Trop chaud dehors... [PV Apophis Sykes]

Lola entendit le 2, elle entendit le 3, mais comme enrubannés dans un épais coton qui lui bouchait les oreilles. A l'extrême opposé d'Apophis, Lola n'avait qu'une envie et qu'un but: vider son esprit, le vider totalement pour ne laisser dedans que sa victoire désirée. Elle voulait gagner, elle allait gagner. Il n'était pas nécéssaire de s'encombrer le cerveau de quelques souvenirs inutiles. Elle n'avait pas grandi avec un père fin duelliste mais avec un géniteur Moldu directeur d'une firme internationale. Son entraînement de combat sorcier, elle l'avait reçu, appris, endurci ici. Au Ministère.

Et cela remontait certainement à moins longtemps qu'Apophis. Avantage ou inconvénient? La suite de leur petit duel "amical" le lui dirait.

Un pas en avant, c'était le protocole. Un pas lourd et ciselé au millimètre qu'elle effectua en changeant donc évidemment la portée de sa baguette. Il y avait quelque chose de magistral dans les gestes de Lola, une tranquillité solennelle qu'elle voulait absolument montrer en respirant pleinement, calmement. Sa jambe gauche était désormais son point d'appui majeur. Elle était droitière.

Elle ne tenait pas à donner de coup la première. Elle voulait voir de quoi Apophis était capable pour commencer, et ainsi être prête à riposter face à n'importe quel sortilège. La mine sérieuse et presque rebutée, tenant sa baguette fermement, à bout de bras, Lola nota l'apparente rêverie de Sykes qui semblait réfléchir et penser plus que de mesure. Il perdrait. C'était déjà certain.

Cependant, Apophis sortit extrêmement vite de ses pensées, au moment même, ou presque, où le "3" effrayant avait passé ses lèvres grasses. Le mouvement fut véloce et le sort fusa vers elle à la vitesse d'une fusée. Vite!

- " PROTEGO!" cria Lola, peut-être un peu tard, relevant sa baguette sur sa poitrine.

Elle bondit sur le côté, mais le sortilège d'entrave frôla sa hanche avant de rebondir sur sa protection magique et de se perdre dans le plafond. Lola ne réfléchit pas vraiment à ce qu'elle lancerait par la suite, si elle voulait attaquer, aveugler, gêner Apophis... Ses mouvements seraient plus lâches lorsqu'elle voudrait se déplacer - fo*tu Impedimenta! - il ne fallait pas l'oublier... Mais elle était encore en pleine possession de ses bras, et sa main effectua un large moulinet tandis qu'un sortilège rouge fonçait de sa baguette vers Apophis.

- " TARENTALLEGRA!"

*Tarentallegra. Bravo, Lola, c'est comme ça que tu vas gagner. En le faisant danser, bien sûr!*

Agacée par son manque de discernement quant au choix de son sort, Lola profita de cet instant pour s'avancer de quelques pas vers le centre de l'estrade, évitant ainsi un moment délicat où il lui faudrait bouger ce bassin handicapé par Apophis.

Apophis Sykes serra les dents sur un visage remplit de rage. Son sort venait d'échoué ! Il n'avait fait qu'effleurer la jeune femme car elle avait su se protéger à temps. Cependant, malgré que le sort ne sembla produire aucun effet, la demoiselle lui apparut gênée par quelque chose. Le regard de l'Auror s'attarda sur elle tandis qu'un long sourire se dessinait sur ses lèvres. Il avait fait mouche ! Elle était touchée au bassin !

Poussant un cri de jubilation, il se prépara pour son prochain sort, prêt à lui en faire baver plus que de raison.
Il chercha rapidement dans sa mémoire, voir lequel serait le plus horrible, le plus handicapant, le plus amusant à faire et, dans sa fouille surexcitée, il ne remarqua pas que la jeune femme venait de réarmer et s'apprêtait à tirer.

Il n'avait pas été assez vif et avait cru que sa proie serait bien plus entravée. Il l'avait mal jugée et sous-estimée et, à présent, il allait s'en mordre les doigts.

L'éclair rouge et fulgurant fusa vers lui à la vitesse de la lumière et il ne le vit pas venir. Tâchant de l'éviter, il lança un bref "protégo !" de dernier secours mais ne fut pas assez rapide...

Le sort le percuta de plein fouet avant qu'il n'ait le temps de finir son incantation. Projeté en arrière, frappé par la surprise, il retrouva sur ses fesses.

Poussant un léger sifflement de douleur, il tâcha de se redresser, portant une main à sa cuisse endolorie. Se rendant compte alors de ce qui se produisait chez lui, il se força à rester assis et à ne plus bouger.

Plus bouger ? C'était vite dit ! Déjà ses jambes commençaient à remuer, entraînant le reste de son corps dans une gigue ridicule comme s'il eut été un prodigieux danseur irlandais. Ses bras tachaient de suivre le mouvement tandis que son corps ne pouvait résister, cherchant à se décoler du sol.

"Non...", murmura-t-il entre ses dents, et il mit tout son poids dans ses cuisses, tâchant de rester assis.

Tendant un regard venimeux et assassin à Lola, il se mit alors à plat ventre tout en cherchant à contrôler ses mouvements frénétiques. On aurait dit un petit ver se tortillant dans tous les sens. Apophis était prodigieusement ridicule... et il le savait !

"Maudite femelle !!" Persifla-t-il de sa voix mauvaise tandis que son esprit énumérait les différents sorts qu'ils connaissaient.

Il s'applatit alors davantage contre le sol, cherchant à ne faire plus qu'un avec lui. Calant ses coudes sur le parquet luisant tandis que ses jambes gigottaient sans relâche derrière lui, il prit sa baguette à deux mains et la pointa sur la jeune femme -priant pour que celle-ci n'ait pas de si bons réflexes que cela.

Serrant les dents, ralentit par ses membres, il se concentra au maximum -une ride soucieuse parcourant son front déjà luisant de sueur.
S'accrochant comme il put, il cadra enfin sa baguette et hurla d'une voix tonitruante :

"LEVICORPUS !!".

Un jet de lumière brillante s'échappa de la baguette de l'Auror dissimulant à peine son sourire triomphant...

Ses quelques pas vers le centre de l'estrade lui firent prendre un meilleur point de vue pour admirer Apophis qui se prenait le Tarentallegra de plein fouet. Lola eut une exclamation satisfaite et hilare, massant distraitement sa hanche droite dans l'espoir d'atténuer cet engourdissement gênant. Les yeux plissés, baissant sa baguette pour profiter du début à la fin de ce spectacle délicieusement drôle, Lola s'arrêta aux trois quart de l'espace de duel, campée sur ses deux jambes écartées.

Apophis dansait littéralement, déséquilibré par ses jambes folles qui prenaient le pas dangereux d'une gigue à l'envers. Eclatant d'un rire peu charitable, Lola l'observa sans rien faire - alors qu'elle en aurait eu l'occasion! - délibérément voûtée pour accentuer la gêne cuisante d'Apophis.

Celui-ci s'était laissé tomber à terre, et plaquait son corps sur le sol pour tenter de calmer l'élan dansant de ses jambes aériennes. Sa gorge la brûlant de trop rire, Lola s'exclama:

- " Bah alors, mon gros? Pas habitué à danser?! Tu sais que t'es vraiment mignon, comme ça?!"

Oooooh, oui, c'était animalement satisfaisant de voir Apophis Sykes se tordre à ses pieds, comme un grotesque et pantelant ver de terre sorti de son auguste cachette. Amusée par les insultes rageuses de son adversaire, Lola baissa sa garde en même temps que sa baguette, agitée encore et toujours par son rictus trop sonore.

"LEVICORPUS !!"

A peine le temps de marmonner "Hein quoi?" de relever d'un milimètre sa baguette que Lola était touchée par le sortilège sans avoir même eu le temps de songer "Protego". Sa dernière vision coordonnée fut celle d'Apophis, encore au sol, encore remué, qui tenait à bout de bras sa baguette et lui lèguait ainsi une bonne puissance.

Puis tout se retourna et elle fut saisi à la cheville par une force invisible qui la tira violemment en hauteur. Retournée, lâchant un cri de surprise, Lola faillit lâcher sa baguette qu'elle rattrapa de justesse, vraiment du bout des doigts.

Suspendue dans les airs telle la pauvre poupée de chiffon aux prises avec une petite fille exigente, par une jambe seulement et l'autre retombant pliée en avant, Lola s'empêtra dans son haut qui retombait et ses cheveux qui s'emmêlaient. Se battant avec une foison rousse et un tissu trop fragile, Lola tendit sa baguette à l'aveuglette, et visiblement paniqué, cria plusieurs fois:

- " EXPELLIARMUS! AMPLIFICATUM! RICTUSEMPRA! CONFUNDO! CONJUNCTIVA!"

Sans savoir si au moins un seul de ses sortilèges se dirigeait véritablement vers sa cible, Lola sentit une curieuse nausée l'envahir. Avoir la tête en bas, ce n'était absolument pas son fort, et tandis qu'elle baissait rageusement son haut sur son nombril à nu, elle tenta de ressortir le visage de ses cheveux désormais détachés.

- " LAISSEZ MOI DESCENDRE, SYKES!" hurla-t-elle bêtement.

"LAISSEZ MOI DESCENDRE, SYKES!".

Sykes explosa d'un rire tonitruant, glacial et sinistre. Il emplit la salle comme un grondement féroce et décharné, machiavélique et mauvais.
S'élevant dans les aigus à mesure qu'il montait dans la démence, Apophis prenait un plaisir extrême à voir son adversaire suspendu par un pied au plafond. Elle avait l'air si gourde à tâcher de remettre son haut correctement, ses cheveux brouillant à présent totalement sa vue.

La petite gigue que l'Auror blond dansait commença à s'effacer lentement et progressivement. Alors que Jalyn avait essayé de lancer des sorts à tout bout de champ dans l'espoir de le toucher, il avait réussi à se redresser, évitant par la même occasion d'être frappé par un conjonctiva. Le rictussempra n'était pas passé loin, éfleurant dans un souffle des cheveux blonds, tranchant quelques mèches rebelles au passage...

L'Auror laissa échapper un dernier cri bestial et satanique puis, levant ses mains en signe de prière des deux côtés de son corps, il s'éleva lentement dans les airs.
S'approchant de Lola, son visage ne se tenant plus qu'à quelques centimètres du sien, il la considéra un instant ses traits tordus par un tout nouveau sourire. Ses yeux de crystal brillaient de convoitise, allumant une flamme étrange et vorace dans le creux de sa pupille.

"Alors ? Murmura-t-il quel effet ça te fait de te retrouver à ma merci ?...".

Il se rapprocha d'elle encore un peu plus et posa une main sur son visage, l'éfleurant délicatement de ses doigts ciselés tandis qu'il l'admirait, la tête penchée de côté.
Son regard fut, pour un moment, plongé dans un rêve. Il était comme happé par sa beauté, par ses traits tellement féminin. Apophis Sykes redevenait complètement démuni, arborant alors les allures et les expressions d'un enfant de dix ans impuissant face à la grâce d'une femme...

Soudain, un sourire dément vint à éclater sur ce visage si doux et contemplatif, brisant le charme que Lola avait opéré sur lui. Les yeux du monstre reprirent de leur éclats étrange et métallique et il s'éloigna lentement d'elle, les bras légèrement écartés.

"Maintenant, passons aux choses sérieuses !".

Il redescendit lentement sans cesser de la fixer, ses grands yeux gris et bleus vissés sur sa personne.
Une fois que ses pieds eurent touchés terre, il arma à nouveau son bras, levant sa baguette au-dessus de sa tête comme un fin épéiste. Mais cette dernière n'était pas pointée sur la jeune femme mais plutôt vers le ciel...

"AVIS INCANDESCENTIS !!!", hurla-t-il.

Une vive et éclatante lumière jaillit de sa baguette et se propulsa vers le ciel à la vitesse de la lumière. Elle redescendit bien rapidement comme un éclair puissant et explosa au-dessus de la tête de l'Auror en une pluie d'étincelles scintillantes.

Les mains d'Apophis étaient levées vers le ciel comme s'il commandait à la foudre ou à un dieu ancien à jamais disparu. Rapidement, les éclats de flammes vinrent à les nimber, s'enroulant le long de ses poignets, gagnant ses avant-bras, dévorant ses vêtements, sa chair.

Un feu brûlant et vif englobait totalement l'extrêmité de ses bras, fumant comme de la lave en fusion, donant au teint d'Apophis un éclat rougeôyant et menaçant.

Il tendit un dernier sourire à Lola puis lança son bras droit en avant suivi de son gauche dans une extraordinaire poussée. Ce sort l'avait également forcé à lâcher sa baguette qui se trouvait à présent à ses pieds.

"ALLEZ !!", glapit-il et, dans ce même mouvement, des oiseaux de flammes jaillirent de ses bras, fusant droit vers Lola dans des piallements déchirants de bêtes prêtes à détruire.

"CRRRRREEEEEEEVVVVEEEEEEE !!!!! YYYYYYYYAAAAAAAHAHAHAHAHAHAHAHAAAAAAAAAAA !!!!!!!!!!!!!!!!!".

Sa position commençait à être douloureuse. Sa jambe était trop durement tirée, et Lola avait sèchement calmé ses abdominaux quand elle avait abandonné toute tentative de se redresser. Seulement à présent, le poids de son corps fonçait vers le sol et procurait à sa jambe entravée une sensation d'écartèlement.

Soufflant pour chasser les mèches de ses cheveux qui stagnaient devant ses yeux lagon, Lola ne vit pas tout de suite qu'Apophis s'élevait à sa hauteur, le sourire aux lèvres. Ses doigts se resserrèrent instinctivement sur sa baguette alors que l'ignoble blondinet s'arrêtait juste devant son visage qu'il contemplait comme un de ces tableaux coûteux que l'on exposait dans les musées les plus sublimes. Ses traits se creusèrent dans le dégoût alors qu'elle relevait l'instrument magique un peu plus haut, mais ni l'une, ni l'autre des deux actions sembla repousser Apophis.

Qu'il était bête... Merlin qu'il était stupide et irréfléchi! Voila qu'il lui laissait bien volontiers des secondes pour se préparer - des minutes, même, car Apophis était perdu dans le vert de ses yeux mauvais. Puisqu'il ne semblait pas pressé, elle avait absolument tout son temps pour concentrer un sort un peu plus puissant qu'un minable Tarentallegra...

Oh, oui, et elle avait déjà une idée... Un petit maléfice très simple dans l'ensemble mais qui mettait un temps fou à se préparer... et justement, elle possédait ce laps de concentration suffisante, et déjà elle marmonnait dans sa barbe sans plus se soucier d'Apophis qui déposait au creu de sa joue sa main graisseuse. Il ne fallait pas qu'elle perde de vue son but, et ce même si elle était suspendue à l'envers à quelques mètres du sol.

"Maintenant, passons aux choses sérieuses !" disait son adversaire en redescendant déjà, mais elle ne l'écouta pas; sa baguette commençait à frémir.

Les yeux de Lola étaient perdus dans le vague, sa bouche remuait au rythme de ses mots que l'on entendait à peine dans la salle si vaste. Aphophis l'avait-il vu? Son poignet effectuait de curieux mouvements circulaires, ce poignet qui tenait la baguette comme l'on éléverait la torche.

"AVIS INCANDESCENTIS !!!"

Si Lola n'avait pas été aussi obnubilée par la préparation de son sort, elle en aurait certainement sursauté. Elle ne connaissait pas l'Avis Incandescentis, mais devinait les effets à la latinisation barbare des deux termes hurlés. Apophis désignait le ciel de sa baguette enluminée, et alors Lola comprit qu'elle avait eu raison quant au sortilège du blond hystérique. Approximativement: Incandescentis, le feu, Avis, Avis comme ce petit sort tout bête, Avis, les oiseaux. Les oiseaux de feu...

Son ventre de nouveau à nu - puisque Lola n'y faisait plus attention - palpitait sous sa respiration saccadée et une soudaine appréhension. Aurait-elle le temps, finalement? Il fallait rester concentrée, allez, elle avait le temps, elle avait le temps...

Ses yeux s'arrondirent malgré sa promesse de se tenir tendue. Les étincelles brûlantes qui avaient surgi de la baguette d'Apophis s'enroulaient à présent autour des bras masculins, comme d'affreux gantelets luminescents sous le sourire satisfait de Sykes. Elle allait bientôt pouvoir lancer son sort...

Apophis allait attaquer! Il allait attaquer sans aucune pitié pour elle! Et sous cette horrible pensée, Lola sentit son estomac chavirer près de ses côtes, accentuant cette nausée qui ne voulait plus la quitter. Son coeur rata un battement alors que ses yeux écarquillés tombaient sur la baguette d'Apophis, au sol. Il l'avait laissé choir bêtement...

Les rouages de son cerveau sifflèrent à ses oreilles tant ils furent rapides à se remettre en marche. Premier choix: elle abandonnait son sort si durement canalisé et s'offrait une protection bancale contre l'horrible attaque d'Apophis. Second choix, elle laissait les oiseaux de feu la couvrir et lançait son sort malgré les brûlures - ce qui était en soi dangereux et tout à fait inégal. Troisième et dernier choix, celui qui s'imposa ultime dans son esprit en déroute, elle conservait tout ce qu'elle pouvait de concentration sur son sortilège mystérieux qui enflait dans sa baguette, mais lançait un Accio vers celle d'Apophis avant qu'il ne se décide à l'attaquer. Elle passerait l'énergie de son sort de sa baguette à celle d'Apophis - tant pis si elle ne convenait pas... de toute façon, il n'y avait que ça à faire - et se protègerait du feu comme elle le pourrait. Puis....

"ALLEZ !!" hurla Apophis en même temps qu'elle s'égosillait: "ACCIO!"

Lola eut un instant peur qu'en se servant de sa baguette, elle neutralise les effets de sa concentration, mais il n'en était rien. Elle sentait sous ses doigts la puissance du sortilège inconnu alors que la baguette d'Apophis volait vers elle en même temps que les oiseaux mortels. Tout allait se passer si vite... Tellement vite... Trop vite... L'excitation et l'adrénalise noyait tous les sens de la rousse qui ne voyait plus que ce plan étrange et cette baguette qui ne se dirigeait pas assez vite vers elle. Lola se l'avoua sur un sourire désabusé: elle avait peur. Peur de la situation, de l'issue du duel, de la douleur et de ce personnage complètement fou qu'était devenu Apophis.

Les doigts de sa main gauche se refermèrent sur la baguette étrangère mais les oiseaux étaient trop près. Désabusée, Lola hurla tout de même en levant le poing:

- " Aguamentimurus!"

L'eau jaillit de sa baguette comme une gigantesque fontaine, et quelques éclaboussures éteignirent les oiseaux incandescents. L'aguamenti modifié forma un mur circulaire tout autour d'elle, pas assez rapidement, cependant, pour empêcher tous les oiseaux de pénétrer dans sa cachette. Les autres se heurtèrent au mur d'eau sans la toucher; bientôt Lola disparaissait derrière le rideau bleué, et l'on ne vit plus d'elle que quelques tâches de couleur. Le bruit de l'eau qui clapotait empêcha Apophis d'entendre ses gémissements de douleur losqu'un Avis brûla sur toute la longueur ses poignets et son cou; et quelque part, elle en fut gênée. S'il ne l'entendait pas souffrir, alors sa vengeance n'apparaîtrait pas entière... Tant pis.

Soufflant, à l'envers derrière son mur d'eau, Lola songea à s'offrir d'elle même le contre-sort au Levicorpus, mais elle renonça. Son sort - ce maléfice tellement jouissif, ce maléfice puissant qui lorsqu'il touchait sa cible, la faisait sauter, rebondir, la malmenait à chaque fois qu'elle retouchait le sol, ce maléfice qui provoquait une étrange douleur en tordant les membres de son adversaire - était prêt à être lancé.

Lola hurla la formule du sort, mais l'eau empêchait la propagation des sons, et ce fut au dernier moment, quand un grand trait de lumière rose traversa le mur de protection, qu'Apophis put se rendre compte que Lola contre attaquait. Et lui qui n'avait plus de baguette, c'était terrible...

Comble de puissance, le sort en se dirigeant vers Apophis produisait des sortes d'ondes violettes... Lola y avait mis toute sa volonté.

Apophis continuait d'hurler de rire ; un rire mauvais, puissant presque inhumain, tourné vers le ciel et son immensité.
Dans toute sa magnifique démence il n'avait pas remarqué qu'un sort s'apprêtait à être lancé contre lui, ni même que la jeune femme avait sû se protéger de ses oiseaux de feu.

Ce n'est que plus tard, lorsque la brillante lumière jaillit de la baguette de la jeune femme pour se propulser vers lui, qu'il la remarqua du coin de l'oeil. Son rire s'achevant immédiatement, son sourire mourrant sur ses lèvres, les muscles de ses membres raidis par la folie se détendirent peu à peu.

Le visage du jeune homme devint blème. Il jeta un bref regard à sa main droit et comprit ainsi qu'il n'avait plus de baguette.
Il voulut tourner ses pupilles vers Jalyn mais le sort fut plus rapide que lui !

Dans un éclair rose et pourpre particulièrement fulgurant il le frappa de plein fouet et en pleine poitrine. De petits éclairs mauves parcoururent l'étendu de son corps, se répercutant sur ses mains, sur ses pieds, à toutes ses extrémités.

Apophis se raidit brusquement comme s'il était traversé par une vive décharge électrique. D'ailleurs, l'espace d'un bref instant, l'on vit le dessin de ses os ressortir, lumineux et rose sur la masse noire qu'était devenue sa chair.

Apophis resta un instant immobile, pensant que c'était là le seul effet du sort de Jalyn. Sa peau et son visage étaient noircis, couverts de suie. Seuls ses yeux bleus de crystal tranchaient cruellement avec cette couleur grise... Ses cheveux blonds étaient brûlés aux pointes et dressés drus sur sa tête.

Sykes esquissa un sourire idiot et s'apprêta à s'écraser sur le sol... Mais, il n'eut même pas le temps de se laisser porter par l'inconscience que, déjà, une poigne fulgurante s'emparait de son corps pour le propulser en arrrière.

Les yeux de l'Auror s'écarquillèrent et il se dit qu'il tenterait quelque chose une fois retombé sur le sol. Mais il n'eut malheureusement pas cette initiative...
La même force bestiale se saisit de lui avant même qu'il ne touche le sol et le projeta de côté.

Le corps meurtri de Sykes rencontra alors la dureté du mur sur sa droite. Il poussa un léger gémissement juste avant d'être secoué et envoyé dans les airs.

C'était comme si un géant cruel s'amusait avec sa carcasse ! Le laissant retomber par terre pour l'envoyer jusqu'au cieux la minute d'après... Le faisant s'écraser contre les murs ou s'exploser contre le plafond, sans égard aucun pour sa survie et sa santé.

l'Auror Sykes retomba une nouvelle fois contre le mur et poussa un hurlement déchirant. Un craquement répugnant s'était fait entendre et une brutale douleur avait alors emplit son bras, le raidissant sur le champ.

Mais le sort ne s'arrêta pas là ! Sans aucune pitié, il le jeta contre l'estrade. Son dos percuat violemment le coin de cette dernière et l'Auror poussa un petit gémissement étouffé.

Tâchant de s'y accrocher de son unique bras, de la sueur se mêlant bientôt au sang qui dégoulinait de ses narines il sentit ses membres se raidirent brusquement, l'empêchant de faire le moindre mouvement.

Le visage de Sykes se tordit en une ultime grimace de souffrance. Son esprit, malgré les limbes de douleur qui l'anesthésiait, projeta une dernière idée : il fallait qu'il tue Jalyn ! Il le fallait !

Il se raccrocha à cette pensée et serra les dents tandis qu'il était peu à peu levé vers les airs à une vitesse vertigineuse.
Du coin de l'oeil, il vit que son sortilège de lévitacorpus venait de s'achever. Il laissa la jeune fille retomber lourdement sur le sol tandis qu'il montait, toujours plus haut.

Il s'arrêta brusquement à mi-hauteur du sol puis, dans une poussée extraordinaire, il fonça vers le sol, retombant vers l'estrade.
Apophis ne put retenir un cri de terreur. Il filait droit vers la terre, à une vitesse que même une chute ne pouvait produire. C'était un peu comme si on cherchait volontairement à le faire s'écraser sur le sol.

Apophis ferma brusquement les yeux tandis que son corps s'écrasait comme un avion en flamme sur un coin de l'estrade. Son bras meurtri en heurta violemment le bord et il poussa un hurlement décharné et suraigu... presque féminin.

Le sort n'en ayant pas fini avec lui le souleva à nouveau et le laissa retomber mollement sur le côté, sur le sol de l'estrade. Un horrible craquement mou et gluant se fit entendre tandis qu'il roulait lentement vers Lola.

Son corps s'arrêta net car il avait buté contre le pîed de la jeune fille. Visage tourné vers le plafond, ses membres se raidirent à nouveau d'avoir eu à toucher le sol.

Les traits d'Apophis esquissèrent un semblant de grimace torturée alors que sa poitrine cherchait à se monter vers le haut -le sort rassemblant alors ses dernières forces.

Mais la Fin eut raison de sa volonté aussi bien qu'elle eut raison de Sykes. Le jeune homme gisait, inerte et sur le dos -ses yeux glauques et grands ouverts tournés vers un plafond qu'il ne regardait pas vraiment. Sa bouche éclatée, d'où coulait une rivière d'hémoglobine, était entrouverte sur une expression de brusque surprise. Ses traits n'étaient plus figés mais détendus, sans expression alors qu'il ne bougeait déjà plus...

Ses bras en croix avaient été placés ainsi par la puissance de l'impact de son corps sur cette piste d'atterrissage improvisée. Son bras droit avait pris un angle morbide -presque à 90 degrés- ce qui faisait que son coude faisait à présent face à son flanc, la paume de sa main tournée vers l'extérieur.

Le sang coulait de son corps et avait produit, tandis qu'il avait roulé sur lui-même tout à l'heure, une impressionnante traînée noire...
Mais le pire demeurait cette horrible protubérance qui jaillisait de sa cache thoracique et ressortait de ses vêtements noirs à présent fortement imbibés de sang.

Toutes les deux formaient la moitié d'une arche tandis qu'une troisième tentait de faire son apparition malgré la chair humaine qui l'entravait. Leur blancheur d'os contrastait avec sa tenue noire et profonde, s'élevant comme des flèches argentées, s'extirpant de leur carcan après 33 ans passés à protéger les organes vitaux du jeune homme...

Les autres côtes d'Apophis avaient pris une forme plutôt amusante au premier abord. Elles étaient rentrées les uns contre les autres, rendant ainsi son torse un peu plus petit qu'à l'ordinaire. Ormis les trois qui s'étaient arrachées de son sternum, le reste était à l'intérieur de son corps...

Une longue et pénible respiration sifflante se fit alors entendre. C'était Sykes qui, tant bien que mal, tâchait de reprendre de l'air et de se relever pour reprendre ses esprits...
Mais il n'eut même pas la force de se redresser convenablement, retombant mollement sur le sol tandis que l'air et la force commençaient à lui manquer...

"Ja... Jalyn, tâcha-t-il d'articuler en un mince filet de voix, Ja... Jalyn...".

Si Apophis ne pouvait ni la voir, ni l'entendre, c'était de même pour Lola, piégée d'elle même derrière son mur d'eau et suspendue par la cheville au dessus du sol qu'elle apercevait à peine. Les Avis avaient décampé et c'était tant mieux: son cou la faisait beaucoup souffrir, et au vu du sang qui coulait de son poignet, un petit Episkey n'aurait pas été du luxe.

A peine pensait-elle ça, cependant, que la force qui retenait son pied en l'air la lâcha, et Lola retomba comme un sac sur l'estrade qui en trembla, produisant un bruit sourd semblable au bruit d'un tambour de guerre. Lâchant un marmonnement gémissant, Lola ne vit pas que l'Aguamenti la suivait et... SPLASH! En un instant, le grand mur cylindrique lui était retombé dessus, comme une violente cascade; et l'eau l'inondait jusqu'à l'os.

Crachant le surplus d'eau, les yeux écarquillés, tremblante et perplexe, Lola écarta vivement le rideau rouge que formaient ses cheveux devant son visage. Trempée comme si elle venait de plonger dans une piscine glaciale, elle se releva maladroitement, ses hanches douloureuses là où elles avaient cogné le sol, sa tête endolorie, son cou tout brûlé et son poignet où le sang reprenait place.

Lola avait perdu son allure fière et raisonnable, ainsi ruisselante, ses vêtements lui collaient à la peau et sa coiffure n'était qu'une vilaine traînée qui dégouttait sur le côté. Mais pourtant, Lola en vint à sourire, presque jusqu'aux oreilles, et une intense impression de satisfaction, intense jusqu'à en être presque palpable, se dégagea de tout son être. Son regard de faucon en manque de chair à déchirer venait de se poser sur Sykes, malmené par les effets de son maléfice. Elle durcit sa prise sur sa baguette, rangeant distraitement celle de son adversaire dans sa poche arrière.

La situation avait quelque chose de très instructif. Ce sort, elle l'avait très peu utilisé dans sa vie; il n'était pas respecté par les Aurors et Lola n'avait pas tant d'ennemis que ça... aussi elle n'avait jamais pu en voir les effets exacts... Il fallait dire, en plus, que les admirer exercés sur Apophis Sykes avait quelque chose de jouissif...

Alors que son adversaire était balancé contre un mur comme une vulgaire poupée, Lola lâcha à son tour un rire gras et sadique, faux et feint, imitation parfaite de celui d'Apophis qu'elle voulait simplement singer. Son coeur dansait dans sa poitrine une sorte de gigue cruelle et joyeuse; oui, elle aimait voir souffrir et c'est ce qui lui faisait peur... Oh, elle y penserait après... C'était trop bon... Trop délicieux de le regarder gémir et se tordre...

Elle se mit à rire de nouveau, mais cette fois ci, c'était sa voix, son ton, ses soubresauts presque hystériques qui l'emplissait de cette hilarité malvenue. Ce fut presque un hurlement qui emplit la salle lorsqu'elle entendit Apophis... Crier comme une fille. Oh, oui, décidément, c'était trop bon...

Lola s'avança de quelques pas sur l'estrade souillée de sang et d'eau, la mine résolument sauvage. Ce n'était pas elle qui contrôlait directement la durée du maléfice, aussi il allait s'arrêter sans qu'elle ne le veuille, quand il "le voudrait". Ainsi, après un dernier cri d'Apophis, le dernier tressaillement du maléfice le laissa tomber sur le sol dans un craquement effrayant. Lola sursauta, calma un peu son rire, tandis que l'homme roulait à ses pieds. Elle leva légèrement la botte et son regard se fit condescendant.

Mince... Apophis saignait... Et beaucoup! Du nez, de la bouche, d'une petite plaie à l'arcade... Si Lola ne s'inquiéta pas plus que ça, c'est parce qu'elle n'avait pas vu l'immonde blessure de son thoras, tant son regard chercher à percer le sien. La mine compatissante d'une mère attentionnée sur son visage frappé d'ironie, Lola se pencha lentement sur le corps contusionné d'Apophis Sykes.

- " Cher, cher Apophis... Je crois que j'ai gagné... J'ai ta baguette..." susurra la rousse mesquine du bout des lèvres, agitant l'objet nommé entre ses doigts montés. "Tu ferais mieux... D'abandonner..."

Elle était assurée et hautaine, papillonnant des paupières comme une jouvencelle attendrie, sa bouche se tordant d'un rictus complaisant, son visage tout entier marqué d'arrogance. Elle semblait oublier qu'elle était couverte d'eau et plus si élégante que ça, tant sa position de dominante, de gagnante, de puissante l'enivrait. Elle allait... gagner.

Lola se mit à genoux juste à côte d'Apophis, son petit sourire rassurant aux lèvres, comme si elle veillait à son chevet et lui assurait que tout irait bien. Elle se pencha encore plus, jusqu'à presque coller son visage au sien, et l'eau qui gouttait de ses cheveux courait à présent sur les joues d'Apophis; et elle ne lâchait plus ce bleu pur d'un regard si gamin, elle avait perçu la respiration haletante d'Apophis comme un désir de parler, et elle eut raison.

"Ja... Jalyn, Ja... Jalyn..."

Lola cligna des yeux, vraiment surprise de la douleur dans sa voix. Etait-il si mal au point? Oh, il devait juste être sonné, mais quel comédien! Elle s'approcha encore un peu, murmura:

- " Qu'est-ce qu'il y a, mon petit Apophis...?"

En voulant se pencher au maximum, Lola avait appliqué doucement sa main sur le torse d'Apophis, avant de la retirer par réflexe. Son visage se teinta de surprise alors qu'elle quittait du regard ce pauvre visage souffreteux. Ses doigts étaient couverts du liquide poisseaux et épais.

Lola jeta un coup d'oeil au thorax d'Apophis et se mit à hurler. Hurler d'effroi, d'horreur, d'angoisse, de détresse... L'expression de grande diva dérangée s'était envolé de ses traits, elle n'était plus qu'épouvantée et surprise, la main devant sa bouche et les yeux écarquillés. Qu'avait-elle fait!? Elle l'avait tué!! Il allait mourir! Jusqu'à quand s'accrocherait-il à ce semblant de vie sans respiration; jusqu'à ce qu'une de ses côtes démembrées perce ses poumons?!

Lola se mit à pleurer et elle posa ses deux mains sur les joues d'Apophis, le maculant de sang, redressant sa tête blonde, son propre visage se tordant cette fois de douleur et de désolation. Gémissante, sanglotante, elle s'excusa:

- " Ce... ce n-n-n'était p-p-as prévu... Je suis... d-d-d-désolée... Je ne voulais pas..."

Et en un instant, elle se rendit compte à quel point elle avait pu être ridicule à savourer ce semblant de victoire, à savourer ce meurtre, quelques minutes plus tôt, et son air fier de grande conquérante n'aurait pas pu être plus grotesque armé de ses cheveux dégoulinants et de son maquillage chaotique; et ses vêtements tout froissés qui lui donnait l'air d'une noyée. Ses sanglots redoublèrent, elle tenta de dégager le torse d'Apophis tout doucement, avec ses gestes maladroits et répugnant à toucher les côtes saillantes. Il fallait l'emmener à Sainte-Mangouste...

- " Ap... Apo... Apophis il faut que... tu... tu abandonnes le... du... duel..." bégaya Lola d'un ton implorant - et rien n'aurait pu plus contraster avec ce qu'elle disait juste avant... "Moi, je... Je peux pas t'emmener à l'hôpital tant que... tant que tu n'as pas offi...officiellement... p-p-perdu... S'il-te... p-p-plaît..."

Elle poussa un gémissement plus fort à la vue entière de ce torse rabougri, ses larmes se mêlant en désordre à l'eau de l'Aguamenti. Elle ne pouvait pas quitter l'estrade pour appeler à l'aide, elle ne pouvait pas transplaner et elle n'était pas Guérrisseuse. Son coeur se compressa douloureusement alors qu'elle serrait dans la sienne la main d'Apophis.

- " Tu ne vas pas mourir... Tu ne vas pas mourir, ne t'inquiète pas..." psalmodia-t-elle d'une voix où l'inquiétude, pourtant, menaçait d'effrondrer le calme apparent. Lola semblait convaincue qu'il allait mourir sans soins immédiats...

La jeune femme se tourna vers la sortie, observa la pièce avec l'air de vouloir trouver de l'aide dans les murs, sur le sol, n'importe où. Il n'y avait aucune solution... Non! Elle ne pouvait pas le laisser mourir! On dirait qu'elle l'avait tué sciemment, de sang froid! Elle n'avait pas voulu ça! Elle voulait simplement... se venger! Pas le tuer! PAS LE TUER! Elle n'était pas comme ça, pas aussi cruelle...!

Brusquement, elle releva sa baguette, pleurant toujours comme une gamine privée de doudou, et la laissa juste au dessus de la grosse blessure.

- " Ferula!" marmonna-t-elle, mais rien ne se passa. "Ferula! Ferula, ferula, feru... Aïe!"

Au lieu de l'attèle qui aurait du apparaître et soulager Apophis, sa baguette ne renvoya qu'une petite onde électrique qui lui brûla les doigts. Elle lâcha l'instrument en se frottant la main, implorante, désespérée.

- " Je peux pas... te soigner... en duel... Abandonne... S'il-te-plaît..." chuchota Lola.

Et à genoux sur le sol sibérien de l'estrade laquée, à genoux depuis quelques minutes déjà, l'eau frappée par la petite brise anonyme sur tout son corps frissonnant; et la peur qui lui vrillait l'estomac; et son mascara qui coulait sur son fond de teint léger lui-même larmoyant face à ses lèvres; Lola comprit qu'elle avait froid. Amèrement froid.

" Qu'est-ce qu'il y a, mon petit Apophis...?", persifla Jalyn juste au-dessus de lui. Elle se pencha sur lui comme un assassin contenté face à sa mourrante victime. Elle appliqua légèrement sa main sur son torse lui arrachant un petit hoquet de douleur. Grâce au ciel, elle ne s’y attarda pas non plus.

Brusquement, il vit le visage ricanant et narquois de la jeune femme changer. Ses traits parcourus par une douce folie n’exprimaient bientôt qu’une profonde surprise. Elle l’observa un instant puis son regard se posa davantage sur son torse, sa cage thoracique.

La jeune femme poussa alors un hurlement emplit de terreur, plaquant sa main sur sa bouche en une expression tirée par l’effroi. Ses yeux écarquillés d’horreur ne cessaient de fixer ses côtes ressorties tandis que son expression se changeait pour bientôt se mouiller de larmes.

L’eau ruisselait de ses joues tandis qu’elle se rapprochait de lui, posant alors ses mains douces mais tremblantes sur le visage du mourrant.

« Ce... ce n-n-n'était p-p-as prévu... Je suis... d-d-d-désolée... Je ne voulais pas..."

Les yeux d’Apophis papillonnaient, n'arrivant à accrocher leur attention nulle part. La douleur ressentie était tellement intense qu’il n’arrivait plus à soutenir son attention plus d’une seconde.
Son visage commencait à devenir blanc, presque aussi blanc qu’un cierge tandis que ses lèvres tremblaient cherchant à laisser échapper des mots…
Mais il en était bien incapable.

Sa souffrance entamait voracement sa force vitale tandis que s’écoulaient sur le plancher les larmes de son sang.
Il devait être plus touché qu’il ne le pensait ! Comment des os compressés pouvaient-ils créer de tels spasmes ?

Il était au bord de l’évanouissement à chaque seconde pourtant cela n’aurait pas dû être le cas… On ne tourne pas de l’œil avec quelques côtes brisées.

Soit, il ne savait s’il minimisait la situation par rapport à sa gravité ou s’il avait raison de s’inquiéter sur son état… A vrai dire, l’inconscience le guettait à chaque moment. Comment son esprit aurait-il pu être sensé, comprimé de douleur comme il l’était ?

Un long gargouillis gras traversa de bas en haut le corps de l’Auror se répercutant sur les parois de sa gorge. Au même instant, il se tordit, torturé et incapable de respirer. Il hoqueta, cherchant à laisser passer ce spasme, secoué par sa souffrance puis, finalement, se mit à cracher du sang.

L’hémoglobine gicla se déversant de sa bouche emplissant cette dernière d’un arrière goût cuivré et dégoûtant, roulant le long de son menton blême. Apophis prit d’une violente quinte de toux tenta de se plier en avant, mais c’est à peine si son dos quitta le sol plus de deux secondes.

Il tourna vers Jalyn un regard inquiet et incrédule, cherchant en elle la réponse à ses douleurs, à ce qui se produisait à présent en lui.
Et ce n’est qu’en reprenant sa respiration qu’il comprit. Cette dernière était de plus en plus sifflante comme compressée dans un étau d’acier, incapable d’en sortir.

Un poids aussi lourd que du plomb faisait ployer sa poitrine droite, la pressant un peu plus comme un fruit trop mur comme si l’on cherchait à l’écraser pour quelle rejoigne les côtes de son dos…

Mais ses réflexions s’arrêtèrent là : Apophis poussa un nouvel hurlement lorsque Lola tenta de rentrer ses côtes à la main. Etait-elle folle ? Elle voulait le faire crever encore plus vite ?!

L’Auror serra les dents pour tenter de contenir l’odieux mal qui transperçait son corps à l’instant. C’est à peine s’il entendit les paroles de Lola le suppliant d’abandonner le duel…

La jeune femme redoubla alors de sanglots et parut se saisir de sa baguette. Il entendit qu’elle psalmodiait un sort, cherchant visiblement à le jeter sur lui.
Il s’agissait d’un Ferula mais manifestement celui-ci ne fonctionna pas et lui explosa dans les mains.

" Je peux pas... te soigner... en duel... Abandonne... S'il-te-plaît...", gémit-elle à nouveau.

Apophis tourna un regard fiévreux vers elle puis ferma les yeux cherchant à rassembler ses dernières forces. L’air commençait à se faire de plus en plus rare comme s’il avait été enfermé dans une pièce noire et confinée. L’espace d’un instant, il se demanda même si Lola n’en souffrait pas elle aussi…

Se concentrant au maximum, resserrant sa poigne sur la main de la jeune femme jusqu’à en trembler, il tâcha de prendre une grande inspiration.
Une fois qu’il fut prêt, il fixa le plafond d’un regard déterminé et lança à son attention :

« M… moi Ap… Apophis Ss… Sykes of… Woo... Woodbury, j... je déc... déclare for... forfait...”.

Au même instant ses forces le quittèrent ainsi que le charme qui opérait en lui. Le duel était fini, il venait de battre en retraite, et le serment qui le liait à son engagement disparut sous forme d’une fumée bleue et vaporeuse sortant de son corps meurtri.

Les limbes de cette brumes étincelante dansèrent quelques instants entre Jalyn et lui juste avant de s’évaporer dans la nature, disparaissant et emportant avec elles ses dernières volontés de vaincre.

Le visage d’Apophis Sykes était frappé d’une intense stupeur, fixant à présent le ciel. Brusquement, une nouvelle ombre de souffrance tordit à nouveaux ses traits juvéniles. Torturé, hoquetant, il resserra sa main dans celle de Jalyn.

Elle était sa seule planche de salut, le seul lien qui le retenait encore à la conscience.
Il roula des yeux injectés de sang vers elle et la fixa, ses lèvres tremblotantes sur un visage blanc comme s’il avait été maquillé.

Apophis inspirait à la fois peur et pitié. Peur car il n’était plus que l’ombre de lui-même et pitié car, malgré ce regard assurément adulte, il ressemblait à un petit enfant transi de froid et mourant dans sa propre misère. Il semblait si fragile, si impuissant.

Cet aspect d’homme cruel et mauvais venait de voler en éclat pour ne laisser place qu’à un gosse terrifié, en proie à ce qui était sûrement la chose la plus difficile contre laquelle il avait eu à lutter…

Il tâcha de se rapprocher de Jalyn, hoquetant à mesure qu’il essayait de sortir le moindre son. Sa main était comme un appui dans laquelle il réussissait encore à trouver la force de combattre le sommeil délicieux qui l’envahissait.

Il « palpait » la réalité et ainsi gardait encore le contact avec le monde qui l’entourait, ne sombrant pas dans le néant de l’inconscience…
Une fois qu’il fut suffisamment près –son nez à hauteur du sien, comme dans un ultime baiser- il commença à articuler, tremblant d’efforts :

« L…Lola… je…j’ai… ».

Une nouvelle grimace de douleur. Cette sournoise souffrance ne voulait pas le laisser parler ! Elle ne voulait pas qu’il dévoile son secret pour qu’ainsi il soit sauvé !

La Mort avait refermé sa main décharnée sur son épaule et ne le lâcherait plus ! Il fallait qu’il se concentre et fasse le plus d’efforts possibles ! Il fallait qu’il se batte !

C’est alors qu’une idée lui traversa la tête. A défaut de pouvoir parler, il allait lui faire toucher…
Il resserra brusquement son étreinte sur la main de la jeune Auror, lui tendant un regard sévère et dur au cas où elle aurait voulu s’en défaire.

Rapprochant sa main et la sienne, il apposa cette dernière qui frôla à tâtons le tissu de sa poitrine droite. Il poussa sur ses phalanges, la forçant ainsi à sentir un léger renfoncement juste en dessous de son sein.
Il hocha lentement et sagement la tête lorsqu’il vit qu’elle avait compris. Et, dans un ultime souffle, il lui répondit :

« P… per… percé… ».

Il cligna des yeux un instant. Une douleur intense venait de frapper son cerveau comme un rude coup de massue. L’Auror se sentit vaciller, en perdit ses sens et le contact avec la réalité.

Sa main se resserra sur celle de Lola mais en vain. Il ne pouvait plus compter sur ses forces, elles l’abandonnaient tandis que l’air qu’il avait dans son unique poumon commençait à se vider lentement.
Il ne trouvait plus le courage de lutter. La souffrance le torturait trop et allait bientôt avoir raison de lui.

Il tourna un dernier regard vers Lola et feint un sourire. Quelque part, la situation était particulièrement teintée d’ironie. Il se retrouvait devant sa jeune ennemie pour lui demander de l’aide et pour le sortir de là.

Qui plus est, il s’abandonnerait bientôt à elle, la douleur était trop dure à supporter pour rester conscient… Elle pourrait ainsi faire ce qu’elle voudrait de lui. Et il savait qu’elle en était capable, même si elle se répandait en sanglots de terreur et en excuses terrifiées…

Il papillonna des yeux et fixa ainsi le plafond comme s’il attendait un dernier geste de la part du divin. L’épuisement commençait à le gagner, le plongeant peu à peu dans une délicieuse torpeur… Il s’y laissa glisser, que pouvait-il faire d’autre ?...

Il ferma lentement ses paupières, goûtant à ce bonheur exquis, à ce semblant de mort...
Son visage fut comme frappé de lumière. Ses traits se détendirent, le faisant ainsi ressembler à un cherubin endormi sur lequel les affres de la souffrance ne viendraient pas planer.

Grelottante dans ses vêtements trempés, Lola était toujours penchée sur Apophis, guettant le moindre souffle, la moindre parole, comme une amante soucieuse sur le lit de mort de son très cher. Apophis voulait lui dire quelque chose, et malgré sa répugnance à approcher d'encore plus près ce visage blafard, Lola colla presque son nez au sien.

Dans d'horribles hoquets plein de douleur, Apophis se mit à cracher du sang, sous les gémissements déchirants de Lola qui enleva ses gants. Elle guida ses mains tremblantes jusqu'à la bouche de son ennemi qu'elle essuya presque tendrement, passant sur les bordures des lèvres et dégageant son menton. Elle retint sa tête surélevée jusqu'à ce que l'élancement cruel se soit calmé; ses sanglots éclatèrent de nouveau.

Qu'avait-elle fait...? Comme un poids écrasant comprimant ses épaules, ses tripes, sa gorge, Lola se rendait compte de la puissance de sa cruauté; elle se dégoûtait d'être tombée à ce niveau pour un simple duel... Finalement, à vouloir se venger d'Apophis et de son côté hystérique, elle en était devenue pire que lui... et l'avait tué...

- " Non... Non... Je ne t'ai pas tué... Je... C'est pas..." murmura-t-elle, perturbée, passant ses pouces sur les joues creusées du pauvre Apophis.

Ce dernier la fixait, incrédule, et Lola ne pouvait que comprendre son air incompréhensif; il mourrait. Il mourrait et la seule chose qu'il avait en face de lui, c'était une rouquine trempée au mascara dégoulinant qui pleurait à chaudes larmes en le serrant contre lui. Car Lola venait de se coller contre Apophis, fourrant sa tête sur son épaule et lui sanglotant dessus, sans comprendre elle-même sa réaction.

Ce moment de faiblesse ne dura pas longtemps et elle se décolla, le visage ravagé, tentant de capter chaque bride que pouvait souffler Apophis dans sa trop grande douleur. Si elle avait pu savoir, sentir un infime morceau de sa souffrance, de sa torture...

De la sueur perlait sur le front d'Apophis et pourtant celui ci paraissait mourir de froid. Lola sentit la main de l'homme se caler dans la sienne et elle serra les doigts autour des siens sans se poser de questions, mêlant le sang qu'elle avait sur la paume à sa poigne horriblement glaciale. Elle en vint à comprimer ses deux mains sur celle d'Apophis, secouée par ses pleurs inconsolables.

« M… moi Ap… Apophis Ss… Sykes of… Woo... Woodbury, j... je déc... déclare for... forfait...”

Une étrange sensation se répondit dans son corps, comme un baume bienfaiteur, et Apophis devait ressentir le contraire à mesure que le brume bleue s'élevait de leurs corps. Cela s'effaça bien vite pour ne laisser qu'une grande crevasse au fond de son estomac, et le froid retomba sur ses épaules et sur les siennes, à lui qui se tordait. Quelques minutes auparavant, elle aurait pu se satisfaire de le voir souffrir. Elle aurait même pu se satisfaire d'avoir remporté le duel de sa vie.

- " C'est... C-c-c-'est très b-b-bien... C'est fini, Apophis. C'est fini. Tout va bien aller."

Les lèvres d'Apophis s'agitèrent. Lola tendit un regard suppliant à la porte de sortie, elle aurait voulu que quelqu'un y apparaisse, là, maintenant, pour venir l'aider à sauver le grand blond rougeâtre. Mais il n'y avait personne. Et il n'y aurait personne avant demain matin. Elle était seule avec un Apophis agonisant, et il fallait l'accepter. Lola n'avait plus qu'à le laisser mourir entre ses bras blancs de pleureuse romaine. Les autorités comprendraient. Elle n'irait pas à Azkaban. Tout se passerait bien. Elle n'aurait pas de problè...

« L…Lola… je…j’ai… »

Brusquement, dans un mouvement qui fit voleter ses cheveux ruisselants et étala de larges gouttes d'eau sur le visage d'Apophis, Lola tourna la tête vers le mourant, complètement effarée par les pensées qui venait de traverser son esprit malade. Elle avait été capable, l'espace d'un instant, de regarder expirer Apophis... sans rien faire... Elle avait même établi son plan pour s'en sortir par la suite... Elle était ignoble...

- " Qu'est-ce qu'il y a...? Vite, dis le moi! Je dois aller chercher du secours!" pleurnicha-t-elle précipitemment, amorçant un geste pour se redresser.

Mais Apophis venait de faire un geste très étrange. Au départ, il n'avait que comprimer un peu plus sa pauvre main compatissante, puis il l'avait mené à son horrible cage thoracique défoncée, l'avait forcé à toucher les côtes qui en ressortaient. Touts les traits anguleux de Lola se froncèrent, se plissèrent de répulsion, de plainte, de douleur. Elle gémit en tirant sur sa main, mais même dans la mort Apophis était le plus fort... Il l'obligea à tâter le renfoncement morbide alors qu'elle détournait la tête.

- " Arrête... Arrête, non, je veux pas... Faut que j'aille chercher du secours... Je veux pas..." se lamenta-t-elle.

« P… per… percé… ».

Un haut le coeur secoua très perceptiblement le corps de Lola, alors qu'elle fermait les yeux si fort que des rides apparaissaient un peu partout sur son visage. Sa main glissait lentement hors de celle d'Apophis.

- " J'ai remarqué..."

La conscience abandonnait peu à peu Apophis et sa tête roula sur le plancher après un dernier sourire qu'il lui adressa péniblement, du bout des lèvres. Ses yeux bleus se perdirent sur le plafond; Lola tira d'un coup sec sur sa main pour la libérer de l'étreinte moribonde.

Pendant un instant, elle resta sur les genoux à observer sans expression Apophis, son visage, ses yeux et ses joues, sa bouche et son torse, sans comprendre cette fixation. Le temps s'était figé comme sa respiration et elle entendait les secondes ramollir dans leurs tic-tac fatigués, répétitives dans son esprit. Elle tremblait toujours, sa bouche était ouverte, celle d'Apophis aussi.

Lola se redressa dans un geste, perdit l'équilibre, sauta par dessus l'estrade. Elle se mit à tirer les vêtements d'Apophis, mais elle ne pouvait le déplacer. La lévitation serait dangereus et peu précise, et elle ne pouvait transplaner. Lola réfléchissait vite, enfin, et dans la précipitation, sa tactique était toujours indemne. Elle fonça vers la porte d'entrée, et elle se rendit compte qu'elle avait toujours froid. Qu'elle avait toujours mal.
Qu'elle pleurait toujours devant l'écran opaque de ses yeux humectés.

Lola ouvrit la porte à la volée, trempant tout à son passage, et elle se mit à hurler de toute la force de sa voix. Hurler comme s'il ne restait plus que ça à faire. Comme si cela pouvait le sauver, la sauver, le dernier raccord à la vie. Dans les couloirs, sa voix ricocha et faiblit à mesure qu'elle s'éloignait.

- " AU SECOURS! AU SECOURS! APOPHIS SYKES EST EN TRAIN DE MOURIR DANS LA SALLE DE DUEL! AU SECOURS! S'IL-VOUS PLAIT! AU SECOURS!"

Des Aurors, des gens de la Brigade, beaucoup d'hommes baraqués en fait, étaient venus voir en salle de duel et avait découvert le corps à peine vivant d'Apophis Sykes. Il avait aussi trouvé une jeune femme recroquevillée et toute dégoulinante dans un coin des couloirs, assise par terre et remuant la tête, bougeant d'avant en arrière en marmonnant dans sa barbe. Il lui avait assuré qu'ils mèneraient Apophis à Sainte Mangouste, et d'ailleurs, c'est ce qu'ils avaient fait. Très rapidement.

Un patronus d'un Médicômage Guérisseur en chef de l'hôpital magique avait annoncé qu'Apophis était hors de danger.

Lola s'était remise. Elle s'était relevé, le regard vide, et un Auror - celui qui avait été chargé de nettoyer le sang sur l'estrade de leur duel et de s'assurer de la validité de celui-ci en tant que témoin extérieur - l'avait croisé dans le couloir. Etonné, il lui avait dit qu'il était le dernier à partir à Sainte Mangouste pour se rendre compte de l'état de Sykes, et qu'elle avait apparue bien désolée à l'idée d'avoir blessé le blond. Voulait-elle venir? C'était le dernier départ, il lui avait dit. Oh, et elle avait froid, n'est-ce pas, mademoiselle? Un chocolat chaud, au dernier étage de l'hôpital, ça lui disait?

Non, ça ne lui disait pas, merci. Elle verrait Sykes une prochaine fois. Elle n'allait pas bien, désolée.

Lola s'assura que l'Auror avait disparu pour s'adosser complètement au mur blanc et lever les yeux au plafond. Son visage était impénétrable et elle croisa les bras. Elle pensait, réfléchissait au duel, à ce qu'elle avait fait, comment elle avait réagi, l'état de son adversaire... Car il restait un adversaire, et jusqu'à la fin cela demeurerait.

Et puis Lola fut saisie par une idée délicieuse enivrante, séduisante.

Elle avait gagné son duel. Elle avait vaincu Apophis Sykes et il avait failli mourir sous sa puissance.

Et Lola, dans l'obscurité du couloir, se mit à sourire.