est passé en début d’année ! Mais le mal est fait, je crois que nous sommes amis, pour ce que ça a comme valeur, et que c’est un peu tard pour reculer. Je suis lucide, le précipice est bien plus profond que ça, mes camarades de dortoir appellerait ce que je ressens « un béguin », moi j’appelle ça un poison. Question de terminologie. Mais elles auraient raison si on s’en tient à une stricte définition de la chose, heureusement, personne n’en sait rien, et je ne compte pas en parler à quiconque ! Comme voir deux solitaires se mettre l’un à côté de l’autre pour manger (ou faire comme si, parfois j’oublie de manger) ça ne choque personne, ça semble même étrangement normal de ma part, même Gaël n’a encore rien remarqué de suspect. Tant que cela reste entre la Voix, toi et moi, je pense que je peux encore m’en sortir, un béguin peut rester en l’état indéfiniment, je connais même des filles qui en ont un par semaine et qui vivent très bien comme ça. Je me laisse seulement contaminer parce qu’il est mon premier baiser, et parce qu’il est vaguement gentil (très très vaguement) avec moi, ce n’est rien du tout, juste une illusion de l’adolescence. Cela va me passer, ça doit me passer… mais… et si ça ne passe pas ?

Cher journal,
J’ai encore laissé passer des mois avant de te rouvrir. Ma mauvaise conscience m’empêchait de t’écrire des mensonges et il m’était probablement trop difficile de me mentir à moi-même. Pour faire simple, ça ne m’est pas passé, bien au contraire, cela n’a fait qu’augmenter. Aujourd’hui, j’ai fais la paix avec moi-même car j’ai décidé d’accepter ce que je ressens pour Enry, quand bien même cela me fût difficile pour les raisons que l’on sait et qu’il faille surtout que mon tuteur, Andrew, n’en sache rien.

Il se trouve que j’ai eu une révélation ce midi en recevant une lettre de lui. Il m’y donnait rendez-vous, idée fort saugrenue je dois bien le dire. Nous avions bien parlé en juin de nous voir pendant les vacances mais il me semblait évident que c’était des paroles en l’air. Je veux dire par là que c’est tout à fait le genre de chose dont je parle avec Damon et que je ne fais presque jamais. De plus, la formulation de la lettre laissait entendre que c’était un peu plus qu’une rencontre estivale entre amis… je ne saurais dire pourquoi, mais j’avais l’impression qu’entre les lignes je voyais tout le papier qu’il avait utilisé pour ses brouillons avant d’écrire le jet final. Cette révélation m’a bien sûr perturbé, car j’ai réalisé du même coup que non seulement quelque part cela me faisait plaisir mais aussi que j’avais été triste sans lui, qu’il m’avait manqué. Pas au point de me faire changer ou de perturber mes habitudes, mais comme une idée lancinantes que j’avais parfois avant de me coucher sans même m’en rendre compte. J’avais envie de le voir, de lui parler, même si pour être honnête, je ne sais ce que j’aimerais lui dire.

En quête de réponse, j’ai été trouver Tosca. Comme elle est plus dégourdie (et normale ?) que moi, je me suis dit qu’elle saurait sûrement me conseiller. Qui plus est, j’étais intimement persuadée qu’il se passait quelque chose entre elle et ce jeune garçon de ma maison qu’elle voit souvent… mais je me suis trompée. Ce qui n’a pas empêché que de discuter avec elle m’a permis d’y voir clair. Je dois me déclarer. Pas une déclaration d’amour, ce n’est pas de ça qu’il s’agit, enfin, je suppose que c’est ce qu’il y a de plus proche, mais je ne saurais pas dire ce genre de mots, ils me font peur… disons juste exprimer mon envie d’être avec lui. Cela devrait suffire, mais je ne vois pas comme formuler ce genre de chose, cela dit, j’ai encore quelques jours pour y penser et me connaissant, je ferais aussi bien d’y aller franchement. Je te raconterais ensuite comment ce se sera passé, je suis certaine que ce sera positif dans le sens où je ne crains pas vraiment de me repousser, mais je peux dire adieu à mes belles résolutions de ne laisser personne approcher… Cela dit, je ne peux pas faire autrement. Finir malheureuse sans rien y faire n’est pas envisageable, ce serait du masochisme.

Allez, je vais me coucher, et surtout te cacher… Andrew ne doit rien savoir de tout ça.